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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 11/03/2015 à 20:53
» Dernière mise à jour le 12/03/2015 à 19:37

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Chapitre 24 : Sentiments contraires
L'hiver avait plus rapidement que prévu laissé place au printemps dans le petit village de montagne qui se préparait pour une nouvelle saison. Si je n'avais jamais vécu de printemps à Rovia, j'allais vite découvrir que le mois d'avril était un rendez-vous annuel à ne manquer pour rien au monde.
Tout le village se préparait à se lancer dans des cultures diverses. Il fallait commencer à préparer la terre dès l'arrivée des beaux jours, à planter le plus rapidement possible et à regarder pousser en donnant à chaque plant un amour presque maternelle. Et, comme pour toute activité concernant tout le monde, même les enfants étaient mis à profit.

« Il faut qu'on disperse les graines derrière les adultes, m'expliquait Mila sous un soleil pesant pour un début avril. On se contente de jeter après le passage de la charrue. Chacun sa rangée.
– Je vois... Dans ce cas cela ne devrait pas être trop long, le champ n'est pas immense. »
Elle répondit à ma remarque par un sourire qui soulignait ma naïveté, ce que je compris de suite. Je ne connaissais pas la jeune fille depuis longtemps mais nous étions devenus inséparables, encore plus depuis que son grand-père la mettait à profit pour mon apprentissage.
« Si tu veux un conseil, ajouta-t-elle en s'éloignant pour rejoindre sa rangée avant le signal de départ des travaux, conserve tes forces. Tu en auras grandement besoin, la journée ne va pas être facile. »

Je n'avais pas idée de la justesse des mots qu'elle venait de prononcer.
Car même si le champ dans lequel nous commencions était plutôt petit, je compris rapidement qu'il n'était pas le seul au village et que les habitants ne pouvaient pas tous les couvrir en même temps. De plus nous n'étions que trois enfants affiliés à celui-ci, des groupes ayant été formés la veille par le conseil de Rovia. Celui dans lequel nous nous trouvions comportaient Mila, un type du nom de Bruce qui avait deux ans de plus que nous, et moi-même. Évidemment nous n'avions donc pas une seule rangée à couvrir mais plusieurs rien que dans ce périmètre.
Et ainsi, après avoir passé près d'une heure à jeter des graines, me faisant réprimander par instant car je ne le faisais pas correctement en omettant certains espaces, nous fûmes transférés dans une autre section, bien plus grande que la première.

« On reprend ici les enfants, annonça Victor, le chef de ce groupe. Et on restera là pour tout le reste de l'après-midi, il y a assez de périmètre à couvrir. Jake, ne lésine pas quand tu disperses les graines, seules quelques unes arriveront à maturité. Il ne faut pas prendre de risque.
– Oui, m'sieur. »
Je prenais l'activité avec sérieux pour deux raisons. Tout d'abord j'aimais ce village et je voulais le remercier pour ce qu'il avait fait pour moi, sans tous ces gens il se pourrait que je sois encore chez mes parents à arpenter le fond d'un bureau de banque le mercredi après-midi. Et deuxièmement je ne voulais pas perdre la face devant Mila, encore moins quand Bruce était dans les parages.

Bruce était quelqu'un que l'on pourrait facilement qualifier de sale type. Mince, grand, chétif ; on pourrait penser à un zombie en le regardant, cette vision étant largement soulignée par son teint pâle et ses yeux à demi-clos. Il avait les cheveux longs et bruns, très soignés comme son apparence, ses vêtements ou sa démarche. Chacun de ses gestes donnaient la désagréable impression d'avoir été longuement calculé, comme si tout ce qu'il faisait comportant un enjeu important. De plus il était d'une intelligence rare et avait toujours la réponse en classe, bien qu'il ne la donnait qu'une fois sur deux, par manque d'envie.
On pourrait croire qu'il était le genre de personne à se retrouver à l'écart en public ou à l'école ; cela n'était pas le cas.

Malgré son année de plus que nous il se trouvait dans notre classe, du fait de la taille de l'école et qu'elle ne comportait qu'un seul professeur. Il avait plusieurs amis, dont un que l'on pourrait presque qualifier de fidèle serviteur ou de lèche-bottes. Tout le monde l'appréciait à la fois pour le mystère qui se dégageait de lui mais aussi par obligation. Bruce était en effet le genre d'élève que l'on ne voulait pour rien au monde se mettre à dos, de peur des représailles.
Et pour ma part c'était déjà fait et il me le faisait comprendre chaque jour. Bien entendu il n'agissait pas directement, il n'en avait pas la carrure et était trop intelligent pour se confronter directement à quelqu'un et tremper dans de sales histoires. Il préférait poser en cours des questions sur la banque nationale pour me blesser, colporter des rumeurs dans le village ou encore imiter le fantôme sur le chemin de l'école pour se moquer de mon don.

« Bishop, si tu as besoin du moindre conseil n'hésite pas à me demander, me lança-t-il de la rangée d'à côté. Je suis là pour te donner des conseils, comme un ami se doit de le faire. »
En guise de réponse je sifflai un merci entre mes dents, ne voulant pas lui rentrer dedans ou tomber dans ses provocations.

C'était le conseil que m'avait gracieusement donné Mila, l'origine de la haine que me vouait Bruce depuis mon arrivée au village. On dit souvent que les conflits entre les hommes ont pour source une femme, et c'était le cas de celui qui nous liaient Bruce et moi. C'était de la simple jalousie de sa part. Il l'avait été dès qu'il avait apprit que nous vivions sous le même toit, amoureux de la rouquine depuis des années, puis ce sentiment avait grandi au fur et à mesure qu'il nous avait vu ensemble. Il comprenait que l'on se rapprochait et je pense aussi aujourd'hui qu'il avait conscience du choix que Mila était en train de faire.
Elle avait toujours était consciente des sentiments de Bruce et, même des années après quand elle se retrouverait en âge de pleinement les comprendre, elle n'y répondrait jamais. Il ne faisait pas partie du futur bref qu'elle allait vivre avant de mourir dans les décombres de Rovia.

Et là, depuis le début des travaux, il tentait tant bien que mal de l'impressionner en se montrant plus agréable avec moi qu'à l'accoutumé. Ce qui bien entendu ne fonctionnait guère car elle n'était pas dupe et comprenait son petit jeu. Néanmoins elle ne répliquait rien et se contentait de l'ignorer, elle était plutôt mature pour son âge et se moquait bien de ce qu'il pouvait dire.
Sous un soleil de plomb nous avons continué de travailler, suant corps et âme à la tâche. Mila était plutôt douée. Je ne savais pas comment elle faisait mais elle semblait ne pas s'épuiser à rester ainsi toute la journée debout à se faire fouetter par les rayons du soleil. Bruce de son côté se contentait de marcher nonchalamment en lâchant de ci et là quelques graines.

Et moi je priais pour que tout cela se termine. Mon crâne me donnait l'impression d'être sur le point d'imploser, mes chevilles me faisaient mal et mes jambes manquaient de céder sous mon poids. J'en avais marre, j'avais soif, j'avais faim, j'avais sommeil. Et pendant deux heures passées à disperser des graines, j'attendais avec impatience le moment où Victor annoncerait la fin des travaux. Quand ce moment arriva, ce fut comme une explosion de joie au fond de mon esprit.

« Nous avons préparés un goûter pour vous trois, en récompense avant de rentrer chez vous. Allez vous asseoir à l'ombre au pied de l'arbre là-bas, tout est déjà prêt. »
Dès que ces mots furent prononcés, je me ruai vers Mila à qui je n'avais pas parlé de l'après-midi, trop concentré à lutter contre la douleur qui m'envahissait de toute part. Elle m'adressa un sourire en me voyant venir et me mit la main sur l'épaule en voyant mon état. « Pas facile la première fois, me lança-t-elle en passant un mouchoir sur ma joue trempée pour la sécher, tu verras que ça ira mieux dès demain.
– Après une bonne douche et du sommeil.
– Bien entendu. »
Et, comme pour décompresser, nous avons commencé à rire, ce qui ne plût pas à Bruce qui se tenait derrière nous. Ce fut à ce moment précis que le vase déborda.

« Pourquoi lui ? cria-t-il quand tous les adultes se furent éloignés. Pourquoi ce type alors que je suis là depuis plus longtemps et que tu sais parfaitement ce que je ressens ! Il a quoi de plus ?
– Bruce, calme-toi s'il te plaît...
– Ce n'est pas une réponse !
– Tu n'as pas entendu ce qu'elle vient de te dire ? lui lançai-je à mon tour alors qu'il s'approchait de Mila. Elle ne veut pas te répondre !
– Jake je... »

Mais Bruce ne lui donna pas le temps de parler et se détourna d'elle pour me regarder en face avant de se mettre à m'invectiver avec force. « Tu n'as pas le droit d'interférer comme ça dans les histoires qui ne te regardent pas. Tu n'es qu'un type qui aurait dû rester un futur banquier de mer... »
Mon poing est partit, sans crier gare. Il est entré en contact avec le visage de ce con, pénétrant dans sa joue livide et le faisant partir en arrière. Au moment de le frapper, c'était comme si je jouissais au fond de moi d'un plaisir exquis. J'aimais la sensation procurée. Je riais presque et un sourire était en train de se dessiner sur mon visage quand Mila me l'effaça brusquement.

Car, au moment de me retourner vers elle, je la vis en train de pleurer pour la première fois de ma vie.
« Vous êtes vraiment des imbéciles. »
Et de s'enfuir en courant, nous laissant comme deux idiots qui ne savaient plus quoi dire, le bec cloué par la femme qu'ils aimaient.
La fierté des premiers amours.