Chapitre 8 : Foyer
Je ne respirai presque plus, n'osant même pas me retourner, ni même bouger. Mes yeux fixaient ma perle et mon ombre... Finalement, je devais tenter, je rassemblai tout mon courage et lançai Attraction :
- Salut toi, tu veux bien qu'on fasse une petite virée jusqu'au village des Coquiperl ?
C'était bien un Lanturn, seul. Un Lanturn qui explosa totalement de rire à cause de ma performance raté. Un mâle, s'il avait faim, j'étais foutu.
- Hahaha, continua-t-il. Oh, j'ai l'habitude des Pokémon de votre genre qui me supplient pour leur vie en me voyant mais c'est la... pff... première fois qu'on essaie de me draguer.
Je préférai me taire, ne préférant pas attiser sa colère alors qu'il semblait de bonne humeur.
- Enfin, tu es venu chercher une perle on dirait. C'est la tienne ? Fais gaffe avec ça, c'est important. Quoique, je ne t'apprends sans doute rien, tu es venu la chercher jusqu'ici.
Un Lanturn... amical ? Les choses avaient-elles tant changé depuis mon départ ? Ou alors...
- P... Paz ?
- ... Voilà qui est encore plus inhabituel... Ce n'est pas la première fois que je te sauve ? Je t'avais sans doute dit de ne plus revenir jouer dans les abysses, c'est dangereux ! Les autres Lanturn sont pas aussi cools que moi.
J'avais raison ?
- Où... où est Léna ?
Il écarquilla les yeux et cria presque :
- Karl ?! Mais... Sérieux ? Non, ça ne peut pas être toi !
- Ouah, tu as évolué, remarquai-je.
- Toi aussi, je... Comme Léna va être contente ! Elle commençait à vraiment perdre espoir. Le coup du Rosabyss va lui mettre un sacré coup par contre. Récupère ta perle, on va pas la faire attendre plus longtemps. Et raconte-moi absolument tout pendant ce temps, on est pas arrivé.
- Content de te revoir aussi, le raillai-je.
Malgré cette moquerie, j'étais vraiment, vraiment content. Surtout soulagé d'être tombé sur le seul Lanturn de la région qui ne me mettrait pas un coup de dents. Mais ça me semblait tellement irréaliste. Paz, mon meilleur ami d'il y a plusieurs mois maintenant, à nouveau à mes côtés. Sa façon de parler, ses gestes, il n'avait pas tant changé à l'intérieur. Je m'étais toujours demandé s'il deviendrait comme les autres Lanturn en évoluant mais j'étais ravi de voir que ce n'était pas le cas.
Je lui fis un résumé de ce qu'il s'était passé à la surface, trop court pour la durée du voyage alors je dus rajouter des détails par la suite. Ces détails sur ma famille d'accueil qui me manquait d'autant plus lorsque j'en parlais. Voyant que je commençais à avoir du mal, il décida de faire la même chose de son côté et apparemment, la vie n'avait pas été aussi amusante sous la mer. Je manquais énormément à Léna qui ne faisait presque plus rien et ne souriait que quelques rares fois en compagnie de Paz qui avait fait de son mieux pour aller la voir dans son temps libre. Il avait même commencé à s'entraîner à cause de sa défaite face au Laggron de mon précédent maître pour pouvoir la protéger si quoi que ce fusse devait lui arriver.
Au final, nous n'avions croisé personne quand nous arrivâmes à un lieu mieux éclairé que je reconnus immédiatement, la zone neutre. Je sentis à nouveau les larmes me monter aux yeux, j'avais réussi...
- Tu crois qu'on apprendra ta légende plus tard comme celle de Mirion et Selan ? demanda Paz.
- J'espère que l'on contera la vérité si c'est le cas, et que la fin restera heureuse...
- Comment ça ?
- Je vous explique tout plus tard, elle est chez le vieux Relicanth ?
- Non, ça doit bien faire une semaine qu'elle n'est plus sortie du village. Je n'ai pas pu aller la voir du coup, j'ai bien essayé mais...
- Oui, je sais... Je vais y aller, attends-nous ici... comme au bon vieux temps, souris-je.
- Pas de problème. Ça fait vraiment plaisir de te revoir, j'ai du mal à croire que c'est toi.
Je ris et nageai à toute vitesse vers mon lieu de naissance. Et, à peine rentré dans notre lieu d'habitation, je me fis arrêter par un Serpang et un Rosabyss. Sachant que j'étais considéré comme un étranger, je déclinai mon identité avant qu'ils ne posent la question :
- Karl, fils de Glia et Taror. Je reviens d'un long voyage.
- N'es-tu pas celui qui avait été enlevé par un habitant de la surface ?
Je nageai gracieusement entre eux deux, subjuguant tout Pokémon aux alentours comme j'avais si bien appris à le faire, et déclarai :
- Je suis de retour.
J'avançai à présent lentement, mes écailles roses sublimant les environs pour éviter toute autre remarque, et j'avançai vers la zone des Serpang puis enfin, retrouvai les algues dans lesquelles Léna vivait. Certains souvenirs ne s'en iraient jamais, commentai-je mentalement avec satisfaction. Les parents de Léna me fixèrent d'un œil mauvais et me demandèrent :
- Que nous veux-tu ?
- Je suis venu chercher Léna, je lui ai fait une promesse.
- Comment ? commença son père avant qu'une Coquiperl fonce devant lui et me fixe.
Je lui souris et déclarai :
- Oh Léna, toi, tu n'as pas du tout changé.
- K... K... Ka...
Je hochai vivement la tête d'un grand sourire et elle commença à pleurer. En suivant la direction de ses larmes, je remarquai qu'une perle, sans doute plus grosse que la mienne se logeait dans sa coquille. Cela m'arracha un nouveau sourire en me remémorant nos derniers jours ensemble :
- Elle n'est pas parti à Paz au final, hein ?
- ... Stupide... Imbécile ! cria-t-elle en se jetant sur moi.
Les deux parties de sa coquille se refermèrent sur mon corps comme les Coquiperl faisaient souvent à leurs parents quand ils étaient jeunes. J'acceptai cette étreinte et murmurai :
- Je suis revenu...
- Oui... souffla-t-elle.
- Mais j'ai encore un petit problème à régler, tu devrais venir, ça va t'intéresser.
Elle se détacha de moi et me regarda, d'une mine furieuse :
- C'est tout ce que tu as à me dire ?
Sa colère n'était pas profonde à en témoigner par le rose pur de son visage. Je me justifiai :
- J'ai une dernière mission à accomplir avec que l'on puisse échanger nos perles. Tu veux venir avec moi, je dois trouver Selan.
- Se...lan ? De la légende ? Mais...
- Je savais que ça te plairait, ris-je. Allez, on va chez le vieux Relicanth.
Elle me regarda, une pluie d'expression franchissant son visage. C'est la curiosité qui l'emporta finalement et elle me suivit sans faire d'histoire. Je ne savais pas quoi commencer à lui dire, elle non plus apparemment car le voyage se fit sans bruit... jusqu'à rencontrer un certain Lanturn.
- Léna ! l'accueillit celui-ci. Je t'avais dit que je te le ramènerais.
Elle se tourna vers moi et j'expliquai :
- Je me suis un peu perdu dans les abysses en revenant.
- Il avait fait tomber sa perle oui, corrigea Paz.
- Tu n'étais pas obligé de lui dire ça...
- Pourquoi ? C'est classe que tu aies risqué de t'aventurer là-bas pour pouvoir la lui donner je trouve. Vous les avez déjà échangées ?
- On ne te ferait pas rater ça, déclarai-je, pressé de changer de sujet.
- Oh ? Je vais y avoir droit maintenant ?
Soudain, j'entendis un petit rire qui coupa toute discussion. Je me tournai vers la Coquiperl qui l'émettait de plus en plus fort et fis exactement la même chose, je ne sus pourquoi. Paz nous rejoignit presque immédiatement et nous nous esclaffâmes ainsi plusieurs minutes.
Lorsque nous fûmes enfin calmés, Léna fut la première à parler :
- C'est juste incroyable. En quelques instants, on croirait revenir à l'époque. Vous n'avez pas beaucoup changé au final tous les deux.
- Hé, Karl est quand même devenu le Pokémon le plus gracieux de la région, déclara le Lanturn. C'est pas rien.
- Paz, laisse-moi lui dire tout ça moi-même... le suppliai-je.
- C'est pas fait ?
- Je n'ai pas eu aucun de temps avec elle qu'avec toi.
- On s'est pas dit grand chose honnêtement, admit Léna. J'étais nerveuse. Tu as vu le Rosabyss sublime qu'il est devenu ?
- Il a triché pour ça, se moqua Paz.
- On peut parler de ça tout à l'heure si vous voulez... me plaignis-je.
Les deux se tournèrent vers moi et Léna demanda :
- Tu parlais de rencontrer Selan ?
- De la légende ? s'enquit le Lanturn.
C'était le seul point de mon aventure dont je ne lui avais pas parlé.
- Exactement. Je ne sais pas où il est mais je sais qui le pourrait. Paz, j'aimerais bien voir ce que donne ta nouvelle lumière chez le vieux Relicanth.
- Quelque chose de 'trop brillant' et 'va dehors', rit-il, imitant la voix du Pokémon.
- Il devra s'en contenter, je vous explique tout en même temps qu'à lui.
Ils acquiescèrent et nous fonçâmes vers l'endroit. Je me sentais tellement bien, j'étais enfin chez moi, dans mon univers, le lieu où j'étais né et voulais rester. Ça me gonflait réellement d'énergie.
J'appelai le vieux Relicanth lorsque nous rentrâmes et il arriva, toujours aussi lentement avant de déclarer :
- Oh, c'est le jeune Karl que voici ? Une bien belle évolution.
- Dire que je t'avais même pas reconnu, souffla Paz.
- Il a gardé quelques trucs quand même, lui répondit Léna.
J'ignorai le tout et allai droit au but :
- Je voudrais savoir la vérité sur la légende de Mirion et Selan.
Il y eut un petit silence. Et Relicanth déclara :
- Une bien vieille histoire, de quelle vérité parles-tu ?
- De la Rosabyss qui s'est unie avec lui, et de la perle que Mirion ne lui a pas laissé.
- Mais de quoi parles-tu ? s'inquiéta Léna.
- J'ai rencontré Mirion là-haut. Elle m'a confié sa perle... pour que je la donne à Selan et ainsi rendre vraie votre histoire. Oh, et c'est une Serpang.
- Euh, ça contredit un peu tout, signala Paz. Vous m'avez répété cette histoire des centaines de fois et...
- Il est peut-être vrai que cette histoire ait été mystifiée, commenta Relicanth, faisant taire tout autre Pokémon dans la grotte. Mais êtes-vous assez mûrs pour entendre la vérité ?
- C'est... impossible... commenta la Coquiperl.
- Je dois l'entendre... dis-je.
- Alors prenez place les enfants. Commençons par un passage que vous connaissez bien. L'attaque de l'humain sur le Léviator. Oh, Selan avait été bien brave, il avait combattu la bête du mieux qu'il le pouvait. Mais rien n'empêcha l'humain de jeter l'une de ses boules maudites sur la tendre Mirion.
- Et ensuite ?
- Comme tu l'as si bien dit, nulle perle n'est tombée mais une est pourtant apparue. Selan fonçait vers la surface, poursuivant le Léviator comme un acharné, la coquille entièrement fermée. Je pense... que c'est à ce moment-là que la perle fut créée. Le Pokémon géant le renvoya dans les fonds d'un grand coup de queue, l'obligeant à rouvrir sa coquille et cracher sa perle. Lorsqu'il regarda à nouveau vers la surface, il la vit tomber devant lui alors que sa bien-aimé se faisait emporter... Il n'a plus jamais été le même...
- Je... peux comprendre ça... souffla Léna.
- Selan s'obstina à penser que la perle était un présent de Mirion tout en sachant que c'était un mensonge, il se rendit fou à essayer de s'en convaincre... Il... finit par ne plus se nourrir du tout, crachant au monde de lui rendre sa Mirion. Il finit par en mourir... Ici même...
- Selan est... mort ainsi ? Mais... et son nouvel amour ? s'offusqua Léna.
- C'était... simplement ma manière de rendre hommage à cette histoire. À mes deux meilleurs amis, qu'ils puissent vivre ensemble pour toujours... J'ai été stupide, c'était surtout un moyen de me consoler, j'étais là tout ce temps, je n'avais rien pu faire. Je n'ai pas pu attaquer le Léviator, préférant me camoufler parmi les rochers... Je n'ai pas pu le consoler après coup... Je...
- M... Mirion est vraiment heureuse maintenant, commençai-je. Elle vit avec une bande de Pokémon géniale, même une humaine géniale maintenant. Elle... Je lui ai raconté la légende, elle pense qu'il est heureux avec une autre... Mais... Je devrais vous confier sa perle. Pas comme un gage d'amour, mais comme un souvenir.
- Je... Je ne sais pas si je peux l'accepter... après ce que j'ai fait.
- Je pense que vous devriez, s'avança Paz. En tant qu'ami inutile en temps de crise, j'ai été bon aussi. J'aurais quand même... préféré avoir ceci plutôt que de laisser se perdre la seule chose qui me resterait d'eux.
De nouveau, il n'y eut plus un bruit. Je voulais rassurer Paz sur le fait qu'il avait tout de même tenté ce qu'il pouvait. J'avais appris par Terreur qu'avec les faiblesses et avantages des types, il n'aurait jamais touché Laggron... Mais ce n'était pas le moment. La perle de Mirion devait trouver propriétaire et, sur son identité, j'étais plutôt de l'avis de Paz.
Je fis sortir la perle de ma poche et la posai devant lui.
- Vous devriez la garder précieusement, cela vaut plus que toutes vos histoires. Rappelez-vous d'eux pour ce qu'ils ont été, pas ce qu'ils auraient du être.
- Et ce sont ces trois gamins là que me font la leçon, rit-il doucement. À cette époque, je n'aurais pas cru que vous seriez ceux qui me sauveriez...
Je hochai la tête et quittai simplement la grotte. Léna et Paz lui dirent quelques mots d'adieu et me rejoignirent à l'extérieur.
- Ça... fait vraiment un choc, commenta Léna, une fois que nous étions un peu plus loin.
- Ce n'est pas encore fini, souris-je en faisant demi-tour pour coller mon visage contre le sien. Je pense qu'il me manque encore une perle dans ma collection.
Elle referma mollement sa coquille pour qu'elle me tienne sans me blesser ou m'entraver.
- Combien de filles t'en ont donnés là-haut ? répliqua-t-elle.
- Une seule, et ce n'était pas pour moi, ris-je.
- Et combien dans la mer ? ricana-t-elle.
- Sans doute la seule qui comptera pour moi.
- Ouah ouah, j'ai rien dit, s'exclama Paz. T'as bien changé Karl. Et trouvez-vous un buisson d'algues !
Je souris mais ne quittai pas Léna des yeux, elle en faisait de même. J'utilisai ma queue pour sortir ma perle de mon sac et la déposai difficilement par l'ouverture de sa coquille en soupirant :
- Comme promis, elle est à toi.
Elle gloussa pour ensuite nager vers le haut pour faire glisser sa propre perle hors de sa coquille. Je la sentis rouler sur mon corps et la rattrapai avec le but de ma queue sans détourner mes regards.. Légèrement gêné par le silence, je lançai la première chose qui me passait par la tête avant de voir qu'elle s'apprêtait aussi à parler :
- Ah, je vais devoir annoncer mon retour à mes parents en même temps que mon union. Je vais me faire tuer !
Elle me lâcha d'un coup et se mit à rire bruyamment. Je la regardai s'esclaffer puis m'engueuler :
- Karl... Je te hais ! Comment tu fais pour toujours détruire d'un coup tous les moments romantiques ?
- Certaines choses ne changent jamais, rit Paz à son tour.
- Certaines choses ne devraient jamais changer, complétai-je.
Cette vie, ce bonheur, tous ces petits détails qui faisaient que j'étais revenu auprès d'elle. Que je l'avais préféré à cette gloire qui m'attendait à la surface. Je ne regrettai pas le moins du monde avoir été le Pokémon de ''la grande Flora'' mais cette vie sous-marine était définitivement ce qui me convenait le mieux.
À la voir me crier dessus ainsi, je savais que j'avais fait le bon choix. Et puis, elle allait sans doute me bouder toute la soirée, mais demain, ça devrait mieux se passer.