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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 18/03/2015 à 17:34
» Dernière mise à jour le 18/03/2015 à 17:34

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Chapitre 28 : Le fantôme de la ville
Je me souvenais enfant regarder des reportages sur les villes d'Unys, dont l'un montrait le grand port de Volucité. La voix du journaliste dans cette émission disait qu'il n'était jamais éteint et que toutes ses lumières scintillaient la nuit comme une armée de Lumivoles. Il le prouvait par un tour nocturne en hélicoptère duquel il filmait les ponts de la ville qu'arpentaient des milliers de lueurs et les longs bateaux de croisières dont les pont renvoyaient vers le ciel un miroitement éclatant. Il parlait durant des heures de tous les touristes qui passaient chaque jour par la ville, dormaient la nuit dans l'une des cabines de ces navires immenses où se déroulaient les plus grandes fêtes du monde. Champagne et blondes langoureuses, bains à bulles, patrons milliardaires, feu d'artifices sur la surface de l'eau et cris de joie toute la nuit.

Et sur terre l'ambiance était identique.
La ville ne semblait jamais dormir. Elle travaillait le jour, les gens courant dans les rues pour être à l'heure au bureau, produire plus pour leur entreprise, avant de rentrer chez eux et de laisser place à la deuxième phase de la ville. Car la ville ne dormait pas, elle se métamorphosait simplement. Tous les travailleurs, les employés de bureau, les mères de famille et les enfants étaient remplacés par des gens que l'on ne voyaient pas de jour. Idole de la pop et son public donnant un concert en public, les fêtards dont l'horloge interne était inversée, les racailles, des dresseurs désirant combattre et parier sur leur victoire dans des matchs illégaux, les riches qui donnaient des réceptions dans des hôtels, la flopée de festivals reconduits chaque mois…
Volucité était une ville en constante mouvance qui jamais ne s'arrêtait pour reprendre son souffle. Il y avait de la vie à chaque recoin de rue et sur toute la mer.

Alors que ce soir-là je laissais traîner mon regard le long de la côte, je me demandai ce qu'il était advenu de ce paysage que l'on me décrivait autrefois au travers d'un écran de télévision.
Le port ne brillait pas de mille feux, pas même d'une petite lueur au bout de la jetée, et il n'y avait pas de phare pour éclairer la mer et accueillir les bateaux, car en vérité cela faisait des années que la ville de Volucité ne faisait plus officiellement entrer qui que ce soit par voie maritime. Les buildings ne se paraient pas de toutes les lueurs d'antan et rien ne permettait de les distinguer dans le ciel noir de jais si ce n'étaient leurs immenses ombres qui se découpaient dans les nuages crépusculaires. Pas de bruits de fêtes à l'horizon, ni la senteur humide de mèches brûlées, gisements parfumés d'un feu d'artifices.
La ville était morte un peu plus d'une dizaine d'années avant. Ermo l'avait planté en plein cœur et il ne restait d'elle qu'un le spectre agonisant attendant qu'on l'achève.

Le ronronnement sourd du moteur du navire dans lequel nous avancions prudemment sur cette mer noire était le seul élément sonore qui venait briser le tableau apocalyptique. Et nos souffles froids le seul symbole d'une vie.
Bill se tenait à l'avant de la petite embarcation, la guidant avec soin sur la route que nous savions sur le bout des doigts, un chemin invisible que l'on pouvait suivre les yeux fermés pour regagner la terre d'Unys. Moi, j'étais à l'arrière, mon regard arpentant la vitrine d'un monde parvenu au terme de son voyage. Mes pensées s'embrouillaient, parsemées du souvenir de ce reportage vu enfant, de la ville qui ne dormait jamais et, en parallèle de ces visions, celle du crâne de Cullen se répandant sur les murs d'une petite pièce d'interrogatoire.
Et, supplantant tout, la nom d'une ville sur la côté ouest qui ne parvenait à quitter la première ligne de mes pensées.
Gefat.

« Toujours en train d'y penser ? me lança Bill de l'avant du navire en se grattant nonchalamment son crâne chauve.
– Comment penser à autre chose ? On parle de H.
– G désormais. N'oublie pas qu'il a changé de lettre.
– Il pourrait prendre chacune de l'alphabet sans changer d'un pouce à mes yeux. Pour moi il reste H, celui qui menait ses expériences sur nous à l'orphelinat. Et il ne changera pas de nom. »
Dans le noir il me semblai distinguer le sourire gêné de mon ami, à la fois nostalgique et amusé par mon comportement. « Tu resteras éternellement le type têtu qui s'en est prit à lui lorsqu'il est arrivé pour la première fois dans la cantine. »

Je n'ai pas répondu sur le coup, me contentant de me remémorer la scène avec un sourire. J'avais été si naïf à l'époque en pensant que ce serait si simple. Si seulement je m'étais attendu à ce que H allait faire, peut-être que les conséquences n'auraient pas été aussi lourdes.
« Ça n'aurait absolument rien changé, s'efforça de me dire Bill comme s'il lisait dans mes pensées. Il aurait eu le même comportement ensuite, aurait mené ses recherches exactement comme il l'a fait.
– Je sais mais quand je repense à Fan je ne peux m'empêcher parfois de me sentir coupable. C'est un fragment de mon passé que je ne pourrais pas oublier de si tôt.
– Pas tant que H respirera, je sais. »
J'ai hoché la tête quand bien même il détournait son regard de moi pour se concentrer sur les points lumineux qui était soudain apparus au loin. Sur la berge un homme semblait agiter les bras au bout desquels se trouvaient deux petites lumières qui n'étaient distinctes que si l'on regardait dans cette direction.

Depuis quelques années, le jour où Ermo céda lors de négociations pour se retirer d'Unys sous une pression trop importante de la part de la coalition des pays ennemis, il ne le fit pas totalement. Sur toutes les mers et frontières en commun avec le petit pays, le régime d'Aimé installa partout une surveillance accrue visant à réduire les échanges entre son ennemi et les autres pays et à empêcher tout trafic humain à la frontière ; pour que des organisations comme la nôtre ne puisse entrer en contact avec l'armée d'Unys, par exemple.
Aimé n'aimait pas ne pas avoir la main mise sur ce qu'il prévoyait de prendre un jour par la force. Et quand bien même la coalition tentait de l'en empêcher, ils ne pouvaient que retarder l'inévitable. Le changement devait venir de l'intérieur, d'un mouvement montant que l'on appelait l'Insurrection, de moi.

« Une fois qu'on sera à terre, on devra prendre rendez-vous avec le général Sanders. Charles est déjà là depuis quelques jours avec Olivia. Ils ont entamé les négociations et on devrait recevoir de l'aide du gouvernement.
– On devrait ?
– Gefat est loin de la frontière, à l'autre bout du pays. Ils ne veulent pas se risquer à déclencher les hostilités dans le cas où les choses se passeraient mal.
– Tu penses qu'on leur demande trop ? Après tout ce qu'on leur a prouvé par le passé ?
– Je pense surtout qu'ils ne se rendent pas compte de ce que mon nouveau poste nous donne comme accès dans la région. Maître d'Ermo ce n'est pas rien et les privilèges ne se limitent pas au salaire. Il y a un tas de bénéfices à ce poste. »

Tandis que nous parlions je n'avais pas remarqué à quel point la côte était proche. Nous étions déjà dans le port et l'homme mince qui brandissait les deux panneaux lumineux nous faisaient face. Ses longs cheveux semblaient se refléter dans la clarté de la lune et son sourire de requin donnait un air macabre à cette nuit silencieuse.
« Bienvenue dans la ville de votre quartier général, monsieur Tête d'Œuf.
– Heureux de te revoir aussi, Bruce. »
Je lui adressai un sourire tandis qu'il me tendait la main pour m'aider à gagner le quai, avant de faire pareil pour Bill. Cela fait, il me donna une accolade chaleureuse et me fit geste d'avancer devant lui. « Tout le monde vous attend, dépêchez-vous. »