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L'effet Charmillon de Axis



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» Auteur : Axis - Voir le profil
» Créé le 15/11/2014 à 03:54
» Dernière mise à jour le 15/11/2014 à 11:57

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Marchandage
Je marche le long de la plage d'Algatia avec Alice, et comme toujours, nous nous tenons par la main. Elle porte un chapeau de paille, et un long t-shirt blanc couvre son maillot de bain noir. Le temps est magnifique, une brise légère et agréable nous accompagne, et le chant des Goélise au-dessus de nos têtes embellit la musique des vagues qui vont et viennent.

- Hé, regarde ! s'exclame mon amie d'une voix émerveillée en pointant du doigt en direction de la mer.

Un peu plus loin, un petit jet d'eau s'élève au dessus de la surface. Juste en dessous, je remarque une ombre grossissante. Soudain, un Pokémon sort de l'eau : c'est un Wailmer. Il nous sourit, puis replonge.
Alice se tourne alors vers moi. L'ombre de son chapeau couvre son visage avec de jolis motifs. Ses yeux verts me regardent d'un air radieux, mais on dirait qu'elle pleure. Elle frotte alors par dessus ses taches de rousseur d'un geste de main, puis me fait un câlin :

- Je suis tellement heureuse ici avec toi Mesa, que je pleure de joie ! m'avoue-t-elle d'un ton sincère. Tu es ce que j'ai de plus précieux, et chaque instant que je passe avec toi est un cadeau. Quoi qu'il arrive, on reste ensemble, d'accord ? Ensemble pour toujours !

Elle relâche alors son étreinte, puis avec un sourire éclatant, ajoute :

- ... Et même un peu plus !

Alors que nous recommençons à marcher, tout ce qui m'entoure commence à devenir trouble. Je ne sens plus la main d'Alice dans la mienne. Je tâtonne, mais ne la retrouve plus. A présent, je ressens une légère chaleur sur mon visage, et j'entends des voitures qui passent. Les lueurs du jour me tirent alors définitivement de mon sommeil.

J'ouvre lentement les yeux, et mon environnement me rappelle à la réalité. Je suis sur le toit d'un magasin de Lavandia, abritée sous une couverture que j'ai trouvée dans la rue il y a longtemps, maintenant.
Ça doit être la quatrième fois que je fais ce rêve depuis le début de ma nouvelle vie. Enfin, c'est plus un souvenir qu'un rêve, puisque j'ai réellement vécu cette scène. C'était un été, Alice et moi avions passé beaucoup de temps à nous entraîner en vue de notre première participation au Tournoi des Légendes, et voulions nous changer les idées. Mais à chaque fois que je revis ce moment, je n'arrive jamais à me rendre compte que je rêve.

Je quitte mon refuge de fortune, m'étire, et commence à sauter de toit en toit dans le but d'atteindre celui de la concession automobile, juste en face de la prison.
Je ne sais plus vraiment depuis combien de temps je mène cette vie. Combien de journées j'ai passées à attendre, pleine d'espoir, en face de ce portail gris. Combien de soirées j'ai passées à voler des innocents pour me nourrir. Combien de nuits j'ai passées à dormir dehors, à un emplacement différent à chaque fois.
Ma dresseuse est entrée dans la prison à la fin de l'été dernier. Nous sommes maintenant vers la fin du printemps.

J'atteins mon objectif : je suis en haut de cette concession, et la prison est devant moi. Je commence alors à attendre. Encore.
Lorsqu'au bout d'un long moment, le portail métallique s'ouvre enfin, une lueur d'espoir commence à m'animer une fois de plus. J'ai vu sortir des dizaines de femmes de cette prison. Certaines quittaient seules cette rue, d'autres étaient attendues par de la famille, une amie, un amoureux. Et à chaque fois, je regardais s'éloigner ces anciennes détenues en me disant qu'un jour, ce sera le tour de mon amie.

Une jeune femme rousse aux cheveux bouclés quitte alors la prison par la porte, un petit sac bleu à la main. Mon cœur bondit de joie et je sens une vague d'énergie monter en moi quand je vois son visage. C'est Alice. Elle porte son survêtement à capuche noir et ses chaussures de sport, comme la dernière fois que je l'ai vue. La zone est probablement vidéo-surveillée mais je ne peux pas me retenir, ça fait beaucoup trop longtemps que j'attends ce moment.

Je me laisse tomber sur le auvent de la concession, puis descends au sol. Je cours en direction de mon amie en traversant la route, et son visage s'illumine lorsqu'elle me voit arriver. Je saute dans ses bras, et lâchant son sac, elle me réceptionne en me faisant tourner autour d'elle. Alors que nous nous serrons plus fort que jamais, elle se met à pleurer très bruyamment. Entendant cela, je sens moi aussi des larmes de joie me venir.
Elle recule alors un peu pour me regarder, tout en gardant ses deux mains sur mes épaules. Même si elle a passé un très long moment en prison, elle est toujours la même. Elle a encore ce regard rempli d'amour et ce sourire radieux.

- Oh, Mesa ! commence-t-elle, toujours en pleurs. Tu vas bien ! Tu m'as tellement manqué, je pensais à toi tout le temps, j'avais tellement peur pour toi !

Elle incline alors la tête en fronçant légèrement les sourcils :

- Eh, attends... Comment t'as su que je sortais aujourd'hui ?
- Mais je ne le savais pas, réponds-je en faisant « non » de la tête.

Elle écarquille alors ses yeux :

- Tu... Tu n'as quand même pas attendu devant la prison jusqu'à me voir sortir ?

Ça y est. Je n'arrive plus à retenir mes larmes :

- Si, tous les jours ! dis-je en faisant « oui » de la tête et en commençant à pleurer.

Elle me fait alors un autre câlin et pleure elle aussi de nouveau :

- Non, Mesa ! Non ! Il ne fallait pas ! Ça a dû être atroce ! Et l'hiver ? Comment as...

Un bruit de voiture commence soudain à se faire entendre dans mon dos, de plus en plus fort.

- Quelqu'un arrive ! chuchote Alice. File, et retrouve-moi à la sortie sud de la ville !

Après avoir acquiescé, je traverse la route en vitesse et commence à contourner la concession pour rejoindre l'endroit indiqué par ma dresseuse. Alors que je jette un dernier regard par dessus mon épaule, je vois une petite voiture blanche avec un dessin de Meditikka sur le flanc ralentir à proximité d'Alice. Je décide de m'arrêter pour observer ce qui se passe.

Le véhicule s'arrête juste derrière mon amie, et un individu cagoulé vêtu d'un blouson en cuir en descend. D'un pas rapide, il commence à s'approcher d'elle dans son dos. Alice se retourne, et en voyant cette personne masquée arriver, prend peur et commence à reculer. Il faut que j'intervienne.

Je cours rejoindre la scène, et alors que je traverse une nouvelle fois la rue, l'individu se jette sur mon amie et commence à la rouer de coups. Alice ne crie même pas, elle se contente de protéger son visage avec ses bras.
Au moment où j'arrive enfin à portée, je bondis et percute l'agresseur de tout mon poids sur le coté de la tête. Au moment du choc, j'entends un craquement. Il tombe sur le coté et ne bouge plus. Ma dresseuse se relève doucement et me prend dans ses bras :

- Merci beaucoup Mesa, merci! C'est qui ce type ? Et pourquoi il m'a attaquée ?

Elle s'approche du malfrat étendu au sol et commence à l'examiner :

- Je n'ose pas retirer sa cagoule... Il vaut mieux appeler les secours. Quand ils arriveront, il faudra que tu sois partie ! Ne t'en fais pas, on se retrouve toujours au même endroit. Oh, ils voudront me poser des questions et il est possible que ça prenne du temps, donc ne t'inquiète pas si je tarde à arriver ! A très vite, ma belle, et merci encore !

Je fais semblant de partir, mais peu rassurée au vu de ce qui vient de se passer, je m'arrête à nouveau derrière le bâtiment d'en face pour m'assurer qu'il n'arrive rien d'autre à mon amie.

Une ambulance finit par arriver. Deux secouristes en sortent et commencent à s'occuper de la victime. Après s'être assurés qu'elle respire encore, ils commencent à lui retirer délicatement sa cagoule. Alice, dont la vue est masquée par les deux médecins, se met sur la pointe des pieds pour tenter d' apercevoir le visage de son agresseur. De là où je suis, en revanche, je vois plutôt bien la scène.
Le malfrat a enfin le visage découvert. A ma grande surprise, c'est une femme. Mais sa chevelure blonde m'interpelle. Depuis ma cachette, j'avance ma tête en plissant les yeux. Soudain, j'ai l'impression que mon cœur se retourne.
C'est Lucie, la dresseuse du Laggron que j'ai tué.



- Arrête de culpabiliser ma belle, tu ne pouvais pas savoir !

Tout en conduisant, Alice jette de temps en temps un œil dans le rétroviseur pour voir si je me sens mieux. Mais ce n'est pas le cas. Assise à l'arrière, je continue de regarder le paysage défiler, l'air pensive.
Nous sommes dans une voiture qu'Alice a louée pour qu'on puisse rejoindre ensemble Poivressel, la ville où nous vivons.

- Lucie devait encore nous en vouloir pour ce qui s'est passé à Éternara, reprend ma dresseuse. Alors elle a choisi la violence. Et comme tu étais introuvable, c'est moi qu'elle a pris pour cible, elle voulait que quelqu'un paie pour la mort de son ami... Elle m'a attaquée, et tu es venue me défendre. Sans ton intervention, c'est moi qui aurais fini aux urgences ! Alors arrête de t'en vouloir, tu as juste protégé ta dresseuse qui se faisait agresser, ça ne va pas plus loin !

Bien sûr que si. Ça va beaucoup plus loin. J'ai tué un Pokémon, et maintenant j'envoie sa dresseuse à l'hôpital. J'entends encore ce craquement horrible qu'a fait le cou de cette fille lorsque je l'ai percutée. De tout mon cœur, j'espère qu'elle n'a rien de grave.

Poivressel n'étant séparée de Lavandia que par une courte route, nous y arrivons dans le courant de la journée, soit assez rapidement. L'appartement d'Alice se situe dans un immeuble, juste à coté d'une salle de concours Pokémon. Lorsque ma dresseuse allume la lumière à l'intérieur de chez elle, je ressens comme une vague de réconfort. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'avais pas vu cet endroit. Alice aussi a l'air ravie d'être rentrée. Après tout ce que nous avons enduré, nous voilà enfin chez nous.

Pendant que mon amie retire ses chaussures, je commence à m'avancer dans la chambre. Elle est assez spacieuse, et bien rangée. Sur le mur blanc au dessus du bureau sont collées plusieurs photos sur lesquelles on peut voir des amis d'Alice, des membres de sa famille, ou encore, moi. Juste à coté, sur une étagère en bois, sont exposées toutes les récompenses que nous avons reçues.
Tout en bas, je vois des trophées que nous avons gagnés lors de différentes compétitions locales, et une médaille d'argent remportée lors d'un concours de Sang-Froid à Vergazon. Je me rappelle de ce jour, c'était un Draby qui avait gagné.
Sur la planche du milieu, entre diverses médailles de tournois, se trouve le coffret de badges complet de ma dresseuse. Nostalgique, je tente de me remémorer chacun de ces affrontements. Le premier qui me revient est un combat double que nous avons disputé contre un Séléroc et un Solaroc. Nous avions été aidés par le Colhomard de Thomas, le petit-ami d'Alice à l'époque. Ça remonte à tellement longtemps, maintenant...
Mon sourire s'efface lorsque mon regard se pose sur la planche située tout en haut de l'étagère. Dessus sont exposées les coupes en or que nous avons remportées lors des trois précédentes éditions du Tournoi des Légendes.

Alors que je ferme les yeux et baisse tristement la tête, je sens deux bras se nouer délicatement autour de mes épaules. Puis, j'entends la voix réconfortante de mon amie :

- Ne t'en fais pas ma belle. Un jour tous nos soucis seront finis, et on pourra vivre tranquilles à nouveau, je te le promets.

Après un moment de silence, elle me lâche, s'en va ouvrir la fenêtre afin d'aérer la chambre, puis retourne près de la porte pour mettre ses chaussures. Elle me dit alors en riant :

- Tout ce qu'on a dans le frigo a périmé depuis le temps, tu te rends compte ? Je vais faire quelques courses, tu devrais te reposer un peu en attendant ! Allez, à tout de suite !

Alice m'embrasse sur la joue, éteint la lumière, puis quitte la pièce encore lumineuse à cause du soleil. Je commence alors à me diriger vers le lit.
Elle a raison. J'ai dormi dans la rue pendant presque un an, un lit me fera du bien. Je suis tellement fatiguée que la lumière du jour ne dérangera pas mon sommeil.
Je me glisse sous les draps blancs et ferme doucement les yeux.



- Non, s'il te plaît ne fais pas ça... Je suis désolé, arrête, tu as gagné !

Le Laggron a peur. Je jubile en le voyant dans cet état. Il y a un instant il se moquait de moi, et à présent, il me supplie de ne pas lui faire de mal. Alors que je continue de charger mon rayon lumineux pour punir cet insolent, le visage juste au dessus du sien, j'entends le public crier :

- Tue-le ! Tue-le ! Tue-le ! Tue-le !

Je lève légèrement les yeux, et vois les gradins recouverts de bleu. Tous les spectateurs sont debout et hurlent, me demandant d'achever mon adversaire. Le commentateur s'y met aussi :

- Alors, Mesa ? Tu les entends ? Allez, vas-y ! Finis-le !

Tremblante sous l'effet de l'excitation, je baisse à nouveau le regard. Le Laggron n'est plus là, et je suis à présent au dessus d'Alice, allongée à la place du Pokémon. Elle porte un t-shirt blanc par dessus un maillot de bain noir, et me regarde avec une expression mélangeant étonnement et inquiétude :

- M... Mesa ? Qu'est-ce que tu fais ?

Sous l'effet de la surprise, j'ai un mauvais réflexe : je relâche accidentellement l'énergie solaire que j'ai accumulée sur le visage de ma dresseuse. La puissance de l'attaque me propulse dans les airs.

Une désagréable sensation de chute me tire de mon sommeil. Je me redresse subitement, et regarde autour de moi en respirant très vite, paniquée. La nuit est tombée.
Je suis encore sous le choc de ce qui s'est passé dans mon rêve. Pourquoi j'ai fait ça ? Si tout était à refaire, évidemment que je choisirais de ne pas lancer cette attaque ! Alors pourquoi je me réjouissais de voir le Laggron à ma merci ? Et Alice... Oh non, je l'ai tuée ! Qu'est ce que ça veut dire ?

J'entends soudain une voix moqueuse venant de ma gauche :

- Alors, assassin, on a le sommeil agité ?

Je regarde en direction de la fenêtre, et distingue un Hélédelle posé sur son rebord.

- T'es qui, toi ? je lui demande, interloquée.
- Ça, on s'en fiche, me répond-il sèchement. Amène-toi au sommet de la tour radio de la ville au lever du soleil.

Il se retourne, et juste avant de prendre son envol, ajoute d'une voix sombre :

- Et crois-moi, t'as intérêt à venir si tu veux revoir ta copine.

En entendant ces mots, je regarde à coté de moi, sur le lit, et tâtonne dans l'obscurité. En effet, Alice n'est pas là. Lorsque mon regard revient vers la fenêtre, le Pokémon s'est volatilisé.



Le reste de la nuit fut une véritable torture psychologique. Impossible de me rendormir. Je n'ai pas arrêté de penser à ma dresseuse. Où est-elle ? Est-ce qu'elle va bien ? Qui était ce Hélédelle ? Pendant un moment, j'ai même cru que je rêvais encore.
Alors que les premières lueurs du jour apparaissent, j'escalade les parois de la tour radio de Poivressel aussi vite que je peux. C'est un gratte-ciel en verre très récent, et également le plus haut édifice de la ville. Toutes les stations de la région sont basées ici.

Lors de mon ascension, je vois de temps en temps au travers d'une fenêtre un ou deux employés s'installant à leur poste de travail. Mais je suis tellement rapide qu'eux n'ont pas le temps de m'aperçevoir.
Je jette un oeil sur ma droite, et vois la ville qui se réveille, sous le soleil levant. Des piétons qui se pressent dans les rues, quelques voitures qui circulent, des bateaux naviguant lentement près de la plage... Pour tout ce monde, c'est le début d'une nouvelle journée ordinaire. Alors que pour moi, ce n'est que la suite du cauchemar... Non ! Alice m'a promis que tout s'arrangerait ! Je suis sûre qu'elle a raison !
Je regarde à nouveau droit devant moi en me répétant les paroles rassurantes de mon amie dans ma tête. Mais malgré tous mes efforts, je m'inquiète de plus en plus à mesure que le sommet de la tour s'approche.

Une fois tout en haut, j'exécute une pirouette et atterris sur le toit. Prudente, je balaie la zone du regard. La surface est assez large, et à ma gauche, je vois un bloc en béton muni d'une porte. Il s'agit probablement de l'escalier menant aux étages inférieurs.
Devant moi, de l'autre coté du toit, se tient un homme en costard me tournant le dos. Un Charmina l'accompagne et regarde dans ma direction. Me voyant, le Pokémon donne un léger coup de coude au mystérieux inconnu, qui se retourne alors. C'est un jeune homme aux cheveux foncés et bien coiffés, portant une chemise blanche et une cravate noire sous sa veste. Le regard glacial de ses yeux couleur saphir me met mal à l'aise.

- Ah, tu es enfin là ! me lance-t-il d'une voix puissante portée par le vent.

Il s'approche de quelques pas avec son Charmina, puis reprend son discours, sur un ton beaucoup plus calme :

- Sais-tu qui je suis ? Oh non, certainement pas, et je suppose qu'au fond, tu t'en moques. Mais permets-moi quand même de me présenter. Je m'appelle Michael. Nous ne nous sommes jamais rencontrés, et pourtant, tu as ruiné ma vie.

Ces derniers mots me figent sur place, et les battements de mon cœur s'accélèrent. De quoi parle-t-il ?

- Oh, excuse-moi, continue le jeune homme. J'oublie le plus important. Tu es venue ici pour une raison précise, n'est-ce pas ?

Il siffle alors une puissante note à l'aide de ses doigts. Après un court silence, des battements d'ailes commencent à sa faire entendre. Un Hélédelle jaillit soudain de derrière l'autre coté de la tour radio, lâche quelque chose devant lui, puis vient se poser sur le bloc en béton. Alors que l'objet roule au sol, je mets un moment avant de réaliser qu'il s'agit d'un humain. Le roulement s'arrête à proximité du Charmina, et mon souffle se coupe lorsque je reconnais ma dresseuse.

Pendant qu'Alice tente péniblement de se relever, je crie son nom et commence à courir vers elle pour la rejoindre, mais Michael m'interrompt sèchement :

- Mais attends ma grande, qu'est ce que tu as cru ? Lévikinésie !

Les yeux du Charmina, toujours tournés vers moi, s'illuminent alors en rose, et un halo de couleur similaire entoure mon amie. Sans la regarder, le Pokémon fait flotter Alice derrière lui jusqu'à ce qu'elle se retrouve au delà du bord du toit, au dessus du vide. Lorsque ma dresseuse regarde en bas, elle inspire fortement et ses yeux s'écarquillent. Elle commence alors à remuer ses membres, tentant en vain de « nager » jusqu'au rebord.

- Non ! Laissez-la tranquille ! je crie, en sachant pertinemment que l'homme ne me comprendra pas.

Il commence alors à s'approcher de moi tout en parlant :

- Tu ne pensais quand même pas que j'allais gentiment te rendre ton amie, alors que tu as froidement tué le mien, et gravement blessé ma fiancée !

Oh non... Cet homme est le fiancé de Lucie ?

- Elle était inconsolable depuis la mort d'Océan, continue-t-il. Elle pleurait tout le temps, et ne profitait plus de la vie... Nous avons tous essayé de la réconforter mais rien n'y faisait. Et maintenant, elle est à l'hôpital !
- Mesa n'a pas fait exprès de la blesser ! intervient courageusement Alice, toujours suspendue au dessus du vide. Elle a vu...
- LA FERME ! Hurle Michael.

Il commence alors à pleurer :

- Lucie est paralysée... Elle n'arrive plus à bouger quoi que ce soit en dessous de la tête. Les médecins m'ont dit que sa moelle épinière a été touchée, et que c'est irréversible.

J'ai à nouveau cette sensation horrible. Ce sentiment que j'ai ressenti lorsque j'ai appris que j'avais tué ce Laggron. Les pleurs du jeune homme s'intensifient :

- Lucie m'a dit qu'elle voulait mourir... On allait se marier, partir habiter à Vermilava et avoir des enfants... Et tu as tout gâché ! TOUT ! Tu as détruit nos vies...

Son expression de tristesse laisse alors place à une colère intense :

- ... Alors je vais détruire la tienne.

Tout se passe très vite. Il regarde son Charmina et donne un coup au sol avec son pied. Les yeux scintillants du Pokémon reviennent à la normale, et le halo entourant ma dresseuse disparaît. Elle commence alors à chuter vers le bas de la tour.
Sans réfléchir, je me rue vers l'endroit d'où Alice est tombée. A ma grande surprise, Michael et le Charmina me laissent passer. Une fois au niveau du rebord, je me propulse dans le vide. Commence alors une descente vertigineuse. Je me place verticalement, tête la première pour avoir une chance de rejoindre mon amie avant qu'il ne soit trop tard. Ça y est je la vois, elle chute en silence, tournant le dos au sol. Ses cheveux roux volent au vent, ses yeux sont fermés et ses membres légèrement écartés. Je tends alors la main vers elle et hurle son nom. M'entendant, elle ouvre les yeux, me regarde tristement, et crie avec une voix qui qui me transperce le cœur :

- Mesa, je t'aime !

Je t'interdis de dire ça maintenant. Tu ne vas pas mourir. Regarde, les graines de mon dos commencent à briller sous le soleil. Je vais te rattraper, et lancer mon attaque en direction du sol. Le recul sera tellement puissant que notre chute sera amortie.
Alors que je ne suis plus loin d'elle, je suis brusquement tractée vers la gauche, et ressens une vive douleur sur mon coté, déchargeant mon rayon solaire. J'essaie de comprendre ce qui se passe, et constate avec horreur que le Hélédelle m'a interceptée avec ses serres et est à présent en train de me ramener vers le haut de la tour. Mon regard revient vers Alice. Elle est loin de moi à présent, et le sol se rapproche dangereusement d'elle. Refusant de voir ce qui suit, je ferme les yeux.

Je sens soudain que le Pokémon me lâche, et je percute brutalement le sol. Rouvrant les yeux, je vois que je suis aux pieds de Michael. Il baisse alors son visage haineux vers moi, et me lance :

- Alors ? Qu'est ce que ça fait de perdre l'être qui t'es le plus cher ? Hein ? ÇA FAIT QUOI ?

Ma dresseuse n'est pas morte. C'est impossible. Je me relève en vitesse, et ignorant la douleur, me précipite vers le bord de la tour, puis me penche lentement pour regarder en bas. Je recule immédiatement et referme les yeux en plaquant ma main sur ma bouche à la vue de ce spectacle : Alice n'est plus.

Mon esprit se vide. Je me redresse calmement, et me retourne vers le Charmina et Michael. Le regard que je lance à ce dernier dit tout de mes intentions. Je vais le tuer.
Je commence alors à marcher rapidement dans sa direction. Le temps ralentit, et mes sens s'éveillent. Le Hélédelle est derrière moi, et pourtant je le vois. Je sais exactement où il est, et où il va. En ce moment, il pique dans ma direction, tentant de défendre son dresseur. Au dernier moment, j'effectue un salto arrière et atterris pile sur le dos du Pokémon, l'écrasant au sol. Le Hélédelle inconscient, me portant toujours, commence alors à glisser par terre à cause de la vitesse qu'il a prise avant d'attaquer.
Lorsque la glissade s'arrête enfin et que le temps reprend son cours, le Charmina charge dans ma direction, les bras couverts par des lames psychiques roses. Un saut périlleux avant me permet d'esquiver son attaque et de percuter le Pokémon en pleine face avec mon épaule. Il tombe en arrière et ne bouge plus.

Maintenant que le Hélédelle et le Charmina sont neutralisés, je reprends ma marche déterminée vers le jeune homme. Il ne tente même pas de s'enfuir, et reste debout à fixer ses chaussures d'un regard vide. Ce sera d'autant plus facile pour moi.
Lorsque je l'atteins, je l'envoie violemment au sol et pose la lame de mon bras droit contre sa gorge. Ma respiration est très rapide, et je tremble de rage. Il ferme alors les yeux :

- Vas-y, tue-moi. Je n'ai plus rien à perdre... TUE-MOI !

Mais... Pourquoi j'hésite ? Cet homme a assassiné mon amie. Il mérite la mort. Alors pourquoi je n'arrive pas à me résoudre à le tuer ? Les larmes commencent à troubler ma vue, et je repense à tout ce qui s'est passé depuis le début. Tout ce que j'aurais pu faire pour éviter que cela n'arrive.
Alice serait toujours en vie si j'avais veillé sur elle au lieu de dormir quand elle est partie faire les courses. Si je n'avais pas attaqué Lucie de manière aussi brutale, devant la prison. Si j'avais décidé de me rendre, dans ce poste de police. Si je n'avais pas lancé cette attaque sur le visage d'Océan à Éternara. Ou si j'avais tout simplement réussi à vaincre Tsunami lors de la demi-finale. Et maintenant, par ma faute, un Pokémon est mort, une femme est paralysée, et... Ma dresseuse a été tuée. J'ai assez de sang sur les mains.

Alors que je commence à entendre des sirènes de police en bas de la tour radio, je me relève. Ne sentant plus ma lame contre sa gorge, Michael me regarde à nouveau et s'étonne :

- Pourquoi tu ne me tues pas ? Pourquoi ? Ton amie est morte ! Morte ! JE L'AI T...

Je l'assomme d'un violent coup de pied à la tête, puis prends la fuite. Pendant que je descends la paroi en verre de la même manière que je l'ai escaladée, je pleure la mort d'Alice. Ma dresseuse. Mon amie. Qui m'a élevée, m'a vue grandir, est allée en prison pour moi, et m'a défendue jusqu'au bout. Et qui malgré tout ce que je lui ai fait subir, n'a jamais cessé de m'aimer.