Accord Secret de Xabab

Une fois en bas de la fenêtre j'ai tourné le regard en direction de cette dernière. J'étais triste de partir.
Malgré l'aventure qui m'attendait et la libération, je laissais derrière moi l'une de mes seules raisons de vivre. Même à dix ans, dans l'innocence la plus totale, je pouvais affirmer le poing sur la table que ma sœur comptait plus que n'importe qui à mes yeux.

Et je l'ai vu ce soir-là, appuyée contre le rebord de la fenêtre. Elle me souriait tendrement mais derrière cet apparent bonheur j'y lisais toute la peine du monde. Je pouvais presque voir la petite larme qui coulait sur sa joue, brillant dans un éclat de lune.
Elle a monté la main à hauteur de son visage et m'a salué. J'en ai fait de même.
Et, pour pallier à la tristesse qui m'envahissait, j'ai tourné les talons et foncé vers la forêt aux abords du lotissement.

Aujourd'hui je me demande si c'était le bon choix. Qu'aurait dit mon père si j'étais revenu à la maison avec un sac contenant des balles de dresseur ? Il aurait crié, m'aurait sans doute frappé et j'aurais eu droit de l'accompagner le samedi en plus des journées habituelles. Mais ce n'est pas à lui que je pense quand j'évoque ce moment précis de ma fuite. C'est à April ?
Aurait-elle accepté du haut de ses huit ans que je piétine mes idéaux et fasse demi-tour pour la garder auprès de moi ?

Cette question a occupé mon esprit pendant des années. Et aujourd'hui encore je me la pose en arrivant toujours à la même conclusion.
Je revois le visage d'April, ses cheveux roux flottant dans l'air de la nuit et une larme sur l'une de ses joues. Et je tourne les talons sans même me rendre compte que je la vois pour la dernière fois de ma vie.