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Continents [OS] de Xabab



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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 16/03/2015 à 17:10
» Dernière mise à jour le 16/03/2015 à 17:10

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Tout est flou. Le sable, le ruisseau qui bat son plein quelques mètres de moi, le ciel… Le monde entier est flou.
Alors c'est ça de sentir la terre se défiler sous ses pieds ? C'est cette sensation dont parlent tous les bouquins, celle de ne plus sentir son corps ? Je le pense, du moins en partie. Les bouquins énoncent aussi une douleur fulgurante, plus puissante que toute celle éprouvée avant cela dans sa vie. Mais cette douleur… elle…
Je ne la sens pas. Elle est inexistante. Pourtant je sais le liquide chaud dans lequel je baigne, je connais l'odeur qui s'en dégage et mes yeux ne brûlent pas sans raison. La vie ne s'échappe pas innocemment d'un corps, on ne quitte pas son enveloppe charnel sans un lien de cause à effet, sans un raisonnement logique.

Pourtant ce n'est pas mon cas. Il n'y a pas cette douleur, il n'y a pas la sensation d'une mort qui approche à grands-pas, d'une âme qui s'échappe pour rejoindre un quelconque au-delà. Toutes mes pensées sont fixées sur les dernières minutes de ma vie, sur le visage de celui qui vient de me jeter à terre, sur l'hésitation que j'ai vu dans son rictus, sur l'unique larme qui dévalait sa joue comme une pierre le long d'un ravin, dont la chute dévastatrice ne peut être interrompue par la seule force d'un homme.
Malgré mes efforts je ne parviens à lever les yeux pour voir le sentiment affiché désormais sur ses lèvres, espérant y trouver du regret. Mais le sang me brûle, dévore lentement mon champ de vision à l'image d'une nuée d'insecte répandue sur des cultures.

J'ai l'impression que ce sont ses jambes devant moi et j'espère les voir chanceler. Je veux voir à l'œuvre la loi de la gravité, je veux que la peine fasse chuter ces membres fragiles, que ses genoux viennent claquer le sable en se brisant sur des pierres. Je veux son sang mêlé au mien, je veux ses larmes dans celle que je ne peux faire couler, je veux sa joue sur la mienne, je veux l'entendre dire qu'on quitte ce monde ensemble.
Je veux un tas de choses que je ne pourrais jamais obtenir.

Mon regard… Il se lève, péniblement. Avec peine je parviens à voir ses genoux, ses cuisses et enfin ses deux mains qui pendent lamentablement le long de son corps. Ses doigts sont tous dépliés, ceux de sa main droite laissant goutter lentement quelques taches de sang, de mon sang. Je n'y vois pas serré le couteau ; il est resté planté dans mon abdomen, le froid qu'il provoque en moi est significatif de sa présence. Lui manquait-il de la force dans le poignet pour aller au bout de son œuvre, pour le retirer après l'avoir enfoncé dans mon corps tout en transperçant mon esprit ?

Je tente de remonter un peu plus les yeux, évitant de penser au sable mêlé au sang qui me les détruit à chaque seconde, me brouillant la vue. Quelle importance ? Ils ne me serviront plus jamais. Dans peu de temps je fermerai les paupières, je m'étendrai dans se sable rouge et je me tournerai vers un ciel dont j'avais tant rêvé.
Je pourrais bouger les lèvres, extirper avec difficulté de ma gorge des mots qui pourraient me coûter tant d'efforts que ma vie s'en irait avec eux, comme un mineur s'engouffrant dans un boyau pour en retirer du charbon, ne sachant s'il ressortira derrière de cette cavité dans laquelle il s'est engagé.

Aucun mot ne sort, juste des pensées qui traversent mon esprit en un immense ouragan confus mêlant questions et peines. Je n'ai rien à dire, ou trop. Rien qui ne puisse satisfaire les quelques minutes qui me sépare de mon dernier souffle, rien qui ne vaille la peine de briser un silence bien plus significatif, entrecoupé seulement par quelques sanglots. Les siens…
Avec difficulté je laisse un sourire briser la sérénité de mon visage, ce calme funèbre. J'aime le bruit de sa peine, le son de sa douleur, l'image de son regret…

Cela me suffit à lâcher prise, à me sentir prêt à partir. Lentement je laisse mon visage retomber, mon nez s'écrasant dans le sable. Je ferme mes yeux qui ne me font plus souffrir et je fixe mon écoute sur les battements de mon cœur, chacun d'entre eux laissant échapper de ma plaie une gerbe de sang.
Il est temps de partir, de courir le long du tunnel et de rejoindre l'autre côté du gouffre.


***


« Je pense qu'il faut aller plus loin que les recherches effectuées jusqu'à présent. Le monde n'est pas seulement celui que nous regardons, il est celui que nous percevons et que nous imaginons. Se limiter à ce que l'on sait ne pourra jamais faire avancer quoi que ce soit.
– J'apprécie énormément votre blabla professeur Strauss mais cela ne me donne rien de concret pour le moment. Espérer obtenir des subventions sur de beaux discours est un pari osé mais qui ne mènera à rien avec moi. »

Le directeur du musée me dévisage en même temps qu'il me lance ces mots à la face mais je n'en tiens pas vraiment compte. Je n'ai jamais vu depuis mes dix ans ici un sourire sur les lèvres d'un Granbull tel que lui et je ne pensais pas en voir un aujourd'hui. C'est pour cette raison que je me contente de tourner les pages de mon tableau de présentation, laissant apparaître à ses yeux une série de symboles qui paraîtraient totalement farfelus à n'importe qui, même au plus grand linguiste de la région.

« Qu'est-ce que cela, monsieur Strauss ? me lance une fois de plus d'un air désagréable le directeur.
– Des écrits que j'ai retrouvés de part et d'autres du monde, dans d'anciennes ruines disséminés sur trois lieux différents de la carte si je veux être plus précis.
– Je vous en prie, apportez-moi ces précisions. »
Pour une fois son regard change et j'y sens comme une certaine curiosité. Venant de celui qui me prend pour un fou depuis que je fus son élève à l'université je me sens presque touché par cette marque de reconnaissance et m'empresse de poursuivre.

« L'une de ces ruines se trouvait dans le désert, une autre sur une route couverte de pluie et la dernière en pleine mer.
– Des ruines vous dîtes ? Personne n'en avait jamais parlé avant vous pourtant…
– Ce ne sont que d'énormes rochers en vérité mais je suis certain qu'ils cachent quelques choses, les inscriptions que j'ai trouvé sur l'une de leur façade, la même à chaque fois, me permet de l'affirmer. »

Le directeur laisse le silence s'installer, sa main venant gratter inconsciemment la barbe de deux jours qui recouvre son visage pendant que son regard grave scrute les inscriptions étalée sur mon tableau. Sa carrure impressionnante aurait impressionné plus d'un homme et séduit plus d'une femme, tout le contraire de la mienne. Ses cheveux tiré en arrière, parfaitement coiffés, lui donnait un air sérieux que personne ne pouvait lui ôter à l'image de son costume trois pièces fait sur mesure.
Cet homme est mon modèle, je l'admire autant que je le déteste. Je n'apprécie pas sa façon de prendre ses élèves de haut, de se penser au-dessus des autres depuis qu'il a découvert le mystère du delta de Martin Golt, inauguré de la sorte en son nom, et je hais son habitude de dénigrer toutes les découvertes qui ne viennent pas de lui. Mais j'aime sa fougue, son amour pour les secret, sa façon de mener à bien chacune de ses recherches…

« Poursuivez, finit-il par lancer avant que je m'exécute sans demander mon reste.
– Il y a des ruines sous-marines quelque part en pleine mer que des scientifiques ont révélée au grand jour il y a une dizaine d'année. Figurez-vous qu'ils découvrirent par la même quelques stèles comportant les mêmes symboles que ceux que j'ai trouvé sur ces trois roches, dis-je en même temps de tourner la page de mon tableau. Il est question d'un royaume, de gardiens et de deux pokemons qui permettraient d'ouvrir les portes.
– Les portes ?
– Trois pour être exact, comme le nombre de gardien au passage. Je suis prêt à parier ma place ici qu'il est fait référence aux trois rochers que j'ai trouvés disséminés dans la région.
– Ne vous emballez pas pour autant. Votre histoire est intrigante mais vous savez autant que moi que la création des continents reste une fable.
– Pourtant cela fait des années que je vous parle de l'histoire du golem et de ses trois serviteurs et vous vous y intéressez pour la toute première fois. »


Il ne répondit rien et se contenta de baisser le regard. « En effet mais j'aimerais plus de preuves. De quels pokemons parliez-vous ?
– Excellente question…
– Je sais qu'elle est excellente, me coupe-t-il sèchement, je n'ai pas l'habitude de brasser de l'air. Allez à l'essentiel sans user de vos manières. »
Je sens de la haine monter en moi mais il est inutile de la laisser me subjuguer. Pour une fois que le professeur Martin prête attention à mes recherches il est question de ne pas le décevoir.
« Un Relicanth et un Wailord. J'ai capturé le premier pendant mon voyage mais impossible de trouver le second, c'est pourquoi j'ai besoin de votre aide et des subventions du conservatoire. Il faut que je me rendre dans ces ruines avec ces deux pokemons. »

Le professeur ne répond rien et se gratte de nouveau le menton, une habitude que je trouve insupportable mais dont il ne peut se passer à chaque fois qu'il pèse le pour et le contre de sa réponse. Il reste ainsi pendant quelques secondes, interminables, puis relève la tête et me fait un signe d'approbation.
« Vous êtes dresseur, professeur Strauss ? ajouta-t-il simplement sans que je ne comprenne pour quelle raison.
– Je… Oui, évidemment. Pas le meilleur des dresseurs mais je me débrouille.
– Il faudra faire un peu mieux que se débrouiller si vous voulez vous emparer des trois gardiens et découvrir le royaume perdu. Mais je ne me fais pas de souci, je vais vous faire le bonheur de mener vos recherches au côté de ma meilleure élève.
– Marina ? »

La réponse était sortie naturellement, le ton de ma voix se trouvant entre la surprise et l'effroi. En parlant de sa meilleure élève le directeur ne pouvait faire mention que de Marina Dim, la plus belle fille de ma promotion à l'université, la plus brillante et l'idole du professeur Golt, si on peut la qualifier ainsi. Elle ne m'avait jamais regardé de sa vie, s'était plus d'une fois moquée de mon histoire de trois gardiens et de leur roi, protecteurs immobiles d'une terre perdue, et ne portait sur mes recherches qu'un regard critique.
« Vous ne pouvez pas me mettre en binôme avec Marina ! Elle ne croit pas à tout cela et ce serait une perte de temps.
– Vous voulez vos subventions, professeur ? répond Golt en me foudroyant du regard.
– Oui mais…
– N'en dites pas plus. Vous avez rendez-vous dans une semaine jour pour jour à la gare. Marina vous attendra avec deux billets pour un train qui vous mènera sur la côté, là vous nagerez jusqu'à vos ruines avec les deux pokemons en votre possession. Je vous fais maître de cette expédition, vous avez libre arbitre et tout l'argent dont vous aurez besoin. »
Sur ce il tourne les talons et se dirige vers la porte, me laissant seul dans la salle, prêt à fêter ma victoire. Mais, au moment de lever le poing en signe de bonheur, la porte s'ouvre une dernière fois et son visage grave me défigure encore : « Une dernière chose, James, ne me décevez pas ou je ferais en sorte de vous rappeler votre pari à propos de votre poste ici. »


***


« Marina Dim, enchantée.
– James Strauss, de même. »
Je ne comprends pas cette façon de se présenter, comme si les quatre ans que nous avions passés à quelques mètres l'un de l'autre sur les bancs de l'université n'avaient été qu'un rêve que j'avais été le seul à faire. Je vois pourtant dans son regard hautain qu'elle se souvient de moi autant que dans le ton de sa voix qui sonne extrêmement faux. Pourtant je décide de rentrer dans son jeu et de me présenter aussi, peut-être est-ce là un moyen pour elle de repartir de zéro en abandonnant tous les préjugés qu'elle peut avoir à mon encontre.
Néanmoins j'en doutais. Marina était exactement la même que deux ans auparavant lorsque je l'avais croisé à un séminaire où elle avait vivement critiqué mon idée d'un monde englouti que des géants protégeraient de divers endroits du globe. Sa taille fine pouvait encore faire rougir n'importe quel homme, ses cheveux longs d'un noir de jais affinait cette grâce et chaque trait de son visage semblaient conçus pour exercer l'art de la séduction ; ce à quoi je n'ai jamais été insensible.

« Le train part dans dix minutes, on ferait mieux de se dépêcher. »
Je ne réponds rien sur le moment, me contentant de plonger mon regard dans le sien pour tenter d'y découvrir un quelconque sentiment. Pas à mon sujet, bien entendu, je ne suis pas là pour cette raison et l'excitation pour mes recherches est bien plus grande que celle que je n'aurai jamais pour cette femme, aussi belle soit-elle. Ce qui m'intéresse est de savoir ce qu'elle pense de l'expédition et de quel regard elle la voit.
Néanmoins, après un froncement de sourcils de sa part, je ne peux m'empêcher de rougir et de détourner les bêtement les yeux. « On y va, ajoute-t-elle d'un air indifférent. »


***


Un trajet de dix heures en train est atrocement long, heureusement que la lecture est capable de combler l'ennuie que je peux ressentir dans des moments comme celui-ci, un ennuie d'autant plus fort que je sais que je vais pouvoir mener mes recherches à bout cette fois-ci dès mon arrivé près de la côte. Face à mon ma partenaire ne m'adresse pas un regard, elle a relevé ses boucles brunes derrières ses oreilles et reste plongée dans un traité de langue au volume assez épais pour occuper n'importe qui pendant des années.
Les heures passent sans bruit. Vient un moment où midi sonne et où nous déballons ensemble nos sandwichs sans même nous adresser un regard et le reste du trajet se poursuit dans le plus grand calme.

Le temps passe lentement et peu à peu je ne vois plus le wagon du train dans lequel je me trouve et ne pense plus à Marina. Le roman que je dévore capte toute mon attention et le temps semble soudain moins long. L'histoire n'est pas intelligente, elle ne demande pas une réflexion intense mais elle est belle et pousse l'imaginaire ; je n'en demande pas plus. Je laisse mon esprit se faire emporte dans les pages du livre, laissant Marina à son traité de langue et à son indifférence. Mais, alors que justement je commence à ne rien voir, c'est là que sa voix s'adresse directement à moi.
« Je ne pensais pas me retrouver avec toi dans un train pour retrouver les golems de tes fables. »

Je ferme mon livre doucement, frustré de me voir ainsi coupé dans un élan de lecture qui aurait fait passer le temps plus vite et me demande si elle n'a pas volontairement prononcé cette phrase pour m'embêter. Mais, en levant les yeux vers elle, je me rends compte que son regard est étrangement sincère et mes pensées néfastes quittent directement mon esprit.
Heureux de voir qu'elle prend enfin conscience de ma présence je me décide à répondre.

« Ce n'est pas une fable, les gardiens existent et nous allons les trouver.
– C'est ce que semble croire Martin en tout cas. »
Il me faut quelques secondes avant de resituer le prénom du professeur Golt, trouvant étrange de l'entendre être employé par l'une de ses élèves. Sont-ils plus proches que je ne l'avais pensé auparavant ? Mais à peine cette question posée qu'elle quitte mon esprit, la réponse ne comptant guère à mes yeux, bien moins en tous les cas que de justifier mes propos envers Marina.
« J'ai trouvé des textes gravés à même la pierre qui prouvent leur existence ainsi que celle d'une civilisation antique dont l'on entendrait plus parler de nos jours.
– Disparue en même temps que tout un continent, engloutie sous les mers après une catastrophe, désormais gardées à différents endroits du globe.
– Tu es donc d'accord avec moi ?
– Je résumais seulement toute cette histoire, je doute que l'on trouve quoi que ce soit en amenant mon Wailord et ton Relicanth dans ces ruines. »

Je laisse un court moment de silence s'installer avant de reprendre. « Cela vaut tout de même le coup d'essayer, au moins pour clarifier ce qu'en disent les écrits.
– Je suis d'accord. De toute manière je pourrais difficilement aller contre les décisions de Martin et ce quand bien même j'en aurais envie. Il a l'air de tenir à cette expédition et a investi assez d'argent dans ce Wailord ainsi que tous les moyens à notre disposition.
– Tous les moyens à notre disposition ?
– Tu ne penses tout de même pas que je vais aller en nageant jusqu'à ces ruines. Un bateau nous attend ce soir sur la plage, nous serons là-bas dans moins de trois heures.
Elle ajouta un sourire comme en réaction à la surprise affichée sur mon visage et se replonge dans son livre, pour le reste du trajet.


***


Comme prévu un navire nous attendait sur la plage, prêt à partir. Un homme nous attendait à la gare pour se charger de conduire nos valises pendant que nous prenions le taxi réservé depuis une semaine qui devait dévorer les dix kilomètres séparant la gare de la côté. Le professeur Golt m'avait demandé de lui fournir les coordonnées exactes des ruines que les trois marins chargés de nous y mener connaissaient déjà sur le bout des doigts.
Alors que le soleil commençait juste à descendre à l'horizon lors de notre arrivée en gare, c'était la lune qui le remplaçait désormais maintenant au moment de prendre le large. Le voyage, tout comme celui en train, se fit dans un calme absolu. Marina se tenait dans un coin, une couverture sur les épaules, pendant que je scrutais l'horizon en tentant de trouver mes repères dans le noir.

Cela ne m'avait servi à rien, les outils des marins avaient été plus efficaces que mes yeux et il ne fallut que deux heures pour arriver à destination.
« Vous êtes sûr que c'est ici ? » Ma question n'a aucun sens et je me rends compte, surtout maintenant que je suis en tenue de plongée, prêt à parcourir le fond de la mer à la recherche de cette grotte.
« Bien sûr qu'ils en sont certains, me réplique sévèrement Marina qui se tient à mes côté, sa tenue de plongée ciselant parfaitement chacune des formes de son corps. Il n'y a pas de temps à perdre avec ce genre de question. »
Sur ce, elle dégaine une balle de sa ceinture, la lance en l'air et laisse apparaître un magnifique Tarpaud. La suivant de près, j'en fais de même en laissant mon Carabaffe me rejoindre.

Et sans un mot de plus nous plongeons côte à côte, ayant pris soin auparavant de fixer à nos hanches les lampes torches qui doivent nous permettre de ne pas se perdre dans le noir. Étant déjà venu ici il s'était décidé que je prendrais la tête durant la descente et que Marina devrait se contenter de me suivre. Un sentiment de plaisir me parcours à l'idée qu'elle soit enfin sous mes ordres lors d'une expédition qu'elle a longtemps critiquée.
Mais je n'y pense qu'une seconde, mon esprit étant rapidement envahit par l'excitation à l'idée de revenir dans les lieux qui confirmèrent pour la première fois mes hypothèses.

Quand j'avais présenté au cours d'un séminaire l'idée d'une civilisation plus ancienne que la nôtre je n'avais reçu que des railleries de la part de mes collègues. Je travaillais pourtant depuis des années sur la légende d'un Pokemon qui aurait tirés les continents par la seule force de ses bras, aidés par trois serviteurs qu'il aurait créés à partir de différents éléments. Rien n'avait pu justifier mon hypothèse si ce n'est que quelques traités linguistes sur une langue morte que des scientifiques avaient retrouvés dans différentes ruines de Kanto. Mais ce n'étaient que des pistes très minces, pistes qui m'avaient néanmoins fournis les coordonnées de la grotte sous-marine vers laquelle je me dirige en ce moment.

Je sais qu'elle n'est plus très loin, la profondeur à parcourir n'est pas immense et je me rappelle globalement de ma précédente descente. Si mes calculs sont exacts je pense que nous devrions apercevoir le haut des ruines dans moins de quelques secondes…
Et à peine cette pensée traversaient mon esprit que je vis devant mes yeux apparaître une lignée de colonnes de pierre, tendues vers un ciel lointain et sans doute présente bien avant la naissance du plus vieux roi de cette terre. Je ne sais pas si Marina les aperçois déjà mais si c'est le cas alors j'espère qu'elle est en train de changer d'avis au sujet de mes recherches.
Installé sur le dos de mon Carabaffe je tends le bras vers la droite pour lui indiquer l'endroit où se trouve la grotte et indique cette direction à mon Pokemon d'un mouvement du poignet. Sans attendre il s'exécute et il ne faut que quelques minutes avant de gagner le sommet des hautes colonnes de pierre.

La grotte est juste en contrebas, caché par quelques rochers qui se sont écroulés il y a de cela des centaines d'années. J'ai laissé au professeur sa description avant de partir et Marina sait sans doute qu'il suffit après s'y être engouffré de remonter une longue excavation permettant de rejoindre la surface de l'eau.
Sans vérifier si elle me suis-je fais signe à Carabaffe de s'infiltrer par l'entrée de la grotte qui s'ouvre devant moi pour la seconde fois de mon existence, mon excitation battant son plein au fond de ma poitrine. Je sens sur le côté pendre deux balles, l'une vide et l'autre contenant le Relicanth que j'ai capturé pour l'occasion il y a maintenant deux mois. Derrière moi se trouve Marina et son Wailord. Je ne lui ai pas demandé comment elle l'avait eu, si le professeur lui en avait fait parvenir un exemplaire ou si elle l'avait tout simplement bien avant qu'il ne lui parle de cette expédition.

Mais il n'est pas temps de se poser des questions. Au-dessus de moi défile une série de rochers tranchants et je me dois de faire attention malgré toutes les précautions que prend mon pokemon pour que je ne m'y cogne pas. Je reste donc couché sur sa carapace durant toute la remonté, ne bougeant pas pour éviter de prendre un coup qui pourrait s'avérer fatal, et cela quand bien même mon équipement est plus fiable que celui de la dernière fois, ayant payé seul la précédente expédition.
Il ne fallut pas longtemps pour atteindre la surface, moins que je ne l'avais suspecté avant de m'engager dans la cavité rocheuse. Juste après avoir retiré mes lunettes de plongée, un bruit d'éclaboussure résonne dans mon dos et Marina me rejoins.

« Et maintenant ? me lance-t-elle essoufflé en s'agrippant à mon épaule pour retirer ses palmes.
– Maintenant admire. »
Je décroche alors de ma ceinture la lampe torche et la pointe en direction des stèles disséminés au travers de la grotte, révélant à nos yeux les écritures anciennes à même la pierre qui me font revenir en ces lieux. Dans mon dos Marina ne dit rien et admira en silence la grotte dans laquelle nous venons d'arriver.
« Tu me crois en voyant ça ? » Ma question n'obtient pas de réponse mais je sais que la vision de ce lieu remet en question tous ces aprioris à mon encontre. Son silence me suffit à saisir cette impression.

« Suis-moi. »
Sans attendre de réponse ou d'autorisation de sa part je m'empare de sa main et la tire vers le fond de la grotte. Marina se laisse faire et me suis docilement. Me demandant pourquoi elle ne réagit pas je décide de me retourner et de pointer ma lampe dans sa direction avant de m'en rendre compte qu'il n'y en a pas besoin. Un Funécire trotte placidement derrière elle, éclairant les alentours.
Les yeux de Marina tournent dans leurs orbites et semblent arpenter chaque partie de la grotte, regardant tour à tour chaque stèle comme si elle était capable d'en lire les marques.
« C'est fabuleux, laisse-t-elle échapper au bout d'un instant en décrochant un sourire sur mon visage. »

Alors que nous arrivons devant l'autel où se trouvent les indications concernant Relicanth et Wailord elle se rend compte que je lui tiens la main et la retire vivement, comme si ses doigts étaient soudainement entrés en contact avec de l'eau bouillante. J'ai peur de sa remarque mais elle n'en fait pas, se contentant d'aller effleurer de l'index l'unique phrase qui y est gravée.
« Qu'est-ce que cela dit ?
– Qu'il faut y amener Relicanth en premier et Wailord en dernier. Néanmoins je ne sais pas ce que le terme amener peut signifier dans un tel cas.
– Impossible de faire sortir Wailord dans un endroit pareil en tout cas. Essaye de poser la balle de Relicanth. »

Sans réfléchir je m'exécute, espérant que cela fonctionne sans trop savoir comment en avoir la confirmation si c'était le cas. « Je vais en faire de même. » Elle pose la sienne, avec précaution de peur de quelque chose. Sa main relâche la balle, s'en éloigne et sans un bruit nous attendons. Nos yeux fixent l'autel, nos souffles s'éteignent et les seuls bruits sont ceux de nos cœurs qui battent à l'unisson dans l'attente de quelque chose.
Puis rien. Les secondes passent et se succèdent, deviennent des minutes et nous restons plantés sans bouger à fixer nos deux balles, immobiles.

Alors brusquement Marina se met à souffler et fait un pas en avant, tendant la main pour récupérer son pokemon. « Je savais que toutes ces recherches étaient stupides. »
Mais au même moment la terre gronde et un tremblement vient secouer nos deux corps. Devant moi je vois Marina chanceler et s'écraser sur le sol. Sa tête cognant l'autel avec une telle violence que je la pense gravement blessée. De mon côté je me rattrape à l'une des stèles, me demandant d'où vient cette secousse pendant qu'un mur s'écroule derrière Marina et révèle à mes yeux une autre salle.

Le tremblement de terre s'interrompt au bout de quelques secondes et je me précipite vers ma partenaire, prenant entre mes mains son beau visage salit par quelques taches de sang. Elle est vivante. Inconsciente mais vivante.


Je sais qu'il lui faut du secours mais la salle récemment ouverte m'intrigue au plus haut point. Pendant que le Funécire reste aux côtés de sa maîtresse, je m'y engouffre et découvre avec stupéfaction un mur pratiquement vierge sur lequel ne s'étale qu'une seule phrase que je n'ai aucun mal à déchiffrer : « Revenez avec les gardiens, ouvrez la porte. »
Il ne m'en faut pas plus, tout ce que j'avais à découvrir ici est maintenant en ma possession. Le goût de l'aventure frétille dans mes veines. Je m'empare des deux balles toujours sur l'autel malgré les secousses sans que cela ne change rien, rappelle Funécire dans celle de sa maîtresse et prend dans mes bras le corps inerte de cette dernière.
« Allons-y Carabaffe, on remonte à la surface. »


***


Cela fait une semaine qu'elle est plongé dans un sommeil profond et que je n'ose pas bouger de l'hôpital dans lequel nous l'avons conduit, avec l'aide des marins qui m'ont aidé une fois à la surface. Le professeur Golt a insisté par téléphone à ce que je poursuive le voyage seul, plus qu'enchanté par la nouvelle de ma découverte dans la grotte sous-marine. J'ai failli partir deux fois mais je n'ai pu le faire sans auparavant lui rendre une visite décisive à la suite de laquelle je ne peux que défaire mes valises.
C'est à chaque fois la même chose. Je regarde son visage serein posé sur l'oreiller de sa chambre d'hôpital, ses lèvres fines qui ne bougent plus depuis des jours et la cascade de cheveux qui se propagent dans son dos. Sur le coin de son front une coupure désormais lavée du sang qui en avait coulé.
« Je ne peux pas la laisser seul. »

Ce sont les seuls mots que je parviens à prononcer avant d'appeler aussitôt Golt pour refuser le départ tant que ma partenaire n'est pas totalement rétablie. « Elle n'a pas forcément besoin de vous, me disait-il. Les médecins m'ont assuré que son état se stabilisait de jour en jour, avec de la patience elle pourra vous rejoindre sous peu.
– Je le sais, professeur. Je préfère tout de même attendre qu'elle soit sur pieds pour reprendre la route. Nous avons fait la découverte ensemble et je veux qu'elle soit là pour la suite.
– Vous êtes têtu, Strauss. C'est une qualité autant qu'un défaut. Je vais vous laisser une semaine de plus pour prendre une décision, passé ce délai vous prendrez l'avion en direction de la ville la plus proche du premier rocher, celui de votre choix. Avec ou sans elle. »
Et il avait raccroché, me laissant seul avec mes doutes et mes craintes.

Les sentiments que j'avais à l'égard de Marina s'étaient développés durant les quelques jours de sa convalescence. Ce n'était plus de la colère que j'éprouvais envers elle comme lors de nos débats au cours de séminaires, ni du dédain ou de la jalousie. D'un côté je l'admirais pour son ouverture d'esprit dont elle avait fait preuve en m'accompagnant et je ne pouvais m'empêcher de penser que son état résultait de mon unique faute. Je l'avais entraîné là-dedans et elle en payait le prix.
Aujourd'hui et comme chaque jour de la semaine qui vient de s'écouler je me rends dans sa chambre après le déjeuner pour ma visite quotidienne quand le docteur me croise et me prends par le bras. Une sensation étrange me parcourt avant que je ne pose mes yeux dans son regard, craignant d'y saisir une mauvaise nouvelle.

Mais un sourire s'étend sur ses lèvres pendant que sa main s'empare de la mienne afin de la secouer vigoureusement. « Elle est réveillée depuis une heure. Nous n'avons pas appelé tant que nous n'étions pas sûrs de son état mais vous pouvez lui rendre visite. J'allais justement vous en faire part lorsque je vous ai croisé. Un dernier conseil : ne la brusquez pas trop tout de même. »
Il se tait un instant puis ajoute : « L'amour, un sentiment magnifique… » Sur le moment je n'ose pas lui répliquer qu'il n'en est rien et me contente bêtement de rougir, ce à quoi il répond par un autre sourire et une claque sur mon épaule avant de tourner les talons.
Mais cela n'a pas vraiment d'importance : Marina est consciente.

Quand j'entre dans la chambre sa vision me remplit de joie et un soulagement s'empare soudain de mon corps.
Elle est assise sur son lit, un livre entre les mains dont elle s'empresse de se détourner dès mon entrée. Un sourire se dessine sur ses lèvres, le genre de sourire enchanteur capable de détruire des remparts autour du cœur du plus insensible des hommes. Je lui rends évidemment ce geste, hésitant tout de même à m'approcher, me sentant toujours un peu coupable de son état. Elle le ressent, me fait un signe de la main et mes pieds s'élancent comme soudainement doués d'une volonté propre.
« Les médecins m'ont tout racontés, me dit-elle tandis que je m'assois sur le lit à côté d'elle, ils m'ont dit que tu m'avais tiré hors de la mer alors que j'étais inconsciente et que tu n'avais pas voulu quitter mon chevet. » Tout en disant cela elle passe sa main dans ses cheveux, puis baisse les yeux avant de les remonter vers moi. Son regard est plus doux que ce qu'il était auparavant, un sentiment de reconnaissance solidement ancré au creux de ses pupilles. Et alors que j'admire ces dernières les lèvres de Marine s'entrouvrent et dessinent un unique mot, plus sincère que tout ce que l'on a pu me dire dans ma vie et pourtant si simple.

« Merci. »

Le silence s'installe, semble nous embarrasser mais nos regards fixés l'un dans l'autre veulent dire bien plus qu'une poignée de mots. Elle me prend la main, la serre entre ses doigts avant de le briser.
« Raconte-moi ce qu'il s'est passé quand nous étions dans cette grotte, après le tremblement de terre.
– Tu veux dire que tu es de la suite de l'expédition malgré ta blessure ? dis-je sincèrement plein de joie.
– J'en suis. Plus que jamais. »


***


« C'est un roman que j'ai acheté avant de partir, il est assez conséquent et je me disais qu'il me ferait facilement tout le voyage. Mais ton séjour à l'hôpital m'a permis de le finir une bonne dizaine de fois.
– Pourquoi ne pas en avoir acheté un autre ? me demande Marina d'un air candide.
– J'aime bien celui-ci. Certes ce n'est pas le roman le plus intelligent que j'ai lu de ma vie mais il a quelque chose de passionnant qui me plait dans le cas de cette aventure.
– Dis-m'en plus. »

Le voyage en avion qui nous sépare de la seconde ville sur notre route est bien différent de celui du train deux semaines auparavant. Cette fois il n'est pas question de silence mais d'une longue discussion ininterrompue. On parle de tout et de rien, évitant tout de même le sujet de l'aventure qui nous rassemble. Nous avons convenus qu'il était plus sage de ne pas en parler pour mieux la vivre pleinement.
Pendant les quelques jours séparant le rétablissement de Marina de notre départ celle-ci insista pour que je lui enseigne la langue que nous avons trouvés dans cette grotte océanique. Il ne lui fallut pas longtemps pour en maitriser tous les rudiments et cette pédagogie nous rapprocha un peu plus l'un de l'autre. Il n'était désormais plus question de rivalité ou de jalousie, juste de se connaître mieux en repartant sur de bonnes bases.

« Il parle d'un homme qui se perd dans une aventure sans fin, un peu comme la nôtre. Il est à la recherche d'un paradis perdu dans le monde pokemon mais ne sait exactement où il se trouve. Sa seule piste est un vieux bouquin hérité de son grand-père.
– Il finit par trouver ce paradis ?
– Oui mais il n'est pas exactement comme il l'imaginait. Ce n'est qu'une terre désolée où aucun arbre ne pousse et que les oiseaux évitent, un monde à part qui n'aurait jamais dû regagner la surface de la terre. Il l'appelle : le paradis du désespoir. »
Marina semble méditer un moment sur ces mots puis se met à me sourire comme elle le faisait tout le temps depuis son réveil.
« J'aimerais beaucoup le lire. Tu me le prêteras pendant le voyage ? Je t'achèterais un roman en ville, je ne voudrais pas que tu ne gardes que cette histoire en tête. »
Et c'est à moi de rire de bon cœur.


***


Nous sommes dans le désert devant l'ancienne ruine que j'avais découvert quelques mois plus tôt, du moins ce que j'avais appelé rocher en présence du professeur Golt. Un rocher qui s'était ouvert depuis mon dernier passage, comme tranché brutalement pas l'épée d'un géant.
« Tu penses que l'ouverture est à cause de ce que nous avons fait dans les ruines ? demande Marina tout en tentant de repousser sans efficacité le sable qui tourne tout autour de nous.
– J'en suis certain. Cette porte est immense et elle n'y était pas la dernière fois. C'est grâce à nous que les ruines sont ouvertes.
– Et l'un des gardiens se trouve à l'intérieur ?
– Sans aucun doute. Mais il n'y a qu'un seul moyen d'en être vraiment certain. »

Sans rien ajouter je m'engouffre dans le passage récemment ouvert dans le rocher, Marina sur mes pas. Je ne peux pas être certain de découvrir à l'intérieur l'un des légendaires dont je suis à la recherche, l'une des clés du monde où vivait une civilisation éteinte avant notre ère. Mais je pense qu'il y a des chances ; je n'ai jamais cessé d'y croire. Pour beaucoup cette histoire n'est qu'une légende mais elle a toujours représenté bien plus à mes yeux. Aujourd'hui vient tout simplement le moment de prouver que j'ai raison.
Un petit escalier défile devant nous et je m'y engage sans attendre. Il est court, seulement une dizaine de marches avant de se retrouver face à une seconde ouverture donnant sur une grande salle. Une fois à l'intérieur de cette dernière je remarque que les ruines s'arrêtent là, à ma plus grande surprise. Mais ce n'est pas la seule découverte que je fais face à cette cavité étrangement éclairée par quelques lampes torches. Au centre de la pièce se tient un immense golem de pierre dont les yeux, ou du moins ce que je considère comme étant ses yeux, me fixent.

« Tu avais raison, s'exclame Marina face à la même vision. C'est l'un d'eux, l'un des gardiens du monde dont tu parles depuis qu'on est à l'université ensemble…
– Regirock, clé de pierre. Oui, il n'y a aucun doute là-dessus. »
Mais à peine son nom est-il prononcé que le golem commence à trembler et que des nuages de poussières accumulés sur son dos depuis des millénaires s'envolent autour de lui. Ses yeux se font plus brillants, ses bras se mettent en mouvement et ses genoux auparavant pliés lui font soudain gagner de la hauteur. Il est facilement deux fois plus grand que moi et sa stature lui permettrait de me réduire en bouillie au moindre coup qu'il pourrait me porter. Néanmoins ce n'est pas mon but, je n'abandonnerai pas si près de la découverte la plus importante de ce siècle.
« J'espère que tu débrouilles en combat, me lance Marina qui a déjà dégainée une balle de sa ceinture. »

Aussitôt son Tarpaud se retrouve devant ses pieds, prêt à se battre contre le golem de roche qui fait un pas en avant et propulse tout autour de lui des salves de rochers tranchants. « Tu attends quoi ? me lance Marina qui ordonne à son pokemon de déchaîner des trombes d'eau sur notre adversaire. Appelle ton Carabaffe. »
Je tremble. Le combat pokemon n'est pas mon fort et il ne l'a jamais été. Je suis un scientifique, un type qui travaille dans l'ombre mais qui n'apprécie pas de se mettre en avant d'une telle façon. Si j'ai des pokemons ce n'est que par formalisme ainsi que pour leur côté pratique. Je mentais en disant à Golt savoir me battre.
Néanmoins je ne peux la laisser seule. « Carabaffe, bulles d'eau ! »

Les attaques combinées de nos pokemons mettent rapidement le golem en alerte. Il est sensible à notre type et ne peut faire grand-chose contre eux. De plus Tarpaud et Carabaffe sont rapides, ils dansent autour de lui avec aisance en le mitraillant d'attaques élémentaires ; la lenteur du gardien ne peut faire face à tant d'agilités. Ses jambes sont lourdes et ses coups sont rares. Je sais que s'il touche sa cible mon Carabaffe ne fera pas long feu. Le golem a beau être lent il n'en reste pas moins une force de la nature.
Sa stature s'élève au-dessus de ses adversaires qui le mitraillent. Il frappe, envois des projectiles de roche autour de lui sans toucher ses cibles qui viennent lui tirer dans le dos. Son bras passe non loin de Tarpaud qui se replie rapidement dans son dos, usant de ses membres postérieur pour bondir par-dessus le golem avant de l'arroser.

Cette attaque semble fatale. Lentement le monstre chancelle et tombe à genoux devant nous, tous ses yeux se fixant sur nous. Carabaffe et Tarpaux arrêtent de combattre et se rassemblent dans son dos pour une attaque finale pendant que je prépare la balle servant à sa capture. Mais, alors même qu'il est écroulé, Regirock se relève et se retourne brusquement en faisant usage d'une rapidité qu'il avait caché jusqu'alors.
Un laser s'échappe de ses yeux, traverse la salle en fissurant le mur sur sa gauche avant de jeter à terre nos deux pokemons qui ne peuvent rien faire pour se défendre. Ils sont propulsés sur quelques mètres et s'écroulent avant de perdre conscience.

« On est foutu. » Ces mots sont sortis naturellement alors qu'une goutte de sueur dévale mon front.
« Hors de question ! »
Marina tire une autre balle de sa poche pendant que le golem fait lentement demi-tour et la toise de toute sa hauteur. Le bras de mon partenaire se lève, les yeux de notre opposant brille encore à la suite de son attaque et je crains qu'il ne la relance sur nous. Mais, avant même qu'elle ait achevé son geste, Regirock chancelle une fois de plus et s'écrase au sol dans un nuage de poussière.

Le temps que le nuage de poussière retombe c'est le silence qui devient maître de cette salle, remplaçant le géant de pierre. La main de Marina reste suspendue en air pendant que mes yeux ne quittent le corps gisant du gardien. Derrière lui se trouvent nos deux pokemons, inconscients, fauchés par un laser trop puissant pour eux ; ils ont au moins le mérite d'avoir épuisé le monstre.
« Qu'est-ce que tu attends, me demande ma partenaire en reprenant ses esprits, capture-le et passons au suivant ! »
Je ne sais quel sentiment domine l'autre dans le ton de sa voix. Est-ce l'excitation à l'idée de se retrouver en possession de l'un des trois gardiens de légende ou la peur que celui-ci ne se relève et entame un second round meurtrier.

En attendant je ne me pose pas longtemps la question. Mes doigts sont restés sur la balle que je m'apprêtais à tirer au moment où il chancela pour la première fois. En quelques secondes celle-ci traverse la pièce, lui retombe sur son corps et l'enferme. Elle bouge deux fois, s'immobilise, bouge de nouveau… Pendant ce temps on ne dit mot, chacun de nous priant dans son coin que tout fonctionne comme prévu, que le golem soit nôtre dans un instant. Nos souffles se taisent, nos cœurs vrombissent à l'unisson puis tout retombe.
La balle s'est immobilisée.

« Parfait, s'exclame Marina. Rappelons nos pokemons et partons, en direction de la prochaine ruine.
– Attends. »
Je lève ma main en signe d'apaisement et fixe le morceau de phrase inscrite sur le mur face à moi, me demandant si elle y était quand nous sommes arrivés ici ; il ne me semble pas. Marina suit mon regard et ses yeux se posent aussi dessus, juste le temps qu'il me faut pour traduire ces quelques mots.
« Qu'est-ce que ça dit ?
– J'ai tiré les continents, un par un. J'ai forgé mes amis dans le sable du désert, dans la chair d'un glacier et dans les tréfonds des mines. Un par un j'ai sanglé les terres par des cordes et j'ai tiré, fort. Je devais les remettre à leur place… »
Puis je me tais.
« Et la suite ?
– C'est terminé, répondis-je sans un mot. Il est temps de mettre les voiles, je veux savoir la suite. »

Mon cœur s'emballe à chaque minute désormais. Le temps qui me sépare de la résolution de ces vieilles énigmes n'est plus si long. Il ne me reste plus qu'à le franchir, accompagné.
Marina m'adresse un sourire, je le lui rends. C'est notre aventure.


***


Je ne sais plus quoi penser de la façon dont Marina se comporte avec moi. Elle me regarde, me sourit et ce presque tout le temps. Nous parlons des heures le soir de nos vies, de nos recherches et de nos passions. Les légendes sont les lanternes qui éclairent nos rêves, celle que nous vivons en priorité. Il y a entre nous des murmures, des chuchotements que personne ne peut entendre, des mots que je n'aurais jamais pensé entendre…
De l'ignorance nous sommes passés à la confidence, de l'ombre à la lumière et nous sommes comme deux comètes qui se croisent depuis des millénaires dans l'espace mais qui ne viennent que de se rencontrer. Mon cœur bat quand ses yeux se posent dans les miens, je m'emballe à ses sourires et je ris à ses phrases, sans raison. Et pour la première fois depuis des années je me dis que je ne recherche pas seulement les golems pour percer leurs secrets, j'ai une autre raison : je veux mener cette quête pour être avec elle.
Je l'aime.


***


Regice se retourne brusquement et écrase du regard le pauvre Funécire de ma partenaire qui, blessé, tente de se glisser derrière son adversaire. Ses attaques de flammes ne parviennent à rien malgré leur supériorité et la légèreté du gardien l'empêche de faire quoi que ce soit.
« Il est différent de Regirock. Moins puissant mais plus rapide.
– Si tu pouvais m'aider maintenant au lieu de confirmer ce que je sais je ne t'en voudrais pas, me réplique Marina qui me fait du même coup rougir jusqu'aux oreilles. »
Mes pokemons sont au tapis. Regice était trop puissant pour mon Carabaffe et mon Pijako, ils n'avaient aucune chance.

« Je n'ai plus rien !
– Et Regirock ? »
Regirock… Alors que Funécire tente de tenir le coup contre le second gardien ma main se glisse à ma ceinture où se trouve une dernière balle, celle dans laquelle se trouve le frère de notre adversaire. Alors que mes doigts la frôlent j'ai l'impression de sentir à l'intérieur la force du géant et sa puissance m'effraie. Et s'il se retournait contre nous en voyant son ami prendre des coups ?
Néanmoins ma partenaire a raison et je n'ai pas le choix : je dois l'utiliser si je veux vaincre le gardien de glace.

Non sans hésitation je lance la balle contenant le gardien d'argile qui apparaît sous mes yeux dans un éclat de lumière. Instinctivement je fais un pas en arrière alors qu'il se redresse pour faire face à son adversaire. Je ne vois que son dos composé d'une multitude de rocher et j'ai peur qu'il se retourne.
Mais il ne le fait pas et se contente de gronder en faisant crisser chaque pierre de son corps. Je sens qu'il rassemble toute sa puissance pour la libérer sur son frère las d'un combat trop long. Je lui ordonne de se déchaîner mais il ne me fait pas de signe pour me prouver qu'il m'entend tel un sourd auquel on crierait face au vent.

Mais en quelques secondes le laser qui mit au tapis nos deux pokemons quatre jours auparavant se déchaîne et percute de plein fouet l'être de glace. Celui-ci ne chancelle pas comme le fit son frère mais est littéralement propulsé contre le mur contre lequel il s'écrase. Des pierres tombent sur son crâne et finissent de l'assommer. Après un affrontement intense il n'était pas en mesure de venir à bout d'un autre gardien en pleine forme.
« Capture-le maintenant, me lance Marina. »
Je m'exécute et la capture se fait sans le moindre problème. Le golem entre, bouge quelques secondes à l'intérieur de la balle qui finit par se figer. Le combat est terminé.

Puis sans attendre de suite je me dirige vers le mur du fond pour y voir apparaître une seconde phrase. Les mots se tracent seuls sur la pierre, guidés par une main magique et invisible, ce qui confirme ma pensée. Elle n'y était pas quand nous sommes rentrés, c'est la chute du gardien qui la déclenche. Je m'empresse de la traduire dans ma tête avant de la lire à Marina sans lui laisser le temps de me le demander.
« J'ai placé chaque continent où il le fallait avec l'aide de mes golems. Tout était parfait, je ne pouvais que féliciter la fermeté des cordes qui m'avaient aidé. Mais quand tout fut terminé il me resta un morceau de terre à bouger et mes cordes s'étaient adoucies en glissant dans les océans et s'étaient usées contre le flanc des montagnes. Quelle erreur ce fut de tirer cette terre car mon œuvre se brisa. »

Mon regard croise alors celui de ma partenaire. Elle semble de plus en plus excitée par tous ces événements. Sa main se glisse dans la mienne et son corps se rapproche alors du miens sans que je sache pour quelle raison. Et nous nous enlaçons, embrassés sur le lieu de notre victoire, attendant que le temps passe.
Puis elle se recule et ses yeux brillants de mille feux se posent dans les miens : « Plus qu'un, ne traînons pas. »


***


Registeel est différent de ses frères. Je l'ai vu dès la première seconde où mes yeux se sont posés sur lui.
En entrant dans son sanctuaire nous l'avons trouvé éveillé, contrairement aux deux autres, comme s'il savait que nous arrivions et qu'il nous attendait. Ses yeux étaient fixés sur l'entrée et il se tenait droit, sans bouger, semblant sonder nos esprits. Marina me tient la main et la serre de toutes ses forces et je ressens sa peur ; moi aussi le gardien me trouble. Je n'ose faire un seul geste au cas où il déciderait de répliquer. S'il le veut il peut nous tuer, en quelques secondes comme le prouva Regirock quand il déchaîna son laser ou Regice quand il envoya à terre toute notre équipe.
Pourtant il ne fait rien.

« Qu'est-ce qu'on doit faire à ton avis ? me demande Marina en tirant légèrement sur mon bras. Appeler Regice et Regirock ? »
Je ne sais quoi lui répondre. J'ai envie de tirer les deux balles de ma ceinture et de clore cette bataille rapidement, le dernier gardien ne pouvant faire face seul à deux de ses semblables. Mais je ne peux m'y résoudre. Il est éveillé face à nous et nous regarde de haut, peut-être prêt à nous attaquer pour libérer ses frères dont il sent la présence à ma ceinture.
« Et s'il tirait ? S'il possédait le même laser que Regirock et qu'il nous fauchait sur place ? » Marina tremble à mes mots.

Le silence retombe alors. Je n'entends rien si ce n'est le bruit des rafales de pluie qui tombent au dehors, des rigoles d'eau qui s'infiltre dans le sanctuaire et… Le monde semble soudain se taire pour ne laisser place qu'à un son. La pluie cesse, l'eau ne coule plus, le vent s'essouffle. Il y a un bruit qui surpasse les autres.
J'entends un grésillement… Ou du moins trois grésillements. L'un est lointain, seul, tandis que les deux autres sont tout près et s'activent ensemble lorsque le premier s'estompe. C'est comme si des mots fusaient dans une autre dimension proche de la nôtre, comme si je pouvais entendre des spectres débattre du prochain projet de loi à appliquer au sein d'un vieux manoir, c'est…
« C'est un dialogue. »

Ma partenaire lève les yeux vers moi d'un air stupéfait. Elle m'interroge du regard, comme si j'étais seul à entendre les voix des golems.
« Registeel peut les entendre et leur répondre. Ce n'est pas notre langue mais je sais qu'ils sont en train de discuter.
– Et tu en penses quoi ? reprend-elle, apeurée.
– Qu'on doit fuir. Et vite. »
Mais à peine ces mots sont prononcés que le golem de fer tire un puissant laser de ses yeux qui frôle le dessus de nos tête. Marina cri et me saute au cou tandis que dans mon dos s'écroule l'entrée du sanctuaire. Je sais avant même de vérifier que l'issue est bloquée. Face à nous le golem reste serein, lève sa main en l'air et reprend sa position initiale.

« Qu'est-ce que cela veut dire ? demande ma partenaire.
– Que leur discussion n'est pas terminée, qu'il ne veut pas nous tuer, que nous avons un rôle à jouer avec lui… Toutes ces choses à la fois et peut-être plus. »
Elle ne me répond pas et je l'en remercie. Nous n'avons pas à parler entre nous car ce n'est pas notre discussion, c'est aux golems de faire la leur, de s'expliquer. Je ne sais pas sur quoi mais Registeel compte nous laisser en vie, ce n'est pas anodin.
Le temps passe et j'entends grésiller les voix des gardiens. Chacun leur tour ils parlent, une heure passe sans bruit puis une deuxième. Marina s'est endormie contre moi car nous sommes assis dans un coin désormais, attendant que le temps passe. Mon ventre crie famine mais je n'ai rien à lui donné et si j'avais quoi que ce soit je lui aurais donné à elle. Car son bonheur passe avant le mien, car c'est peut-être ainsi que je conçois l'amour duquel je n'avais aucune idée il y a un mois.

Pendant une autre heure je la regarde dormir et fais en sorte de ne pas bouger pour la déranger. Un élan de sentiment monte dans mon cœur, inavoué car je n'ose rien faire. Si je l'écoutais je prendrais la main de Marina, tenterais de la réveiller avant de l'embrasser sur les lèvres, sur cette bouche à l'apparence douche dont un souffle calme s'échappe. Un souffle stupide ; jamais je ne fuirais un corps si parfait si j'étais à sa place.

Mais alors que cette réflexion me traverse l'esprit le golem de fer se met à bouger, brusquement. Il se met à léviter et se place devant moi en quelques secondes. Je ne peux pas voir ce qu'il compte faire et j'ai peur durant un instant. Son bras est tendu vers moi mais il ne le bouge pas, comme s'il attendait un geste de ma part. Curieux je tends la main et la place dans le creux de la sienne, il s'en empare et m'aide à me lever.
Alors le gardien pose un genou à terre et baisse les yeux devant moi. Il se soumet.


***


Le navire ne tardera pas à arriver aux ruines où tout à commencer. Bientôt nous allons de nouveau plonger et remonter le boyau vers la première salle, l'antichambre d'un monde perdu que les gardiens vont éveiller. Marina frétille d'impatience, la même que celle que je ressens. Je n'ai qu'une hâte : faire ressurgir le passé des tréfonds de la mer, ouvrir la porte d'un autre univers à l'aide des trois clés à ma ceinture.
Le dernier morceau de texte, celui qui est apparu après que Registeel ait dégagé l'entrée puis se soit fait capturé, résonne encore dans ma tête.

« La corde s'est brisé et le continent n'a pu être retenu. J'ai vu la terre couler sous les eaux, l'île se faire engloutir sans que je puisse faire quoi que ce soit. Malgré les efforts de mes golems je suis resté incapable d'agir, ne pouvant que voir sombrer tout un peuple dans le fond des eaux alors même que nous venions de quitter la côté. Les cordes se sont brisées.
Néanmoins j'ai une dette envers ce peuple que j'ai laissé périr. Son or est sans limite et l'île cache une puissance qu'aucune autre civilisation n'égalera jamais, une source d'énergie que nul homme ne pourra recréer.
C'est pourquoi je vais en devenir le gardien et mes golems seront les gardiens de la porte de ce monde. D'aujourd'hui jusqu'à la fin de mes jours mon siège se trouvera en Atlantide en paiement de ma dette.
Regigigas, celui qui traîna le monde au bout d'une corde. »

« Il est temps de descendre, me lance un marin en me faisant remarquer que le bateau est arrêté, votre objectif est en dessous. »
Ce ne sont pas les mêmes hommes qui nous guide cette fois et le bateau est bien mieux équipé, sans doute Golt a vu bon de s'occuper de réunir plus de fonds quand il s'est rendu compte que mes fables étaient fondées et dissimulaient l'Atlantide. Quoi qu'il en soit je m'en moque, seules les ruines comptent.
Je le remercie d'un signe de tête et me tourne vers Marina afin de lui adresser un sourire. « Il est temps, lui dis-je.
– Oui. Ensemble. »

Nos mains se rejoignent et c'est à l'unisson que nos corps plongent dans l'océan glacé afin de conclure cette histoire.


***


La pièce est restée la même. Le mur du fond est toujours effondré et s'ouvre sur une petite salle qui comporte sur son mur les mots qui nous ont menés aux trois gardiens.
« C'est ici que je me suis évanouie… » Marina contemple pour la première fois cette partie de la caverne sous-marine. Elle regarde l'autel quelques instant, y remarque une tâche de sang séchée de laquelle elle se détourne immédiatement puis se presse dans la seconde pièce. Je reste en retrait, profitant de ce moment précédant la victoire et l'accomplissement de toutes ces années de recherche.

Mais une exclamation de la part de Marina me coupe dans mes pensées : « James, viens voir ça tout de suite ! »
Sans hésiter je me précipite dans la pièce où elle se trouve dans laquelle se trouvent trois socles de pierre sculptés, chacun ornés d'un motif différent. Sur l'un un glacier s'élève, sur l'autre c'est un désert qui s'étend et le dernier montre des mines de fer. « Tout cela y était la dernière fois ? me demande Marina.
– Non. Les écrits sur ce mur seulement. Mais c'est normal, je me doutais qu'il y aurait quelque chose pour nous guider sur la piste.
– Il ne reste donc qu'à placer chaque golem sur son socle.
– Rien de plus simple. »

Aussitôt nous nous mettons à la tâche et il ne faut pas plus de trente secondes pour que tout soit en place. Et, à peine Regice monté sur son emplacement, les trois frères tendent les bras en l'air et forment ainsi un triangle. Je ne sais ce qu'ils font mais je comprends que c'est ce que veulent dire les légendes quand elles nomment les golems « clés d'un autre monde ». La porte de ce monde est ici et ils ne font que chercher la serrure.
Je sens une force en œuvre dans cette pièce, quelque chose d'immensément grand. Alors que me vient cette réflexion deux craquements se font entendre, venus du point central entre les trois gardiens. Deux fissures… L'une dans le sol, l'autre dans le plafond ; voilà ce qu'était la source de ces sons.
Mais je me trompe car ce ne sont de simples fissures. Non, ces trous sont des passages servant à faire passer l'immense corde usée qui se déroule sous mes yeux et que les trois golems se mettent à tirer à la simple force de leurs bras. La glace et le fer en osmose avec la roche, tous apportant leur contribution. Et le sol tremble, tout s'emballe comme si le monde devenait fou. Je m'accroche à Marina et elle en fait de même. Nos joues se collent, nos lèvres sont proches et je sens de nouveau ce sentiment divin envahir toute mon âme. J'ai envie de le lui dire, de me retourner et de l'embrasser, de…

Je ne sais combien de temps a passé depuis qu'ils ont commencé à tirer sur cette corde, combien de minutes j'ai passé enlacé avec la femme que j'aime, avec la seule que j'ai aimé… Car oui, je l'aime. J'en suis certain désormais.
Mais elle se sépare de moi, me montre la porte de la salle et le soleil qui s'y infiltre. Le soleil…

La grotte est différente… Il n'y a plus d'antichambre, juste une salle dans laquelle trois golems sont figés à jamais. Car de Registeel et ses frères il ne reste que des statues comme si cet effort était le dernier de leur vie. Je les regarde, triste de les voir dans un tel état mais Marina me ramène rapidement à la réalité.
« L'Atlantide vient de quitter le fond de l'eau. Nous sommes à la surface, tu avais raison. »
Mon cœur s'emballe à ses paroles, il bat d'amour. Je ne sens plus rien que ce sentiment, que cette bonté qui remonte en moi. Je la prends dans mes bras, la soulève et l'amène en extérieur où se trouve la plus belle vision que j'eu à voir de toute ma vie.

Une forêt dense s'étale sous mes yeux, parsemée de temples de pierres dont les colonnes en ruine et les toits en or s'élèvent vers le ciel. L'air frappe pour la première fois depuis des milliers d'années une ville fantôme, un monde dans lequel n'est roi qu'un gigantesque temple sur une montagne, où des escaliers dorés traversent une cité dans laquelle devait autrefois briller une ultime félicité. Le calme se pose sur chaque pierre, sur chaque rocher inondé de la lumière du jour En regardant bien j'aperçois des vases d'or traîner dans les rues, des coupes argentés sur le parvis des maisons de marbre et tout reluit autour de moi.
L'Atlantide s'offre à mes yeux. Je n'ai qu'une envie : partager ce moment avec la femme que j'aime. Il faut que je l'embrasse.

Mais ma vision se brouille, je perds pied. Une douleur fulgurante vient de traverser ma tête.


***


Ce que je vois au réveil c'est une salle, celle dans laquelle se trouvent encore les golems, pendus à leur corde. Mais ils ne sont plus seuls désormais. Des hommes en armes défilent tout autour, trois pour être exact. Un couteau à la hanche, un fusil dans les mains et un autre à la ceinture ; une milice d'élite à n'en pas douter. Des soldats payés par l'homme qui, adossé au mur d'en face, consomme la fin de son cigare qu'il écrase ensuite sur le corps inerte de Registeel.
« Vous avez fait un excellent travail professeur Strauss, m'annonce Golt en souriant. Livrer l'or des atlantes était une prouesse qui restera gravé à jamais dans l'Histoire. Celle avec le grand H devant évidemment.
– Vous…
– Tu pensais que je te laissais courir après tes fables sans avoir assuré mes arrières. Au départ je voulais juste que tu enquêtes trois jours sur ces golems, que tu ne trouves rien et que tu sois enfin capable de travailler dignement pour moi. Mais quand tu m'as appelé pour me faire un premier rapport j'ai rapidement changé d'avis. »

Je me frotte l'arrière du crâne en l'écoutant et y trouve un peu de sang séché. Cette douleur… D'où vient-elle ?
« Je comprends que tu voudrais explorer cette île avec nous mais je suis aussi certain que tu vas me sortir de grandes idées sur la richesse historique et tout le reste. Tu ne voudras pas que l'on récupère l'or et la source d'énergie des atlantes ; j'ai tort ?
– Pourquoi suis-je ici ? Je veux dire, assommé ? »
Il se met à rire et rallume un cigare.
« Je préfère garder certaines choses pour moi. Je pense que tu finiras pas trouver rapidement ta réponse. »




Mais alors qu'il recommence à parler je ne l'écoute plus. Il manque quelque chose ici, avec moi… Un élément essentiel de cette histoire et de toute l'aventure que j'ai vécu jusqu'à présent, que nous avons vécu…
« Où est Marina ? »
Il se retourne et m'adresse un sourire mais sans répondre. Son cigare rougeoie dans l'obscurité de la grotte et il le fait tourner entre ses doigts comme s'il tentait de me narguer. « Je veux bien t'expliquer tout ce qu'il y a à savoir mais j'aurais une question avant : est-ce que tu comptes nous empêcher de nous emparer du trésor des atlantes ? »
Je me mets à réfléchir un instant, en silence. Autour de moi ne résonne que le cliquetis des équipements des soldats. Golt ne me laissera pas partir si je lui réponds ce que je pense et il se servira sans doute de Marina contre moi. Je ne sais pas comment il a pu arriver si vite, je sais juste qu'il faut que j'empêche tout cela. Ce lieu est un endroit de paradis, pas une mine dont on tire toutes les ressources pour la laisser mourir.
« Je vous aiderais. »

Golt se met alors à rire et regarde tour à tour les trois soldats. Il leur fait un signe de la main, jette son cigare et se dirige vers la sortie où il s'empare d'une arme laissée au sol. De loin il me semble distinguer un lance-grenade mais les trois hommes qui me passent devant m'empêchent de le vérifier. Ils sortent à sa suite et je me retrouve seul, à moitié assommé contre un mur.
« Tu mens Strauss, me crie Golt de l'extérieur, je le sais ! Tu mens comme Marina te mentait pendant tout ce temps. Elle voulait l'or Strauss, le fric, la gloire ! C'est pour ça qu'elle était dans ce voyage, pas pour tes yeux. C'est pour ça qu'elle t'a foutu ce coup sur la tête. Tu vois, James, les gens ne voient pas les choses comme toi. Le monde n'est pas une fable, il n'est pas un roman d'amour. Ce monde, c'est juste une putain. »
Et disant ce dernier mot son doigt appuie sur la gâchette. J'ai beau tenter de reprendre pied, de me lever et de courir vers la sortie l'explosion est trop rapide. Des rochers s'abattent devant la grotte et me prennent au piège.
Je suis seul. Seul et détruit.


***


Marina s'est jouée de moi. On se prenait les mains, on se racontait nos vies, on se confiant nos secrets. Ce voyage c'était notre cause commune, notre raison de vivre, notre lien vers un amour éternel. C'est e que je croyais et ce pourquoi je me trouve maintenant stupide. Seul dans cette grotte je me rappelle de cette femme qui ne me voyait jamais, qui s'est ensuite accrochée à moi. Mais ce n'était qu'un mensonge… Elle mentait juste pour avoir tout cet or, pour s'emparer avec Golt des fruits de mes recherches. Je n'étais qu'un médiateur, un parasite. Mais tant qu'à me tuer, autant être plus direct.
Je t'ai aimé, Marina. Je n'avais jamais aimé avant toi, trop plongé dans mes études, dans mes rêves, mes idéaux… Je rêvais d'un monde dans lequel on accepterait mes idées sans cracher dessus, un monde comme celui que tu m'as offert, comme celui que tu as brisé. Cet Atlantide, c'est la nôtre. En brisant cette île, en me brisant, tu détruis tous mes rêves.
Je veux sauver ce monde perdu.

Et alors que la pensée traverse ma tête un autre mur s'effondre, celui au fond de la salle. Il se brise, s'écrase au sol et me découvre un passage, un long tunnel. Un appel du destin ? Je n'ai d'autres possibilités que de m'y engouffrer.


***


Le tunnel est long, étroit, noir. Ses parois sont froides, gelées même. Je ne sais où il me conduit car depuis une heure je pense déjà marcher, toujours vers le haut car il ne fait que grimper. Et cette ascension est longue autant que l'est ma peine.
Je suis faible mais ne sens plus mes jambes, j'ai faim mais mon ventre n'hurle pas, les larmes veulent couler mais mes yeux ne le veulent pas. Seul mon cœur exprime sa peine emplie par le nom de Marina. La douleur de ma tête s'est estompée, ou alors je ne la sens plus. Qui l'a faite ? Marina ou un autre ? Un homme de Golt ? Golt en personne avec son vieux cigare puant ? Est-ce vraiment une trahison de sa part ?

Je ne peux me résoudre à le penser. Golt en jouait sans doute, peut-être la retient-il en otage quelque part sur l'île le temps que je meurs dans cette grotte, seul. Il me haïssait et elle était sa meilleure élève, son étoile. C'est comme si j'avais pris sa fille, celle qu'il chérissait par-dessus tout. Et il se débarrasse seulement de moi par jalousie, me brisant le cœur pour que je meure en pensant qu'elle ne m'aimait pas.
La pensée de Marina me quitte au fur et à mesure que je me rassure. Elle n'est pas coupable et c'est de Golt seulement qu'il s'agit. En revanche l'Atlantide est bel et bien entre ses mains. Et ce monde, c'est notre rêve, celui que j'ai forgé aux côtés de Marina. Je vais la sauver… Sauver cette terre, mon amour et mon cœur.

Le temps passe et une lumière se fait à l'horizon. Le bout du tunnel, la fin de mon voyage.


***


C'est un temple que je découvre en sortant du tunnel, sans doute celui que j'ai aperçu un peu plus tôt, niché sur la montagne. Toute cette escalade menait donc à cette immense salle, sans doute le monument le plus impressionnant de l'Atlantide.
Les piliers qui soutiennent le toit de verre que perce la lumière du soleil sont d'or, le sol est d'or, les murs sont d'or… Tout reluit mais sans brûler les yeux, comme s'il s'était s'agit d'un métal plus pur que tous les autres de la terre. L'œuvre d'une ancienne civilisation aujourd'hui éteinte.
Seuls quelques filaments bleus qui parcourent la salle viennent contraster avec l'omniprésence du doré tout autour de moi. L'un se trouve à mes pieds et je me baisse pour le voir de plus près, constatant que c'est en réalité un tuyau transparent qui fait circuler un liquide d'un bleu très pâle, une chose que je n'ai jamais vu auparavant.

Et je ne l'ai jamais vu car cela n'existe nulle part ailleurs. Car je ne suis pas venu par hasard à cet endroit, que le tunnel ne s'est pas ouvert sans raison. Je suis ici pour protéger le bien le plus précieux de cette île : sa source d'énergie.
Je relève les yeux, fixe l'autre bout de la salle et le voit alors pour la première fois. Regigigas confirme mes pensées. Il est debout, immobile devant d'immenses tubes contenant le même liquide. Le gardien de l'Atlantide est fidèle à son poste et n'en bouge pas depuis des milliers d'années.

Mais alors que je le fixe ses membres commencent à bouger. Il s'élève et se détache lentement du mur pendant que ses yeux s'allume un à un. Ma présence le tire de son sommeil car je viens le troubler, car je suis un potentiel ennemi de ce qu'il tente de protéger. Il tourne lentement son corps vers moi et commence à marche. C'est alors qu'il me parle et que, contrairement aux trois autres golems, je le comprends.
« Qui es-tu visiteur, toi qui ose tenter d'achever ma tâche, qui veut bouger l'Atlantide ?
– Je ne veux rien, maître des Regis, lui dis-je en m'inclinant tandis que sa course fait vibrer tout le temple. Ma seule erreur fut de vous avoir admiré, vous et votre légende. Ce n'est pas moi qui en veux à cette cité. Cet endroit est mon rêve, l'accomplissement de ma vie. Je ne veux que le protéger. »

Je sens sa présence au-dessus de ma tête et son souffle frapperait ma nuque s'il pouvait respirer. Je n'ose relever les yeux de peur qu'il ne le prenne comme une offense et préfère agir comme avec Registeel ; sans bouger en attendant que ce soit lui qui fasse un signe. Et il en fut ainsi.
« Tu as le cœur pur, je le sens. Tu n'es pas avec ces hommes qui pillent mon île et j'ai bien fait de te guider à moi.
– Le tunnel, c'était vous ? dis-je en le regardant.
– Oui. Et je sais aussi que tu as mené mes fils dans cet endroit, que tu as ouvert la porte de ce vieux monde. J'imagine que cela devait arriver mais vois-tu les choses sont plus compliquées que ce que tu penses.
– Plus compliquées ? Dans quel sens ?
– Cette source d'énergie que les humains convoitent est capable de réduire le reste du monde à néant si elle est utilisée. »

Je reste sans mot dire face au titan, me demandant ce qu'il entend par là mais sans remettre en doute ses paroles. Il sait de quoi il parle et je ne me le permettrai pas. En revanche cela fait naître tout un tas de questions au sein de mon esprit, des questions qu'ils semblent comprendre puisqu'il ne les attend pas pour y répondre.
« Les atlantes savaient se servir de ce pouvoir. Cette énergie vient de la terre comme du ciel, d'un art qu'il pratiquait. Ils prélevaient l'essence de toute chose et le filtrait pour n'en retenir que le meilleur. Et ainsi ils parvenaient à contrôler les éléments, à diriger les pokemons par la pensée, sans passer par la parole. Les atlantes pouvaient léviter grâce à cette énergie, soulever des objets par la pensée, développer chacun de leurs sens. Mais ils ne s'en sont jamais servis pour faire le mal. Le peuple était pacifique, plus que tout être ayant un jour foulé la surface de cette planète. »
Voilà donc ce qui coule dans ces tubes, voilà le pouvoir dont parle les livres et la cause de la fameuse avancée technologique prodigieuse des atlantes. Toute leur puissance se base sur un art.

« Mais tout va être détruit maintenant ? Pas vrai ? Les hommes que j'ai mené ici veulent s'en emparer tout comme l'or de la ville.
– L'or m'importe peu comme il importait peu à ce peuple. C'est juste un métal brillant que les hommes adulent beaucoup trop. En revanche l'énergie ne doit pas être touchée.
– Dans ce cas je dois les chasser d'ici. »
Je ne sais ce que me passa par la tête en disant cette phrase. Je ne risque pas de contrer Golt et sa milice armé qui comptait sans doute plus de trois hommes armés jusqu'aux dents. Seul je ne pouvais rien et le titan me le fit comprendre en m'arrêtant de sa gigantesque main.
« Le seul moyen qu'il ne touche pas à tout cela c'est de faire ce que je n'ai jamais achevé, ce pourquoi j'attends ici depuis des années. J'attendais de trouver quelqu'un d'apte à accomplir ma tâche, un homme qui pourrait me prouver la pureté de son cœur en le prouvant à mes fils. Je t'attendais, James Strauss. »

Ce fut comme un coup de fouet. La phrase me frappa directement et me tétanisa. Moi ? Regigigas m'attendait depuis des milliers d'années ? Mais pour quelles raisons ?
Ce n'est pas illogique pour autant. Une telle force de pouvoir n'aurait pas simplement dû être gardée par trois gardiens, trois golems. Il aurait fallu en faire autre chose, la détruire si possible pour que les hommes ne puissent jamais l'utiliser. Ou la cacher autre part, plus loin encore afin de respecter les vœux des atlantes. Regigigas s'en voulait d'avoir détruit ce peuple, il avait voulu l'aider pour payer sa dette en gardant ce secret. Mais à quel prix ?
« Au prix de nombreux sacrifices, répondit le titan qui lisait dans mes pensées, d'une attente interminable car je n'ai pas la force seul de couler définitivement cette île dans les tréfonds du monde. Il me faut quelqu'un d'autre. »

Moi ? Il compte sur moi, un petit scientifique pour couler ce monde sous la surface de la terre ?
« Seul un homme peut utiliser l'énergie des atlantes. Tes forces couplés aux nôtres, nous serons en mesure de plonger de nouveau. Puis tu seras libre de regagner la côte. Je n'aurais plus qu'à payer une dette envers toi. »
Voilà où tout cela mène… Il veut quelqu'un de certain pour utiliser le pouvoir atlante, un cœur pur qui ne s'en servira que pour cacher le pouvoir aux autres.
« Es-tu d'accord ? »
Marina… Mes rêves… Cette île… Je suis d'accord, je n'ai pas d'autres choix que de sauver ce monde ; notre monde.
J'accepte.

Une force me saisit soudain au ventre, une puissance qui s'empare tout entier de mon corps et semble me déchirer un à un chaque organe. J'ai l'impression que j'étouffe, que j'explose, que tout est en train de tomber autour de moi. Je ne contrôle rien ; je ne la contrôle pas.
« Je t'aide, focalise-toi seulement sur ma force et prête-moi un peu de puissance pour enfoncer cette île, me dit le titan. Regice, Registeel, Regirock ; éveillez-vous, fils ! Vous qui avez rejoint volontairement Strauss, tirez ! »
Je souffre mais je sens tout de même trembler la terre. En me focalisant sur le titan c'est sur ses fils que je le fais, en le faisant sur eux c'est sur la corde que va mon esprit. Et ce sont mes mains qui la tirent, mes mains qui s'ajoutent à celle des géants. La corde est un membre de mon corps, c'est mon île que je tire dans la terre. Les rochers creusent le sable, les ruines regagnent leur repaire puis s'enfoncent lus profondément. Le toit des temples disparait ; ce temple disparait. Les Regis redeviennent le lentement statues. Le repaire de Regigigas est le seul lieu qui parait encore.

La douleur me brûle mais je tire encore. J'ai mal mais je le fais, pour Marina, car je l'aime et que c'est notre œuvre. Puis mes mains s'éloignent et j'entends la voix du titan dans mon esprit : « Je fais achever le travail. Remonte sur la terre, regagne ton monde. Je saurais payer ma dette. »
Et la force me quitte, le pouvoir des atlantes n'est plus. Je sens pour la première fois que j'ai coulé avec l'île et j'avale de l'eau par gorgés, me demandant si je ne vais pas me noyez. Mes poumons se tassent, mon cœur bat plus fort tandis que la vie me quitte. Je me débats, en vain. Marina…
Ma dernière pensée sera pour Ma… Ma…
Et plus rien.


***


La côté de Hoenn sous le soleil et rien à l'horizon, voilà le lieu où je me réveille après un si long périple. Je ne sais comment Regigigas me sauva et cela importe peu tant que l'Atlantide est en sécurité.
De la mer je vois venir des bateaux avec à leur bord la milice de Golt. Le professeur est présent lui aussi, perché à l'avant de l'un des navires de son escadron. J'ai beau cherché, je ne vois pas Marina. Il bluffait donc véritablement quand il disait qu'elle était son alliée. Néanmoins je ne dois pas attendre, je dois me mettre en sécurité pour éviter leur vengeance. Mais, au moment de me détourner, je me retrouve face à face avec elle.

« James… »
Elle est aussi belle que lorsque je l'ai vu la dernière fois dans la grotte sous-marine. Elle me saute au cou, ne se souciant pas des navires de Golt à l'horizon et me murmure deux mots dans le creux de l'oreille : « Je t'aime. »
Et ses lèvres rencontrent les miennes pour la première fois. Plaisir exquis, bonheur sans pareil, accomplissement de ce voyage. Je l'aime et en sauvant notre monde, en sauvant l'Atlantide, je nous ais sauvé.
Puis elle s'éloigne, me regarde droit dans les yeux. Chacun de nous laissons couler une larme de joie et, alors que je m'avance pour venir cherche un second baiser, elle me plante le couteau qu'elle tient dans sa main en plein dans mon corps.
« Tu as tout gâché. »
Douleur exquise, malheur sans pareil, accomplissement de ce voyage. J'ai cru en une illusion, en des mensonges. Je l'aime, je la hais.


***


Mon sang se mêle au sable et la vie quitte lentement mon corps. Pleurs, idiote, pleurs sur ma mort. Voilà ce que j'ai envie de dire. Tout autour je vois d'autres hommes arriver et marcher près de ce qui sera bientôt mon cadavre. Golt et ses hommes ? Sans doute.
Mais alors que j'allais mourir la haine me reprend soudain. Elle m'a trahit pour Golt, pour de l'or et une énergie spirituelle qu'elle serait incapable de contrôler et qui m'aurait détruit sans le soutien du titan. Je connais cette sensation, ce pouvoir… Il n'a rien d'enviable. J'ai sauvé un rêve dont je suis le seul à ne pas en sortir.

Dans un dernier élan je relève encore la tête, plus aisément cette fois, puisant mes forces je ne sais où. Je vois son visage, celui de Golt et son cigare, de ses hommes… Mais je me focalise sur le sien, sur la larme qui en coule. Et mes lèvres s'ouvrent, et un mot en échappe, emplis de toute ma haine, de toute ma peine : « Crève. »
Une lumière illumine alors le ciel et vient de l'océan. Elle se dirige vers la terre à une vitesse impressionnante et je sais qu'elle est tirée des ruines de l'Atlantide désormais inaccessibles. Je sais qui produit cet éclat, je sais que Regigigas paye toujours ses dettes et que celle qu'il a envers moi ne fera pas exception.

La flèche de lumière franchit la mer, le morceau de plage et vient percuter le groupe de ceux qui me regardent. Mais entre tous ces hommes elle ne touche qu'un seul corps. Et ce n'est pas celui d'un soldat, ce n'est pas celui de Golt qui fumera encore son vieux cigare pendant des années ; elle touche Marina.
Et elle la traverse, emportant sur son passage tous les organes vitaux de la femme que j'ai aimée, faisant éclater son corps si fin en un geyser de sang. Elle est morte sur le coup et je la vois chuter en arrière et s'écraser sur le sable, son sang se mêlant au mien grâce à l'aide du titan qui décupla sans doute ses dernières forces dans l'accomplissement de mon souhait. Car lui aussi sa tâche est terminée. Les continents sont en place et il peut maintenant quitter ce monde.

Je m'en vais. Nous partons. Toi et moi, ensemble jusqu'au bout de cette aventure. Notre sang ne fait qu'un dans ce monde que j'ai sauvé, dans ce monde détruit.