Nous serons les meilleurs dresseurs ... de Naerth

Taï sort de l'arène, en ouvrant les portes manuellement. Cela ne fait pas très longtemps qu'il a quitté son village natal et le voilà qu'il affiche déjà une mine triste. Le combat qu'il a mené était pitoyable. Outre le désavantage lié aux types, il ne savait pas comment réagir face aux attaques du champion. Il a rapidement été dépassé. S'il n'y avait pas eu cette coupure de courant, stoppant prématurément le match, il aurait perdu de façon lamentable. Il n'a même pas pu mettre en danger le premier Pokémon. Il a d'ailleurs préféré faire rentrer Elekid dans sa pokéball. Le jeune garçon ne se sentait pas digne de marcher avec lui. Ainsi, il n'y a personne pour le prévenir qu'il va se cogner à un poteau. Après un petit cri de douleur, il se masse le front et regarde autour de lui. Il commence à faire sombre. Le soleil a déjà commencé à se coucher. Les lampadaires sont éteints. Il n'y a aucun éclairage public. Aucune lumière ne s'échappe des fenêtres des habitations non plus. Le quartier, si ce n'est la ville, est totalement privé d'électricité. Il parvient tout de même à retrouver son chemin jusqu'au centre Pokémon, mais en trainant les pieds. Lorsqu'il arrive, il fait presque complètement noir. Il bouscule sans faire exprès un passant, faisant tomber la pokéball d'Elekid, qui s'ouvre.


-Tu vas bien ? demande le dresseur.


Le Pokémon acquiesce, malgré ses blessures reçues à l'arène. Finalement, Taï le prend dans ses bras.


-Je suis désolé. C'est de ma faute si on a perdu.


Elekid rassure son maître en lui tapotant doucement de l'épaule et en désapprouvant d'un signe de la tête. Taï n'y fait pas vraiment attention. Il arrive devant le centre Pokémon, dont les portes sont fermées.


-Elles sont électriques, c'est vrai. Mais personne n'a pensé à les ouvrir ?


À ces mots, un grand claquement se fait entendre et les portes s'entrouvrent. À l'intérieur du bâtiment, il entend des exclamations de joies. Ils essayent en fait depuis un petit moment. Quelqu'un remarque Taï, dehors, et signale aux autres que l'ouverture n'est pas assez large pour laisser passer les gens. On les écarte encore plus et le jeune homme peut enfin entrer. Cependant, à peine fait-il quelques pas dans l'enceinte qu'il remarque que des regards désagréables lui sont adressés.


-Heu... bonsoir...

-Tu manques pas d'air !

-Pardon ?

-Tu crois qu'on a rien remarqué ?

-C'est de ta faute si on n'a plus de courant !

-Mais non, je...

-Et ton Pokémon alors ?

-C'est lui le coupable !

-Je ne comprends pas...


Soudain, les lumières reviennent. Un homme de l'entretien, surgit d'un couloir et annonce :


-On a pu démarrer le groupe électrogène. Cela devrait être suffisant si la coupure ne dure pas trop longtemps. J'aimerais quand même savoir d'où ça vient.


Les huées se relancent alors de plus belle.


-C'est de sa faute !

-Heureusement que c'est revenu.

-C'est pas une raison !

-Mon Pokémon est en soin intensif. Il aurait pu lui arriver quelque chose de grave !

-Livrons-le à la police. Ce sera réglé.


Taï n'ose plus rien dire. Il ne voit pas le rapport entre lui et le black-out de la ville. C'est alors qu'une voix grave s'élève derrière lui :


-Ça suffit maintenant ! N'accusez pas cet enfant sans raison.


Il s'agit de Pierre, le champion de l'arène.


-Vous avez vu son Elekid ?

-Ces Pokémon se nourrissent de courant !

-Il a sûrement pris son dîner sur le réseau de la ville.

-STOP ! Taisez-vous ! Je n'en reviens pas de ce que vous dîtes. Pour votre information, ce dresseur était avec moi quand c'est arrivé. Il livrait un match dans mon arène et ni lui, ni ses Pokémon, n'ont fait quoi que ce soit qui aurait pu causer tous ces dégâts. En tant que dresseurs, vous devriez avoir honte de la façon dont vous réagissez.


Le silence s'installe. Désormais, ce sont des regards d'excuses que Taï reçoit. Il préfère ignorer tout le monde et confier ses Pokémon à l'une des infirmières présentes. Pendant ce temps, Pierre discute avec un grand nombre de membres du personnel. Pour le moment, personne ne sait ce qu'il se passe, bien que des dégâts causés par les travaux en cours soit l'hypothèse la plus répandue. Le problème est que tous les ouvriers avaient déjà terminé leur journée avant la panne. Un peu découragé, le champion se dirige vers la sortie, quand il voit Taï, assis sur l'une des banquettes, la mine dépitée.


-Tout va bien ? demande Pierre.

-Pas vraiment...

-Si ce sont les autres qui te dérangent, ne fais pas attention. Tout le monde est tendu à cause de la coupure de courant. De plus, beaucoup des dresseurs présents ici possèdent des Pokémon qui se font soigner. Forcément, il y a de quoi s'inquiéter.

-Je sais. Ce n'est pas ça.

-Alors quoi ?

-Je crois que je suis un mauvais dresseur.


Pierre hausse les sourcils, surpris par cette déclaration.


-Tu viens à peine de commencer ton voyage. Comment peux-tu dire ça ?

-Je n'ai rien pu faire face à vous. Mis à part quelques esquives, ça s'est mal passé. Je donnais des ordres presque au hasard. En plus, sur le chemin, je ne me suis pas soucier du fait que mes Pokémon ne pourraient peut-être pas être guéris à cause de la panne de courant. Je ne sais plus quoi faire, maintenant.


Le champion pose une main sur l'épaule du dresseur et lui dit :


-Tu es un bon dresseur.

-Pardon ?

-Tu remets en cause tes aptitudes. Tu es conscient de tes difficultés. Tu sais que sur le moment, tu n'as pas été assez fort. Mais il n'y a pas que ça dans la vie. Un bon dresseur de Pokémon doit aussi avoir du cœur. En revenant ici, tu pensais plus à tes Pokémon qu'à un bâtiment. Tu m'aurais dit le contraire, là je me serais inquiété. Même sans machine, le centre est capable de s'occuper des Pokémon. Ils connaissent des méthodes naturelles et les Leveinard peuvent se servir de capacités pouvant soigner les autres Pokémon. À une époque, on vivait très bien sans électricité ! C'était sans doute plus dur, mais ce qui est formidable avec les êtres vivants, c'est qu'ils savent s'adapter. Toi aussi, tu sais le faire. Ne réfléchis à ce que tu feras, ça viendra naturellement. Quand tu retrouveras tes Pokémon, tu sauras quoi faire, je te le promets.


Pierre se relève. Ses paroles laissent Taï pensif. Il n'a pas osé le dire, mais il est surtout devenu dresseur car, quand il voyait son frère y penser, ce dernier rayonnait de bonheur. Taï voulait connaître ce même sentiment. Et si, depuis le début, tout ce qu'il voulait, c'était copier Akaï ? Si tel est le cas, pourquoi ? Akaï est suffisamment fier de son frère. Il l'a toujours soutenu, jamais gronder. Il a même mis son cœur malade à rude épreuve pour aider Taï, qui n'avait qu'une foulure à la cheville. Akaï l'avait transporté sur son dos jusqu'à un village voisin, où le médecin de Bourg-en-ciel effectuait des visites à domicile. Alors, pourquoi devenir dresseur ? Tout se passait bien quand il se contentait d'apprendre à être éleveur. En plus, il n'a capturé qu'un seul Pokémon depuis son départ. Et encore, si Piafabec n'avait pas décidé de suivre Taï, le jeune garçon n'aurait qu'Elekid avec lui. C'est d'ailleurs quand Taï a reçu l'œuf contenant Elekid qu'il a promis de devenir dresseur. Il était déterminé à ce moment-là. Déterminer à s'occuper du Pokémon qui en sortirait. Déterminer à l'élever comme il faut, pour qu'il devienne fort et qu'il l'aide pour prendre soin d'autres Pokémon, avec qui il créerait de solides liens. C'est ça. Il voulait devenir dresseur pour créer des liens que même le temps n'abîmerait pas. Il montrerait au monde à quel point l'amour qu'il porte à ses Pokémon peut lui permettre d'accomplir n'importe quel rêve.


-Taï est appelé à l'accueil. Je répète, on demande le dresseur Taï.


Il émerge de ses pensées. Le garçon se lève et se rend au comptoir.


-Voilà vos Pokémon. Ils se sont vite rétablis. J'en ai rarement vu qui se remettaient sur pied aussi rapidement après un match d'arène, même s'il ne s'est pas fini.

-Alors... ils vont bien ? Je me suis bien occupé d'eux ?

-Oui. Ils tiennent beaucoup à vous et je suis sûr qu'ils attendent leur revanche avec impatience.


Le médecin demande ensuite à un autre dresseur de venir. Taï s'éloigne, avec Elekid, sur son épaule, qui lui fait de grand sourire, et Piafabec, dans sa pokéball, dont il sent la chaleur.


-Je sais ce que je vais faire. Je vais aider à refaire fonctionner cette ville.


Il se dirige immédiatement vers les téléphones dotés d'écran. Il compose le numéro du commissariat d'Argenta. Aucune réponse. Il tente alors de contacter un autre centre Pokémon.


-Ici le centre Pokémon de Jadielle. Que puis-je pour vous ?

-Ah, vous avez du courant ?

-Bien sûr. Vous êtes à Argenta, c'est ça ?

-Oui. En fait, le réseau électrique des deux villes est alimentée par la même centrale, non ?

-Il y a une centrale, à l'est, près de la mer, qui fourni du courant à toute la région. Mais chaque grande ville possède sa propre source d'électricité pour relayer l'énergie.

-Donc, le problème viendrait de la source d'Argenta. Vous savez ce que c'est, cette source ?

-Une centrale hydroélectrique, normalement. Mais pourquoi me posez-vous toutes ces questions ?

-Je veux ma revanche dans l'arène d'Argenta, et je ne l'aurais pas tant que le courant ne sera pas revenu. Merci d'avoir répondu. Au revoir.


Il raccroche avant que la standardiste ne puisse dire quoique ce soit de plus. Taï consulte son guide de la région. Un fleuve coule à côté de la ville, mais c'est au Nord, près de la carrière, que se trouve le bâtiment qu'il cherche. Le dresseur sort du centre Pokémon et se met en route. Il a pensé à prendre sa lampe de poche. Bizarrement, il se repère bien mieux dans la ville dans la nuit sombre, qu'en plein jour. Il retrouve facilement les rochers aux abords de la cité. Il marche doucement pour repérer le cours d'eau. Il le remonte ensuite et croise le chemin d'une jeune fille.


-Hé ! Doucement avec la lumière !

-Pardon, dit Taï en baissant sa lampe. Qu'est-ce que tu fais là ?

-Rien. Je me promène. C'est tout. Je n'ai rien à avoir avec la panne générale. Et toi, alors ? T'es pas d'ici, tu ne devras pas rester au centre Pokémon ?

-Hé bien... comment tu sais ? Je n'ai rien à voir non plus avec cette histoire ! Et si tu ne veux rien me dire, ne compte pas sur moi pour discuter.

-Bon bah, salut.


L'adolescente s'éloigne. Taï poursuit son chemin pour arriver à un grillage. C'est ici. Il voit un petit trou dans les fils de fer. Il l'agrandit pour pouvoir passer et suit les traces de pas qu'il trouve. Il aperçoit, au loin, des flash. Il s'approche tout doucement, en longeant les murs. Arrivé au coin, il jette un coup d'œil. Un panneau électrique est ouvert. Quelques câbles ont été sectionnés, comme si on les avait mordillé. Un autre flash apparaît, ce qui permet à Taï de percevoir la silhouette d'un Pokémon. Il sort son Pokédex.

« Pikachu. Type électrique. Forme évoluée de Pichu. Pokémon souris. Il possède des petites poches pleines d'électricité sur ses joues. Il s'en sert pour cuire des fruits pas assez mûrs ou remettre d'aplomb l'un de ses congénères. »

C'est donc lui. Ce Pokémon sauvage est venu jusqu'ici, sûrement pour se nourrir d'électricité. Taï sort de l'ombre et pointe sa lampe vers le Pikachu. Celui-ci, qui tenait un câble dénudé sur sa joue, le lâche et se met en position de défense.


-Du calme, mon grand. Tu n'as rien à craindre. Je ne vais pas te faire de mal. C'est juste que tu causes quelques problèmes en ville. Je peux t'emmener à un endroit où l'on prendra soin de toi.


Il avance très lentement d'un pas, mais le Pikachu envoie un éclair de sommation à ses pieds pour l'en dissuader.


-Il ne me fait pas confiance. Elekid ! Les Pokémon foudre communiquent entre eux en s'envoyant de très faibles décharges, non ? Tu pourras peut-être le convaincre.


La pile sur pattes approuvent. Elekid marche donc vers Pikachu, qui se méfie moins. Avec ses cornes, il crée un arc électrique. La souris jaune fait crépiter ses joues rouges. Les étincelles s'unissent, permettant aux deux créatures de se parler.


-Éloigne-toi de lui !


Les foudres s'arrêtent. Taï se retourne et reconnaît la jeune fille qu'il a vu quelques minutes plus tôt.


-Drôle d'endroit pour se promener, dit-il.

-Ne lui fais pas de mal ! C'est mon Pokémon !

-Il n'est pas sauvage ? Mais que fait-il ici, alors ? Et je ne lui veux aucun mal. Je comptais l'amener au centre Pokémon.

-Menteur. Je t'ai vu demander à ton Pokémon de lancer une attaque électrique.

-Mais pas du tout. Ils discutent entre eux, explique Taï.

-Ah oui ? Je... heu... Ah bon ? Ils parlent comme ça ?

-Quand un Pokémon foudre en rencontre un autre, c'est souvent comme ça, oui.

-Je ne le savais pas. Comme beaucoup de choses d'ailleurs. Je ne sais rien faire.


Ses yeux deviennent humides. Elle les essuie avant que des larmes n'en coulent.


-Que veux-tu dire ? demande Taï.

-Ce Pikachu, il est à moi. En fait, il provient d'un échange avec un autre garçon. J'en avais un autre. Je voulais devenir dresseuse en capturant seule mon premier Pokémon. Finalement, on m'en a offert un pour mon anniversaire après plusieurs échecs. Mais ce Pokémon ne faisait que dormir. Un ami d'enfance m'a promis de bien s'en occuper s'il me l'échangeait contre un autre. J'ai accepté, j'ai reçu Pikachu. Mais il ne m'écoute pas. Il s'enfuit souvent. Il me mord, ou m'envoie des décharges. Je ne sais pas m'en occuper. Je suis sûre qu'il me déteste.

-Ce n'est pas si grave...

-Pas si grave !? C'est de ma faute si la ville est plongée dans le noir. Je voulais prévenir les gens, mais quand j'ai vu comment on t'a traité quand tu as débarqué avec ton Elekid, j'ai pris peur. J'ai voulu régler ça par moi-même, mais j'ai également peur que Pikachu parte encore plus loin. Trop loin pour que je le retrouve.

-Je comprends. Ce que je voulais dire, c'est qu'il existe beaucoup de gens comme toi dans le même cas.

-Ah bon ?

-Il a raison.


Une troisième personne arrive. C'est Pierre, toujours au bon endroit, décidément.


-Presque tous les dresseurs capturent au moins un Pokémon hostile envers eux. Après beaucoup de temps, ils construisent un lien de confiance. Cela peut prendre toute une vie. De plus, c'est moins facile avec un Pokémon échangé.

-Je ne suis pas une mauvaise personne, alors ? Pourtant, ce garçon s'entend bien avec tous ses Pokémon !

-Bien sûr que tu n'es pas mauvaise ! s'exclame Taï. La preuve, tu sais te remettre en question. Il faut juste que tu trouves le moyen de pallier à tes défauts et que tu saches ce que tu dois faire ensuite. Cela viendra tout seul. Et pour mes Pokémon, nous avons une histoire commune. Nous nous sommes fait confiance après des évènements particuliers.


La jeune fille comprend un peu mieux, maintenant. Elle s'en veut de n'en avoir parlé à personne. Malheureusement, le Pikachu refuse de la suivre ou de retourner dans sa pokéball. C'est donc Elekid qui se charge de le convaincre de retourner avec elle. Pierre promet de garder le secret à propos de l'implication de l'adolescente dans cette histoire, à condition que les enfants le laissent gérer tout le reste seul. Les jeunes acceptent et rentrent à Argenta.