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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 04/03/2015 à 10:24
» Dernière mise à jour le 12/03/2015 à 19:52

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Chapitre 20 : Gabriel Aimé, ange du désespoir
Mes deux premiers mois dans le petit village de montagne furent sans aucun doute les plus agréables de toute ma vie. Je n'avais plus à me soucier d'un conflit perpétuel que j'entretenais avec mon père et le monde entier. Nous n'étions qu'une dizaine d'élèves dans l'école avec un seul professeur. Tout le monde s'entendait bien et je n'avais eu aucun mal à me faire des amis. Les récréations étaient de petits moments de bonheur qui ponctuaient une calme journée.
J'avoue pourtant avoir eu une préférence pour Mila, quoi qu'il arrive et qu'importe ce que je pouvais penser des autres enfants de l'école. Les filles ne manquaient pas, elles étaient en plus grand nombre que nous, sept pour trois garçons pour tout dire. Et aucun n'était désagréable à regarder. Mais mon regard pourtant ne se posait que sur une seule ; celle qui était devenu ma sœur adoptive et ma confidente.

Ces journées se terminaient souvent par un rendez-vous avec l'Ancien, prévu quelques jours à l'avance. Nous nous asseyions en tailleur, fermions les yeux et méditions pendant une à deux heures. Jamais je ne parvins à redescendre aussi bas que lorsque je me retrouvai en contact avec le docteur qui hantait mes cauchemars ; du moins pas de suite.
Une fois l'entraînement terminé il nous arrivait de plus en plus fréquemment de parler pendant quelques minutes, sans que nos discussions aient le moindre rapport avec le troisième œil. Une chose plus qu'agréable, surtout que le vieillard avait semble-t-il un stock de biscuits inépuisable dans ses placards.

Pour ma famille d'adoption le résultat était le même : une harmonie parfaite. Il m'arrivait de regretter ma sœur et ma mère, très souvent même, et de me torturer l'esprit en me demandant si elles allaient bien en ce moment, si mon père ne leur faisait pas trop de misères. Mais jamais je ne les comparai aux deux femmes qui partageaient désormais ma vie. Il s'agissait de deux univers drastiquement différents que je ne voulais mêler, passé et futur que j'avais peur de voir se confondre.
Charles en revanche remplaçait mon père, c'était une chose que je n'avais pas peur de penser. Il ne se comportait pas envers moi comme un ami, ne voulait pas prendre la place de celui qui m'avait mis au monde, mais se voulait d'assurer ce rôle aussi longtemps que je serais sous son toit. Il savait quand me faire la morale, quand rire à mes côtés et quand se montrait ferme. Et aujourd'hui encore je le considère comme la personne m'ayant élevé et ayant fait de moi celui que je suis désormais.

Le reste de ma vie à Rovia se résumait à Mila. Chaque jour nous nous rapprochions, sans trop comprendre ce qu'il se passait en amont de cette relation fraternelle qui se tissait entre nos deux cœurs. Dès notre rencontre nous fûmes complices, même s'il s'agit d'un fait on ne peut moins étonnant puisque je découvris rapidement qu'elle était comme ça avec tout le monde, mais je ne pouvais juger ce lien entre nous autrement que par un mot : spécial.
Il évolua évidemment, en même temps que nous. En y réfléchissant bien maintenant je pense qu'il était impossible que nous ne finissions pas par tomber amoureux. C'était un fait inévitable. Nous partagions la même maison, la même chambre, la même école... Nous allions ensemble faire les commissions, prenions le chemin des cours côte à côte, faisions nos devoirs tous les deux... Et par la force des choses nos cœurs se sont rapprochés.

Il était rare que nous éteignions rapidement les lumières le soir. Elle me parlait de sa vie avant que j'arrive, de son enfance et de l'été à Rovia. Il lui arrivait d'énoncer la beauté d'un coucher de soleil sur les montagnes, de la verdure qui au printemps coure sur les sommets et de tant de choses incroyables qui paraissaient si naïves, même à l'époque.
Et moi j'énonçais mon existence avant. L'air de la ville et ses gens qui se précipitent sans but vers un futur sombre, de ces immeubles qui vont frotter le ciel et rire avec les anges, de la vie qui défile à un rythme violent. Je lui exprimai mon sentiment d'enfermement, mon besoin de m'émanciper, ma fougue, mes rêves...
Puis c'était le silence. Nous prenions un bouquin et lisions jusqu'à ce que le sommeil vienne clore nos paupières.

Les deux premiers mois à Rovia peuvent paraître enchanteurs. Mais en vérité je ne sais pas de quelle manière les exprimer clairement. Ce serait mentir que d'être objectif. Il m'en totalement impossible d'exprimer ces moments sans exagérer des sentiments de bonheur.
Car dès la fin du mois de mars tout allait changer. La neige ne tombait plus mais les fleurs ne poussaient pas encore pour autant, seule la pluie dévalaient les roches de la montagne, portant un torrent de boue dans le village. C'était un temps sale, triste et aussi effrayant que ce qu'il se passait actuellement dans le monde.
En effet, bien que je me sois éloigné pour un temps d'Ermo et de sa politique vis-à-vis d'Unys en débarquant à Rovia, ces problèmes revinrent au galop. Car même le petit village de montage à la frontière entre les deux pays ne pouvaient ignorer les tensions, plus maintenant. Et chaque matin les titres des journaux se voulaient plus effrayants les uns que les autres.

Il m'arrivait parfois de prendre le journal à Charles quand il avait terminé de le lire, le soir en rentrant de l'école. Je feuilletai tranquillement les diverses rubriques, gardai un œil sur ce qu'il se passait dans le monde et m'amusait à contempler de haut certaines polémiques. Mila de son côté se moquait totalement de ces histoires. Il ne s'agissait pour elle que de trucs d'adultes et d'intello. Elle n'avait pas totalement tort et je ne trouvai jamais quoi répondre sinon que j'aimais rester informé.
Mais durant cette période, il ne se passait pas un soir sans que je n'épluche la moindre rubrique du journal.


Julius Vicard laisse tomber !

Le président abandonne son poste. Après de vives critiques de la part des députés et du peuple d'Ermo, Julius Vicard décide de jeter l'éponge.
« Les tensions avec Unys sont à ce jour bien trop importante pour que je les ignore, annonce-t-il au cours d'une conférence de presse hier matin, mais je ne peux pas non plus les mettre en tête de nos priorités. Le peuple veut la guerre ? Très bien, mais je ne serai pas instigateur de haine et déclencheur d'un conflit stérile. Je ne peux pas rester sans rien faire mais je ne peux pas non plus répondre à vos attentes. C'est pour ces raisons que je me résigne à gouverner un état comme Ermo, je souhaite à mon successeur beaucoup de profits en récoltant la tempête qu'il va semer. »


Derrière ces mots se lisent l'ironie et la peine de l'ancien président dont le départ est acclamé par la majorité de la population comme le révèlent les derniers sondages. Beaucoup voient ce départ comme un vent de renouveau qui soufflerait sur le pays et la promesse de faire bouger les choses.
« Vicard ne répondait plus aux attentes de son peuple, s'exclame le député maire de Tinaé. Il a été élu il y a quatre ans en période de paix. Depuis Unys nous déclare chaque jour la guerre et son laxisme ne fait que profiter à l'ennemi. Nous ne voulons pas de quelqu'un comme lui pour redresser la barre économique du pays, nous n'en voulons plus. Il est impensable à l'heure d'aujourd'hui de penser que la paix est la solution. »


Ce n'est néanmoins pas de l'avis de tout le monde comme le prouvent certaines déclarations d'autres députés.
« Le départ de Vicard me fait froid dans le dos. Cela fait des mois que nous tentons de nous opposer à cette politique d'austérité en proposant certaines alternatives. Visiblement c'était peine perdu. »
« Il n'y a plus de front contre la guerre. »
« Nous pouvons malheureusement d'ores et déjà prendre les armes. »
Des paroles qui poussent à réfléchir sur les futures actions du gouvernement et le remplaçant de Julius Vicard dont tout le monde a déjà le nom en tête.


En effet si le départ de l'ancien président était attendu depuis des mois et prévu de longue date dès le début des tensions, il est aussi évident de prévoir l'homme qui prendra sa succession. Et c'est sur le visage de Gabriel Aimé que se portent tous les regards. Déjà considéré comme un homme d'action depuis ses propositions de réformes lors de la crise qui avait frappé l'économie il y a vingt ans, il n'a cessé de se montrer comme celui qui agissait dans l'ombre avec force et fracas. Néanmoins il arrive depuis quelques temps sur le devant de la scène, décidé à prendre la place de président s'il le faut, comme il le confirmait il y a deux semaines encore dans nos colonnes.
« Si Vicard ne veut pas agir pour le peuple, alors je ferai en sorte que le peuple change Vicard. Je suis prêt à devenir président s'il le faut mais je ne laisserai pas notre nation se faire marcher dessus une seconde de plus. Si ce pays veut la guerre, sachez que je ferai en sorte de le plier à ma volonté. »


Des paroles fortes dignes d'un homme réputé pour sa franchise. Les délibérations concernant un remplacement de crise se feront dans une semaine. Les résultats devraient paraître dès le mercredi soir.


Sur la première de couverture s'illustraient les visages de deux hommes. Celui de droite était Julius Vicard, le président sortant. On pouvait voir son visage ridé fatigué par autant de travail et de pression, ses rides se creusaient et ses yeux cerclés de cernes immenses semblaient vouloir se cacher à l'intérieur de son crâne. Ses cheveux gris ne parsemaient plus qu'un dixième de son crâne, en deux petites branches derrière les oreilles. Tout sur cette photo le montrait comme un homme qui en avait trop fait et ne pouvait plus tenir les rênes de ce pays. On aurait presque deviné qu'il allait mourir seulement deux ans après d'un arrêt cardiaque foudroyant durant son sommeil, à soixante-dix ans.
La seconde photo, celle de gauche, était totalement différente. Alors qu'on lisait la fatigue sur le visage de Vicard, c'était la détermination qui apparaissait dans chacun des traits de Gabriel Aimé. L'ancien président était vieux, Aimé n'avait de son côté que la quarantaine, s'illustrant très tôt dans le domaine de la politique et se dressant aux yeux du grand public dès ses vingt ans. Il faut dire qu'il était difficile de ne pas le remarquer, physiquement comme mentalement. Grand de deux mètres, la peau noire, le crâne chauve, le regard dur, il était aisé de l'imaginer à la tête d'un pays. C'était celui en qui le peuple d'Ermo faisait confiance depuis des années et il voulait la guerre.
Il était le président idéal. Et une semaine après le journal annonçait sa victoire fracassante.


Gabriel Aimé, nouveau président d'Ermo !

Après un vote à l'unanimité du conseil de crise, Gabriel Aimé est élu à la tête du pays pour succéder à Julius Vicard, une victoire qui était assurée de longue date. Le nouveau chef de l'état d'ailleurs ne se garde pas de le cacher dans son discours devant l'Assemblée Nationale plus tard dans la soirée d'hier.
« Le peuple en a décidé ainsi, les députés en ont décidé ainsi. Mais il y avait-il vraiment une surprise sur l'issue de ce choix ? Je sais que certains ne voient pas d'un très bon œil cette ascension mais ils sauront changer d'avis quand le vent tournera. Car la solution ne pouvait être trouvée autrement et nos problèmes ne pouvaient trouver échos dans le laxisme de Julius Vicard. Je saurai redresser le pays. »


Pour le moment en train de s'installer, Gabriel Aimé annonce ne pas vouloir faire trainer les choses. Il compte intervenir dans les plus brefs délais sur la question d'Unys et de la guerre. Il se dit prêt à rencontrer le dirigeant de l'état voisin dans la semaine et de voir sur quoi pourrait déboucher ce futur débat.
« La guerre n'est pas une issue que j'écarte, précise-t-il tout de même. Elle est une solution qui a autant d'importance que la paix et supplante l'esclave dans lequel nous plonge nos voisins. »



Dès cette annonce l'eau calme de Rovia fut troublée par quelques vagues. Le petit village en bordure des deux pays sentait souffler ce vent. Dès la défaite de Julius Vicard, tous savaient la teneur des lendemains. Si la guerre était sonnée, alors elle parviendrait aux portes de ce petit village paisible. Et nous ne pourrions échapper aux problèmes qu'elle engendrerait.
Chaque matin le visage de Charles se crispait un peu plus en lisant les nouvelles. Mon père adoptif frappa même du poing contre la table lors de l'annonce des délibérations du débat qui n'avait mené à rien. Gabriel Aimé déclara la guerre à Unys deux moins après son élection et les armées se mirent en marche. Néanmoins il faudrait un moment avant qu'elles ne parviennent au village. Car d'autres complications arrivaient, des coups que le président n'avait pas pensé calculer sur son échiquier géant.


Kanto appelle les pays à prendre les armes contre Gabriel Aimé !

« Le tyran a assez joué avec ses nouveaux pouvoirs, annonce le président du conseil de Kanto. Il n'est pas question de troubler une paix mondiale pour un petit différent géographique censé être réglé depuis des années. Si le peuple d'Ermo n'est pas capable d'un jugement intelligent et modéré, alors nous ne laisserons pas un pays aussi petit qu'Unys se faire écraser sans rien dire. Et nous ne serons pas en reste d'un conflit qui touche le monde entier. L'injustice ne doit pas prendre le pas sur les valeurs communes. »


Dès lors le président s'est calmé, tentant de faire rentrer les troupes qu'il commençait tout juste à déployer sans pour autant lever l'état de guerre dans lequel il avait plongé le pays. Il faisait partie des gens qui voulaient voir Unys de nouveau province d'Ermo, non pas en tant que petit pays indépendant. C'était l'issue de longues années de frustration et de débat qui faisaient cette fois surface.
Mais c'était surtout les envies de pouvoir d'un seul homme qui en vérité se profilait. Et dès que Kanto annonça vouloir entrer en guerre, rejoins par de nombreux pays, nombreux furent les habitants du pays à scander un retour à la paix. Mais ce n'était pas dans les envies d'Aimé, il ne voulait pas tout perdre. Et il était plus intelligent que cela.


Lester Grant s'oppose au président !

Le maître de la Ligue appelle à se dresser contre le président, désignant Gabriel Aimé par le titre de « tyran ».
« Il ne faut pas plier aux caprices d'un seul homme. Il faut se battre, non pas contre Unys mais contre celui qui amène notre pays droit vers la catastrophe. Désirer une guerre que l'on peut gagner est un fait, se lancer dans une bataille perdue d'avance est autre chose. J'appelle à une solidarité nationale contre Gabriel Aimé. Nous avons fait une erreur, faisons maintenant marche arrière. »



Comme dans tout régime de ce genre vient un temps où l'on commence à éliminer un par un les opposants. Ce fut le cas de Lester Grant qui fut tué dans un tragique accident de voiture une semaine après avoir commencé à déclencher une guerre civile. Un maître ennuyeux qu'on allait très rapidement remplacer par un gentil chien. C'était le but de la manœuvre.
Une semaine après je voyais dans le journal le nom d'un homme que j'allais traquer vingt-deux ans plus tard après avoir pris sa place, une place qu'il ne méritait pas et qui lui avait été donnée seulement pour qu'il fasse taire les opposants. Ce n'était qu'un pion.

Mais durant tout ce temps l'ambiance à Rovia ne se fit que plus pesante. Malgré le retard que prenait cette guerre tout le monde était conscient qu'elle arrivait à grands pas. Edward Cullen devenait maître de la Ligue et Aimé reprenait les rênes du pays. Il avait chaque jour de moins en moins d'opposants, certains disparaissant brutalement au cours de voyages ou au détour d'une ruelle. Et auprès de lui se rassemblaient tout un tas d'alliés puissants. Des hommes qui voulaient cette guerre, de riches entrepreneurs, des chefs militaires... Les impuissants n'avaient pas voix au chapitre.
Et la guerre se profilait lentement. Même à Rovia nous savions que notre calme serait un jour troublé. La vie allait prendre un autre tournant. Peut-être demain, dans une semaine, un mois ou un an. Qu'importe le temps que cela allait prendre mais elle prendrait un virage certain.

Un virage serré.