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L'effet Charmillon de Axis



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» Auteur : Axis - Voir le profil
» Créé le 15/11/2014 à 03:47
» Dernière mise à jour le 15/11/2014 à 11:32

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Colère
- D'habitude, je ne prends pas de Pokémon dans ma voiture, vous avez vraiment de la chance.

L'uniforme de l'agent de police qui nous conduit lui donne un air sérieux s'accordant parfaitement avec le ton de sa voix. Il porte également des lunettes de soleil. Pourtant, il fait nuit à présent.

- Oui, Mesa n'a pas de Pokéball, explique Alice en regardant les lumières de la ville par sa vitre, l'air songeur.

Assise avec moi sur les places arrière, elle n'a pas lâché ma main depuis le début du voyage. Après l'épisode du stade d'Éternara, j'ai été soignée, puis des agents de police sont arrivés et ont demandé à nous amener au poste de Nénucrique. Nous avons traversé la mer dans leur bateau à moteur, et nous roulons actuellement dans les rues de la ville pour rejoindre le poste de police. Les dialogues se font rares, et seule la radio brise réellement le silence. Actuellement, un animateur à la voix enjouée est en train de clôturer son show :

- ... et nous remercions donc Buena pour sa visite à Poivressel de cette semaine ayant permis à plein de participants de notre région de jouer à son jeu : Le mot de passe de Buena ! Toute l'équipe de Radio Hoenn lui souhaite un bon retour à Doublonville ! C'est la fin de notre émission, on se retrouve donc demain, même heure, bonne soirée ! Tout de suite, les infos.

Après un jingle instrumental, une voix féminine au ton plus sérieux prend la parole :

- Bonjour mesdames et messieurs, et bienvenue dans votre émission d'information.

Un deuxième jingle, d'une seule note cette fois ci, se fait entendre. La journaliste commence alors à raconter les nouvelles :

- Drame cet après-midi à Éternara lors de la finale de consolation du Tournoi des Légendes : Océan, un Laggron apprécié du public, est décédé sur le terrain alors qu'il affrontait la célèbre Mesa. Après avoir été mis à terre par le Jungko bleu, Océan a profité d'un instant d'inattention de son adversaire pour lui tirer dans le dos avec une capacité de type poison. En guise de représailles, Mesa l'a attaqué à bout portant au niveau du visage avec Lance-Soleil, une puissante attaque de type plante. Le Pokémon Eau est mort sur le coup.
Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons ayant poussé la Légende Bleue à réagir de manière aussi violente. Rappelons que deux jours plus tôt, elle était vaincue en demi-finale par Tsunami, un autre Laggron. Lucie, la dresseuse de la victime, a refusé de témoigner devant les journalistes.
Un groupe de militants est en ce moment même en train de protester devant le stade d' Éternara, relançant le débat sur la violence des combats et le rôle des Pokémon dans la société.

Le conducteur coupe brusquement la radio.

- Voilà, on est arrivés, déclare-t-il en arrêtant la voiture devant un grand bâtiment gris. Veuillez sortir du véhicule et me suivre s'il vous plaît.

Alice et moi obéissons. Une fois tous dehors, le policier nous passe devant et s'approche de la porte du poste, un petit trousseau de clés à la main.
J'ai envie de le frapper maintenant pour l'assommer, et de m'enfuir avec ma dresseuse, mais bien réfléchi, cela ne ferait qu'aggraver notre cas. Et puis les instructions qu' Alice m'a données dans le bateau sont claires : « On ne fait pas d'histoires, on fait tout ce qu'ils nous demandent, et tout se passera bien pour nous, d'accord ? ».

La salle d'accueil du poste est assez grande. Elle est bien illuminée, et les murs sont recouverts d'affiches en tout genre, de pages de journaux et d'avis de recherche. Seuls deux policiers, travaillant derrière leur bureau, sont présents dans la salle.

- Par ici, s'il vous plaît, nous indique l'agent qui nous a conduites.

Il ouvre une porte sur la droite, et nous laisse passer les premières, avant de pénétrer dans la salle à son tour, refermant la porte derrière lui.
Cet endroit est oppressant. La pièce est beaucoup plus petite que la précédente, et uniquement munie en son centre d'une table en bois et de deux chaises se faisant face. Au fond, une porte mène à une cabine vitrée à l'intérieur de laquelle j'aperçois un Ludicolo et un Ramboum.
L'agent demande à Alice de s'asseoir, puis se tourne vers moi :

- Toi, tu viens avec moi.

Il me prend par la main, m'amène au fond de la salle, et ouvre la porte de la cabine.

- Entre, me commande-t-il d'une voix sèche.

Mon regard se tourne alors vers ma dresseuse, qui, d'un geste de la tête, me demande d'obéir. Je m'exécute, puis entends la porte se refermer derrière moi.
Les deux Pokémon que j'ai vus sont chacun dans un coin de la cabine, et me regardent sans bouger. Sur ma droite, un petit motif rouge en forme de zigzag trahit la présence d'un Kecleon camouflé.
Peu rassurée, je demande :

- Euh... Salut ? C'est quoi cet endroit ?

Le Kecleon reprend alors ses couleurs normales et me répond :

- Bah, c'est la garde à vue ! C'est ta première fois ou quoi ? Eh, attends, t'es pas ce Jungko super connu, là ?
- Ouah ! Si t'es ici, commence le Ludicolo, c'est qu't'as traîné dans des trucs pas clairs. Moi par exemple, j'suis l'Pokémon d'un membre de la Team Aqua qui s'est fait coffrer.
- Et moi, reprend le Kecleon, je commettais des vols au centre commercial de Nénucrique avec mon dresseur. Mais un flic et son Grahyena ont fini par nous avoir.

Mon regard se tourne alors vers le Ramboum, assis dans son coin.

- Et toi, t'as fait quoi ? je lui demande.
- Je n'ai pas très bien compris, me répond-t-il d'une voix timide. Les humains appellent ça « tapage nocturne »...
- Mais toi, coupe le Kecleon en me pointant du doigt, pourquoi t'es là ? J'ai bien envie de savoir comment une star comme toi a bien pu atterrir ici ?

Je baisse les yeux avant de répondre, c'est la première fois que je l'admets à voix haute, et ça me fait du mal :

- Je... J'ai tué un Pokémon.

Lorsque je relève les yeux, le Ludicolo et le Ramboum sont plaqués contre le mur, me regardant avec effroi. Le Kecleon s'est à nouveau camouflé.

Soudain, j'entends la voix d'Alice à travers les parois de la cabine :

- MAIS C'ÉTAIT UN ACCIDENT !

Je me retourne et observe la scène par la vitre. Elle s'est levée de sa chaise, mais je ne peux pas voir l'expression de son visage, elle me tourne le dos. Je ne vois que sa chevelure rousse et bouclée lui retombant sur les épaules.
L'agent assis de l'autre coté de la table lui demande alors d'un ton autoritaire :

- Mademoiselle, veuillez vous rasseoir ! J'essaie de vous aider ! Si tout le monde garde son calme, nous pourrons résoudre cette affaire rapidement. Mais vous devez coopérer !

Alice reprend doucement sa place et commence à s'expliquer. A entendre sa voix, elle est au bord des larmes :

- Excusez-moi... Mais vous savez, je... Mesa n'est pas méchante ! C'est vraiment difficile pour elle en ce moment, depuis sa défaite face à cet autre Laggron. Et puis j'entendais des gens dans le public qui se moquaient d'elle. Peut-être que ce tir dans le dos qu'elle a reçu était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase...
- « Déborder le vase » ? répète le policier et posant son pouce et son index sur ses yeux. Elle a tué un Pokémon !
- JE SAIS ! Crie Alice en tapant des deux mains sur la table.

Elle baisse la tête et commence à pleurer. Après un bref moment de silence, elle se redresse et demande :

- Qu'est-ce qu'elle risque ?

L'agent croise alors les bras, plaque son dos contre le dossier de sa chaise, puis répond :

- Au mieux, elle sera mise quelque mois dans un centre Pokémon psychiatrique, puis placée en liberté surveillée pendant un ou deux ans.
- Comment ça « au mieux » ? demande ma dresseuse en avançant le haut de son corps au dessus de la table.
- Et bien, commence le policier, au vu des circonstances, il se pourrait que les juges décrètent que votre Jungko est « dangereux pour la société », ce qui mènerait à la prise de mesures plus...

Il inspire et ferme les yeux avant de terminer sa phrase.

- ... radicales.
- Qu... Qu'est ce que vous voulez dire ? Bégaye-t-elle en reculant sa chaise.
- Et bien, vous savez...

Il rapproche son visage de l'oreille de ma dresseuse et murmure quelques mots que je ne parviens pas à entendre.

- NOOOON ! hurle Alice en se levant brusquement.

Elle donne alors un violent coup de poing au visage du policier, puis arrache le trousseau de clés de sa ceinture. Elle se précipite vers la porte de la cabine dans laquelle je suis enfermée, et commence à essayer toutes les clés dans le but de l'ouvrir.
L'agent reprend ses esprits, puis appelle des renforts en courant vers mon amie.

- Allez... ALLEZ ! s'énerve-t-elle en bataillant avec la porte.

J'entends finalement un « clic » au niveau de la serrure. Alice entrouvre la porte, mais l'agent lui saute dessus et la plaque par terre. Je m'extirpe par la petite ouverture, et vois ma dresseuse en train de se débattre au sol, luttant contre le policier qui essaie de l'immobiliser.
Brusquement, la porte de la pièce s'ouvre, et deux autres agents de police pénètrent dans la salle. Ceux sont les deux policiers que j'avais vus dans le hall d'accueil en venant ici.

- Ce Pokémon ne doit pas s'échapper ! leur crie le premier agent, toujours en train de se battre au sol contre mon amie.

Un des policiers lance alors une pokéball devant lui, tandis que son collègue en envoie deux. Je fais maintenant face à deux agents de police, un Cacturne et deux Grahyena.
Alors que le premier Grahyena me fonce dessus, je me concentre. Tout se passe comme au ralenti . Je l'esquive en me penchant sur la gauche. D'une roulade, je passe en dessous d'un coup de poing épineux du Cacturne. Je vois maintenant le deuxième Grahyena en l'air, la mâchoire grande ouverte. Je glisse sous la table pour l'éviter. A la fin de ma glissade, pendant que le temps reprend sa vitesse normale, je saute et plaque l'un des deux policiers par terre.

Je suis à présent face à la porte menant au hall d'accueil. Lorsque je me retourne, je vois les deux agents restants en train de maîtriser Alice. Celui qui l'a interrogée la garde face au sol en tenant ses bras derrière son dos, tandis que son collègue lui met des menottes aux poignets. Elle ne se débat plus. Alors que les trois Pokémon que j'ai mis dans le vent reviennent à la charge, ma dresseuse lève ses yeux remplis de larmes vers moi et me supplie :

- Mesa... S'il te plaît ! Sauve-toi ! Ils veulent te tuer !

Le choix auquel je suis confrontée est horrible. Je peux obéir à cette demande, et partir immédiatement... Non ! Hors de question que je m'en aille en la laissant derrière moi !
Mais si je reste ici plus longtemps et que je suis capturée, alors elle aura fait ce sacrifice pour rien. Et il faut que je prenne une décision maintenant.
Le cœur serré, je regarde le visage de mon amie une dernière fois, puis quitte le bâtiment, l'abandonnant à son sort.



Je suis enfin arrivée. Je saute du ferry dans lequel je me suis glissée, et me dépêche de quitter le port, avant que les autres passagers ne descendent et me voient. Je marche à présent seule dans les rues de Lavandia, sous le soleil couchant.

Ça va bientôt faire un jour qu'Alice a été arrêtée. Ce matin, à Nénucrique, la police l'a emmenée dans un endroit que les humains appellent « tribunal ». Si j'ai bien compris, c'est là que l'on décide du sort réservé aux criminels. J'avais réussi à les filer jusque-là, mais à la sortie de ce bâtiment, ils ont fait monter ma dresseuse dans une autre voiture et sont partis très rapidement, sans que je ne puisse les suivre. J'ai écouté discrètement la conversation de deux agents quittant le tribunal quelques temps après, et ils ont dit qu'elle était partie pour la « Prison pour Femmes de Lavandia », ce qui m'a amenée ici.

Je m'arrête devant la vitrine d'une boutique d'appareils électroménagers derrière laquelle sont présentés des téléviseurs allumés diffusant tous le même programme.
En ce moment, c'est la publicité pour une marque de pokéblocs, présentée par Flora, une dresseuse très connue dans la région. Elle porte un bandana rouge et une veste de sport assortie, ainsi que des leggings noirs et des baskets. Accompagnée d'un Skitty aux allures joyeuses, elle s'exprime de manière énergique :

- J'ai beau le voir tous les jours, mon Skitty ne cesse de m'époustoufler par sa grâce !

S'ensuit un plan dans lequel, sur un fond rose, le Pokémon saute au ralenti en laissant derrière lui une trainée de paillettes.

- Tout ça, c'est grâce aux pokéblocs sucrés Blockina One que je lui donne tous les jours !

Une explosion de cœurs, de pokéballs et d'étoiles masque alors complètement l'écran, pour laisser place à un pokébloc doré présenté en gros plan.

- Avec leurs principes actifs issus des baies Stekpa et Resin, les pokéblocs sucrés Blockina One rendent mon Pokémon gracieux pour toute la journée !

On voit maintenant la dresseuse en train de prendre son Pokémon dans ses bras :

- T'es prêt pour le concours d'aujourd'hui mon grand ?
- Carrément ! répond le Skitty avec entrain.

Alors que les deux protagonistes s'éloignent, tournant le dos à la caméra, une voix-off féminine prononce le slogan de la marque :

- Blockina One, l'ami des coordinateurs Pokémon.

Dans une explosion de flammes, un pokébloc violet apparaît au premier plan. On entend alors à nouveau la voix dynamique de Flora :

- Nouveau ! Blockina One goût épicé ! Pour les Pokémon avec du sang-froid !

Une courte séquence vidéo marque la fin de la page de publicité. Le journal du soir commence, présenté par un homme bien habillé, assez vieux, au front large et aux cheveux gris.

- Madame, Monsieur, bonsoir. A la une de cette édition : La finale du Tournoi des Légendes à Éternara qui s'est terminée, après un combat rude, par la victoire de Chris et de son Laggron Tsunami ...

Des images de la fin du match sont présentées : sous une pluie d'applaudissements et de confettis, le dresseur aux cheveux longs et lisses, coiffé d'un bonnet et portant des lunettes de soleil serre fort son Laggron dans ses bras.
Je n'entends plus ce que dit le journaliste. Toute mon attention est tournée vers ce Pokémon en train de se réjouir avec son dresseur. Ça aurait dû être moi et Alice, là, sur ce terrain, en train de nous faire un câlin sous les acclamations de la foule. Pas eux.
Je sens la haine s'emparer de moi. Tsunami. Tout est de sa faute. C'est sa victoire face à moi qui a enclenché cette série d'événements qui m'a menée là où je suis aujourd'hui. Et maintenant, il fait la fête avec son dresseur, tandis que la mienne est en prison, et moi à la rue. Ce n'est pas juste.
Je vois soudain une séquence vidéo montrant Alice se faisant escorter hors du tribunal jusqu'à une voiture de police sous les flash d'appareils photo. Je me remets à écouter le journaliste :

- ... dresseuse de Mesa qui a comparu en justice ce matin au tribunal de Nénucrique pour agression sur agent public. Lors de son interrogatoire suite à la tragédie du Tournoi des Légendes dans laquelle elle était impliquée, elle a frappé un policier et permis à son Jungko de s'évader de sa garde à vue. Elle a écopé d'un an de prison ferme. Son Pokémon est toujours activement recherché par les forces de l'ordre...

Une image de moi me tenant debout est à présent montrée aux téléspectateurs.

- ... La fugitive est un Jungko bleu clair de taille moyenne avec six graines rouges dans le dos. Elle est instable et dangereuse, si vous la voyez, ne l'approchez sous aucun prétexte et contactez la police.

Je suis sous le choc. Ça fait trop de mauvaises nouvelles d'un coup. Un an. Alice est en prison pour un an. Je n'ai pas la même notion du temps que les humains mais je sais qu'un an, c'est très long.
Je tombe à genoux et me mets à pleurer sur le trottoir.
Elle a fait ça pour me protéger. Parce qu'elle savait que si c'était moi qui étais jugée, la justice aurait décidé de me tuer.
Toujours agenouillée, je relève la tête vers les écrans. Les vainqueurs du Tournoi des Légendes sont en train d'être interviewés. Ils arborent tous les deux un sourire radieux.
Je me lève, et dans un hurlement de rage, donne un coup sur la vitrine avec le tranchant de ma feuille, brisant la glace dans un grand fracas.
Soudain, je me rappelle : La police me cherche, et la population me considère à présent comme « instable et dangereuse ». Il faut que j'évite d'attirer l'attention, d'autant que pour le moment, personne ne sait que je suis à Lavandia. Je m'éclipse en vitesse.



J'ai faim. Cela fait plus d'un jour que je n'ai rien avalé, et ma cavale me coûte beaucoup d'énergie. Impossible de mendier puisque je suis recherchée. Ça me fait du mal de devoir l'admettre, mais il ne me reste plus qu'une seule solution : voler. La vidéosurveillance des magasins m'empêche d'aller me servir là-bas sans me faire repérer, donc si je veux manger, je vais devoir m'en prendre des gens dans la rue pour leur dérober leur nourriture.

Après un long moment à observer les rares passants du haut des toits, je remarque une femme marchant seule sous la lumière des lampadaires. Vêtue d'un manteau sombre et d'un chapeau à ruban, elle téléphone, et porte un sachet de courses dans sa main : j'ai trouvé ma victime.
Devant elle, une petite ruelle débouche sur la rue qu'elle est en train de traverser. Je me rends à cet endroit, et attends ma proie derrière une poubelle. Elle est maintenant assez proche pour que j'entende sa conversation téléphonique :

- ... mais si je t'assure ! Il était tout content ! Dès qu'il m'a entendue rentrer à la maison il a couru vers moi et a commencé à tirer sur mon manteau en criant « Maman ! Maman ! Regarde, j'ai attrapé un Posipi ! ». Alala, ces jeunes ! Sa sœur vient d'attraper un Négapi, c'est le destin à ton avis ? ... Naaaan, c'est pas vraiiii, racoooonte ?

Mon cœur se serre à l'idée que je suis sur le point d'agresser une mère de famille apportant de la nourriture à ses enfants. Mais ce n'est pas le moment d'être sentimentale. Si je veux manger aujourd'hui, alors il me faut ces courses.
La femme a maintenant dépassé la poubelle. Je sors de ma cachette, m'approche d'elle dans son dos, et vive comme l'éclair, arrache le sachet de sa main et disparais dans l'obscurité de la ruelle avant même qu'elle n'aie eu le temps de crier.

Une fois assez loin, je m'arrête au pied d'un immeuble et fais le compte du butin :
Trois petits sachets de baies, des médicaments dont j'ignore l'utilité, un paquet de pokéblocs similaires à ceux que j'ai vus à la télé, du miel et une pelote de laine rouge. Je vais pouvoir manger ce soir.
Un dernier objet au fond du sachet attire mon attention. Je le saisis, et remarque qu'il s'agit d'un livre de coloriage avec des dessins de Pokémon dedans. C'était probablement un cadeau de cette maman pour ses enfants. Je fais glisser mon dos contre la paroi de l'immeuble jusqu'à m'asseoir, m'effondrant en larmes en constatant ce que je suis devenue.

Après m'être calmée, j'ouvre un sachet de baies Repoi et commence à manger. Ça me fait beaucoup de bien, mais j'ai la gorge sèche, maintenant. A force de courir, de sauter, et de pleurer, j'ai dû me déshydrater. Il faut que je trouve une fontaine.
Le sachet de courses étant assez encombrant, je décide de le laisser contre le mur pendant que je vais chercher à boire. Je trouve une fontaine deux rues plus loin et m'y désaltère discrètement.

A mon retour, je constate qu'un sachet de baies Nanab a disparu. Alarmée, je regarde vite autour de moi. A l'autre bout de la rue, j'aperçois un Makuhita en train de s'enfuir avec mes baies. Je le course et le plaque au sol, appuyant fermement sur ses épaules pour le maintenir en place. Je le fixe alors avec un regard lui signifiant qu'il vient de commettre une grossière erreur.
Effrayé, il commence alors à me supplier :

- Non ! S'il te plaît, ne me fais pas de mal! Pardon ! Je m'en vais, c'est promis, pitié !

Un flash du passé me parvient. Je me revois dans ce stade, le visage juste au dessus de celui de ce Laggron m'implorant de ne pas lancer cette attaque. Il savait qu'il n'y survivrait pas. Je pensais qu'il avait juste peur d'avoir mal. Je n'avais pas compris qu'en réalité, il me demandait de lui laisser la vie.

Je me relève, relâchant le Makuhita.

- Dégage, lui dis-je sèchement.

Il se lève en vitesse et commence à courir.
Alors que je le regarde partir, je suis soudain prise de pitié pour ce petit Pokémon. Au fond, il n'avait pas envie de me voler ces baies, il l'a fait par nécessité, exactement comme moi lorsque j'ai commis ce vol à l'arraché. Lui aussi, il a faim. Lui aussi, il se bat pour survivre.
Je le rappelle :

- Non, attends !

Il s'arrête tourne vers moi, terrorisé. Il pense que finalement, j'ai décidé de le tuer. Il s'agenouille et commence à se prosterner, la tête contre le sol et les bras tendus devant lui :

- Pitié, non ! Laisse-moi m'en aller ! Je ne recommencerai plus ! Promis !

Le sachet qu'il a tenté de dérober atterrit alors devant lui.

- Tiens, lui dis-je. Maintenant, tu peux partir.

Surpris, il relève la tête :

- Merci ! Merci !

Il récupère les précieuses baies et prend la fuite.
Je prends alors le grand sachet de courses, et traverse la ville pour me rendre sur le toit d'une concession automobile.

De l'autre coté de la rue, je vois les portes de la Prison pour Femmes de Lavandia. Un grand bâtiment gris entouré d'une clôture en béton. C'est donc là dedans qu'est enfermée Alice pour un an. Un an... Non ! Ils la relâcheront avant. J'en suis certaine. Et je l'accompagnerai dans cette épreuve. Tous les jours, tant que le soleil sera levé, j'attendrai ici, sur ce toit. Et un jour, mon amie passera ces portes. Oui. Un jour, nous nous reverrons.