Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Accord Secret de Xabab



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 22/01/2015 à 23:29
» Dernière mise à jour le 12/03/2015 à 19:48

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 14 : Ma nouvelle famille
Pendant un instant j'ai tendu l'oreille, écoutant s'éloigner le bus qui m'avait guidé jusqu'à cet endroit dont je ne savais rien. Ni où il se trouvait, ni la distance par rapport à mon ancien chez moi et encore moins ce que j'allais y découvrir. Je savais simplement qu'il me serait désormais impossible de revenir en arrière.
J'avais lancé les dés et le résultat se trouvait sous mes yeux : Rovia.

Pendant une journée j'avais vécu dans un autre monde, une réalité qui venait soudainement de me tomber sur les épaules. Dans ce bus je n'avais pas ressenti la peur une seule fois, ni le froid, ni la faim, ni aucun autre sentiment. J'avais été durant un moment un spectre comme ceux que je voyais au coin des rues depuis mon enfance. J'avais été l'un des leurs et j'avais presque réussi à comprendre leurs souffrances.
La douleur la plus dure lorsque l'on est mort c'est qu'il n'y a pas de douleur. On ne ressent rien de plus qu'un flot de sentiments contraires vous ramenant éternellement au même point : vous n'y pouvez rien.
Si l'on me demandait aujourd'hui de représenter l'autre monde je ne parlerai pas d'un brasier ardent, de cris dans la nuit, de supplices éternels... Non, je pense simplement que je tirerai une feuille de mon bureau et que j'y dessinerai un manège. Car c'est cela mourir ; c'est tourner en rond sans jamais s'arrêter.

Mais petit je n'y pensais pas. Cela n'était à l'époque que les effluves timides d'une pensée qui plus tard m'envahiraient totalement. Je n'étais qu'à des suppositions, des tâtonnements. Tout ce pouvoir que je trainais au pied comme un boulet n'était rien. C'était la sexualité d'un enfant de dix ans qui touche le bout de son sexe sans comprendre comment l'on s'en sert. Il l'intrigue, il se demande ce qu'il pourrait en faire mais il n'imagine pas une seule seconde où cela peut le mener.
J'en étais à ce point et pour tout dire je me moquais un peu dans l'immédiat de savoir ce qu'il en était. J'avais besoin avant tout d'un toit, de nourriture et de repos.

Maintenant que j'étais revenu dans le monde des vivants j'avais faim, ma gorge était plus sèche que le sable d'un désert et la puanteur de mes vêtements m'arrachait littéralement le nez.
Bienvenue dans la réalité.

Sans attendre j'ai porté de nouveau le regard vers le village en contrebas, à une centaine de mètres de mon petit promontoire sur lequel je me tenais, caché à l'ombre d'un panneau donnant des dizaines de signalisations.
Unys... Ermo...
Il s'agissait des deux noms qui trônaient tout en haut du panneau. L'un montrant allant à droite, l'autre à gauche. Le mot frontière traversa mon esprit l'espace d'un instant.
Les autres noms que l'on avait gravés dans le bois m'étaient totalement inconnus, excepté celui de Rovia. D'ailleurs le temps en avait effacé la plupart et il m'était impossible de les lire malgré la puissante lueur de la lune cette nuit-là.

J'ai regardé tout autour de moi ce paysage de montagne qui allait devenir mon quotidien et j'ai pris un grand bol d'air frais en préparation. Puis j'ai hissé la bretelle de mon sac sur mon épaule et j'ai commencé à marcher en direction des lumières.
Que le village était beau, me suis-je surprit à penser en descendant le long du sentier rocailleux. Tant de lumières allumées témoignant de la vie qui y régnait, un feu de cheminée qui laissait monter vers les étoiles une douce fumée, le miaulement d'un félin au détour d'une rue mais surtout le silence. Tout semblait calme, paisible.
Adieu les bruits de la ville, de la capitale. Adieu les gens courant pour attraper leur bus, adieu les banquiers stressé dont la seule préoccupation de la journée est de savoir combien de profit ils vont bien pouvoir engranger, les politiciens à l'affût de la moindre affaire sur laquelle se jeter, les gens piaillant pour un rien et la colère du peuple.
Le havre de paix de ce monde, s'il existait, se trouvait en bas de cette montagne.

Ma chaussure s'est déchirée en tapant dans un caillou mais je n'en avais rien à faire. Je me suis fait mal mais cela n'avait aucune importance. Je boitais d'une jambe, ce n'était pas une blessure sur l'orteil qui allait me faire fondre en larmes. Me laissant guider par le crissement des mes semelles contre le gravier, j'ai descendu la pente sans quitter des yeux la lueur des quelques lampadaires de Rovia qui luisait faiblement dans les ténèbres. Je tendais l'oreille, tentant de percevoir le cri d'un homme, le fracas de verre que l'on trinque ou même les pleurs d'un bébé réclamant son dû. Mais il n'y avait rien de tout cela.
C'était le calme, la paix, le silence.

Et comme un imbécile je me suis mis à sourire, le pas décidé, avançant vers ce qui m'apparaissait comme ma nouvelle maison. Car étrangement je me sentais chez moi sans jamais y être entré.
Quand j'ai franchis la limite du village et passé la première maison j'ai respiré une nouvelle fois, en fermant les yeux cette fois. Je voulais m'imprégner de l'air de Rovia, le faire mien. Cet air si pur que la pollution n'a pas encore écrasé, comprimé, détruit. Une bouffée d'oxygène comme je n'en avais jamais goûté dans la capitale. Un regain de vie, une source de jouvence.

Il est des moments dans la vie que l'on ne peut relater avec des mots et que même le plus long et le plus détaillé des discours ne pourrait rendre réels. Si un jour l'on me posait la question de citer l'un de ces instants, je donnerai sans doute celui de ma première inspiration dans ce petit village de montagne. Ce fut un pur plaisir et une expérience qui n'aura jamais de suite. Rares seront par la suite ces moments durant lesquels émotions et magie ne feront qu'un au cours d'un immense ballet.
Du moins c'est ce que je dirai avec certitude si je devais me limiter à la première partie de ma vie. Car dès mon entrée à Rovia et dès que mes yeux se sont rouvert, je fus frappé d'un autre coup, différent mais tout aussi beau.

« D'où tu viens ? m'a demandé la fillette en me gratifiant d'un air candide. Tu es tout sale et tu as l'air triste. »
J'ai contemplé cette enfant sans rien dire, la bouche ouverte. En ouvrant les yeux, le sourire aux lèvres, j'avais découvert la petite fille qui se tenait sans rien dire au coin d'une maison, ses yeux verts en amandes posés sur moi. Elle tenait à bout de bras quelques bûches que ses parents lui avaient sans doute demandé d'aller chercher pour alimenter la cheminée. Une lourde écharpe cerclait son cou tandis qu'un bonnet de laine retombait sur ses oreilles, si bien que je ne voyais dépasser que quelques mèches de cheveux roux. Sur son visage parsemé de taches de rousseur, une bouche rose tranchait avec la pâleur de sa peau si bien que mon regard n'était attiré que par ses lèvres fines. Et son corps, emmitouflé sous une énorme doudoune bleu, laissait imaginer un corps frêle mais élancé pour une fille de son âge, âge qui devait s'approcher du mien.

« D'où tu viens ? a-t-elle répété. Il fait froid dehors, maman dit même qu'il va neiger et toi tu sors avec pratiquement rien sur le dos. Soit tu es fou, soit tu n'es pas d'ici. Et vu que je ne t'ai jamais vu je vais pencher pour mon second choix. Même si je n'exclus pas le premier. »
Je n'ai pu retenir un rire et elle s'est empressée d'en faire de même. Nous nous sommes fixés en riant pendant quelques secondes puis je me suis avancé dans sa direction et j'ai tendu la main vers elle.
« Je m'appelle Jacob, Jacob Bishop. Mais tu peux m'appeler Jake, enfin, si tu veux, je t'oblige pas à le faire mais...
– Mila, s'est-elle contenté de répondre en souriant face à mon bégaiement. Désolé de ne pas te serrer la main mais je suis prise, a-t-elle ajouté en montrant les bûches du regard. Et puis ça fait adultes de faire ça. »

Elle a pouffé.
« Tu ne m'as pas dit d'où tu venais et pourquoi tu es dans cet état. Tu pues.
– J'ai fait un long voyage et c'est compliqué à expliquer. Un ami m'a simplement dit de venir ici et de parler à l'Ancien, qu'il fallait que je le rencontre pour comprendre certaines choses qui sont en train de m'arriver. »
Pendant un instant elle a gardé le silence. Néanmoins j'ai vu dans son regard que quelque chose venait de changer, comme si elle en savait brusquement plus à mon sujet. Pouvait-elle se douter pour mon pouvoir ? La question me trotta un instant dans la tête mais elle n'y répondit pas.

« Je vois... Ce n'est pas souvent qu'on reçoit de la visite pour rencontrer grand-père.
– Grand-père ?
– Tout le monde l'appelle comme ça ici, a-t-elle rétorqué. Même si pour ma part il est pour de vrai mon grand-père. C'est un peu le sage du village que l'on consulte lorsque l'on a un petit problème. Même si ça n'arrive pas souvent ici. Le village se tient à l'écart des soucis du monde, il ne peut rien nous arriver. »
J'ai souri en entendant cela car c'était exactement ce que j'avais ressenti en l'observant du haut de la montagne. Si j'avais su qu'il brûlerait des années plus tard et que des familles entières y seraient décimées j'aurais sans doute eu un tout autre jugement.
« Mes parents voudront sans doute t'accueillir pour ce soir, a-t-elle ajouté sans me laisser le temps de parler. On a des vêtements propres, à manger et un lit. On avisera demain si jamais tu veux rester plus longtemps au village. »

Je l'ai remercié d'un grand sourire en espérant de tout cœur rester le lendemain. Cela dit elle s'est avancée dans ma direction et m'a déposé les bûches entre les bras.
« Ne crois pas que tu vas t'en tirer sans donner un coup de main cependant. » Et je n'ai rien ajouté. Je me suis contenté de prendre les bûches dans mes bras et de la suivre. Autour de nous, sans même que je ne l'ai remarqué, il commençait à neiger.
Nous avons marché ensemble dans le village. Moi, frissonnant sous mes vêtements fins, et elle se cachant derrière son écharpe. « Ce n'est pas loin, a-t-elle glissé à un moment. » Et en effet ça ne l'était pas. Elle a ouvert la porte en bois d'une maison quelques mètres plus loin et est entré la première. J'ai hésité un instant sur le paillasson mais elle m'a tiré par le bras pour me faire entrer dans un grand salon. Un vent de chaleur m'a envahi et le bonheur avec lui.

La pièce dans laquelle elle m'avait mené était la seule de cet étage de la maison, un escalier dans le coin me prouvait qu'il y avait des chambres en haut. Elle comportait à la fois le salon, la cuisine et la salle à manger. Tout de bois comme un vieux chalet, j'avais l'impression de me retrouver dans la maison de la famille dont ma mère suivait parfois les aventures à la télévision le jeudi soir, une vieille série ennuyante se passant à la campagne dont il m'est impossible de retrouver le nom. Et même si j'avais trouvé cela ringard durant toute ma jeunesse, c'était une impression de tendresse qui prenait le pas sur toutes les autres alors que je me trouvais sur le seuil.
Dans un coin l'espace salon se démarquait clairement des autres, sans doute en premier lieu par la cheminée dont les braises scintillantes procuraient la vie au foyer. Un large canapé et deux fauteuils faisaient office de mobilier, posés sur un large tapis qui se mariait avec le brun du plancher. La cuisine un peu plus loin m'était invisible, caché par un renfoncement dans le mur. Néanmoins je la distinguais exigüe mais comportant tout ce dont un chef a besoin pour nourrir sa famille. Quelques cadres représentant des natures mortes en ornaient les murs, tranchant avec les paysages qui parcouraient ceux du salon et de la salle à manger. Dans cette dernière partie on n'y trouvait qu'une table, immense, pouvant accueillir une dizaine de personne. Et sur celle-ci courraient quelques bougies dont la cire avait coulé et des pétales de rose qui venaient égayer la pièce.
C'était la maison de mes rêves et en un seul regard j'en fus amoureux.

« Papa, maman, j'ai trouvé quelqu'un dehors ! a hurlé ma nouvelle amie en entrant. Il m'a aidé à porter le bois et il m'a l'air plutôt gentil. Il est perdu et cherchait de l'aide. »
J'ai voulu rétorquer que je n'avais jamais demandé de l'aide, quand bien même je l'espérais du plus profond de mon cœur, mais je n'ai pas osé. J'ai contenté de lever timidement la main dans la direction du couple qui se trouvait dans la grande salle et j'ai tendu le bois vers Mila qui s'est empressé de le prendre. Cela fait elle s'est éloignée de moi et est allée le déposer sur le chenet près de la cheminée.

Et dès lors je fus seul dans l'entrée, les bras le long de mon jean couvert de boue séché, les yeux baissé. Je n'osais regarder celui qui se dirigeait dans ma direction, craignant une réaction. Il faut dire que mon expérience des pères se limitait à ce que je savais du mien. Et ce dernier n'était pas un exemple, encore moins une référence en la matière.
Dès notre entrée le couple s'était levé. Le père de Mila tout comme sa femme se trouvait dans le canapé. L'une lisait un gros livre dont je n'osais imaginer le nombre de page pendant que le second se débattait sur une grille de mots-fléchés. Par leurs occupations je remarquai qu'il n'y avait aucune trace de télévision dans leur salon, ce qui me surprit autant que cela me rassura. Il était rare de trouver des gens à notre époque pour se passer de la soupe médiatique et de toutes les conneries qu'on y passe en boucle.

Mais ce n'était pas le genre de cette famille de regarder la télévision. D'ailleurs j'allais plus tard apprendre que ce n'était pas du genre de Rovia tout court. Aucune pollution de ce genre ne passait les frontières du village. Il y avait en guise d'information le journal qui était livré tous les matins au bureau de poste du coin et cela suffisait. Néanmoins ils n'étaient pas décalés de tout. Il y avait l'électricité, l'eau courante et toute autre forme de civilisation... Le reste ne les intéressait pas. Si j'ai appris une chose en vivant à Rovia c'est que la simplicité prime sur tout le reste.
Mais ce n'est pas le sujet actuellement et j'ai tout le temps pour parler de ce village et de ma vie ici.

Pour l'instant j'étais sur le seuil, terrifié par l'image de l'homme qui s'avançait vers moi. Il faut dire que si Mila semblait frêle et douce, ce n'était pas le cas de son père qui faisait plus du double de ma taille, portait un shirt moulant qui faisait ressortir la masse de muscle de son corps qu'il devait avoir taillé au cours de travaux manuels. Une barbe couvrait son menton et une partie de son visage si bien que je voyais à peine sa bouche pour espérer y déceler un sourire et j'étais effrayé par ses immenses mains de la taille de ma propre tête.
Mais heureusement pour moi il ne me voulait aucun mal, il n'avait d'ailleurs aucune raison de m'en vouloir. Mais enfant il est facile de s'imaginer le pire avant de déboucher sur le meilleur.
Le père de ma nouvelle amie s'est contenté de me fixer pendant quelques secondes avant de poser un genou à terre et ses deux mains sur mes épaules.

« Tu es seul ici ?
– Oui, ai-je répondu timidement, impressionné par son énorme voix grave. Je viens voir...
– L'Ancien, je m'en doute. Un autre enfant est venu avant toi le voir et je pensais bien que par des temps comme le nôtre je verrais arriver un jour ou l'autre des gens comme toi. »
Je l'ai regardé avec de grands yeux et il m'a adressé un grand sourire. « Ne t'en fais pas pour ton don, tu peux en parler ici sans tabou. Tout le monde le connaît ici et comparé au reste du monde personne de Rovia ne te jugera. Nous ne savons pas ce que tu vis car personne ici mise à part l'Ancien n'est capable du Troisième Œil. Néanmoins nous respectons. »
J'ai voulu ouvrir la bouche et il s'est empressé de poser un doigt sur mes lèvres.
« Demain sera le temps des questions. Ce soir c'est celui du repos. Mila va te montrer la douche et te donner des affaires propres. Ensuite tu redescendras manger et nous parlerons un peu avant de dormir. Mais pas de tout cela, ça attendra. »

Alors, sans savoir pourquoi, je me suis mis à pleurer. Comme si un flot retenu par un rocher attendait derrière mon œil le moment de s'évader, j'ai laissé glisser la pierre et la cascade couler le long de mes joues. Dans mes sanglots de bonheur j'ai glissé un vague remerciement. Il a tapé mon épaule doucement avant de se relever.
« Au passage, je m'appelle Charles. Et si tu as le moindre problème n'hésite pas. Allez, va te laver. »
J'ai séché mes larmes d'un revers de main et me suis tourné vers ma nouvelle amie qui attendait contre sa mère que la discussion soit terminée. La femme en question ressemblait à sa fille. Les mêmes cheveux roux, les mêmes tâches de rousseur, les mêmes yeux verts en amandes... Et la même douceur dans la voix.
« Elisa, s'est-elle présentée. Comme pour mon mari, n'hésite pas à venir me voir. »

Á son tour je l'ai remercié mais Mila ne me laissa pas le temps de m'attarder. Elle m'attrapa par le bras et me tira en direction des escaliers. « Pas le temps de pleurnicher, on y va ! »
Nous sommes montés à l'étage qui s'ouvrait sur un couloir et trois portes. La fillette décida de ne pas me faire de visite et me poussa dans la salle de bain sans préavis. « Tu es trop sale pour aller ailleurs, ajouta-t-elle avec délicatesse, ce qui m'amusa beaucoup malgré l'émotion dont j'étais la proie depuis mon arrivée. »
La pièce était sobre. Un lavabo, une baignoire, des produits de soin, des serviettes et un miroir. Rien d'extravagant, rien qui ne manque à l'appel ; cela correspondait à ce que je vivais depuis mon arrivée dans cette maison.
Á peine eu-je fait le tour de la salle de bain des yeux que Mila apparut de nouveau devant moi en me tendant une serviette sur laquelle était posé un pyjama rose à pois. « C'était le mien, on te trouvera mieux demain si tu veux. Je t'attends en bas. »

Et comme une fusée elle a refermé la porte, me laissant seul. Pendant un instant je me laissai aller à penser à sa beauté qui m'avait frappé quelques minutes plus tôt quand je l'avais croisé dehors, sous les quelques flocons de neige qui avait commencé à tomber.
Mais mon esprit revint rapidement au bain qui m'attendait. Mes affaires tombèrent sur le sol en quelques secondes et, nu comme un ver, je me glissai sous l'eau chaude qui coulait du pommeau de douche. C'était une extase, la plus belle douche de ma vie. Après des heures à suer, à vivre ailleurs, à perdre mes moyens voilà que je retrouvais le calme et la sérénité. Je ne sais combien de temps je passai dans l'eau à simplement me relaxer.
Le fait est que lorsque je la quittai, j'étais bien, heureux d'être en vie et ne pensant pas une seule seconde à ce que j'avais laissé derrière moi.

J'enfilai le pyjama rose sans la moindre honte et descendis dans la salle à manger où la famille de Mila m'avait préparé une assiette de soupe, du pain, du fromage et quelques pommes de terre cuites à la poêle. « Ce n'était pas obligé d'en faire autant, protestai-je gêné.
– Il faut manger après tant d'émotions, me rétorqua Elisa en souriant. Et après cela une bonne nuit de sommeil. Je vais monter faire le lit d'ailleurs. Tu dormiras dans la chambre de Mila, il y a une place.
– Partenaire ! commenta la fillette à mon attention en m'adressant un clin d'œil qui me fit rougir jusqu'aux sourcils.
– Ne t'occupes pas d'elle et mange, me lança son père sans lever la tête de ses mots-fléchés. »

Mila rétorqua quelque chose mais je me concentrai pour ne pas y prêter attention. Ce qui ne fut pas difficile tant mon ventre criait famine. En moins de quelques minutes j'avais avalé la soupe, mangé le pain, coupé et tartiné quelques tranches de fromages, sans oublier les pommes de terre qui avaient terminé dans le fond de mon estomac. Un réconfort qui supplanta même le bonheur que m'avait procuré une bonne douche chaude.
« Le lit est prêt et il se fait tard, lança directement Charles une fois mon repas terminé. C'est le moment de vous coucher. Jake, si tu permets que je t'appelle comme cela, Mila m'a dit que tu préférais, nous parlerons du reste demain. »
Mila avait vu juste sans même que je ne lui précise. Il était hors de question que j'entende de nouveau parler de Jacob Bishop, personne ne m'appelait comme cela à part mon père. Et il ne représentait plus qu'une relique du passé.

Nous sommes monté dans notre chambre, le repaire d'une fille insouciante comme Mila. Des dessins au mur, un bureau décoré de toutes les couleurs de l'arc en ciel, des objets divers aux murs, quelques jouets et tout un tas de bijoux dont la plupart avait été fabriqués par ses soins à l'aide de brindilles et de fleurs séchés.
Dans cette chambre se trouvait deux lits sans que je ne sache au départ la raison à cela. Ce qui m'importait était de me blottir au fond des draps et de trouver le sommeil, un sommeil qui ne tarda pas à venir. Et, dans les effluves de mes rêves qui s'approchaient, j'entendais la voix de Mila qui me murmurait un bonne nuit. Je lui répondais, doucement, faiblement.
Puis les vapeurs englobèrent mon corps et le tirèrent au fond du monde des songes, où rien et tout est réel à la fois.