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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 06/01/2015 à 11:11
» Dernière mise à jour le 16/03/2015 à 16:44

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[ARC I : ROVIA] Chapitre 1 : Quelques mots
Salut.
J'ai longtemps réfléchi à la manière dont je pourrais entamer la conversation. J'ai pensé à des milliers de formules de politesse sans jamais trouver la bonne. Je me demandais ce qui serait idéal pour renouer le contact et... Enfin, je m'avance déjà. Je doute que tu veuilles reprendre contact avec moi, qu'importe ce qu'il se passe actuellement et la situation dans laquelle je suis. Après tout certaines choses n'ont pas changées et je doute qu'elles changent. Je ne demande pas ton pardon, ni même ta pitié. J'ai juste besoin de te parler.


Il y a sans doute des milliards de choses que j'aimerai dire dans cette lettre mais je n'aurais pas assez d'encre pour m'exprimer. Tu sais, sœurette, c'est je perds les mots. Je ne sais par où commencer et comment t'avouer tout ce que j'ai sur le cœur. Je sais que ce ne sera pas facile pour toi de l'entendre ou de l'accepter après ce que je t'ai fait mais je t'aime, de tout mon cœur.
Là où je suis ils m'ont autorisé pour cette lettre, la seule d'après eux à laquelle j'aurais droit avant des années. Mais tu sais, cela n'a aucune importance pour moi. Dans quelques années je serais mort, bien avant même. Je ne me donne pas quelques jours avant de crever dans cet endroit puant. Les gardes me crachent dessus et je ne peux pas leur en vouloir. En même temps vu mon apparence, je trouverai cela étrange qu'il ne fasse pas ainsi.
Enfin...


J'espère que tu liras jusqu'ici, cela peut paraitre long et je sais que ce sera difficile pour toi de me comprendre. D'ailleurs je ne t'en demande pas tant.
Tu m'as sans doute vu à la télé et, même si je ne te demande pas de me croire sur parole, tout ce qui a été dit à mon sujet n'était pas vrai. Certaines choses le furent, oui. Mais pas tout, je te le promets. J'aimerai t'écrire plus en détail à propos de ce sujet mais je doute que tu me croies sur parole et que cette lettre soit acceptée si j'ose aller si loin.
Je vais me contenter de t'embrasser et de te demander de le faire aux parents de ma part. Je vous aime tous, quoi que j'aie pu dire.
Jake.



***


L'arbre flotte au milieu d'un paysage vide, seul. Il n'a pas de feuille, ses branches pendant et tendent vers le sol comme de longues mains menaçantes, son tronc s'enroule sur lui-même en une danse macabre. Sur sa colline, il est le roi. Seul rempart entre mon regard et le ciel, il laisse finement sa morne silhouette se découper à la lueur de la lune. Deux étoiles qui filtrent entre ses branches me font penser à des yeux, l'un plus grand que l'autre. Je sais que ce ne sont que des astres placés au mauvais endroit mais mon corps n'en est pas si convaincu. Je trésaille, sue et mes cordes vocales se tendent comme si j'allais hurler d'un moment à l'autre.
Un pas...

J'avance doucement, sans bruit, mes jambes semblant être les seuls membres de mon corps aptes à faire quelque chose. Mais pourquoi ? Pourquoi me diriger vers un arbre dont la stature fait penser à celle d'un monstre qui étend ses bras en haut d'un monticule ? Je n'ai pas de raison, je sais qu'il faut que je gravisse la colline.
Deux pas...

Je n'ai aucune idée de la température qu'il fait cette nuit ; sans doute très froid, pour sûr. Le vent qui fait grincer les branches de l'arbre qui se fait de plus en plus proche me le souffle. Si je tremble ce n'est pas à cause du froid, ni de la nuit qui s'abat sur moi, ni de l'arbre... Ce n'est pas cette peur qui s'empare de tout mon être, le pénètre jusque dans sa plus petite intimité et le retourne de long en large. Ce n'est pas à cause des feuilles mortes de l'automne qui vole un peu plus haut, ni des ténèbres qui m'apparaissent quand je me retourne et regarde en bas du mont que je gravis. C'est...
Trois pas...

Une peur ineffable, anormale. Ce n'est pas la peur que l'on ressent, enfant, après avoir cassé le jouet de son frère, attendant de se faire gronder. Ce n'est pas une peur commune que l'on a tous de trouver le monstre sous ses draps, de se faire attraper la main en dormant, d'entendre grincer la porte de la chambre. C'est une peur plus puissante, profonde, qui prend aux tripes. Une peur qui tire sur l'estomac, le sort de votre corps et le remets à sa place après avoir plongée sa main au plus profond de vos tripes. Ce qui se trouve sur cette colline, c'est ma peur. Il n'y a rien pour moi de plus douloureux que la vision qui m'attend.
Quatre pas... Une feuille morte se colle sur ma chaussure, se déchire, repart. Le vent se calme.

Et maintenant ? Un cri ? Non, je ne peux pas. Je dois avancer, sans avoir le pouvoir de stopper mes jambes et je... Cinq pas... Le haut de la colline, plus près, toujours plus près. Six pas... Je cours presque, mon cœur bat de plus en plus fort. C'est une furie qui sommeillait en moi depuis ma naissance qui semble se réveiller, me tirer vers le bas, trancher mes artères de ses griffes comme des rasoirs et répandre en torrents le sang qui coulait dans mes veines sur l'herbe fraîche de cette colline.
Maudite, maudite soit la colline, maudit soit ce qui se trouve en haut ! Je hais ce qu'il y a, ce qui...

« ... pour la gloire de son nom et la paix de son âme, pour son souvenir, sa mémoire et pour ce qui a fait en ce monde... »
Une voix, grave, chaleureuse. Elle résonne un peu plus haut sur la colline que je tente de gravir. Les paroles qu'elle prononce me sont inconnues, je n'en comprends que la moitié. Un ton solennel parcourt l'air alentour, semble faire frissonner les branches de l'arbre et retombe lentement au sol. Comme une poudre magique qui paralyserait instantanément tout être vivant aux alentours.
« ... nous avons aimé sa vie, son engagement au sein de notre communauté... »
Sept pas... Cette fois je vois le haut du crâne chauve de l'homme en train de parler, penché sur un vieux livre qu'il fait semblant de lire. En vérité son discours est tout trouvé, il le répète à chaque fois que... Non, pas ça.
Huit pas...
Non.
Neuf...
Non ! Le livre luit dans le noir, les étoiles se reflétant sur ses pages. Dans les mains du vieillard se trouve un crucifix qu'il fait lentement tourner entre ses doigts. Il est seul, seul près de...
Dix...
Une tombe, isolée au sommet de la colline, sous un arbre qui tente de l'écraser sous ses branches qu'il tend comme un clochard tendrait sa main rachitique à un passant. Sur la pierre un nom, un seul. Je ferme les yeux, du moins j'essaie, je veux les fermes. De toutes mes forces, je le veux. Mais ils refusent de m'obéir, pire, mes jambes m'attire jusqu'à la tombe le jour de l'enterrement de cet homme, assisté seulement par un vieux prêtre aux mains crasseuses.
Mes yeux se tournent vers la pierre. Pas d'épitaphe, pas de formules tout faite du genre frère regretté ou bien mari aimant. Rien, seulement un nom : Jack Bishop.

Et je hurle. Le cri qui attendait, enfermé depuis des minutes au fond de ma gorge s'en extirpe enfin. Et le prêtre s'en moque, personne ne me voit. De toute manière personne n'assiste à cet enterrement. Est-ce cela qui me terrifie le plus, qui me hante, me dévore de l'intérieur ? Aucune importance. Je crie. Ma rage implose. L'arbre plie.


***


« Personne n'étais là, personne. »
Elle me regarde, me sourit du coin des lèvres et dépose un baiser sur mon front. Aujourd'hui encore je me souviens de ce sourire, comme si c'était hier. Je me souviens de la douceur de ses lèvres, de la clarté bleue de ses yeux et des quelques mots qu'elle a prononcé : « Tu ne seras jamais seul, mon amour. »
Puis elle m'a serré fort contre sa poitrine, usant de toute sa tendresse maternelle pour réconforter son pauvre fils. Puis elle a chanté, une vieille musique qu'elle adorait entendre et qui, de par sa voix d'ange, parvenait à apaiser mon cœur qui encore battait faiblement au souvenir de l'arbre aux doigts crochus.
I heard there was a secret chord / That David played and it pleased the Lord...