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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 05/05/2015 à 16:37
» Dernière mise à jour le 05/05/2015 à 16:37

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Chapitre 44 : Un air de déjà vu
Je me réveillai d'un long sommeil, une brume pesante passant devant mon regard, comme la vapeur d'un autre monde m'empêchant d'être totalement présent. Je percevais à peine ce qu'il se passait tout autour de moi. Le monde se réduisait à des formes indistinctes, des couleurs ou un bruit régulier qui passait en boucle dans mes oreilles. Le cri d'un pokemon ? Le ronronnement d'un Chacripan couché confortablement sur un canapé ? Non, pas de Chacripan à Rovia et encore moins dans les alentours, ce n'était pas courant dans la région. De plus le son me paraissait étrangement familier, comme si je m'y trouvais confronté chaque jour.
À ce bruit s'en rajoutaient d'autres, des centaines, comme des milliers d'insectes agitant leurs ailes au fond de mes oreilles. Une immense fourmilière grouillante de vie, des milliers de sujets venant se propager dans mon corps pour troubler le moindre de mes sens. Scarabée passant sous la peau de mes doigts, troublant ma faculté à comprendre où je me trouvais, la paume de ma main parvenant à se poser partout et nulle part à la fois. Mon cerveau semblait incapable de se relier à mon nez ou ma bouche, tous les conduits de mon corps obstrués par des armées de fourmis grignotant tout sur leur passage.

Ma tête tournait, posée sur un immense manège. Les formes qui m'entouraient semblaient prendre sens petit à petit. Je ne sais combien de temps passa entre mon réveil et ma lente prise de conscience mais, au bout d'un moment, les troubles envahissant mon esprit s'estompèrent progressivement. Je distinguais des corps, des voix et comprenait que le doux ronronnement du Chacripan en arrière plan n'était autre que le moteur d'un bus comme celui que j'empruntais tous les matins pour me rendre à Torel étudier et, comme surgissant d'un vieux souvenir, celui dans lequel j'étais monté des années avant pour fuir mon ancienne vie.
« C'est pas discret quand même… Vendredi soir, mon pote… Roupille depuis des heures… Quand je repense à la gueule de ta femme... »
Des mots sans aucun lien entre eux parvenaient à mes oreilles. Il y avait quatre… non cinq hommes à mes côtés, sans doute plus. Je n'en savais rien. Je tentais vainement d'ouvrir mes yeux mais mes paupières étaient des monceaux de roches qui se rabattaient au moindre effort et ne me laissaient le temps que de voir une brume épaisse m'empêchant d'accéder à la moindre information. Pourtant au fond de moi je sentais que l'état dans lequel je me trouvais commençait à s'estomper, je parvenais même à comprendre la raison de mon instabilité : j'étais drogué.

Ma tête retomba lourdement et heurta une paroi ; la vitre du bus ? Sans doute, c'était froid et dur.
À ce moment je n'avais pas le moindre souvenir de l'attaque de Rovia. Mila n'était pas morte et tout ce qu'il venait de se produire n'avait jamais eu lieu ; c'était un vieux rêve inconsistant qui échappait à ma mémoire. Et au moment de retomber, je ne pensais même plus du tout à cela. Mes pensées s'envolèrent vers une vieille légende que me racontait ma mère. Ainsi, dans un état entre sommeil et réveil, je revivais l'histoire du dieu Aniya, de son pacte secret avec la plus belle des mortelle tandis que diminuait l'emprise de la drogue sur mon organisme. Arceus créa le monde puis deux rejetons furent issus de son corps : Urceus et Irceus. Puis vinrent les dieux secondaires dont Aniya et Estria. Mais Aniya n'aimant pas la compagnie de ses semblables s'enferma dans un monde gris qui fut le plus riche de tous. Il aimait sa vie et ses sujets mais se sentit seul. Puis vint la mortelle, Perséa comme elle s'appela ensuite, qu'il enleva et avec laquelle il se maria. Puis les saisons, puis l'accord secret, puis… et… Et une histoire de miroir brisé ; le miroir magique de son frère. L'accord n'était pas la fin de la légende, non. Il y avait un miroir brisé qui… Bordel, pourquoi ça ne me revenait pas maintenant ? Ma mère me la racontait pourtant tellement souvent, impossible d'oublier la fin de son histoire favorite.

« Ed', le môme sort de la vapeur.
– Arrête tes conneries et joue ton tour ! Vu le coup qu'il a prit sur la gueule tout à l'heure et ce qu'on lui a injecté on est tranquille pendant un moment, au moins jusqu'à ce soir.
– J'te dis qu'il sort. Il émerge doucement, un vieux poivrot un lendemain de cuite, mais il émerge. Et t'sais ce que l'chef a dit là d'ssus ?
– Bordel tu fais chier, Cooper. Dick, regarde bien si ce connard ne triche pas pendant que je renvoie Alice au pays des merveilles. »
Des voix, deux voix mais trois personnages, dont un certain Dick qui n'avait encore rien dit. L'une m'était particulièrement familière, où pouvais-je l'avoir entendu ? Aucune idée. À moins que ce soit plus tôt dans la journée quand…
Gamin, arrête-toi !
Un flash illumina mon esprit alors que la voix du dénommé Ed' remonta dans mes souvenirs, suivie par une flopée d'images terrifiantes. L'école écrasée, le corps d'une vieille dame – madame Jones ? – au milieu de la rue et un lit pendant dans le vide. J'eus à peine le temps de me demander de quoi il en retournait qu'ils disparurent de nouveau pour laisser place au vide et à la brume devant mes yeux, comme si Rovia devait rester dans les montagnes maintenant à des kilomètres dans mon dos.

Des bruits de pas résonnèrent sur ma droite, amplifiés par le talon des bottes que devaient porter Ed' qui marquaient ses déplacements par une démarche assurée. Ils s'éloignèrent, se rapprochèrent tandis qu'une autre voix s'élevait, celle de Dick, peut-être. « Putain, encore perdu ! Je me couche. »
Un rire, un grognement ; toujours et encore le vrombissement du moteur.
Il me sembla que quelqu'un posait sa main sur mon poignet et tirait mon bras mais je n'en étais pas certain. Une abeille me piqua ensuite sur le haut du bras mais je ne ressentis pas la douleur ; j'allais découvrir plus tard que c'était en réalité une seringue et que ce bon vieux Ed' ne faisait que renvoyer Alice au pays des merveilles. Dans quelques secondes j'allais de nouveau retomber dans un sommeil profond, retourner à la vapeur. Mais, avant cela, je trouvai le moyen d'ouvrir les yeux et de dégager le brouillard passant devant mes paupières le temps d'une seconde.
Des champs de maïs à perte de vue s'étalaient à la fenêtre du bus. Un air de déjà vu, des années plus tôt.