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Legendary Bonds de Clafoutis



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» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 21/06/2015 à 22:45
» Dernière mise à jour le 21/06/2015 à 22:45

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Chapitre 22 : Règles de vie.
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Mercredi 3 février
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Aujourd'hui, Sofian Aaken était déterminé. La veille, lors de la visite de la maison hantée, il avait été un peu vache avec Camélia Rozelia. Maintenant qu'il y repensait, jouer avec ses peurs les plus profondes n'était peut-être pas une si bonne idée. Il se promit que la prochaine fois qu'il le referait, il irait un petit peu moins loin. Eh oui, Sofian était un homme qui savait retenir les leçons.
Le brun ne pouvait pas laisser Camélia lui faire la gueule indéfiniment, et ce pour une très bonne raison. Dans le groupe, Camélia était la seule qui tombait toujours à pieds joints dans ses plaisanteries de mauvais goût. Ilyana l'ignorait, Nelly parlait rarement, Miya allait toujours dans son sens et Julio était coincé dans sa misogynie. Si Camélia l'ignorait aussi, de QUI Sofian pourrait-il se moquer en longueur de journée ? Non, il fallait rétablir l'ordre naturel des choses. Camélia était une cible facile de moqueries et elle devait le rester. C'était pour toutes ces pertinentes raisons que Sofian avait décidé de passer ce mercredi à « l'opération pardonnage », qui consistait, comme son nom l'indique, à se faire pardonner. Et pour cela, il ne comptait pas lésiner.

– Mademoiselle, voudriez-vous prendre un sucre avec votre thé ?
– …...

Droit comme un I et un somptueux plateau argenté garni de nombre de pâtisseries et boissons à la main, Sofian Aaken se tenait devant la table de Camélia, dans sa salle de classe. Situation tout à fait naturelle dans un lycée.

– J'espère que ceci sera à votre convenance, continua le brun en posant le plateau sur la table.
– …...
– Et pendant que vous dégustiez votre petit-déjeuner...

Soudain, Sofian sortit un petit mouchoir de soie et s'accroupit.

– … laissez-moi cirer vos chaussures !
– …...

Et il s'exécuta, pendant que Camélia se demandait sérieusement pourquoi elle n'avait pas emmené un fusil à pompe avec elle aujourd'hui. Dans la salle de classe, cela jasait énormément pour plusieurs raisons assez légitimes. Déjà, de voir une espèce de majordome servir le petit déjeuner et de cirer les chaussures d'une de leur camarade était assez exceptionnel, mais en plus l'action se déroulait en plein milieu d'une heure de cours, sous les yeux ébahis du professeur.

– … S-Sofian..., lâcha finalement Camélia.
– Ah ! réagit vivement ce dernier tout en continuant sa tâche. Non, ne me remerciez pas ! Je ne fais que mon devoir, c'est naturel !
– Non, ça ne l'est pas !!

Heureusement pour Camélia, Sofian était accroupi, par conséquent, il était bien plus aisé pour elle de lui défoncer le crâne à coup de pieds.

– Waaah ! paniqua Sofian. Qu-qu'est-ce qu'il vous arrive ? Serait-ce la chocolatine qui ne serait point à votre goût ?!
– Sors d'ici, crétin !!


Et Camélia lança vivement le plateau argenté sur Sofian, l'impact fut si violent que le pauvre brun entendit les trompettes de jugement dernier avant de s'évanouir. Fulminante, la présidente du conseil des élèves se leva, prit un balaie et envoya « le nuisible » inconscient à l'extérieur comme de la vulgaire poussière.

– … quoi ?! siffla puissamment Camélia à l'adresse du reste de la classe. Pourquoi vous me regardez comme ça ?! Et vous le professeur, continuez votre cours, et que ça saute !!
– OUI !! s'empressa d'acquiescer la classe au grand complet.


***

– Gnnnh...

Sofian ouvrit lentement les yeux, avec un énorme mal de crâne. Il était allongé dans un lit assez rustique mais néanmoins agréable. Il lui fallut une bonne minute pour se rappeler des événements précédents.

– …. ah oui... Elle m'a jeté le plateau en pleine poire et je me suis évanoui... mmh... je me demande si j'ai fait quelque chose qui l'a contrariée ?

Et alors que le brun était plongé dans ses réflexions, un fait beaucoup plus effrayant le frappa.

– … un instant... je me suis évanoui... et donc... je suis à l'infirmerie... ce qui veut dire que … !!
– Youhou ! Mon chou !
– … !!

Comme pour confirmer ces craintes, un grand et imposant homme chauve en petite tenue d'infirmière rose se précipita vers lui en se dandinant exagérément.

– V-vous !! geignit Sofian en se recroquevillant.
– Ouhouhou ! Mon mignon, je t'ai déjà dit d'arrêter de me fixer comme ça, ça ne se fait pas voyons, ouhouhou !

George Rougela, « l'infirmière » du lycée. Sofian aurait tout fait pour l'oublier à jamais. Un imposant homme chauve se prenant pour une femme, débordant de mimiques toutes aussi dérangeantes les unes que les autres. Sofian ne comprenait vraiment pas ce que ce type, qui avait littéralement un Pegi 18 sur la tronche, faisait à travailler ici, dans un lycée.

– Gnnn ! Dire que j'ai réussi à vous éviter pendant 21 chapitres ! … aïe ! Mon crâne...
– Voyons mon chou, reste calme, c'est pour ton bien. Si tu veux, tante George peut te faire un gros gros poutou magique pour te faire guérir plus vite !
– N-non ! hurla instinctivement Sofian. T-tout mais pas ça !

Brusquement, l'infirmière recula toute rouge.

– T-tout ? répéta George. Tu veux que je te fasse tout mon chou ? Ouhouhou ! Tu es vraiment un audacieux toi, ouhouhou !
– Gnnn !! J-je veux partir !!
– Ouhouhou ! Mais je plaisantais mon chou, tu sais bien que je ne peux pas toucher un élève, ce ne serait pas bien... même si des fois, la passion nous fait oublier les concepts de bien et de mal... hihi !
– … !!

Et alors que George s'approchait lentement de son patient, le souffle chaud, Sofian fut soudain gorgé d'énergie du désespoir, se leva et s'enfuit sans demander son reste.


– Ôôôh..., sourit George. Il est si timide !

***

– Aaff..aaff...

Enfermé dans sa salle de club, Sofian respira à grand coup, histoire de se remettre de toutes ces émotions. Entre la colère inexpliquée – ? – de Camélia, et le retour du diable, alias George Rougela, le pauvre Sofian ne savait plus où donner de la tête.
Le brun regarda l'horloge de la salle, 10 heures 20. Il frémit. En sachant qu'il est intervenu dans la classe de Camélia vers 8 heures, cela signifiait qu'il était resté convalescent au moins au moins deux heures. Deux heures dans l'infirmerie de George. Deux heures, inconscient. Deux heures, sans défense.
Finalement, Sofian décida de ne plus trop y penser, pour son bien être personnel.
Non, il opta plutôt pour reprendre son objectif du jour, à savoir « l'opération pardonnage ». Vu que Camélia lui avait donné quelques coups de pieds, puis envoyé un plateau à bout portant en pleine poire, Sofian imaginait que l'objectif n'était pas encore rempli. Pourtant il était certain que les filles aimaient bien qu'on s'occupe d'elles... il l'avait lu dans un magazine féminin ! Le plan était sans faille ! Camélia était sûrement plus compliquée que la moyenne...
Mais Sofian n'allait pas rester sur cette défaite, non. Il était temps d'enclencher l'étape 2 de son plan ! Sofian sortit fièrement son portable et...

[ A l'aide !! ]
[ Nel' : Ça n'a pas fonctionné. ]
[ Nel : N'est-ce pas ? ]
[ Oui... :'-( ]
[ Nel' : Je te l'avais dis ]
[ Nel' : Que les magazines féminins
[ Nel' : n'étaient pas une bonne idée ! ]
[ Nel' : (3_3)/ ]
[ … je ne sais plus quoi faire ! ]
[ Nel' : Pourquoi ne pas t'excuser simplement ? ]
[ Nel' : u_u ]
[ Mais c'est justement ce que j'ai essayé de faire ce matin ! ]
[ Nel' : … essaie en peu plus simplement alors ? ]
[ … je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire... ]
[ Nel' : (o.o) ]

Et ce fut le dernier message de Nelly. Cette dernière avait sans doute abandonnée devant l'ampleur de la tache, mais qui pouvait la blâmer ? Un peu dépité, Sofian relut moult fois la petite conversation. S'excuser simplement ? Qu'est-ce que cela pouvait-il bien vouloir dire ?

– … Mmmh...

Et Sofian rentra dans une longue et intense réflexion.

***

Confiant et gonflée à bloc, Sofian abattit bruyamment sa main contre le bureau, surprenant ainsi les pauvres âmes qui travaillait ardemment en ces lieux.

– Je m'excuse un peu plus simplement !
– …..

Un long silence envahit la salle du conseil des élèves. Bien assise derrière son bureau attitré, Camélia lança un regard d'une froideur insoupçonnée vers Sofian.

– … tu viens même me faire chier ici ?

Visiblement, « l'opération pardonnage » connaissait quelques difficultés.

– Gasp ! geignit le brun. J'étais pourtant sûr, après une heure de méditation à atteindre le Nirvana, que ma réplique était infaillible !! Où ai-je bien pu faire une erreur ?!
– Je te l'ai déjà dit, soupira Camélia, ton existence même est une erreur... si tu es venu juste pour faire le pitre, la porte te tend les bras, on est suffisamment occupé ici...
– Oh ?

Maintenant qu'il y repensait, au moment où Sofian fut entré dans la salle du conseil des élèves, il avait été légèrement surpris par l'ambiance très studieuse de l'endroit. Bien plus que d'habitude. Et il savait de quoi il parlait, lui qui avait squatté cette salle presque trois mois pour la création de son club. Peut-être que quelque chose de grave se passait au lycée... finalement la curiosité mal placée de Sofian balaya complètement son objectif premier.

– Qu'est-ce qu'il se paaasseuh ? sourit t-il gaiement.
– … j'ai salement envie de te frapper là..., grogna Camélia.

La présidente secoua la tête l'air de dire « Bah, c'est un idiot, inutile de s'intéresser à cet être dont la valeur n'égale même pas celle de la moitié de l'excrément d'un Magicarp... »

– Hé ! protesta vivement Sofian. J'en vaux au moins les trois-quart !!
– … hein ?
– … euh... ah non oublie, j'ai juste un peu trop interprété ton mouvement de tête, fais pas attention, héhé...
– Tu devrais sérieusement penser à changer ton cerveau... bref, tant que tu es là autant être utile. Tu te souviens du tournoi d'évaluation ce lundi ?

Sofian plissa les yeux, étonné par cette question inattendue.

– Celui où tu as perdu tout ton argent ?
– … grbl... mouais.., grogna méchamment Camélia. Et tu te souviens aussi de celui qui est arrivé en tête chez les premières années ?
– Bien sûr ! assura Sofian. C'était... euh...mmh...

Le brun ferma les yeux, tentant vaillamment de déterrer ses plus profonds souvenirs. Une minute plus tard, il les rouvrit, comme illuminé.

– Nope ! Aucune idée !
– Étrangement, je l'attendais celle-là. Enfin, pour le coup c'est presque normal, puisque personne ne s'en souvient.
– Euh... je ne suis pas sûr de comprendre...
– C'est pourtant simple, soupira Camélia, strictement personne ne se souvient de lui ! Que ce soit son nom ou à quoi il ressemble, rien, nada !
– Au risque de paraître idiot, pourquoi ne pas consulter la liste des participants ? Son nom doit au moins y figurer !
– Pour qui tu nous prends ? grogna Camélia. Évidement qu'on y a pensé, mais son nom a complètement disparu, comme si quelqu'un s'est amusé à effacer toute trace de lui. Pff, et ça commence à faire du bruit pas possible cette histoire... Et comme d'habitude c'est au conseil des étudiants de trouver une explication à cette histoire, cet inutile proviseur était trop occupé à se gratter son cul de Miasmax dans son gros fauteuil graisseux !
– … tant de poésie en une phrase, j'en pleurerais presque !
– Gnn... c'est ça, moque-toi de moi...
– Haha, mais j'avoue que c'est assez étonnant cette histoire. Personne ne se souvient de lui, hein ? Pourtant il s'est hissé au top-classement des premières années, logiquement il devrait être connu !
– Et pourtant, soupira Camélia, nous avons vérifié les registres de toutes les premières années et il n'y a absolument rien à signaler. C'est comme si ce type était apparu de nulle part, uniquement pendant le tournoi, sans que personne ne remarque de rien...
– … un peu comme Nelly ?
– Ce n'est pas vraiment pareil, le proviseur a inscrit Nelly sur la liste de deuxième années. Techniquement, elle fait partie de l'établissement maintenant. Or, ce type n'a pas été et n'est pas inscrit dans ce lycée. Il est apparu comme ça, et pouf, il a disparu sans laisser de trace !
– … un peu comme un fantôme..., murmura Sofian.

À ces mots, Camélia serra les dents, tremblant légèrement.

– Un-un fantôme..., répéta t-elle fébrilement. N-non, c-ce n'est pas rationnel...
– … je ne sais pas si l'on peut encore parler de rationnel lorsque nous vivons dans un monde où la moindre petite créature sauvage est capable de déchaîner les éléments...
– Ggnn ! Je te dis que c'est impossible ! cracha furieusement Camélia. Si je le dis, c'est que ça l'est !
– Kyaaa ! Ok, ok, je te crois, lâche cette paire de ciseaux !!
– Mmf !

Une fois la menace de découpage écartée, Sofian soupira de soulagement, avant de claquer des mains comme s'il venait de se souvenir de quelque chose de très important.

– Ah oui ! C'est vrai, tu as peur des fantômes ! Et c'est justement parce que je t'ai un peu trop taquinée sur ce sujet que je suis venu m'excuser, je m'en souviens maintenant !
– ….. j'ai du mal à savoir si tu es sérieux où si tu te fous de ma gueule !
– Haha ! rit gaiement Sofian. Mais non, je voulais vraiment m'excuser tu sais, tu es une de mes précieuses amies et je ne voulais pas rester en froid avec toi ! C'est juste que cette histoire de lycéen fantôme était teeeellement plus intéressante que j'ai tout oublié !
– Alors toi, grogna Camélia, tu sais vachement être crédible.
– Haha, c'est l'une de mes innombrables qualités ! Mais sinon dis-moi, pourquoi est-ce que tu as autant peur des fantômes ?
– Et pourquoi je te le dirais, abruti ?!
– … parce que je suis ton très très cher ami ? s'avança Sofian en faisant des yeux de Pichu battu.
– Depuis quand ?!
– Rhoo ! geignit faussement Sofian. Tu es cruelle Camélia ! Après tout ce que l'on a vécu ensemble, tu me caches encore des choses... bouuh, bouuh !
– Ne dis pas des choses qui prêtent à confusion, crétin !! Tu es quoi, un gosse ?!
– Bouuh ! Bouuh !
– …. et arrête avec ça !! Rhaa ! Et je te signale que toi aussi tu me caches des choses, tu ne veux toujours pas parler de ton passé que je sache !

Sofian stoppa un instant de faire l'idiot, et prit une tête songeuse.

– Mmh..., c'est vrai ça, réalisa-t-il.
– Tu vois !
– … et si je te donne un indice ?
– … un indice ?
– Yep ! Je ne peux décemment pas parler de mon passé, désolé. Mais je peux te donner quelques pistes pour que tu le trouves toi même ! Je sais que tu rêves d'en savoir plus sur moi petite curieuse, c'est une occasion à ne pas louper !
– Gnnn... j'ai l'impression que tu essaies de me piéger !
– Mais non, je t'assure ! fit Sofian avec un grand sourire qui se voulait rassurant.
– … tu as le sourire d'un Grahyena affamé cherchant à piéger sa proie esseulée dans une caverne acculée dans une sombre forêt dans le but de déchiqueter un à un ses membres ensanglantés !
– … c'est très précis comme sourire dis donc...
– Et puis c'est du n'importe quoi ! Pourquoi est-ce que je devrais tout te dire sur moi, en échange d'un simple indice ?!
– Mmh, malheureusement je ne peux pas faire plus. L'offre est à prendre ou à laisser et pas question de l'échanger contre une autre boîte !
– Toi et tes références douteuses... gnnn... un indice...

Camélia Rozelia hésitait. C'était peut-être là l'occasion de satisfaire sa curiosité. Mais si Sofian se fichait complètement d'elle ? Il pouvait très bien lui donner un indice si infime qu'il ne serait absolument d'aucune utilité ou alors tout simplement lui raconter un bobard.

– Huhuhu, sourit Sofian. Ton visage en dit long sur ce que tu penses... je peux te mentir tu crois ? Voyons est-ce que tu m'as déjà vu mentir ?
– …..

Camélia se mit à fixer Sofian de son regard le plus froid possible, se remémorant parfaitement le petit mélo-drame absurde que le brun avait inventé pour justifier la présence de Nelly au lycée.

– … urgh, geignit Sofian. Oublie, c'était une question stupide...hihi...je reformule, est-ce que tu m'as déjà vu TE mentir ?!

Cette fois, la présidente du conseil des élèves se souvint sans peine de l'horrible histoire de fantôme que l'énergumène devant elle lui avait raconté pas plus tard que la veille.

– Mmmh... réfléchit Sofian, j'ai un vrai problème de crédibilité.
– Nan, tu crois ?! Tu es sans doute la personne la moins fiable du monde entier ! Je préférerais encore mourir que de te confier un seul de mes cheveux !
– Arf, c'est dur ça ! Quoique, je te comprends. Mais cette fois-ci je suis sérieux ! Regarde, c'est ma tête sérieuse là ! Juré craché, je vais te donner un vrai indice, si je mens, je me forcerais à vivre le plus longtemps possible avec le poids de t'avoir trahis !
– …. Sofian, plus tu ouvres la bouche, et plus t'as l'air con, tu le sais ça ?!
– … oui, c'est aussi l'impression que je me donne...
– Et il l'avoue en plus !

Pendant que Camélia serrait les crocs tel un Aligatueur furieux, Sofian fit un pas en arrière, une expression étrangement sincère au visage.

– Camélia, déclara t-il simplement. Même si j'en ai envie, je ne peux simplement pas parler de mon passé. C'est encore un peu dur pour moi, tu comprends ? Crois-moi, ça ne m'enchante pas de garder des secrets aux rares personnes que je peux appeler amies, vraiment. Mais au fond de moi, j'ai envie que vous soyez au courant. C'est pourquoi je te demande de me croire lorsque je dis que je te donnerais un indice. Ce ne sera pas un simple bobard ou quoi que ce soit d'autre, non. Mais un véritable fragment de mon passé.

Un petit silence s'installa. Même les autres membres du conseil des élèves n'osèrent plus griffonner, de peur de briser l'ambiance. De plus en plus gênée, Camélia craqua rapidement.

– Rhaa ! C'est pas du jeu si tu me parles comme ça !! Comment veux-tu que je refuse après ça ?!
– Tu es libre de ton choix, sourit doucement Sofian.
– C'est bon, c'est bon ! grogna la présidente. J'ai compris, j'ai compris ! En échange d'un indice sur toi, je te dirai pourquoi j'ai peur des fantômes !
– … vraiment ?
– Puisque je te le dis !

Sofian resta immobile un moment. Puis, son sourire s'agrandit de plus en plus jusqu'à devenir carnassier.

– OUAAIIS !! exulta t-il le poing levé au ciel. J'ai réussi !
– … qu ?! T-tu m'as piégée ?! Ton petit discours de tout à l'heure ce n'était qu'une fumisterie ?!
– Hahaha, mais non, crois moi ! rit Sofian. Je le pensais vraiment. Je suis juste tellement heureux de t'avoir fait craquer, c'est tellement grisant !
– Gnnn !! Sofian Aaken... tu es l'être le plus méprisable qui existe sur cette terre !! Et dire que je me suis laissée attendrir !
– Peut-être, mais tu as donné ta parole maintenant ! La grande Camélia Rozelia, l'estimée présidente du conseil des élèves du lycée de Mérouville ne va quand même pas revenir sur sa parole ?
– Ggnn ! Ggnn ! Et Re-Ggnn !! Un jour, j'aurai ta peau Sofian Aaken !!
– Lorsque les Magicarpe apprendront Surf !

Encore une fois, Camélia fulminait devant un Sofian totalement puéril. Jusqu'à ce qu'une petite idée ne germe dans son esprit.

– Un instant ! objecta vivement Camélia. J'accepte de te dire les raisons de ma peur, mais je continue de penser qu'un simple indice est bien peu cher payé.
– Ah ? sourit espièglement Sofian. J'ai pourtant cru être clair : je ne peux rien faire de plus. Un indice est la seule et unique chose que je puisse te donner.
– Huhu... mais je n'ai jamais dit que tu devais me révéler plus de chose sur toi...
– … ?

Camélia se leva de son bureau, la mine sombre, avec cependant un grand sourire sur le visage.

– Tu sais, reprit-elle. Même si la nuit m'a aidé à décuver, hier j'étais vraiiiiiiiiment en rogne contre toi, se serait injuste que tu t'en tires aussi facilement. Alors, tu pourrais bien faire quelque chose pour moi...

***

16 heures. Bien assis sur sa chaise pivotante derrière le comptoir, un jeune homme en tenue de travail souriant. Il souriait car il n'avait jamais été si près de son but. Il allait bientôt prouver à tous ceux qui l'avaient ridiculisé qu'il était bien supérieur à eux. Son père, sa mère, et surtout Elena. Ils allaient tous se rendre compte qu'ils l'avaient sous-estimé, qu'ils avaient sous-estimé le grand Jean-Kevin Gabaïto !
Le jeune adulte venait d'investir tout ce qui lui restait d'économie dans l'achat de cette petite boutique de jeux-vidéos. Une bien belle affaire, le magasin en question était assez populaire chez les connaisseurs et même si – pour l'instant – l'argent ne coulait pas à flot, les revenus mensuelles étaient tout à fait acceptables. Dire qu'à la base, Jean-Kevin était simplement venu pour un entretient d'embauche, avant de découvrir que l'ancien propriétaire cherchait à vendre son établissement pour couler une retraite paisible !

– Huhuhu...

Jean-Kevin laissa un ricanement vainqueur lui échapper. Cette fois-si, terminé de jouer les sous-fifres. Il était son propre patron. Personne ne pourrait le virer, même s'il faisait mal son boulot ! Certes s'occuper tout seul d'un magasin était éreintant, et Jean-Kevin devait penser à beaucoup de choses pour pas que son petit commerce ne tombe pas en morceaux, mais le jeu en valait la chandelle. Il allait partir d'en bas, pour se fonder un véritable empire. Et là, il pourrait retrouver sa vie d'avant, une vie d'opulence où il pouvait avoir ce qu'il désirait d'un simple claquement de doigt !
Soudainement, un petit bruit cristallin résonna à travers toute la boutique. Jean-Kevin aimait se bruit. C'était le tintement de la petite clochette accrochée à la porte, le glas annonçant l'arrivée d'un client, et par conséquent, d'une petite rentrée financière ! Le nouveau propriétaire se para donc de son plus beau sourire hypocrite de commercial, et récita d'une voix mélodieuse.

– Bienvenus, chers cli... geeeh !

Mais la mélodie s'enraya subitement.

– cligeeeh ? s'étonna Sofian. C'est une nouvelle expression à la mode ?
– T'occupe, sourit Camélia. Et sors plutôt ton porte-monnaie !
– … mouais...

Sofian s'exécuta, quoique légèrement à contrecœur. C'était là la condition que lui avait imposée Camélia. S'il voulait savoir pourquoi elle avait peur des fantômes, il devait lui acheter le jeu qu'elle voulait. Chose que Camélia ne pouvait plus faire, en raison de la perte de la totalité de son argent lors du combat Rochard/Nelly.
De son côté, Jean-Kevin Gabaïto se mit sur ses gardes. Oui, il connaissait ce jeune brun qui venait de pénétrer son antre. Il se nommait Sofian. Un véritable porteur de calamités. À chaque fois qu'il apparaissait, une catastrophe se manifestait à tous les coups. Jean-Kevin en avait fait plusieurs fois les frais et ne voulait absolument plus retenter l'expérience.

– Oh ! le reconnut Sofian. Mais c'est ce bon vieux Jean-Kevin !
– … mmng.., articula ce dernier.
– Tu connais le vendeur ? s'étonna Camélia avec une pointe d'intérêt dans les yeux. Dans ce cas, peut-être qu'il pourra nous faire des prix...
– Haha, s'amusa Sofian. Je n'en suis pas sûr !

En effet, Jean-Kevin fixait Sofian, touts poils dressé, comme un Persian cherchant à intimider son adversaire.

– Je vois, lâcha monotonement Camélia. J'aurais dû m'en doutais, personne ne t'aime après tout.
– Pourtant je ne suis qu'une pauvre âme ne demandant qu'à recevoir l'amour d'autrui ! se plaignit dramatiquement Sofian.
– À d'autres...

Oubliant ses bonnes manières, Jean-Kevin se dirigea vers les nouveaux venus. Après tout, plus vite ils seraient servis, plus vite ils partiraient, et plus vite Jean-Kevin retrouverait le sourire.

– Ahem ! les interrompit-il avec un sourire forcé. B-bienvenus chers... clients... vous désirez ?

Camélia s'avança, tout sourire. Au même moment la clochette de la boutique retentit une seconde fois, laissant passer une personne visiblement très pressée.

– Un Immoral Bonds 2.5, je vous prie !

Sofian et Jean-Kevin restèrent abasourdit un instant. Camélia, ainsi que la personne venant d'entrer, avaient parler en même temps.

– Euh..., oui, bien sûr..., hésita Jean-Kevin avant de partir en arrière-boutique.

Le nouveau venu soupira de soulagement et s'installa côté du comptoir. Il était vêtu d'un large imperméable noir à capuche qui empêchait de voir son visage, et semblait se déplacer comme un espion ayant peur de se faire repérer.

– Hé bien, siffla Sofian. Il a l'air populaire ton truc ! Mais... ce nom... Immorals Bonds... je crois l'avoir déjà entendu quelque part... c'était... ah ! C'était le jeu qui était sur ton ordinateur la dernière fois !


De vagues images revinrent soudain à l'esprit du brun. Deux jeunes frères, dans une position assez étrange, s'adonnant à des pratiques pour le moins mystérieuses...

– Uugh, geignit Sofian. Et tu vas me faire acheter un truc du genre ?
– Silence, porte-monnaie de secours ! statua Camélia. Tu n'es pas là pour discuter de mes goûts, mais pour sortir les piécettes !
– N'empêche que payer pour un truc pareil...
– Jeune inconscient !!

Une forte voix féminine retentit de nulle part, faisant sursauter Sofian. La personne encapuchonnée se dirigea vers lui, le pas ferme.

– Sache, ignare d'hérétique, qu'Immorals Bonds 2.5 n'est pas qu'un « truc » !! Il s'agit ni plus ni moins du fan-disc tant attendu du célébrissime Immorals Bonds 2 ! Le Saint Graal des Eroge BL – ou Boy's Love pour les non-initié !
– … je vous demande pardon ?
– Parfaitement ! renchérit fièrement Camélia. IB 2.5, est la cerise sur le gâteau ! Avec ses 3 routes inédites et plus de 20 scènes supplémentaires d'une qualité rare, IB 2.5 révolutionne d'ores et déjà le monde du BL ! Après y avoir joué, plus rien ne sera jamais plus pareil, c'est le genre de jeu à même de changer notre vision du continuum espace-temps !!
– Euh... ? geignit Sofian. Allô ? Je ne comprends plus rien, on parle toujours la même langue ?
– Mmf, siffla la personne encapuchonnée. Je sais à quoi tu penses, hérétique. Tu te dis « Ah, c'est un Eroge, un jeu pour les pervers ! » , n'est-ce pas ?!
– … en fait, je ne sais pas trop quoi penser là...
– Mais détrompe-toi ! IB 2.5, est bien plus qu'un « jeu de pervers », c'est la passion à son paroxysme !
– Oui..., souffla lourdement Camélia. Je m'en souviens encore... de ces scènes enflammées, débordant de chaleur et d'innocence espiègle... je... j'en tremble encore...
– E-et lorsque les deux héros, frères de sang, font fi de toute morale pour laisser libre cours à leurs pulsions...
– Tout simplement magnifique.... aaah..., conclu une Camélia tremblante.

Après une petite pause, Camélia et la personne encapuchonnée se regardèrent droit dans les yeux. Un étrange lien imperceptible sembla se créer entre les deux femmes.

– … n'empêche que je n'ai rien compris..., marmonna Sofian.

Moins d'une minute plus tard, Jean-Kevin réapparu, l'air un peu peiné. Les deux clientes se ruèrent vers lui.

– Ahem..., toussota Jean-Kevin. Il semblerait que nous sommes en rupture de stock...
– … !!

Camélia et la personne encapuchonnée se figèrent à la nouvelle, une expression de pure terreur sur le visage.

– Hé attendez ! se rattrapa le vendeur. En fait, il me reste bien ce que vous cherchez... mais en un seul exemplaire.
– …
– Donc euh, l'une de vous devra rentrer bredouille, encore une fois, désolé...

Soudain, Sofian trembla. Quelle était ce terrible sentiment qui empoignait son être ? Il se saurait le dire. La température chuta immédiatement de plusieurs dizaine de degrés et pourtant, les rayons du Soleil n'avaient point faibli. Sofian, ainsi que Jean-Kevin, suaient à grosses gouttes, incapable de bouger. Comme si un immense serpent glacé et invisible les maintenaient dans une étreinte mortelle. La raison de ce changement ?

– …
– …

Camélia et la personne encapuchonnée se toisèrent froidement. Adieu les points communs. Adieu l'amitié naissante. Elles le savaient. L'heure était à la guerre. Un trophée. Deux guerrières. Seule la plus forte l'aurait.
Les deux femmes étaient rentrées dans un tel mode de combat que leur aura guerrière sembla distordre l'espace, le projetant dans une dimension où seule la loi du sang donnerait raison.

– … j'étais là la première, asséna Camélia.
– … peut-être, mais c'est moi qui ai commandé la première.
– Foutaises. Immorals Bonds 2.5 me revient de droit.
– Inconsciente. Te mettre en travers de ma route sera ta dernière erreur.
– Parce que tu crois que je vais me laisser impressionner par une idiote qui se cache derrière une capuche ?
– Tu es bien insolente, pour une misérable lycéenne. Je me vois dans l'obligation de t'infliger une bonne correction !
– Ne sous-estime pas ma passion pour le BL ! Hana, à l'attaque !
– Je vois, c'est donc ainsi que tu veux le régler. Grolem, écrase-moi cette garce !

Et après deux éclats rouges annonciateurs de destruction, une fière Roserade et un imposant Grolem se firent face. Les deux dresseuses intensifièrent leur détermination, tellement qu'on jurerait voir des éclats de foudres s'échanger entres leurs regards.
Jean-Kevin manqua se s'évanouir. Un combat de Pokémon ? Ici ? Dans sa boutique ? Dans l'accomplissement de son rêve ?! Le jeune homme voulait réagir, hurler, appeler la police dégager ses deux enquiquineuses... mais il était totalement paralysé par la peur. Oui, ces deux femmes en face de lui le terrifiait. Elles étaient empreintes d'une telle rage de vaincre qu'elles en perdaient leur humanité.
En désespoir de cause, Jean-Kevin se mit à fixer Sofian dû regard, le bombardant d'ondes mentales.

« Psst ! Psst ! Toi là, le brun ! »
« Qu.. ? s'étonna mentalement Sofian. J-Jean-Kevin ?! C'est toi ?
« Qui veux-tu que ce soit d'autre ! »
« Mais... comment on arrive à communiquer par la pensée ?! »
« Je-je ne sais pas vraiment, peut-être qu'on est tellement désespérés par la situation qu'on s'est automatiquement mis sur la même longueur d'onde... Bref ! On n'est pas là pour parler de ça !! Fais quelque chose, elles vont se battre dans mon magasin crénond'Arceus !! »
« Qu-que veux tu que je fasse ?! Tu le sens comme moi non ?! Ce sont des furies assoiffées de sang ! »
« Raah ! Ce n'est pas ta copine la gamine aux cheveux blancs ?! Essaie de la raisonner ! »
« Im-impossible ! J'ai trop peur, et de toute façon, elle ne m'écoutera pas ! C'est plutôt à toi de faire quelque chose, non ? Elles veulent ce satané jeu ! »
« Mais tu écoutes quand je parle ?! Je n'ai QU'UN SEUL EXEMPLAIRE ! »
« Hé, pense moins fort ! Et... tu es sûr de n'en avoir qu'un seul ?! »
« Oui ! J'ai fouillé la réserve de fond en comble et rien, nada ! »
« … l'offrir à l'une d'entre elle peut-être ? »
« T'es fou !! Tu veux déclencher la prochaine guerre nucléaire ?! »
« … au moins moi je propose des solutions ! »
« Gnn..... oh ! Je sais ! Peut-être proposer le jeu aux enchères ?! »
« N-NON ! »
« … quoi ? »
« C-c'est moi qui paye pour elle tu voies, je n'ai pas envie de tout perdre, hihihi... »
« Mais moi je suis déjà en train de tout perdre !! »

De leur côté, les deux « clientes » étaient déjà passées à l'action depuis longtemps. Le Roserade et le Grolem se déchaînaient littéralement, bousculant toutes les étagères, brisant les vitrines, défonçant le parquet, fissurant les murs... Sofian s'avoua être impressionné. Il avait toujours pensé que l'histoire du « l'émotion du dresseur se reflète chez le Pokémon » était une histoire pour émerveiller les gamins, et pourtant, il n'avait jamais vu Camélia se battre avec autant de ferveur et de hargne. On aurait presque dit... oui, la force d'Ilyana Manyula !

« Bouhouhou..., pleura mentalement Jean-Kevin, m-ma boutique... m-ma chère boutique... »
« Mmh... dis, tu peux bouger là ? »
« Bouuh... hein ? Euh oui, le choc premier est passé, je recommence à sentir mes membres... »
« Dans ce cas il y a peut-être une solution pour sauver ton magasin ! »
« … Ah ?! »

Du côté des furies, le dieu de la destruction faisait rage.

– Hana ! Danse-Fleur !
– On non gamine, Mur de Fer !

La carapace du Grolem se durcit brusquement rendant l'assaut de la fleur complètement inutile.

– Tu te débrouilles bien gamine, mais tu es née 10 ans trop tôt pour me défier ! Roulade !

Tout en gardant sa carapace d'acier renforcée, l'énorme rocher se mis en boule et fonça à toute vitesse sur Hana, prêt à tout pulvériser sur son passage.

– Ah ! Si tu crois que ta boule de démolition m'impressionne ! Il est temps de montrer ce que nous savons faire, Hana ! Lire-Esprit !

Alors que le Grolem destructeur s'approchait de plus en plus dangereusement, la Roserade resta parfaitement sereine, analysant l'adversaire de son regard perçant.

– Balle Graine !

Hana leva calmement l'un de ses bras fleuris et tira une seule graine fulminante. Le petit projectile heurta l'armure rotative du Grolem, qui l'encaissa comme si c'était un grain de poussière.

– Mh ! sourit la personne encapuchonnée. Tu vas devoir faire mieux que ça si tu veux m'arrêter !
– Je te retourne le commentaire.
– Qu... ?

Soudain, la roulade du Grolem dévia de sa course, sans raison apparente, et prit une trajectoire circulaire autour du Roserade. La rose ne bougeait absolument pas d'un iota, et tirait à l'occasion une graine sur son adversaire.

– Huhu, sourit Camélia, tu te demandes sûrement ce qu'il se passe.
– Gnn...
– C'est simple, cette Roulade a été ton erreur fatale. Une fois lancé, il est difficile de contrôler sa trajectoire, n'est-ce pas ? Surtout si des éléments extérieurs viennent bouleverser les calculs...
– … !

La personne encapuchonnée serra les dents, comprenant ce que Camélia voulait dire. Les Balles Graines, elles n'étaient pas faites pour attaquer, non. C'étaient des assauts quasiment chirurgicals ne servant qu'à dévier le Grolem de sa trajectoire, en exerçant des points de pression sur des zones terriblement précises de la carapace du rocher ! À présent, la Roulade était totalement contrôlée par Hana, le Grolem ne pouvait que suivre le mouvement malgré lui.

– Hahaha ! s'amusa Camélia. Je vais le faire tourner en rond jusqu'à l'épuisement, sans que tu ne puisses rien faire !
– …. pas mal, vraiment pas mal... mais insuffisant face à moi ! Malédiction !

Brusquement, le Grolem reluisit d'une effrayante aura violacé. Petit à petit, la vitesse du rocher se réduit jusqu'à ce qu'il pût regagner le contrôle de sa trajectoire.

– Gggnn ! grogna une Camélia déçue.
– Mais je salue l'inventivité, penser à une stratégie aussi élaborée et risquée en un temps record est digne des plus grands dresseurs. Malheureusement pour toi, je suis encore plus puissante que les plus grands ! Gyroballe !

Le Grolem se remit à tourner sur lui-même, tout en s'élevant en peu au-dessus du sol, comme s'il défiait les lois de la gravité.

– C'est fini maintenant, statua la personne encapuchonnée. Tu ne peux plus m'empêcher de t'anéantir ! Grol...
– Hé !! Les deux folles, par ici !!

Parfaitement synchronisées, Camélia et sa rivale tournèrent la tête vers Jean-Kevin à proche de la sortie, la boîte du jeu tant convoité en main.

– Vous le voulez, hein ? Alors allez le chercher !

Jean-Kevin ouvrit la porte et … projeta de toutes ses forces le jeu à l'extérieur. Horrifiées, les deux dresseuses oublièrent immédiatement leur affrontement leur affrontement et se précipitèrent à la poursuite du trésor perdu.

« Elles sont enfin sorties ! soupira mentalement Jean-Kevin. »
« … tu sais, geignit mentalement Sofian. On peut se parler normalement maintenant... »

– Ah oui, réalisa le vendeur. Excuse-moi, je suis encore sous tension...
– … je ne peux pas dire que je ne comprends pas... bon, à toi de jouer maintenant.
– … mouais...

Jean-Kevin soupira et partit finir le plan.

– V-vide ! hurla presque Camélia.
– Im-impossible !! renchérit la personne encapuchonnée.

Et pourtant le constant était sans appel, la boîte du jeu était belle et bien vide. Les deux rivales en restait pétrifiées.

– Heiiiin ?! exagéra Jean-Kevin. Naaan, la boîte était vide ? Pas possible !
– Expliquez-vous, monsieur le vendeur !! revendiquèrent les deux furies.
– Aaaah... ce n'était peut-être qu'un simple modèle d'exposition que j'ai mis dans les stocks par erreur... olala, mais quelle tête de linotte je fais !
– ….
– Vous savez, je gère ce magasin tout seul, malheureusement, ce genre de chose arrive...
– D-donc... cela signifie que...
– Et oui, j'en ai bien peur. Il n'y avait aucun exemplaire de votre jeu dans mon magasin depuis le début, encore une fois, excusez-moi pour la gêne occasionnée, j'en suis navré.


Camélia et la personne encapuchonnée encaissèrent le choc, tentant de se faire une raison. Finalement au bout de plusieurs secondes de pur silence, Camélia laissa échapper un petit ricanement.

– Ha...hahaha ! Il... il n'y avait rien depuis le début... hahaha ! Je me sens tellement stupide maintenant !
– Hahaha ! ricana la personne encapuchonnée à son tour. C'est clair ! Ce combat, tout ça, pour rien finalement !

Et les deux femmes continuèrent à rire de leur propre bêtise.

– Par Arceus, jura doucement Jean-Kevin. Enfin, tout est fini.
– Bien joué en tout cas, sourit Sofian. Tu as joué ton rôle à la perfection.
– … mouais...

Jean-Kevin soupira et se retourna vers son magasin. Le pauvre était en bien sale état, complètement dévasté.

– … au moins il tient encore debout. Et l'arrière boutique n'a pas été touchée. Avec un peu de chance, tout n'est pas encore perdu.
– Tu n'as pas une assurance pour ce genre de truc ?
– Non, malheureusement je n'ai pas suffisamment d'argent pour me payer une bonne assurance...
– Et inutile de compter sur Camélia pour te rembourser, si elle n'a plus assez d'argent pour se payer un jeu, tu te doute bien qu'elle n'en a pas assez pour reconstruire un magasin !
– … mmmh...
– …

Sofian posa une main réconfortante sur l'épaule de Jean-Kevin. Étrangement, Sofian se sentait un peu touché par la mésaventure du propriétaire de la boutique. Il s'en étonna lui-même, ça ne lui ressemblait pas. Peut-être était-il malade ?
Brusquement un petit vent violent secoua la rue pas de quoi fouetter un Miaouss, mais suffisamment puissant pour soulever des capuches...

– Aaah !!

Soudain, Camélia poussa un cri. Sa rivale venait de dévoiler, bien malgré elle, sa véritable identité.

– Euh... Salut ?

Camélia n'en cru pas ses yeux. Et pourtant. Roxanne Tsutsuji. L'ancienne championne de la ligue, et l'une des anciennes présidentes du conseil des élèves du lycée de Mérouville. Cette même Roxanne Tsutsuji, reconnaissable à ses longues couettes brunes attachées par un gros ruban rose, se trouvait devant elle.

– …. booon..., geignit Roxanne. Je... je crois que je vais y aller, hein ? Au revoir !!

Et Roxanne s'enfuit aux quatre vents, à une vitesse frisant celle de la lumière, devant une Camélia médusée.

***

– J-je n'arrive pas à la croire, c'était Roxanne Tsutsuji... La Roxanne Tsutsuji, le bras droit de Pierre Rochard, le Maître de la Ligue Pokémon !
– Haha..., ria maladroitement Sofian. On en apprend tous les jours...

17 heures. Camélia Rozelia et Sofian Aaken quittèrent le magasin de jeu vidéo, bredouilles. Cependant, Camélia était encore tout chamboulée, et pour cause. Elle venait d'affronter en 1 contre 1 ce véritable monument médiatique qu'était Roxanne Tsutsuji. Et non seulement la fameuse Roxanne était une femme de pouvoir mais aussi un modèle pour Camélia. Roxanne Tsutsuji était aussi connue pour être l'une des plus célèbres présidentes du conseil des élèves du lycée de Mérouville. Élue alors qu'elle n'était encore qu'en première année, elle avait su s'imposer comme symbole d'ordre, de discipline et de puissance.


– Et j'ai même contré l'une de ses techniques ! se venta Camélia.
– … mais elle aurait fini par te battre..., lui rappela Sofian.
– Pffft ! Rabat-joie ! Évidement qu'elle m'aurait battu ! Ce n'est pas ça le problème, j'ai déjoué l'un de ses combo ! Tu te rends compte de l'exploit ?! Même Ilyana aurait du mal à faire de même ! Roxanne m'a même complimentée !
– Haha, oui je l'avoue. Bien joué, assistante N°1 ! Joli travail !

Le duo arriva prêt du parc de la ville. Le sourire de Camélia se crispa.

– Bon, lâcha t-elle, j'imagine que c'est le moment de remplir la tâche du contrat. Je vais te dire pourquoi j'ai si peur des fantômes.
– Tu es sûre ? s'étonna Sofian. Pourtant tu n'as pas récupéré ton jeu !
– … ce n'est pas de ta faute, s'il n'en avait plus, c'est qu'il n'en avait plus. Et je compte sur toi pour me donner ton fameux indice aussi !
– …. oui, bien sûr.
– …. allons nous asseoir quelque part dans le parc, se sera plus tranquille.

***

Le soleil commençait légèrement à rejoindre l'horizon, noyant le ciel d'un somptueux dégradé orange. Le coucher de soleil, bref moment entre deux temps, séparant distinctement le monde du jour à celui de la nuit. L'idéal pour se lancer dans des récits nostalgiques.

– Bien...

Assise sur un banc quelconque, Camélia Rozelia se tortillait de droite à gauche, mal à l'aise. A ses côtés Sofian n'en menait pas large non plus.

– C-ce que je vais te dire là est confidentiel, ok ? insista Camélia. Tu ne le répètes à personne, ok ?!
– O-oui, évidemment.
– Mmgnn..., tu as intérêt à ce que ton indice vaille vraiment le coup !

Camélia prit une grande inpiration, et expira lentement. Elle laissa vaguer son regard sur le parc, les feuilles des arbres bercées par un doux souffle du vent crépusculaire. Tout semblait si calme, si paisible. Devait-elle vraiment bouleverser la paix ambiante par son récit tenité de rancune ? Peut-être pas. Mais elle l'avait promis. Camélia était une femme respectant ses promesses, c'était là l'une des règles qu'elle s'était fixée.

– Oui, je n'ai pas le choix...


***
***
***

10 ans auparavant, Mérouville était à l'apothéose de son éclat. Lavandia commençait tout juste à se moderniser, et n'était encore qu'une simple ville sans grande importance, et la Devon SARL avait encore son siège principal à Mérouville.
Les commerces et usines tournaient à plein temps, les touristes affluaient, d'autant que les dresseurs renommés, car Roxanne Tsutsuji était encore championne et elle déjà avait réussi à se hisser parmi les plus forts champions de la région, juste derrière Marc, le champion d'Antalapolis.
Bref, Mérouville était un point incontournable de Hoenn.

– Je suis rentré !

Patrice Rozelia était un simple ouvrier d'usine. Bon vivant, toujours souriant, il était toujours entouré d'une aura de bonne humeur communicative.
Comme chaque soir, après être sorti d'une dur journée de boulot, Patrice se dirigea presque instinctivement vers le frigo, d'où il extirpa une bonne dizaine de bonnes bières bien fraîches. Car Patrice avait un petit péché mignon : il manifestait un amour inconditionnel pour les boissons alcoolisées.

– On voit les priorités, sourit une voix féminine. La bière avant, la femme après !

Méline Rozelia s'approcha de son mari, avec une légère teinte de reproche dans la voix.

– Haha, s'amusa Patrice après avoir rapidement embrassé son épouse. Tu sais bien que je garde le meilleur pour la fin !
– En 6 ans de mariage, tu m'as toujours donné la même excuse, soupira Méline désabusée.
– Parce que c'est la vérité, tout simplement, haha ! Au passage, où est notre cher petit trésor ?
– Elle regarde la télé, comme d'habitude... et ne change pas de sujet l'alcoolique !
– Hahaha !

Toujours une bière à la main, Patrice esquiva les foudres de sa femme et se dirigea vers le salon. La petite Camélia Rozelia, 6 ans, était là, assise sur le canapé en train de regarder un programme pour enfants, balançant joyeusement sa tête de droite à gauche, faisant danser sa longue et étrange chevelure. Patrice aimait particulièrement les cheveux de sa fille. Long comme ceux de sa femme, et blanc comme les siens. Le symbole de leur union.

– Papa !

La petite Camélia bondit du canapé et sauta dans les bras de son père, manquant par ailleurs de faire tomber sa canette de bière.

– Haha, toujours vive ma fille !
– Bouuh ! bouda Camélia. Encore en train de boire, Papa !
– …. c'est ta mère qui t'as dit de me dire ça ?
– Euh..., hésita la fillette, … non ?
– Tu ne sais pas mentir, statua Patrice.
– Gnn... Maman ! Je n'ai pas réussi !
– Alala..., soupira Méline. Notre fille est beaucoup trop honnête, Patrice, je m'inquiète pour son futur...
– Effectivement, réfléchit ce dernier. Honnête, gentille et adorable, son avenir est teinté de ténèbres !

Patrice rit de bon cœur et vida cul sec une bière, avant d'en prendre une autre.

– Et le tien est teinté de cancer du foie, soupira Méline. Ce truc va finir par te tuer tu sais ?
– Haha, s'amusa Patrice. Aucune chance ! La bière fait partie de moi, si tu me coupes le bras, ce n'est pas du sang qui coule, mais de la bière !
– Le pire, c'est que j'ai l'impression que tu le crois réellement !

Pendant ce temps, Camélia observait ses parents en souriant. Le bonheur familial, les petites disputes gentilles, les rires chaleureux, tout ça faisait partie de son quotidien. Une vie simple, sans artifice. Les Rozelia ne roulaient pas sur l'or, n'étaient pas très connus et influents, mais ils étaient heureux et c'était tout ce qui comptait pour eux.
Malheureusement, le monde est indifférent. Peu importe son passé, ses bonnes actions, sa gentillesse, chacun est susceptible d'être touché par le malheur.

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Un choc, puis des cris, et enfin des pleurs, suivie de la cacophonie des pompiers et policiers.
Un fait divers qui allait émouvoir la région pendant quelques jours avant de se dissiper dans les consciences. L'histoire était si banale que le journal régional n'allait y consacrer qu'une demi-page. Un conducteur, qui avait quelques grammes en trop dans le sang, avait perdu le contrôle de son véhicule pour en heurter un autre. Les deux conducteurs étaient morts sur le coup. Un tragique accident de la circulation.

– N-non... non...

Méline Rozelia venait d'arriver sur les lieux. Le choc l'empêchait de penser. C'était impossible, tout simplement. Son mari, avec qui elle vivait depuis tant d'années, le père de son enfant, ne pouvait pas être dans cette voiture. C'était impossible. Ce genre de chose n'arrivait que dans les films ou les journaux. Pas dans sa simple petite vie sans histoire. Elle était en train de rêver, voilà. Elle fermerait les yeux, et lorsqu'elle les rouvrirait, elle se réveillerait, chez elle, dans son lit, aux côtés de son époux. Et le cauchemar prendrait fin.
Mais non. Le cauchemar persévérait, s'imposant peu à peu dans la réalité.

– Mme Rozelia ?

Cette voix ferme acheva les maigres espoirs de Méline. Elle tourna son visage larmoyant vers l'agent de police. Ce dernier ne dit rien, respectant les sentiments de la pauvre femme. De toute façon, dans ce genre de situation, aucun mot, aucune phrase ne pouvait soulager l'éplorée.

– … maman ?

Une petite tête curieuse s'avança. Camélia Rozelia fixait sa mère, sans rien comprendre à la situation. Pourquoi elle pleurait ? Pourquoi les vitres de leur voiture étaient brisées ? Pourquoi il y avait autant de gens autour ? Non, l'innocente fillette était complètement dans le flou.

– M-ma chérie... !

Le visage complètement déformé par la dure réalité, Méline se baissa et étreignit sa fille de toutes ses forces, laissant ses chaudes larmes s'écouler sur le dos d'une fillette interloquée. L'immense peine de la mère finit par se transmettre à la fille. La poitrine de Camélia commença à lui faire mal, comme si une pression énorme le compressait, sans qu'elle ne sût exactement pourquoi.

– ASSASSINS !

Soudain, un féroce et puissant hurlement perturba ce moment de recueillement. Une vielle femme, dégoulinante de larmes rageuses, pointait Méline et sa fille d'un doigt vengeur.

– ASSASSINS ! R-rendez moi mon fils !!

La vielle femme s'approcha dangereusement de Méline, les poings serrés. Deux policiers fut forcés d'intervenir pour retenir la forcenée.

– L-lâchez moi !! hurla t-elle. V-vous vous trompez ! C'est ELLE que vous devez arrêter ! Mon fils... mon fils a toujours été quelqu'un d'intègre, si gentil, s-si noble... il n'a jamais touché à une cigarette, jamais bu une goutte d'alcool... alors pourquoi... pourquoi... POURQUOI EST-IL MORT ?! POURQUOI A-T-IL ÉTÉ TUE PAR UN IVROGNE ?! POURQUOI ?! RÉPONDEZ-MOI !!

Méline détourna la tête, coupable, incapable de soutenir le regard accusateur de la forcenée. Oui, son mari avait pris le verre de trop, et tué un innocent en perdant lui-aussi la vie.
Méline resserra son étreinte, manquant presque d'étouffer sa fille. C'était trop, beaucoup trop pour elle. Son mari était mort. Elle ne le reverrait plus jamais. Camélia devrait vivre sans son père. Mais en plus, il avait tué un innocent. Un jeune garçon tout juste diplômé, qui revenait de son premier entretien d'embauche.
Peine, colère, culpabilité, incompréhension. Touts ces sentiments se mélangeaient impitoyablement dans le cœur de Méline. Et elle hurla. Méline hurla l'accumulation de toutes ses émotions en une longue plainte déchirante.
Camélia restait immobile, paralysée par la douloureuse étreinte de sa mère. Son regard confus croisa celui de la vielle femme, une autre victime collatérale de l'incident.

– N-ne me regarde pas comme ça !! cria cette dernière à destination de Camélia. Tu crois que je vais te plaindre, gamine ?! NON ! C'est MON FILS la victime ! Et c'est TON PÈRE qui l'a tué ! Tu es la fille d'un assassin !! Toute ta vie, tu seras hantée par le crime de ton père !
– Madame, geignit un des policiers. Calmez-vous, je vous prie !
– TAISEZ-VOUS !!

La femme se détourna de Camélia pour hurler cette fois-ci sur l'incapacité des forces de l'ordre d'arrêter les ivrognes sur la route.
Mais le mal était déjà fait. Camélia était pétrifiée. Les mots haineux de la femme résonnaient sans fin dans la tête de la fillette. Bien sûr, elle n'en comprenait pas le sens, mais par contre, elle avait très bien ressenti la rage de la mère éplorée. Une rage immense, terrible, destructrice, qui se grava dans l'inconscient de la petite fille.

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– Aaaaah !!

Haletante et trempée de sueurs, la petite Camélia Rozelia se réveilla en un cri de terreur. Elle observa sa chambre noire d'un œil inquiet. Elle avait peur, très peur. Les hurlements de la vielle femme enragée continuaient de la hanter, chaque nuit.
Camélia se replia sur elle-même, toute tremblante. Elle sentait une présence, une rage, un terrible hostilité dirigée contre elle, là, quelque part, cachée dans l'obscurité nocturne de sa chambre. De nouveau, les malédictions de cette vielle femme résonnait dans sa petite tête.

– N-non... laissez-moi...

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit et une douce lumière envahit la pièce.

– Ma chérie, tu vas bien ?!

La mère inquiète se précipita vers sa fille avant de la prendre dans ses bras.

– M-maman..., geignit Camélia. J-j'ai peur...
– T-tout va bien ma chérie, maman est là...
– M-maman... il... il y a quelqu'un dans ma chambre... !
– … pardon ?

Intriguée, Méline balaya la chambre du regard. Une lueur agacée teinta le regard de la mère.

– Ne t'inquiète pas, ce n'était qu'un cauchemar.
– N-non ! insista Camélia. Q-quand il fait tout noir... ils sont là... ils me regardent... maman... j'ai peur...
– Calme toi Camélia ! geignit Méline. Ce n'est pas réel !
– Je te dis qu'il est là maman !
– Camélia, tais-toi !
– … !!
– C'est la 10ème nuit Camélia, la 10ème ! Je te dis qu'il n'y a personne !
– M-mais...
– Pas de mais ! Écoute-moi, bon sang !!

Après avoir soupiré son agacement, Méline retourna dans sa chambre, en laissant sa fille seule dans l'obscurité. Très loin d'être rassurée, Camélia s'enroula dans sa couverture, incapable de trouver le sommeil.
Depuis le fameux jour de l'incident, depuis qu'elle avait été témoin de la rage de cette vielle mère éplorée, Camélia n'avait jamais réussi à passer une nuit sans cauchemarder, et à chaque fois qu'elle se réveillait, elle sentait quelqu'un l'observer, quelqu'un qui disparaissait dès qu'on allumait la lumière.
Au fil des jours, Camélia commença à manifester une peur terrible du noir. Une peur qui s'intensifia et se mua en peur des fantômes lorsque Camélia fut en âge de comprendre le sens des mots de la vielle femme. Et si la présence qu'elle sentait... était le spectre du jeune homme mort auparavant ? Un spectre vengeur, qui la hanterait toute sa vie, pour lui rappeler le crime de son père ?
Camélia savait que c'était stupide, impossible, irrationnel. Et pourtant, comment expliquer autrement ce sentiment oppressant qui la hantait chaque nuit ? Finalement, Camélia avait vraiment fini par y croire, elle était maudite.
Cependant, Camélia avait un espoir. Son père était mort et avait tué parce qu'il buvait trop, parce qu'il défiait les règles. Alors peut-être que si elle, Camélia Rozelia, menait une vie parfaite, conforme à toutes les règles, elle serait pardonnée ? Peut-être qu'avec une vie plus blanche que blanche, le fantôme la laisserait tranquille ? Oui, Camélia se l'était promis. Elle mènerait une vie parfaite, pour payer le crime de son père.


***
***
***


– Et voilà toute l'histoire, conclut Camélia.
– …

Sofian restait silencieux, encaissant la tragique histoire de la demoiselle à ses côtés.

– … je suis désolé pour ton père, lâcha t-il finalement.

Un rictus amusé se dessina sur les lèvres de Camélia.

– Mh ! C'était il y a 10 ans, j'ai fait mon deuil depuis le temps.
– Vraiment ?
– Mais oui, idiot ! Je ne vais quand même pas resté coincée dans le passé pendant toute ma vie.
– Et ta peur pour les fantômes ?
– ….. juste une simple réminiscence du passé, haha... j'ai passé tellement de nuits à trembler sous ma couette que c'en est devenu une habitude...
– … tu es vraiment courageuse.

Camélia releva la tête, intriguée.

– … hein ?
– Oui, sourit faiblement Sofian. Être capable de parler aussi simplement d'un passé aussi tragique, sans entrer en dépression, ni même de verser de larmes. Personnellement, je pense que j'en aurais jamais le courage.
– … tu essayes de me faire culpabiliser d'essayer d'en savoir plus sur toi ?
– Haha, peut-être. Mais nan, c'est juste ma manière à moi de te complimenter. Tu es forte Camélia, vraiment. Je regrette sincèrement d'avoir joué avec ta peur des fantômes, maintenant que je connais l'histoire, je me sens vraiment idiot...
– Hé bien... merci, je suppose ?

Sofian inspira longuement, fixa le ciel un moment, avant de glisser en un soupir.

– Cyrus Kleffi.
– … hein ?
– Il habite à Umbra, la seconde « ville » de Lavandia. C'est sans doute celui qui pourra le plus te renseigner sur mon passé après Thomas. Si tu lui dis que tu viens de ma part, il t'expliquera tout ce que tu veux savoir.
– Umbra ? s'étonna Camélia. C'est pas le nom d'un quartier de bandit ça ?!
– Exactement ! sourit Sofian. Mais ne t'inquiète pas, contrairement aux idées reçus, les habitants d'Umbra n'ont jamais fait de mal... sans raison du moins. Ce sont juste des types qui vivent comme ils peuvent.
– … mouais, plissa Camélia des yeux. Pas très rassurée...
– Haha, j'imagine. Enfin, c'est mon indice et comme je l'ai dit, c'est à prendre ou à laisser, sans échange de boîte possible !
– Tu oses faire deux fois de suite la même vanne ?!
– On ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut toujours faire rire !
– … idiot, lâcha t-elle en souriant néanmoins.

Camélia secoua la tête.

– Bah, j'imagine que ton indice est fiable. Mais je te préviens, si je vais à Umbra et que je me fais poignarder, je te jure que je te hanterais pour toute ta vie ! Et on verra qui aura peur des fantômes !!
– Argh ! geignit faussement Sofian. Je commence déjà à sentir des présences, j'espère que j'arriverai à dormir ce soir !
– C'est ça fiche-toi de moi !

Après avoir menacé de frapper Sofian, Camélia se leva en soufflant.

– Il commence à se faire tard, je dois rentrer avant que ma mère ne s'inquiète. Elle n'aime pas trop être seule... tu comprends, si moi j'ai réussi à... dépasser l'obstacle, c'est un peu plus difficile pour elle.
– … je vois.
– …. bref, à demain au lycée, avant de s'éloigner.
– Hé attends ! Tu oublies quelque chose !
– … hein ?

Avec léger sourire Sofian sortit une petite boite en plastique dans sa veste, qu'il lança vers Camélia.

– Waah ! s'étonna t-elle en rattrapant la boîte de justesse. T'es malade ?! Depuis quand tu me lapides ?!
– Ouvre.

Intriguée, Camélia s'exécuta... et manqua de tomber dans les pommes.

– Immorals Bonds 2.5 !! s'écria t-elle. C-comment ?!
– Haha ! sourit Sofian en bombant le torse. C'est simple, tu te souviens de Jean-Kevin, le vendeur ? Avant de jeter la boîte du jeu à l'extérieur, il en avait extrait le CD. CD que j'ai pu récupérer par la suite, moyennant finance.
– Kyaaaaah !!! C'est trop génial !! Oh merci Sofian, merci !! Je retire tout ce que j'ai dit auparavant, t'es vraiment super comme mec !! Waaaaah !! C'est génialgénialgénialgénialgénial !!!
– … hahaha...

Sofian observait d'un œil perplexe une certaine lycéenne tourner joyeusement en rond comme une hystérique. Difficile de croire que cette même lycéenne venait d'avouer son tragique passé. Encore une fois, Sofian se dit que cette fille, Camélia Rozelia, était vraiment forte. Est-ce qu'un jour lui aussi, il serait capable de raconter son passé aussi simplement ?
Quelques images lui revinrent en tête. Le sang. Beaucoup de sang. Et la trahison. Sofian fut soudain pris d'un furieuse envie de vomir. Il fit de son mieux pour garder sa posture. Il ne voulait pas inquiéter Camélia, qui était en ce moment si heureuse.
Finalement, ce n'était pas encore aujourd'hui qu'il pourrait en parler. Mais Camélia avait raison, l'on ne pouvait pas rester bloqué dans le passé toute sa vie, même si ce dernier était cauchemardesque.