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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 20/04/2015 à 10:40
» Dernière mise à jour le 20/04/2015 à 10:40

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Chapitre 39 : Je ne demandais qu'à vivre
« Christophe, tu m'entends ?
– Cinq sur cinq, chef.
– Je t'ai déjà demandé d'éviter de m'appeler comme ça, c'est gênant, lui répliquai-je en sachant que ce n'était pas le moment idéal de rentrer dans un tel débat, d'où la raison pour laquelle j'enchérissais directement sur autre chose. On a les armes promises par Kruger ?
– Dans le camion à la sortie des bois, je t'envoie la position. Des hommes vous attendent là-bas. J'ai envoyé Olivia en émissaire.
– Sans ma permission ?
– Je croyais que tu n'étais pas le chef ? »

Il marquait un point, comme souvent. Après tout ce n'était pas pour rien qu'il était recherché par les services secrets d'Ermo depuis le début de la guerre. Malgré sa petite taille, sa coupe au bol qu'il prenait soin d'arranger chaque matin et les lunettes rondes qui pendaient au bout de son nez, celui qui me parlait dans l'oreillette à partir de notre quartier général à Unys était sans doute plus dangereux que bien des hommes sur la planète.
« Kruger a envoyé des soldats ? lança Charles par dessus mon épaule en entendant une partie de la conversation.
– On dirait.
– Il change ses plans visiblement, ajouta Christophe. Le bougre ne veut pas avouer avoir besoin de notre association mais ne peut pas s'empêcher de nourrir sa haine à l'égard d'Aimé. Faire tomber H serait une aubaine pour lui, c'est un des plus proches collaborateurs du dictateur. Pour le président la possibilité de le tuer sans prendre trop de risques revient à lui annoncer son anniversaire en avance pendant une semaine. Mais je n'ai pas besoin de te dire tout ça, tu l'avais deviné. »

J'ai laissé un sourire s'afficher sur mon visage en entendant cette dernière phrase. Évidemment que je savais que le président changerait d'avis avant que nous soyons à Gefat, l'opportunité était top belle pour qu'il la laisse filer sans rien faire. À ces mots, mon père adoptif me frappa l'épaule de son immense main au point qu'il me sembla un instant qu'elle allait quitter mon corps en emportant avec elle tous les os de mon bras. « Et tu ne pouvais pas prévenir ? ajouta-t-il en riant, heureux de cette nouvelle.
– Pas tant que je n'étais pas certain du résultat. Il restait une chance infime qu'il ne fasse pas marche arrière. L'important est qu'on ait des hommes en plus pour mener la distraction.
– Quelle distraction ? répliqua mon père. Si on suit ton raisonnement ce malade sait que tu es arrivé à Gefat. »
J'hochai la tête. « Il sait sans doute même que je suis devant sa porte en ce moment. S'il ne s'enfuit pas c'est qu'il est intéressé par ce dont je suis capable. Je n'ai pas arrêté de me faire interviewé au cours de ces deux dernières semaines en m'approchant de Gefat. Il aura saisit les messages que j'ai glissé pour lui et il veut savoir comment je peux ouvrir l'œil de nouveau. Toute cette préparation ne sert qu'à distraire le personnel de la base. »

Et nous en aurions grand besoin ; c'était la première chose que j'avais pensé en voyant pour la toute première fois le complexe militaire de mes propres yeux.
Pour son plus fidèle allié on pouvait dire qu'Aimé n'avait pas fait les choses à moitié. Des grillages barbelés s'étendaient sur des centaines de mètres et plusieurs épaisseurs, protégeant une cour où l'on pouvait apercevoir des hommes armés patrouillant à l'aide de lampes et de Démolosses. Sur le toit étaient installés divers projecteurs dont les lumières couvraient pratiquement un kilomètre autour de la base, comme nous avions pu le constater durant notre soirée d'investigation la veille. Deux tours de gardes se distinguaient aux entrées du complexe qui étaient régies par des triples barrières de sécurité qui ne s'ouvraient qu'avec l'autorisation de trois gradés. Nous n'étions parvenus à découvrir ce qui se trouvait au sommet de ces deux dernières, sans doute d'autres soldats, mais aussi peut-être des pokemons à la vue perçante comme des Miradars dont se servait l'armée d'Ermo au cours de certaines missions.
Pour le reste tout était de béton et d'acier. L'esthétique n'était pas vraiment une priorité dans ce cas ; il ne s'agissait après tout que de créer un cocon pour couvrir les agissements de H, l'un des hommes les plus intelligents en ce bas-monde, le fleuron du département de recherche de l'armée d'Aimé qui vouait son existence à la découverte d'un pouvoir que la nature ne lui avait pas donné. En cela il n'y avait aucune limite logistique à sa protection. Le bâtiment était immense et une seule porte pouvait permettre d'y accéder. Sans nul doute que la défense devait être à l'intérieur aussi importante que celle déployée à l'extérieur.
Je ne pouvais compter que sur un seul facteur de notre opération : il savait que j'avais de nouveau ouvert mon œil et désirait savoir par quel miracle.

Durant notre périple jusqu'à Gefat, où il comprenait que je pouvais me diriger à tout moment depuis la capture, l'interrogatoire et la mort de l'ancien maître, j'avais prit soin de me livrer aux exigences de mon nouveau poste. Quelques combats étaient évidemment de mise, pour la forme plus que pour autre chose, mais aussi des interviews. Ces dernières m'avaient permit de donner à H des précisions sur notre future rencontre.
Comment pouvez-vous être aussi puissant, monsieur Bishop ? Un secret à votre talent de dresseur ou est-ce naturel ?
Je répondrais que c'est un peu des deux. J'avais dès mon plus jeune âge un lien avec mon équipe, il m'a suffit de le développer. Néanmoins ce ne fut pas forcément facile, il m'est arrivé de ne plus être en mesure de maîtriser ce don qui me permettait de conquérir les arènes. Il m'a fallut le retrouver une fois après une longue période. Ce n'est pas une quête facile mais j'encourage avec plaisir tous ceux qui voudraient prendre ma place.

Voilà le genre de messages que je laissais. Un téléspectateur normal n'aurait jamais comprit à quoi je faisais référence, pensant à de simples conneries qu'un maître pouvait dire sur un plateau télé afin de paraître cool. H était en revanche assez intelligent et au courant de mon histoire pour saisir le message derrière ces innocentes paroles d'espoir et de combativité. Pour ce qui était de savoir si oui ou non il suivait mes passages à l'écran, la question ne se posait pas ; c'était une évidence. Il pensait sans doute il y a deux mois avoir tué tous les gamins présents à Fan, les revenants ne devaient pas le laisser indifférent. Bien entendu il aurait aussi pu penser que je mentais pour l'attirer dans un piège mais ce n'était pas le cas. Et si quelqu'un pouvait lire à travers un corps comme dans un livre ouvert alors c'était lui. Son regard perçant transcendait même la chair.

« Chef, on se réveille ?
– Je t'ai déjà demandé de…
– Olivia et William viennent de prendre contact avec les hommes de Kruger. J'attendais un peu plus de discrétion de la part de forces spéciale mais ils ne s'en sortent pas mal pour le moment. Leur camion a été laissé plus haut dans les bois et ils se tiennent à l'écart de la zone de vision des tours de garde. »
C'était inutile de toute manière. Même si les gardes n'étaient pas prévenus, même si on parvenait à passer sans alerter personne – ce qui relevait de l'impossible au vue du système de sécurité – même si on atteignait H sans une égratignure cela serait inutile. Car il savait tout depuis des mois. Dès que je fis mon retour sur les écrans pour la ligue, avant même que je prenne la décision de venir à Gefat lui rendre visite ; il avait su. Peu importait comment, les faits étaient là.
« Tu es sûr de ne pas vouloir changer d'approche ? me demanda Christophe dans l'oreille qui n'en avait jamais terminé de poser des questions. Avec les forces dont nous disposons actuellement je pense qu'une distraction serait envisageable.
– Le plan actuel met aussi en œuvre une distraction, rétorquai-je, ce qui fit sourire Charles. » Mon père adoptif savait que je ne changerais pas d'avis, Christophe aussi d'ailleurs, le cul lové dans son bureau à Unys entre six écrans d'ordinateur.
« Je pensais à quelque chose de plus discret. »
Sa langue claqua, signe de sa défaite prévue d'avance, ce qui m'amusa, chose étonnante en de telles circonstances.

« Je ne te demande pas si tu es certain de vouloir faire tout cela, lança à son tour Charles qui depuis le début se tenait en retrait, je sais parfaitement que tu ne changeras pas d'avis. En revanche je veux que tu sois conscient qu'il s'agit de la plus périlleuse de nos actions au sein de l'Inquisition depuis sa fondation…
– Je le sais.
– … et qu'elle ne doit pas être seulement à but personnel, continua mon père sans tenir compte de ma coupure. »
Un silence s'installa durant lequel je baissais les yeux au sol. Rares étaient les personnes qui lisaient en moi de cette façon. D'un côté cela me frustrait, d'un autre je me sentais plus humain en le voyant tirer un à un les sentiments présents dans mon esprit pour les décortiquer. Quand on a l'impression de perdre graduellement son humanité, emportée dans un torrent sans fin de tourments et de peines, entendre la voix d'un père qui vous impose des limites tout en vous comprenant est réconfortant. Il s'agit d'un feu brûlant au cours d'un hiver glacial. Son côté éphémère ne lui fait pas perdre toutes les bontés dont il regorge : douceur, réconfort, sérénité…
Et par ces quelques mots il visait juste, comprenant les sources de mes tracas qui livraient bataille au fond de mon corps et de mon esprit. En les gardant pour moi, et à la suite d'un long entraînement, je pensais parvenir à les dissimuler à mon entourage. Charles s'excluait de lui-même de cet étrange théorème.

« Tout comme toi je regrette ce qu'il s'est passé ce jour-là et la haine que je ressens envers ce type n'a aucune limite. En revanche l'Inquisition n'a pas été créée pour venger Mila, Élisa et tous ceux qu'il a tué dans le temps. On doit remettre le pays sur les rails et se débarrasser d'Aimé une bonne fois pour toute.
– Et pour cela je ne dois pas m'emporter quand je serais en face de H. »
Il hocha la tête devant ma conclusion. « Si ce que tu dis est vrai alors il nous attend. Et je pense que tu as raison là-dessus. Mais si c'est le cas alors cela justifierait certaines de mes craintes. Il sait qui tu es et il te connaît par cœur. On dit que les premières années d'un homme façonne son caractère et font de lui l'adulte qu'il deviendra ; il connaît ces années. Il sait pour ton père, pour ta sœur, pour ce que tu ressentais pour Mila. Et par dessus tout il sait qu'elle est morte et que tu la voyais à Fan. Les gens qui comptent pour toi il les connaît autant qu'il te connaît. Je n'ai jamais rencontré H, je ne l'ai jamais vu. Il ne passe pas à la télévision, ne se montre pas dans les défilés, n'est pas sur les listes du gouvernement. Pourtant je suis sûr qu'il est le chien le plus fidèle d'Aimé et qu'il est plus dangereux que le dictateur en personne. Je te crois sur ta description de l'orphelinat et j'ai peur de le rencontrer. Il usera de toutes tes faiblesses pour te pousser à révéler ta vraie nature.
– Il ne pourra pas. Je ne suis plus l'enfant que j'étais dans le temps.
– Malheureusement je crains qu'il ne le sache déjà, autant qu'il sait comment en tirer parti. »

Suite à cela notre discussion s'interrompit. Durant cet instant Christophe ne m'adressa pas la parole, peut-être que pour une fois il ne trouvait rien à redire, ou bien avait-il débranché son casque pour ne pas interférer dans ce moment intimiste de notre vie de famille ; bien que je doutais de cette dernière possibilité, ce n'était pas son genre.
« Je ferais attention, promis-je à mon père adoptif en le regardant droit dans les yeux, sachant qu'il était dans le vrai du début à la fin de son discours. Je connais H, je me suis déjà opposé à lui. Il ne me fait plus peur. »
Charles posa sa main sur mon épaule en me fixant. Il ne souriait pas mais n'éprouvait pas de peine pour autant, ni aucun autre sentiment. Il était simple et sincère, son visage portant ces deux états sur chacun de ses traits abîmés par le temps. « J'espère que tu as raison. »
Ma main se tendit vers la sienne et se posa à son tour. Une larme monta au fond de mon œil mais je ne la laissai pas sortir. Ce n'était pas le moment d'être émotif. Comme tous les autres, mon père était capable de me suivre jusqu'au bout du monde. Inutile de le montrer par des pleurs pour qu'il voit ma reconnaissance ; il la savait et je devais me focaliser sur l'opération en cours.

« Christophe ? » Un petit silence suivit cet appel de ma part, environ trois secondes, précédant une réponse hésitante de ce dernier. Comme je le pensais il écoutait, laissant volontairement ce blanc. Il pensait m'avoir et me faire croire qu'il avait effectivement débranché son casque. Mais lui aussi je le connaissais trop pour me laisser avoir. Nous avions passés assez de temps ensemble dans le temps pour cela, partageant la même cellule moisie de la pire prison d'Ermo.
« Bill en est où ?
– Je vous mets en relation tout de suite. » Un claquement suivit puis la voix de mon ami dans mon oreille. « On est bon ?
– Prêt ?
– Tout est en place. Je n'ai qu'à invoquer la bête et à servir d'appât pour une bande d'abrutis armés jusqu'aux dents qui n'hésiteront pas à me changer en passoire en moins de quelques secondes.
– Je ne te serais jamais assez reconnaissant pour ça.
– Si et ta reconnaissance à un nom d'ailleurs. Je veux mon poids en orange si je reviens vivant de ce suicide. »
Deuxième fois qu'un membre de mon équipe me fit sourire en si peu de temps et dans une situation aussi tendue. La référence à notre passé ne pouvait en même temps me laisser indifférent, l'orange ayant une signification particulière pour nous. « Parfait, tu auras ce que tu veux. Christophe, je veux Olivia maintenant.
– Un s'il te plaît, chef ?
– Passe-la moi. »

Bien entendu il s'exécuta sans demander son reste, sans doute en train de rire devant son écran, bien au chaud chez nos alliés. Enfin, c'était son travail. Il était bien plus utile ainsi que sur le terrain, sans moi il n'aurait pas fait de vieux os en prison, bien qu'il m'ait plusieurs fois tiré de quelques mauvais pas.
« Les hommes de Kruger sont prêts, m'affirma Olivia sans même attendre ma question. On couvre vos arrières et on prépare la fuite.
– Et si dans cinq minutes personne ne ressort du bâtiment, vous vous cassez en vitesse.
– Comme prévu.
– Je ne veux pas d'état d'âme, personne de plus ne devra mourir si cela tourne mal.
– Ne t'en fais pas. »
Elle répondait de manière concise. C'était son habitude et sans doute aussi sa manière pour éviter de s'exposer ; je savais que dans le fond elle ne pourrait partir au bout de cinq minutes en nous abandonnant, ce n'était pas son genre. En cela j'allais devoir compter sur la bonne volonté des soldats de l'armée d'Unys, ceux-ci ne seraient sans doute pas sujets aux mêmes dilemmes. « Bien. » Je me contentai de ce mot.

Il était temps de lancer l'offensive, les autres n'attendaient plus que mes ordres. Je levai la main, elle ne tremblait pas, pas encore. Personne ne le voyait à part Charles mais cela me permettait d'avoir un peu d'assurance. Au fond de moi, mon cœur battait de plus en plus rapidement. Pendant un instant je crus qu'il allait s'échapper de mon corps, ouvrant ma poitrine dans un geyser de sang, brisant ma cage thoracique dans un ultime battement pour aller s'échouer dans l'herbe humide de cette saleté de nuit. Ma gorge se nouait, mes jambes fléchissaient et ma tête semblait soudain trop lourde. Le monde autour de moi dansait, le temps se suspendait dans le vide puis, dans un élan de courage, mes lèvres s'entrouvrirent et une phrase s'en échappa.
« Lancement de l'opération. »
De multiples rugissements résonnèrent au-dessus de ma tête alors que Bill lançait son escouade de pokemons à l'assaut de la base. Et au loin, simultanément, une chaîne d'explosion teinta le paysage de rouge.
Ça commençait, ce moment pour lequel j'avais voué mes nuits. Moi qui ne demandait qu'à vivre.