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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 14/07/2015 à 19:20
» Dernière mise à jour le 15/07/2015 à 18:06

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Chapitre 55 : Herbert
Cela faisait dix jours que je me trouvais dans cette cellule. Depuis l'attaque de Gefat et ma défaite contre H, je n'avais pas vu la lumière du jour. La trappe placée sous la porte, et qui s'ouvrait toutes les douze heures pour me faire passer un maigre repas, était mon seul lien avec l'extérieur. Je n'entendais rien, j'étais seul avec mes pensées et j'espérais seulement que l'Inquisition vienne sous peu me délivrer. En attendant, je ne pouvais rien faire de plus que me questionner sur cette nuit qui avait tout changé et pleurer la mort de Charles.
Mes pensées étaient mes seuls compagnons, du moins jusqu'au dixième jour, ou du moins ce que je pensais être le dixième jour puisque je n'avais aucun moyen de le savoir. Ce fut à ce moment qu'il entra dans la pièce.
Quand la porte grinça je ne le relevai même pas le regard vers lui, trop faible pour faire le moindre geste. Je n'entendis que le grincement des gonds et sa marche ferme sur le sol dur contre lequel je dormais chaque soir.

La personne qui venait de rentrer s'arrêta devant moi et je pu poser les yeux sur ses chaussures de cuir déchirées, vieilles de plusieurs années sans doute, et sur le bas de son jean légèrement effiloché. Une ou deux secondes passèrent dans un silence de plomb puis je sentis l'air vibrer et une douleur cuisante parcourut mon visage. Un claquement résonna dans la pièce. La gifle que m'adressa mon visiteur m'obligea à relever les yeux et à le regarder en face.
« H... »
Je murmurai cette lettre maudite entre mes lèvres, trop faible pour parler distinctement. Et, malgré toute la colère que je ressentais à l'égard de l'homme qui avait détruit ma vie, j'étais incapable de lui sauter à la gorge pour l'égorger comme me l'incitait ma conscience.

« Qu'est ce qui t'as prit d'attaquer Gefat comme ça ? Tu es inconscient ou juste stupide ? Explique-moi, je veux savoir ! »
Ses mots me faisaient lentement sortir de ma torpeur. Comparé à notre rencontre dans le complexe il prenait un ton drastiquement différent qui me rappelait de vieux souvenirs, ceux de l'orphelinat de Fan, quand H était devenu une ancre dans mon monde en perdition. Je relevai un peu plus les yeux et le fixai ; petit à petit la colère s'évacuait pour laisser place à l'incompréhension. Au fond de moi je gardais toute la haine accumulée durant des années à son égard, tout mon dégoût pour les actes de cet homme lors de l'incendie de Fan, pour ce chien d'un gouvernement dont l'ossature pourrissait de jour en jour. Mais ce n'était plus ces sentiments qui primaient. Sans doute à cause de la faim et de la fatigue, de mon incapacité à bouger aussi... Je n'en savais rien ; je voulais des réponses alors j'entrai dans son jeu.
« Faire quoi ?
– M'attaquer, ruiner toutes ces années d'efforts, je ne sais pas. Tu pensais à quoi en t'en prenant à ce complexe, que tu allais gagner ? Tu pensais sincèrement qu'Aimé ne s'était pas rendu compte que tu étais en train de t'attaquer à lui d'un peu plus près ?
– J'avais pris des précautions et... »
Une autre claque me gifla le visage.

« Et quoi ? Cullen ? Le rendez-vous à Unys avec Kruger et ses copains autour d'une table ? Vous le saviez pour la taupe, les taupes... Le gouvernement d'Unys n'est plus sûr depuis des années, même votre Inquisition ne tient plus debout. Les gens en ont marre de cette guerre, ils savent que tout est couru d'avance. Tu n'imagines pas le nombre d'hommes qui sont passés de l'autre côté, c'est à cause d'eux qu'Unys est tombé. »
Cette fois je pris une claque, mais non pas physique. Mon esprit chamboula d'un coup en entendant la déclaration de H. Ma bouche s'ouvrit en grand pendant que toutes les questions que je me posais sur le docteur volaient en éclats pour ne laisser place qu'à l'image d'un bateau chavirant au cœur de la tempête, écrasé sous le poids du soir. Et moi de répéter bêtement :
« Unys est tombé ?
– Il y a cinq jours, peu après votre attaque. Kruger a été assassiné dans ses bureaux, Volucité a subit en même temps une attaque de la part des infiltrés d'Aimé. Et sans leur chef, presque toute l'armée a immédiatement laissé tomber les armes. La moitié de tes hommes t'ont quitté, les autres sont morts. Il en reste sans doute quelques uns en cavale mais je doute qu'ils fassent long feu. »

Mon corps était vidé par ces dix longues journées de souffrances et mon esprit reçu à son tour un choc sans précédent. L'Inquisition et Unys étaient aux mains de l'ennemi ; du moins si j'en croyais les mots de H. Et quelle raison avait-il de mentir ? Des centaines. Après tout il était le bras droit du dictateur, il avait mit le feu à l'orphelinat de Fan et tué des centaines d'enfants, le tout sans une once de scrupule. Ce n'était pas vraiment le portrait craché de l'homme de confiance. Comment le croire sur parole ? Il était peut-être venu me rendre visite pour me détruire avant de me soutirer quelques précieuses informations. Mais je ne dirai rien du tout, rien qui ne...
Un sifflement résonna dans ma tête. Non, ce n'était pas cela. H n'était pas celui que j'avais rêvé de tuer durant toutes ces années. Ces paroles ne collaient pas à l'image de celui qui s'était dressé ce soir-là, pistolet dans la main, fumant. Quelque chose clochait.
« Pourquoi tu... »

Mais il m'interrompit directement, sachant pertinemment ce que j'allais dire.
« Pourquoi je ne suis pas comme l'autre soir ? Parce que personne ne nous écoute, réfléchis. »
Et aussitôt je repensais à cet homme en blanc dont la voix remuait mes souvenirs. Celui qui avait tué mon père sans le moindre scrupule avant de s'en réjouir.
« Tu pensais à quoi toutes ces années ? Sérieusement à me tuer, pour quelle raison ? Assouvir une vengeance ?
– Tu as brûlé Fan...
– C'est ce que tu as pensé tout ce temps ? Jake j'ai placé énormément de mes espoirs en toi mais tu me déçois. »

Il marqua une pause et baissa le regard au sol, ses yeux cachés derrière ses lunettes noires. Puis, au moment de relever la tête, je vis quelques larmes couler derrière les immenses verres.
« Tu pensais sincèrement que j'avais tué ma fille ? Tu penses que j'ai tué Mathilde après tout ce que j'ai fait ? »
Il criait.
« J'ai abandonné ma femme et mon aînée il y a des années pour donner mon cerveau à Aimé, pour être en mesure de faire des recherches pour que Mathilde arrête de se réveiller toutes les nuits, de me supplier de détruire les fantômes, de crier dans la rue en se roulant par terre car l'un d'eux venait d'apparaître ! Tu penses que j'ai tout détruit, tous mes rêves, pour simplement orchestrer cette tuerie en bon chien d'Aimé ?
– Je t'ai vu... Cette nuit... Tu l'as tué. »
Il se sécha les larmes du dos de sa main et soupira. « Oui, je l'ai fait. Cette nuit je vous ai sauvé la vie, à toi et à Bill pour que vous puissiez vous enfuir.
– Elle nous aidait. »

Il secoua la tête. « Tu es idiot, Jake, totalement idiot. Et dire que pendant autant d'années j'espérais que tu allais comprendre. J'ai cherché à te joindre, des centaines de fois pour que tu saches la vérité mais Aimé me regardait sans arrêt.
– Tu mens...
– Après tout j'ai fait à Fan des choses impardonnables envers lui. Et il se doute de certaines. G est tout le temps sur mon dos ou presque, il me surveille. Bien entendu il ne peut pas me tuer, je suis trop important pour lui et ses ambitions, mais tout de même...
– Menteur ! »
J'ai trouvé un peu de force en moi, juste assez pour me dresser et lui coller mon poing dans le ventre avec rage. Il a chancelé, reculé légèrement contre la porte et m'a adressé un regard. Celui-ci était à la fois empli de peine et de tristesse.

« Jake, repense à cette nuit et à tout ce qu'il s'est passé à l'orphelinat, fais moi le plaisir de faire ce que tu n'as pas fait pendant toutes ces années : réfléchir.
– Casse-toi. »
Je ne voulais plus le voir, je ne voulais pas imaginer une seconde que toute ma vie avait été dédié à une erreur. Il mentait, c'était certain, cela ne pouvait être autrement.
« Une dernière chose, me demanda-t-il avant de sortir, Olivia sait-elle que je suis en vie ? »
Il me prit de court. De toutes les questions qu'il pouvait me poser, c'était de loin celle à laquelle je m'attendais le moins, sans doute à cause de l'image de lui que j'avais gravé dans mon esprit durant tout ce temps et que je m'étais forcé d'entretenir.
« Elle ne sait que pour Mathilde, répondis-je avec hésitation. Je n'ai rien dit de plus, Herbert. »
Sa main glissa contre la poignée et il s'apprêta à sortir. Puis, avec un sourire il m'adressa un mot. Je ne sus s'il disait cela parce que j'avais caché à sa fille aînée la vérité ou car je l'avais appelé par son prénom. « Merci. »

Puis de nouveau je fus seul, l'esprit intensément plus troublé qu'il ne l'était quelques minute avant.
Et je me mis à hurler.