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Arsenic, enchantée ! [OS] de Kajiaôtori



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» Auteur : Kajiaôtori - Voir le profil
» Créé le 02/11/2014 à 21:18
» Dernière mise à jour le 20/11/2014 à 20:44

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Arsenic, enchantée ! - Chapitre Unique
Je grelottais, transie par le froid cinglant de cet après-midi d'Automne. Je regardai mon maître à travers la vitre. Ça y est, il était ENFIN à la caisse. Il oubliait que je l'attendais ici, dehors, puisque je n'avais pas le droit d'entrer. Il sorti de la boutique, et reparti sans m'adresser un regard. Je suivis mon dresseur dans les rues de Parsemille le plus naturellement du monde. Il avançait à travers la foule grossissante sans trop faire attention à moi, sans me décrocher un regard ou même un seul mot. Déçue, je baissai les yeux sur le sol.

Ces derniers temps, il ne faisait plus trop attention à moi. C'était à peine s'il me regardait. J'avais envie de lui demander ce que j'avais bien pu lui faire pour qu'il soit aussi distant. Mais bon, à moins qu'il parle le Seviper, ça va être dur de lui faire comprendre... Je relevai la tête, et l'observai de dos, comme d'habitude. Je remarquai qu'il est bras-nus. Comment il faisait ? Aujourd'hui, il faisait un temps glacial ! Un coup de vent passa, me faisant plus trembler encore.

La foule s'épaissit de plus en plus, car aujourd'hui Carolina allait faire une démonstration de voltige Pokémon sur les pistes de l'Aéroport. J'évitai les gens du mieux que je pouvais, en essayant de ne pas le perdre de vue. Mais ils s'agglutinaient devant moi, sans se pousser pour me laisser passer. J'avais beau siffler, bousculer, montrer les crocs, ils étaient de plus en plus nombreux et me bloquaient le passage. On aurait dit qu'ils ne me voyaient pas. Avant, quand j'étais en liberté derrière mon dresseur, ils me regardaient d'un air craintif, et on éloignait les enfants de moi. Une Seviper en ville, ça faisait toujours un peu flipper. Je n'y faisais pas trop attention, lui m'aimait et c'était tout ce qui comptait. Mais là, on dirait que le spectacle offert par la Championne m'effaçait totalement de leur regard, à tel point que j'ai failli le perdre dans l'immensité de la foule.

On finit par arriver dans un endroit plus vide. Je le rejoignis et fis un sifflement pour exprimer mon mécontentement par rapport à la foule. Il se retourna à peine, et continua sa route sans ralentir le pas. Choquée par son attitude, je m'arrêtai. Je sentis une larme rouler sur ma joue. Pour attirer son attention, je reniflai plus bruyamment que la normale. Il semblait ne pas m'avoir entendue, en tout cas, il continuait sa route l'air de rien. Perdue dans mes pensées, je cherchais ce que j'aurais pu faire dernièrement qui causerait cette indifférence.

Ça faisait combien de temps qu'il était comme ça ? Quelques jours à peine. Je cherchais, je cherchais, je cherchais et finis par mettre le doigt dessus (enfin façon de parler, puisqu'étant un serpent... Bref). C'était il y a trois jours, on avait fait un combat contre un dresseur dans la grotte Electrolithe. Je ne m'en souvenais plus très bien, mais il me semblait avoir gagné le combat. Puis, j'avais un trou noir, il m'avait sans doute rentrée dans ma Pokéball vu que je devais être blessée. Le lendemain, je m'étais réveillée à côté de son lit dans la chambre que nous avions prise au Centre Pokémon. Comme souvent, il m'avait ressortie et soignée durant mon sommeil. Et c'est à partir de là que j'avais remarqué que quelque chose n'allait pas. A peine levé, il ne m'avait pas fait de câlin comme à chaque fois. J'avais pensé qu'il était dans le pâté et qu'il ne m'avait même pas vue en se levant. Mais même plus tard dans la journée, il s'était montré extrêmement distant. Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Et si je l'avais perdu, finalement, ce combat ? Mes souvenirs sont un peu flous alors... Non, c'est impossible. Il n'était vraiment pas du genre à m'en vouloir pour une défaite. Mais il y avait vraiment quelque chose qui n'allait pas. Après une défaite, on s'entrainait jour et nuit pour pouvoir prendre notre revanche. Et là, je ne pensais pas que depuis on était allés sur les routes pour combattre des Pokémon sauvages...

Je relevai la tête. Il n'était plus là. Je restai figée sur place un moment au lieu de partir à sa recherche. Il ne m'a pas attendue ! Il n'a même pas remarqué que je n'étais plus derrière lui. Je m'élançai dans la ruelle où il semblait avoir disparu le plus vite possible. Arceus, qu'ai-je fait pour qu'il me déteste à ce point-là ? Tandis que j'avançais du mieux que je pouvais à travers les rues, des larmes commencèrent à ruisseler.

Il n'y a rien de pire pour un Pokémon que de se sentir rejeté par son maître. Il a changé du tout au tout, et c'est vraiment dur de le supporter pour moi. Des souvenirs chaleureux me reviennent en mémoire. Ses sourires, ses caresses, ses compliments... Tout a disparu. Sans prévenir. Et ça me faisait énormément de mal, car c'était forcément de ma faute. Je le connaissais presque mieux que quiconque, il ne peut pas m'ignorer du jour au lendemain sur un coup de tête, ou même pour me faire une blague, car il sait que c'est de très mauvais gout. C'était de ma faute et je ne voyais pas comment me racheter. Les cadeaux, c'est pas mon truc, et puis, vous avez déjà vu un Pokémon entrer dans une boutique, acheter quelque chose, demander à la caissière de l'emballer et payer ? A part peut-être les Arcanin d'aveugles, je ne vois pas.

Essoufflée, je ralentis le rythme. Je ne l'ai pas encore trouvé, j'ai pourtant cherché dans tous les endroits où il aime bien aller. Mais pas une trace de lui. Paniquée, je tournai dans la mauvaise ruelle. Un peu étroite, sale, je me rendis immédiatement compte de mon erreur. Je m'apprêtais à faire demi-tour, quand j'entendis des voix derrière moi. Je ne m'en préoccupais pas jusqu'à ce que j'entende une voix familière. Je pourrais la reconnaître entre mille. Sans hésiter, je me dirigeai vers la provenance des voix.

C'est alors que je le vis. Il était entouré de jeunes adolescents en baggy et capuche. Je lisais facilement la terreur dans ses yeux. Il était coincé, il ne pouvait pas s'échapper. Ces racailles allaient lui faire la peau si je n'intervenais pas ! Je m'avançai, sûre de moi. Voilà le moyen de me racheter. Je me voyais déjà terrasser ces voyous avec force, devant son air étonné, émerveillé que je sois arrivée à temps. Puis il me prendrait dans ses bras, il me chuchoterait qu'il me remerciait du fond du cœur et qu'il avait été stupide de me faire la tête pour ma défaite de l'autre jour. Il s'excuserait, en larmes, et tout redeviendrais comme avant. Animé par cette nouvelle force, je m'approchai encore plus. Ils ne semblaient pas avoir remarqué ma présence, trop occupés à martyriser encore et toujours mon pauvre maitre.

- Aller, on a assez gol-ri, file nous tout ton fric.
- Va te faire voir !
- QUOI ?
- Wa, l'aut ! Té-ma comme il répond au chef !
- Eh p'tit ! J'te déconseille de faire ton malin face au chef ! Sur la vie d'ma mère, il va t'envoyer à l'hosto, tu vas rien ger-pi !
- 'xactement ! repris « le chef » en sortant un canif de sa poche. Donne-nous ton blé et on te laisse tir-pa quill-tran.

Mon dresseur était paralysé à la vue du couteau, mais il n'en démordait pas.

- Hors de question ! C'est pas à vous, j'en ai besoin pour une amie !
- Mais j'la ken ta pote ! Commence pas à m'vénère, sinon ça va mal s'passer pour oit...

Sur ces mots, il donna un coup de pied dans le ventre de mon maître. Ne tenant plus, je me faufilai entre les autres personnes et donnai un Coup d'Boule magistral dans le torse de celui qui avait osé le frapper. Il retomba plusieurs mètres plus loin, j'étais assez fière de ma performance. La moitié d'entre eux courut vers lui, l'autre resta figée sur place, l'air terrifié. Je les regardais et poussai un long sifflement en montrant mes crocs enduits de venin. Ils s'enfuirent sans demander leur reste. Les autres se barrèrent eux aussi, l'air livide. Toutes les mêmes ces racailles. Dès que tu t'en prends à leur chef, y'a plus personne pour faire quoi que ce soit. Je me retournais vers mon dresseur, tout sourire, espérant les remerciements que j'attendais.

Je me figeai immédiatement. Il me fixait, l'air terrorisé. Enfin, non, il ne me fixait pas, il regardait dans ma direction, mais ses yeux semblaient chercher quelque chose. Lorsque je fus dans sa ligne de vision, on dirait qu'il ne me voyait pas, qu'il regardait à travers moi, comme si j'étais transparente. Je me retournais sans comprendre, mais il n'y avait rien derrière moi. Triste, je m'approchais de lui pour savoir ce qui n'allait pas. Je lui touchai le bras du bout de la queue. Sa réaction ne fut pas du tout celle que j'attendais. Il poussa un long hurlement, se releva le plus vite possible et s'enfuit. Désemparée, je me lançai tout de même à sa poursuite. Il courait à travers les ruelles, sans cesser de regarder derrière lui d'un air inquiet. Il bousculait des gens, évitait des poteaux de peu. Il était totalement perdu. A ses trousses, je le poursuivais sans relâche, je voulais comprendre.

D'un coup, mes larmes revinrent, plus chaudes, plus abondantes. Elles finirent par me brouiller totalement la vue, mais je n'abandonnais pas. Mais qu'est-ce que j'avais fait ? Pourquoi cet air terrifié ? Pourquoi ce hurlement ? Tu ne me reconnais plus ? Mais c'est moi ! Arsenic ! Ta partenaire de toujours ! Pourquoi... Pourquoi t'es comme ça avec moi ? Je t'en prie, dis-moi... Je veux te retrouver, nous retrouver, je veux que tout soit somme avant. Dis-moi ce qui s'est passé. Je veux savoir. Je veux savoir pourquoi tu n'es plus comme avant...

La course poursuite continua dans tout Parsemille. Il essayait éperdument de me semer dans les ruelles, mais je le retrouvais à chaque fois. La nuit commençait à tomber. Le temps passait vite, et il continuait pourtant de courir. Il commença à s'essouffler, tant mieux, j'allais peut-être finir par le rejoindre... Il tourna dans la rue principale et fonça vers le Centre Pokémon. J'essayais de le rattraper mais il passa la porte vitrée avant que j'ai pu le rejoindre. Je savais que les Pokémon étaient interdits d'entrer en dehors de leur Pokéball dans ce bâtiment, pour des raisons d'hygiène. Les seuls qui y sont autorisés, sont ceux qui viennent tout juste d'être soignés, et encore, ils ne doivent pas rester très longtemps dehors. Déçue, je n'avais même pas la force de rentrer pour me faire remarquer.

Je vis un petit buisson non loin de l'entrée. Je m'y installai pour pouvoir passer la nuit. Mais il était encore trop tôt, et bien qu'il fasse désormais nuit noire, je n'avais pas envie de dormir. En plus, je mourais de faim. Je retournais vers la porte de verre. La lumière m'aveugla quelques secondes puis mes yeux s'habituèrent. A l'intérieur, je vis des dresseurs de tout âge s'amuser avec leurs Pokémon tout juste rétablis. Cette scène me fit mal au cœur, je pensai à lui, à nous. Je sentis mes larmes chaudes couler lentement le long de mes joues et tomber sur le sol. Je relevais la tête et vis mon reflet sur le verre. Arceus, ces derniers événements m'avaient beaucoup secouée, j'avais une tête à faire peur. J'avais d'horribles cernes violets sous les yeux, et ces derniers étaient rouges à force d'avoir pleuré. Je ris un peu malgré mes larmes devant ce tableau pittoresque. Les lumières de la ville créaient un étrange halo bleuté autour de moi, c'était plutôt joli.

Je me retournais et observais un peu les bâtiments, si différents lorsque la nuit était tombée. Je contemplais un peu les dernières lumières de la ville et retournais à mon buisson. J'essayais d'oublier ma faim en me concentrant sur mon sommeil. Je m'enroulais sur moi-même pour essayer de me réchauffer, gelée par le froid de la nuit. Je fermai les yeux, attendant que le sommeil me prenne dans ses bras cotonneux...

Le soleil se levait déjà. Je n'avais pas dormi de la nuit, je n'avais pas arrêté de me tourner et de me retourner dans mon buisson, encore et encore. J'avais fini par me lever et je m'étais baladée un peu autours du centre. Le froid me gelait jusqu'aux os, mais je n'arrivais pas à somnoler. J'avais fini par me poser sur la colline un peu plus haut pour regarder ce magnifique lever de soleil. Une fois ce dernier plus haut dans le ciel, je redescendis près de la porte vitrée du Centre Pokémon. Je l'attendais.

Il sorti environ une demi-heure après que je fus revenue. Il était encore en T-shirt. Je ne suis pas frileuse pourtant ! Mais je suis continuellement frigorifiée ces derniers temps, je tremblais de partout comme un Stalgamin.

Je m'attendais à ce qu'il parte sans se soucier de moi, auquel cas je lui sauterais dessus et le forcerait à m'expliquer d'une manière ou d'une autre. Mais cette fois, il se comporta tout autrement. A peine sorti, il se tourna dans ma direction. Il avait les cernes de quelqu'un qui n'avait pas beaucoup dormi et ses yeux étaient rouges, comme s'il avait beaucoup pleuré. Ce soudain intérêt me paralysait, je n'osai même pas respirer. Puis il se retourna, et commença à marcher d'un air tranquille. Il s'arrêta une seconde, se tourna à demi vers moi et reprit sa route. Ce dernier mouvement sonnait comme une invitation à le suivre, même s'il n'avait pas prononcé un seul mot. Je me dépêchai de le rejoindre, curieuse de voir comment allait se passer cette journée.

On marcha un peu dans les rues de Parsemille. C'était appréciable car il y avait beaucoup moins de monde qu'hier. Il n'a pas parlé depuis qu'on est partis, mais je ne m'en faisais pas. Je sentis qu'il se dirigeait vers un endroit précis, mais lequel ? On tourna dans une rue qui me semblait familière. Il s'arrêta devant une maison très charmante. Je reconnus la maison de son cousin. Il habitait ici, c'est vrai, et c'est d'ailleurs pour ça qu'on était venus dans cette ville. Je l'ai déjà vu plusieurs fois depuis que nous étions arrivés. Il sonna. Une femme vint nous ouvrir, sa tante je crois.

« -Ah, c'est toi... Ne bouge pas, je vais le chercher. »

Elle disparut dans la maison en laissant la porte entrebâillée. Il ne chercha pas à rentrer, on resta de l'autre côté du portail de fer blanc. Un instant plus tard, son cousin descendit les marches du perron et ouvrit le portail.

- Salut mec ! Maman a dit que tu voulais me voir. Qu'est ce qui a ?
- J'ai besoin de te parler. répondit-il très vite.
- Ah... Elle te manque, c'est ça ?
- Pas exactement. fit-il, gêné. Enfin, si, mais allons parler ailleurs.
- OK... Maman ! appela-t-il. Je vais faire un tour !
- D'accord mon chéri ! répondit-elle depuis l'intérieur de la maison. Tu rentres pour déjeuner, d'accord ?
- Ouais, t'inquiète ! cria-t-il en fermant la porte de fer.

Il regarda mon dresseur d'un air entendu.

- Tu vas me raconter ça autours d'un bon café, ça te dit ?

Il ne répondit pas, se contentant d'entamer la marche d'un air grave. Je les suivis d'un peu plus loin pour les laisser tranquilles. Ils se ressemblaient, et ont toujours été assez proches. Les mêmes cheveux bruns, le même regard rieur. Cet air enjoué qui ne les quittait que rarement. Ce même air, que je n'avais pas vu depuis un moment sur son visage.

On arriva au bar/café de Parsemille, juste en face de l'aéroport d'où on pouvait voir décoller et atterrir les avions. Ils prirent une table et chacun commanda un petit déjeuner. Je n'avais pas le droit d'entrer, mais ils avaient choisi une table en extérieur proche de la cloison. Je m'enroulai tout près d'eux, en essayant de ne pas sentir la douce odeur qui me chatouillait les narines. Une fois les commandes servies, ils commencèrent à manger. Puis, son cousin lui demanda :

- Alors de quoi voulais-tu me parler ?
- Tu le sais très bien. Je n'arrive toujours pas à l'accepter...
- Mec, c'est normal ! Ça fait quelques jours à peine. Tu étais si attaché à elle... Tu ne peux pas faire ton deuil aussi vite !
- Je sais... répondit-il d'une voix extrêmement triste. Mais depuis, j'ai l'impression de sentir sa présence, comme si elle était là, à côté de moi...
- Hum... Ecoute, tu tenais tellement à elle, c'est logique que tu n'arrives pas à te faire à son absence, que t'ai l'impression qu'elle est encore là, à veiller sur toi. répondit-il après un silence. J'ai envie de dire, oui, c'est vrai, elle veille toujours sur toi, depuis l'endroit où elle est.
- Mais... Je veux qu'elle soit là, avec moi, que je puisse la serrer encore dans mes bras...
- Je sais, c'est dur de perdre un proche. Moi aussi je l'aimais beaucoup, et d'une certaine manière, elle me manque aussi... Mais dis-toi qu'elle sera toujours vivante, dans le cœur de tous ceux qui l'ont connue, dans mon cœur, et surtout dans le tiens.
- J'aimerais tellement la revoir...
- Tu es allé à son enterrement ?
- Bah bien sûr ! T'y étais aussi je te rappelle...
- Oui, mais tu avais été tellement discret qu'au début j'ai cru que tu n'avais pas eu le courage de venir.
- Je voulais rester seul avec elle une fois que tout le monde était parti.
- T'y est retourné depuis ? demanda-t-il après une gorgée de café bien crémeux.
- Non... Je ne sais pas si j'en aurais le courage...
- Un conseil, retournes y. Même si ça te fait du mal sur le coup, tu verras que petit à petit, ça t'aidera à aller mieux.
- Tu crois ?
- Oui. Ma mère y allait assez souvent après la mort de sa grand-mère, ça l'aidé « à passer le cap » comme elle dit souvent. D'ailleurs, je t'ordonne d'y aller dès que tu as fini ce déjeuner ! rigola-t-il en lui mettant le nez dans sa tartine de confiture.

Mon dresseur s'essuya avec dégoût avant de lui mettre à son tour le nez dans la mousse de son café. Ils rirent tous les deux assez fort. Je souris devant cette joie inopinée. C'est la première fois que j'entendais son rire depuis un moment. Puis je repensais à leurs paroles. Si j'ai bien compris, une amie très proche de mon maître est morte récemment. Il était très attaché à elle, peut-être était-il amoureux... ? Il ne m'a jamais parlé de ses amours, bien que nous soyons très proches. Mais je ne suis qu'un Pokémon, pas un véritable ami avec qui on peut discuter et se confier quand on a besoin de conseils. Mais peut-être que c'est un membre de sa famille. Je la connaissais sans doute. Cet événement funeste me remontait presque le moral.

J'avais enfin l'explication que j'attendais. Cette attitude renfermée... Quand quelqu'un à qui on était très attaché vient de mourir, la tristesse et la culpabilité nous renferment sur nous-mêmes pendant un laps de temps plus ou moins long. Ça me rassurait de savoir que dans un moment, il redeviendra presque comme avant. Je m'en voulais de ne pas m'en être rendue compte plus tôt. Je me plaignais qu'il ne m'accordait pas trop d'attention, alors que c'est lui qui avait besoin d'affection. J'attendais qu'il me fasse les câlins que j'aurais dû lui donner de moi-même. Je promis de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour l'aider à aller mieux.

Les deux cousins se levèrent, allèrent au bar payer l'addition et marchèrent ensuite ensembles sur quelques mètres. Lorsque vint le moment de se séparer, ils se firent une accolade et son cousin lui répéta de retourner au cimetière le plus vite possible. Il acquiesça d'un mouvement de tête. Au dernier moment, il se rapprocha de lui et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Mon dresseur fit 'oui' de la tête puis ils partirent dans des directions opposées. Je décidais de me faire oublier le temps qu'on se rende au cimetière.

Je me voyais déjà devant la tombe, avançant vers lui et m'enroulant autour de son corps. Il me serrera dans ses bras de toutes ses forces, heureux de cette affection inattendue et pleurera à chaude larmes entre mes anneaux. Heureuse de ce nouveau départ, je me rendis compte que je l'avais à nouveau perdu. Je revins sur mes pas et le vis dans une ruelle. Je me hâtai à sa suite. On arriva devant une boutique qui dégageait un merveilleux parfum. Je déchiffrai la pancarte :

« Le Fleuriste de Floraville »

Et juste en dessous :

« Première boutique en dehors de Sinnoh ! Soyez les bienvenus. Ici, les fleurs ont un parfum exquis ! »

Il entra dans la boutique. Docile, je restais dehors comme à mon habitude, même si à l'intérieur, je voyais deux Rosélia qui se baladaient et qui arrosaient les fleurs. Mon maître désigna différentes fleurs dans le magasin, la vendeuse courut de pot en pot pour assembler son bouquet. Il paya et ressorti avec à la main, un magnifique bouquet de roses noires, violettes et blanches, tenues par un ruban de satin noir, et qui dégageaient un parfum doux et sucré. L'air triste et grave, il lâcha dans un murmure :

- Je crois qu'il est temps d'y aller... »

On sorti de la ville par le nord. On arriva sur la route 7, pleine de dresseurs avides de combat. Il leur passa devant sans leur jeter un regard. Personne ne nous interpella pour faire un combat, un simple coup d'œil sur le bouquet qu'il tenait à la main les en dissuadait. On évitait les hautes herbes et on arriva à une sorte de croisement. Il continua tout droit sans hésiter. Je ne me souvenais pas que nous fussions déjà allés si loin, même lors de nos entraînements. Pas un dresseur, ici, tout était étrangement beaucoup plus calme. On n'entendait même pas le piaillement des Colombeau sauvages. On continua de marcher, en silence. Même moi, je me mis à respirer doucement, pour ne pas briser cet effroyable silence. Et puis, au loin, je la vis. Elle se dressait, immense, devant nous. Je n'avais encore jamais vu de tour de ce genre. Construite avec de la pierre verdâtre, une sorte de chemin délimitait chaque niveau et montait en spirale le long de la tour. Beaucoup de fenêtres parsemèrent les différents niveaux. Mon dresseur s'attardis tout comme moi quelques instants sur cette architecture particulière.

- Je ne pensais pas y retourner de sitôt... »

Il se tut et entra dans la tour. Je le suivis de près, non sans avoir lu le panneau au-dessus de l'entrée.

« Tour Des Cieux »

« Drôle de nom pour un cimetière ! » pensais-je.

On pénétra à l'intérieur. Le niveau inférieur était plutôt grand ! Je remarquais un garde, ainsi que deux ou trois personnes agenouillées devant une tombe, l'air grave et mélancolique. Mon maître se dirigea rapidement vers les escaliers. Je m'apprêtais à lui emboîter le pas quand une sensation étrangement familière me traversa. Surprise, je m'arrêtai et regardai autour de moi.

Cet endroit... Non, c'était impossible. C'était la première fois que j'y mettais les pieds, j'en étais sûre et certaine. Mais alors, pourquoi est-ce que... ? Je secouais la tête et me décidais à monter les marches de l'escalier.

J'arrivais au premier étage. Il était là, à zigzaguer entre les tombes pour rejoindre l'escalier qui menaient au deuxième niveau. Je courus pour le rejoindre, quand mon regard fut attiré par quelque chose. Là, sur la tombe. La petite bougie... J'étais sûre que je venais de la voir bouger. Je m'approchais, curieuse. Elle était toute blanche et brillait d'une étrange flamme violette. Mais alors que j'avançais ma tête pour la regarder d'encore plus près, elle se retourna soudainement, dévoilant un œil jaune et un petit sourire. Je poussai un cri, surprise. La petite bougie cria elle aussi, sans doute apeurée par mon cri, et s'échappa derrière la tombe. Je restais immobile quelques secondes, le temps que mon cerveau assimile ce qu'il venait de se passer. Je poussai un soupir. Ce n'était qu'un petit Pokémon ! Je filais aussitôt vers l'escalier pour rattraper mon maître.

Deuxième étage, personne. Je me ruais vers l'escalier et je pus le voir à temps en train de monter les marches du quatrième escalier. Je me frayais un chemin entre tombes et dresseurs et arrivai moi aussi à l'escalier.

Je montai la dernière marche. Cette fois, il n'alla pas vers l'escalier. Je le trouvais debout devant une tombe, son bouquet toujours à la main. Je m'arrêtai une seconde pour souffler et allai le rejoindre. Il s'agenouilla et défit le ruban noir. Il déposa une à une les roses sur la tombe pour former un cercle. Celle-ci était magnifique. La stèle était en pierre noire et taillée, et était entourée de plants de lavandes. Je le regardai. Les larmes coulèrent sur son visage. Ça me fit l'effet d'un coup de poignard. Avant, je ne l'avais jamais vu pleurer. Il devait être vraiment beaucoup attaché à cette personne. D'ailleurs, qui est-ce ? Peut-être que je la connaissais, peut-être que je l'avais déjà rencontrée quand j'étais avec lui... Je tournai ma tête vers la tombe pour déchiffrer le nom qui y était gravé.

Je sursautai.

Non. C'est impossible !

Je relis plus lentement le nom qui est gravé. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Terrifiée, je tombai par terre. Non... C'est impossible... Mais alors, ce lieu...

Cette tombe...

C'est la mienne ?

Je... Je suis morte ?

Mes larmes montèrent d'elles même. Mais je suis là pourtant ! Je... Je ne suis pas...

Je ne pouvais pas y croire. J'étais en train de rêver. Oui, voilà, c'était un cauchemar, dans quelques minutes j'allais me réveiller dans ses bras, il me chuchotera de sa voix douce que tout est terminé et que tout va bien. Je fermai les yeux très forts en me répétant que j'étais en train de dormir, dans l'espoir que je me réveille. Je les rouvris, impuissante. Tout ceci était bien réel. J'étais devenue un fantôme. Je ne pouvais y croire, et pourtant, au fond de moi, je savais que c'était vrai, inexplicablement. Tout concordait. Le halo de lumière, hier, dans le reflet de la porte du Centre Pokémon. Son attitude, celles des autres gens. Cette manière de me chercher du regard sans jamais pouvoir me voir. Je suis un spectre, invisible à ses yeux. Une question subsiste : Pourquoi ? Comment j'en suis arrivée là ? Que s'était-il passé bordel ?!

- Arsenic...

La voix tremblante de celui qui avait partagé ma vie me sorti de mes pensées. Doucement, je bougeai, me mis face à lui, dans l'espoir qu'il puisse m'apercevoir une dernière fois.

- Arsenic... appela-t-il une seconde fois. Je sais que tu es là... Je sais que tu me suis. Je te sens. Où es-tu ?

Les larmes aux yeux, je cherchai un moyen de lui répondre. Mes yeux se posèrent sur les roses. Je pris délicatement une rose blanche et la déposai à ses pieds. Ses yeux n'avaient pas quitté la fleur des yeux. Quand il la vit à ses pieds, ses larmes repartirent de plus belle.

- Je le savais... Arsenic, où es-tu ma belle ? Viens, viens ici... Je veux savoir si je peux te prendre dans mes bras une dernière fois.

Sans hésiter, je m'avançai et me serrai contre lui. A peine ai-je sentis mon corps contre le siens que je ressentis sa chaleur me gagner. Mes frissons cessèrent enfin. Je posai ma tête sur son épaule, comme je le faisais avant. Doucement, il resserra son éreinte et sa main vint me caresser la tête.

- C'était toi hier, avec les voyous hein ? Tu m'as sauvé... Merci Arsenic. Je suis désolé de ne pas l'avoir compris, je suis désolé de t'avoir fui comme je l'ai fait... Je... Je ne pouvais... Je ne savais pas...

Alors c'était ça. Bien sûr qu'il ne me détestait pas. Il était juste... Surpris, terrifié. Ça doit faire un drôle d'effet de voir tout d'un coup son ennemi voler sans raison sur plusieurs mètres. Ce n'était pas moi qu'il fuyait, bien au contraire.

Une question restait pourtant sans réponse pour moi. Comment étais-je morte ? Cette question me brulait les lèvres et pourtant, je ne voyais pas comment je pourrais la lui poser. Mais je voulais savoir. Lui avais-je sauvé la vie ... ? Ou autre chose ?

- Tu sais, tu me manques tellement... Je m'en veux... Si seulement...

Sa voix fut coupée par l'émotion, mais il avait attiré ma curiosité.

- Si seulement j'avais pu intervenir... Peut-être qu'à l'heure actuelle, tu serais encore là...

Une alarme s'alluma en moi. Dis-m'en plus ! Je lui touchai le bras de façon insistante pour essayer de lui faire comprendre. Il regarda dans ma direction d'un air interrogateur.

- Arsenic, qu'est-ce qu'il y a ? Quelque chose ne va pas ?

Dis-moi ! Je t'en supplie. Je veux savoir comment j'ai disparu. Pourquoi je suis un spectre maintenant. Je pris son bras et lui fit toucher ma tombe. J'espérais que le message sois passé...

- Arsenic, je ne comprends pas... Qu'est-ce qu'il y a ?

Je ne me décourageais pas. Je lâchai son bras et dessinai un point d'interrogation dans la fine couche de poussière qui recouvrait déjà la tombe. Ma tombe. Une lueur s'alluma dans son regard. Est-ce qu'il avait compris ?

- Tu... Tu ne te souviens pas ? dit-il, tombant des nues.

Je secouai énergiquement de la tête avant de me souvenir qu'il ne pouvait pas me voir. Difficilement, j'écrivis un 'N' tremblant dans la poussière.

- Oh... Je vais te le dire. Mais viens contre moi, je n'aime pas ne pas savoir où tu es.

Je me collai contre son torse, sa chaleur m'enveloppant à nouveau. Il resta un moment silencieux, la remontée de ces souvenirs douloureux ne devait pas être facile. Je sentis quelque chose tomber sur mon crâne. Je levai la tête et le vis en train de pleurer. Il me serra encore plus fort et commença d'une voix coupée par les sanglots :

- C'était ... L'autre jour... Tu te souviens ce dresseur dans la grotte Electrolithe ? Je lui avais demandé un combat, tu sais, un entrainement de routine... Tu t'es retrouvée face à un Flamoutan. Et très vite, j'ai vu que ça n'allait pas tourner à ton avantage...J'ai voulu arrêter le combat, mais...

J'écoutai sa voix douce, mais triste. Mon cerveau enregistrait ses paroles. Combat, grotte Electrolithe... ça je m'en souvenais. Mais contre qui ... ? Un Flamoutan apparemment. Je laissais mon regard se perdre au-dessus des tombes. Et puis d'un coup, un flash. Je me revis dans la grotte Electrolithe. Mon cerveau assimilait ses paroles, et, petit à petit, les images du combat me revinrent en mémoire.

- ... Le combat était bien engagé, et tu étais en position de faiblesse. Mais ce qui m'inquiétait, c'était cet air horrible que l'autre dresseur et son Pokémon prenait. A chaque coup, le Flamoutan souriait de plus en plus fort. Je sentais que ça ne présageait rien de bon, mais qu'il aille jusque-là...

Ses larmes le coupent dans son récit. Patiente, j'attends qu'il se sente mieux pour reprendre.

- Il a balancé une attaque Feu très puissante et tu te l'aie prise de plein fouet. Tu as commencé à crier, je ressentais ta douleur tellement elle était grande...

Ses mots me donnèrent des frissons. Des souvenirs remontaient. L'attaque Feu qui se déversait sur moi. La douleur insupportable. Mon cri qui déchira l'air de la grotte. J'avais l'impression que tout mon corps était en train de brûler. Je n'étais pas loin, car je voyais mes écailles tomber par paquets, calcinées, sur le sol brillant de la grotte.

- Tu te tordais de douleur juste sous mes yeux... J'ai demandé à arrêter le combat, mais ils ne m'écoutaient pas, ni lui, ni son Pokémon. Au moment où j'ai voulu intervenir malgré tout, son Flamoutan m'a pris ta Pokéball des mains. Je criai tout ce que je pouvais, je le suppliais d'arrêter le combat, j'étais prêt à tout pour pouvoir te sortir de là et te soigner... Mais... Mais...

Il se stoppa à nouveau. Je savais qu'il ne mentait pas, je revoyais la scène dans ma tête. D'un rapide mouvement, le Flamoutan a récupéré ma Pokéball. J'étais coincée. Le dresseur ne répondait pas aux appels de mon maître. Malgré la douleur, j'avais tenté de me relever pour pouvoir la récupérer.

- ... Tu t'es redressée, prête à tout pour sortir de là. D'un coup de poing, il t'a renvoyée au sol. Sonnée, tu n'arrivais plus à te relever...

J'étais à terre, la tête collée contre le sol froid. Tout mon corps n'était que douleur, je n'arrivais plus à le supporter. Je priais Arceus de mettre fin à mon calvaire. J'essayais de ramper vers celui qui m'a aimée mais mes muscles ne répondaient plus. Je le regardais, désespérée de trouver une solution pour faire disparaître la douleur qui s'était emparée de mon corps.

- Il lui a ordonné de te ruer de coups. Sans hésiter, il t'a empoignée d'une seule main et a enchainé les attaques, toutes plus dévastatrices les unes que les autres. Tu criais ta douleur de toutes tes forces. Je voyais ton sang gicler sur les parois et sur le sol, je ne pouvais plus le supporter... J'ai hurlé et il s'est arrêté. Et c'est là qu'il a prononcé ces mots horribles...

Je me raidis, les yeux au bord des larmes. Je m'en souvenais...

Achève-la.

Je l'avais vu lever son bras et puis... plus rien. J'avais beau chercher, plus de souvenirs...

- ... Juste après avoir prononcé ces deux mots, dit-il d'une voix entrecoupée par les sanglots. Son... Son Flamoutan... Il a chargé Griffe Ombre et... Et...

Et ? Il resserra encore plus son étreinte, ses mains agrippèrent mes anneaux.

- Et... Il t'a littéralement tranché la gorge...

Un horrible frisson me parcourt. Alors... C'est comme ça que... Ça s'est passé ? Malgré moi, j'essayais un instant d'imaginer la scène... Mais je n'y arrivai pas. Ce n'est pas facile de visualiser sa propre mort.

- Ton sang a giclé sur lui. Mais loin de le dégoûter, il a pris un air encore plus malfaisant. Te tuer... N'avait pas l'air de le rassasier... Il a commencé à jouer avec ton corps sans vie, le réduisant petit à petit en charpie sanglante... Et moi, je ne bougeais pas... Tu venais de... De mourir... Juste sous mes yeux... Et lui... réduisait ce qu'il restait de toi avec le sourire...

Je frémis. Il reprit assez rapidement :

- Finalement, j'ai fini par réagir... J'ai couru... Pour t'arracher à lui... Qu'il arrête de... De te frapper, de te faire mal, alors que tu étais déjà... Il t'a lâchée et s'est retourné vers moi. Il m'a enfoncé son poing dans le ventre... Je me suis écroulé. Je les voyais qui allaient partir, je voulais bouger, me relever, leur faire payer, d'une manière ou d'une autre...

Je ne bougeais pas. Ses mains se resserrèrent encore.

- Mais son coup m'avait cloué au sol... Ils sont partis sans que je n'aie pu faire quelque chose... J'ai relevé la tête et... J'ai vu la tienne, à quelques dizaines de centimètres de moi, dans une flaque de sang presque noir... Elle était encore intacte. Tout ton corps avait été mutilé, à part elle... Tu semblais presque dormir... Mais je savais que... Que cette fois tu ne te réveillerais pas... Incapable de bouger, j'ai laissé libre cours à mon chagrin... J'ai tant pleuré... Je ne pouvais admettre... Croire... Que tu avais disparu...

Je sentis ses larmes couler en abondance sur mon crâne. Moi aussi, je m'étais mise à pleurer. Je voulais tellement le consoler... Le voir sourire une dernière fois...

On resta un très long moment entrelacés, sans parler. Seul le bruit de ses sanglots résonnait sur les murs de pierre de La Tour des Cieux. Puis il desserra lentement son étreinte. Je m'éloignai un peu de lui, pour le regarder. Les yeux rouges et enflés par les larmes, il gardait la tête baissée, les yeux rivés sur le sol. Plusieurs fois, je le vis fermer les yeux et se mordre la lèvre inférieure avec force.

Il finit par la relever vers moi, des larmes roulaient encore sur ses joues. Doucement, délicatement, je glissai ma queue sur sa peau pour les essuyer. Il frémit au premier contact puis se laissa faire. Je cueillis ses larmes sur la pointe de ma queue pour les enlever. Il la prit alors dans ses mains et la serra très fort. Naturellement, je revins me coller contre lui. Il me chuchota :

- Désolé de t'avoir raconté tout ça... Ça doit être aussi horrible pour toi. Désolé, Arsenic, désolé... Mais... Je crois que j'avais besoin de me confier... Ce qui s'est passé... Je ne l'ai raconté en détails à personne, même à mon cousin... Je n'y arrivais pas... Mais là, il fallait que... Je ne pouvais plus le garder pour moi, je suis désolé...

Je calai bien ma tête dans son cou, pour lui faire savoir que je ne lui en voulais pas... Même si au fond de moi je sentis un drôle de sentiment... Mais ce n'était pas contre lui.

On resta comme ça encore un petit moment. Puis il me fit savoir qu'il devait y aller car son cousin l'avait invité à manger avec lui ce midi. Il se releva, me serra une dernière fois dans ses bras et parti vers les escaliers, en me promettant de revenir plus tard dans l'après-midi. J'entendis ses pas résonner dans la Tour jusqu'à ce qu'il sorte.

Il est revenu en fin d'après-midi et est resté avec moi jusqu'à ce qu'il fasse nuit noire. Les jours passent. Il revenait me voir souvent, amenant toujours un bouquet de roses identique au premier. Il restait un long moment. Toujours serrés l'un contre l'autre, il me parlait, me racontait ce qu'il a vu ou fait, et faisait revivre les souvenirs. Nos souvenirs. On passait toujours un bon moment. Il ne pouvait pas me voir, mais pouvoir me sentir l'aidait à aller mieux. Mais il savait aussi bien que moi que ça ne durera pas éternellement. Un jour ou l'autre, il devra quitter Parsemille et on ne pourra plus se voir. Alors je profitais des moments où nous étions réunis à nouveau.

Mais quand j'étais seule, tout un tas de questions se bousculaient encore dans ma tête. Pourquoi suis-je restée ? Normalement, les Pokémon rejoignent Arceus dans le ciel, et forment les étoiles qui brillent si joliment dans la nuit. Alors, pourquoi suis-je encore ici ? Et puis, ce sentiment de haine qui grandit en moi au fur et à mesure des jours qui passent, d'où vient-il ?

Un jour, alors que je l'attendais, comme à mon habitude, près de... ma... tombe, une vieille exorciste est passée à l'étage, armée d'un livre et d'une bonbonne d'encens. Elle l'agitait en murmurant des paroles inaudibles dans une langue qui m'était étrangère. Soudain elle regarda dans ma direction. Je restais sans bouger, immobile, de peur qu'elle m'ait vue. Mais elle reprit son chemin calmement, marchant entre les tombes. Elle passa bientôt près de moi, et sans le vouloir, elle trébucha sur ma queue, que j'avais laissée trainer dans le passage. Je la retirais bien vite, mais elle semblait avoir sentis ma présence. Elle afficha un regard effaré, se releva rapidement et brandit une croix en bois noir en murmurant à répétition « Vade Retro Giratina ! ». Je la laissais s'éloigner sans rien faire de plus, elle semblait déjà terrifiée.

Une fois qu'elle fut partie, je m'enroulai à nouveau devant mon point de rendez-vous quand quelque chose attira mon attention. Dans sa chute, elle avait fait tomber son encens et son livre, et ne les avait pas récupérés en partant. Je saisis la bonbonne entre mes crocs pour la dégager du passage puis prit le livre.

Sa couverture piqua ma curiosité. Je reconnus notre Dieu en mosaïque, l'air puissant, entouré d'un halo de lumière divine. Mais encore plus, je remarquais que le titre était écrit en runes Zarbi, une langue universelle chez nous les Pokémon, et beaucoup plus simple à déchiffrer pour moi que l'écriture des humains. J'y lus « Légendes et mystères de la vie des Pokémon ». Curieuse, je me cachais derrière ma tombe –quiconque verrait un livre dont les pages se tournent seules hurlerait à la mort- et ouvrit l'ouvrage à une page au hasard. Pour mon plus grand bonheur, les textes à l'intérieur étaient aussi en runes Zarbi, me facilitant grandement la compréhension.

Je lus le texte présenté sous mes yeux, sans grand intérêt particulier, juste heureuse d'avoir trouvé quelque chose qui me faisait passer le temps pendant que mon dresseur n'était pas là. Revenue au début du livre, j'avais parcouru la préface ainsi que les deux premières légendes racontées lorsque j'entendis un pas familier et régulier monter les étages de la Tour des Cieux. Sachant déjà qui allait arriver, je dissimulai rapidement et correctement le livre sous un tas de feuilles mortes et de poussière, heureuse de pouvoir remettre ma lecture à plus tard.

« - ... Et tu avais fini par triompher. Tu t'en souviens, Arsenic ? »

Lovée contre lui, je fis un signe affirmatif de la tête, sachant qu'il la sentait bouger sur son torse. Ça me faisait sourire à chaque fois qu'il me demandait ça, on dirait qu'il avait peur que ma nouvelle forme m'ait enlevé mes souvenirs. J'avais envie de lui dire que c'était tout ce qui me restait à présent, mais le voir si inquiet pour moi me rendait heureuse. Il m'aimait toujours. Comme avant. Quand j'étais encore là.

- Arsenic... Ça me manque tellement ces moments passés ensembles...

Oui, à moi aussi... Mais ne pleure pas, j'aime pas te voir triste...

- Si seulement je pouvais te faire revenir Arsenic...

Il n'arrêtait pas de dire mon nom et j'adore l'entendre venant de sa bouche. Depuis toujours, à chaque fois qu'il me parle, quelle que soit son humeur –tristesse, colère, joie ou peur- il prononce mon surnom avec une infinie tendresse. Il commença à bouger, me faisant signe qu'il allait se relever. Je m'écartai de lui et il se mit debout.

- Il est l'heure que je parte... Au revoir Arsenic. Je reviens demain à la même heure, tu m'attendras hein ?

Il tendit sa main vers moi, la paume tournée vers le sol, mais elle resta suspendue dans le vide. Il ne pouvait pas me voir. Automatiquement, je vins caler ma tête contre sa main brulante. Il me caressa tendrement puis tourna les talons. Quelques minutes après son départ, j'entendis le bruit désormais familier des gonds de la porte d'entrée qui se bloquèrent. Plus personne ne viendra désormais. Je ressortis délicatement le livre de la vieille exorciste et me replongeai dedans.

Au bout de deux ou trois heures de lecture, j'étais obligée de m'arrêter un peu. Je n'étais pas habituée à ce genre d'exercice, ça a beau me faire passer le temps et être intéressant, mon cerveau commence à fatiguer. Je m'apprêtai à le reposer pour faire un tour et me changer les idées lorsque le titre du chapitre suivant retint mon attention. J'ai pas rêvé ?

« Pokémon et formes spectrales. »

Par Arceus ! Je repris le livre et parcouru fébrilement la page des yeux.

« ... Il est triste, quoique rare, d'assister à la mort d'un Pokémon. Ces êtres, très résistants, sont la plupart du temps portés simplement K.O. Seulement, qui s'est déjà demandé ce que devenait l'esprit d'un Pokémon une fois l'enveloppe corporelle de celui-ci détruite ? Certains s'accordent à penser qu'ils font voyage jusqu'au dieu Arceus, dans le ciel. Ce n'est pas toute la vérité.

Parfois, après leur trépas, certains Pokémon, ou du moins leur esprit, seraient trop tourmentés pour accéder à Arceus. Condamnés à errer sur Terre, ils prendraient une forme invisible, mais palpable. Ces esprits, bloqués sur Terre, n'auraient la chance de trouver la paix qu'une fois leur âme tranquille. Voici ce que raconte Léopold, dresseur Pokémon depuis l'âge de douze ans :

"J'ai perdu mon Excelangue, Abel, que j'avais depuis plus de dix ans. Nous étions en chemin pour Nénucrique ; j'avais promis de lui acheter un ruban doré très rare. Les rubans, c'était son truc, un vrai fan, il en portait tout le temps ! Enfin bref. On traversait la forêt, lorsqu'un cri a retenti. Un Chenipan, tout jeune, appartenant à un dresseur tout aussi jeune, se faisait attaquer par un Grahyena féroce. Sans réfléchir, tout brave qu'il était, Abel s'est interposé entre les deux. Mais en se battant contre ce loup sauvage, il n'a pas survécu. Ça a été comme une partie de moi envolée, disparue. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus. Le soir, j'avais l'impression de l'entendre. De le sentir se blottir près de moi. Il m'a fallu du temps avant de comprendre, enfin, que c'était vraiment lui ! Je ne pouvais pas le voir mais je le savais, il était là."

Léopold a commencé à apprécier la compagnie invisible de son Excelangue. Sauf que cela s'est vite transformé en cauchemar. L'esprit d'Abel devenait violent, il renversait des objets, en cassait d'autre. Léopold, tourmenté, a vite saisi le problème : Abel ne pouvait accéder à l'autre monde, où l'attendait Arceus. Quelque chose manquait. C'est alors qu'il a compris... Il est reparti à Nénucrique, a acheté ce fameux ruban doré. Il l'a posé devant lui, signalant à son Abel qu'enfin il avait tenu sa promesse. Le ruban a bougé, puis disparu. Et jamais, depuis, Léopold n'a senti l'esprit de l'Excelangue.

Cette histoire confirme la théorie de l'esprit vengeur. L'esprit tourmenté, incapable de se libérer avant d'avoir accompli une dernière chose sur Terre. Les Pokémon y sont soumis. Aussi, si un jour des choses anormales se déroulent après la perte de votre être adoré... N'oubliez jamais qu'un Pokémon peut lui aussi avoir des choses à terminer avant de pouvoir quitter définitivement la Terre. »

Je reposai le livre, incrédule.

Je suis restée sur Terre dans un but précis ? Mais lequel ? Qu'est ce qui me rattache encore ici ?

Mes pensées allèrent directement vers mon maître. Serais-je restée pour le revoir une dernière fois ? Non impossible. On s'est revus, on a eu dix fois le temps de se dire adieu. Donc ça ne peut pas être ça, vu que je suis encore là. Et cette légère haine au fond de moi, qui prend de l'ampleur au fur et à mesure du temps qui passe... Serais-ce ça ? Mais contre qui ? Pourquoi ?

Plusieurs heures après, je n'ai toujours rien trouvé. J'ai continué un peu de lire le livre entre temps et ai appris que selon les légendes, sous leur forme spectrale, les Pokémon n'éprouvent pas le besoin de dormir et semblent être continuellement transis de froid. Je ne sais pas qui a pu rapporter ceci, mais je le confirme, les tremblements et le vent glacial qui semblent m'accompagner depuis des semaines en sont la preuve.

Mon regard est attiré par la fenêtre de la tour, d'où s'échappe maintenant une légère clarté. Déjà le matin ? Le livre m'aurait fait passer le temps beaucoup plus vite. Et mes questionnements aussi. Je m'approche de la fenêtre pour observer le monde à son réveil, et pour plus tard guetter l'arrivée de mon maître. Une douce mélodie commence à ébruiter la tour. C'est le chant des Colombeau qui s'éveillent, je les vois s'envoler depuis les arbres qui entourent le cimetière. De ma hauteur, je peux aussi voir les premiers Miradar partir à la chasse.

Au bout d'un moment, quelques dresseurs matinaux viennent sur les lieux, sans doute à la recherche d'un Pokémon rare ou d'entrainements. Je soupire à cette dernière pensée. Ces moments de complicité avec mon maître me manquent. Ces petits instants de joie quand j'arrivais à surmonter un obstacle, son réconfort quand j'échouai... Et sa persévérance. Je sens une larme rouler sur ma joue, je décide de la laisser couler et atteindre le sol. J'aimerai tellement pouvoir tout recommencer... Avoir une seconde chance.

Alors que je m'apprêtais à faire demi-tour et retourner à m tombe pour me calmer, un espèce de râlement sourd retentis au dehors. Je levai les yeux vers sa source... Et mon sang ne fit qu'un tour.

C'est lui.

Je le reconnais.

Dans mes souvenirs, c'était flou, mais là, j'en suis certaine. Il n'y a pas de doute possible.

Le dresseur au Flamoutan.

Mon meurtrier.

Celui qui cause son chagrin.

La haine que j'ai sentis s'accumuler dernièrement en moi fait soudain surface, et m'emporte dans son tourbillon destructeur. En une fraction de seconde, je suis sortie de la Tour des Cieux, qui a ouvert ses portes il n'y a même pas quelques minutes. J'avance le plus rapidement possible, je fonds à travers l'herbe et les arbres, droit dans sa direction. J'arrive dans un endroit plus clairsemé, un regard à droite, et je me fige.

C'est bien lui.

Le même rictus qui lui déforme les lèvres, la même folie dans le regard. J'ai l'impression que mon cœur a raté un battement, et l'espace d'une seconde, je ne sais pas quoi faire. Mais l'adrénaline coule à flot dans mes muscles, ces derniers se délient et je me mets à avancer vers lui. Je me retiens, j'essaie d'avancer doucement, comme si j'avais peur qu'il me repère, alors que je sais que c'est absolument impossible.

Mon rythme s'accéléra d'un coup, sous la pulsion de l'adrénaline qui parcourait mon corps entier. Ils ne faisaient pas attention à moi. Sans doute m'avaient-ils déjà oubliée. Mais qu'importe.

Je vais leur faire payer.

Ils vont regretter amèrement d'avoir fait pleurer mon dresseur.

Ces deux êtres ne méritent pas de vivre.

Ils sont la source du chagrin de mon maître.

Alors ils doivent mourir.

J'armai ma queue aiguisée et dégoulinante d'un venin mortel, et la lançait droit devant moi, en plein dans la poitrine du Pokémon qui était mon meurtrier. Le Flamoutan poussa un cri déchirant tandis que son sang gicla sur mes écailles noires. Je retirai ma queue de l'entaille déjà ouverte, ce qui eut pour effet de le faire crier davantage. Son maître se retourna vers lui, et je le vis chercher des yeux la provenance de l'attaque. Le Flamoutan, se fiant plutôt à son instinct, tenta de m'asséner un coup. Porté à l'aveuglette, je n'eus aucune difficulté à esquiver et à répliquer en lui entaillant le bras.

Le sol se couvrit de liquide couleur rubis, et l'air vibrait au son des cris de douleur de mon meurtrier. Sans lui laisser le temps de s'en remettre, je lui sautais à la gorge et enfonçais mes crocs aiguisés enduits de venin dans la jugulaire. Je sentis ma gueule se remplir d'un liquide chaud et amer, mais au goût étrangement délicieux. Ma victime se débattait et tentait tant bien que mal de me faire lâcher prise, mais n'y parvint pas. Une fois assurée que mon poison coulerait dans ses veines, je me retirai, non sans déchirer un peu plus sa peau pour faire gicler son liquide vital hors de lui.

Plus je le voyais souffrir, et plus je ressentais de la satisfaction. Vengeance ? Peut-être bien. Mais je ne me plaignis pas. Je laissai libre court à ma colère et à ma haine dans ce combat mortel. Enfin mortel pour lui, pour moi, il est déjà trop tard. Mais je l'emmènerais dans ma tombe.

Ce qui me semblait étrange, c'était la non réaction de son maître. Sans doute était-il tétanisé par le spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Son Pokémon, se faisant blesser et ouvrir les veines par un ennemi invisible. Mais qu'est-ce que j'attendais ? Qu'il se mette à me supplier ? Je ne m'arrêterai pas. Je ne serais calmée que lorsque la tête de son Pokémon roulera à ses pieds comme il l'a fait pour moi.

Mais avant, je veux le faire souffrir. Qu'il comprenne. Voir le désespoir et le supplice s'inscrire au plus profond de ses pupilles et de son être. Qu'il sente la douleur envahir chacun de ses nerfs. Qu'il manque de s'évanouir. Puis comprendre, juste avant son dernier souffle, ce qui l'attend. Le Pokémon en question s'était relevé et prépara une attaque. A sa posture, je devine qu'il s'agit d'une Déflagration. Un large sourire étendit mes lèvres. Attaque du désespoir, pour toucher un ennemi qu'on ne voit pas, on vise le plus grand angle possible. Je n'eus qu'à me glisser sans bruit derrière lui pour éviter la calcination, puis je fis glisser lentement mes anneaux autours de son cou.

Il se glaça d'effroi tandis que je le soulevai à quelques dizaines de centimètres du sol. La haine me donnait une force nouvelle. Je repassai devant lui, et plantai mes iris aiguisés dans ses yeux, qui cherchait quelque chose, ou quelqu'un, à quoi se rattraper. Sans bouger, je regardai avec délice le poison commencer à faire son effet. Le sang qui sortait des multiples blessures que je lui avais infligé commençait à prendre une couleur particulière, et mon meurtrier se tordit violemment en de soudaines convulsions. Il cracha une gerbe de sang sur le sol. Je ne résistai pas plus longtemps et l'envoyai rudement sur le sol. Il commença à ramper, comme pour vouloir s'échapper, mais il était trop affaibli. Je lui laissai le temps de s'éloigner quelque peu en souffrant, tachant un peu plus l'herbe verte de rouge vif. Je le rattrapai en un éclair et le retournai sur le dos.

Je levai ma queue tranchante et ouvrit allègrement son abdomen. Du sang gicla en grande quantité sur moi et aux alentours. La blessure était assez profonde pour que l'on puisse distinguer un bout de ses entrailles. Le Flamoutan convulsait sévèrement sur le sol, ses yeux tournaient presqu'au livide, la fin semblait être proche pour lui. Je me tournai vers son dresseur, toujours à quelques mètres de nous.

Toujours aucune réaction. Une telle froideur me répugnait et me révoltait encore plus. Je relevai le Pokémon Feu à l'aide de ma queue puis lui tranchait le bras, ni plus, ni moins. Du sang coula de sa blessure nouvellement ouverte, mais moins de ce à quoi je m'attendais, signe qu'il était proche de l'hémorragie. La douleur nouvellement éveillée fit revenir ma victime à la réalité qui hurla à nouveau. Tant mieux, je le préférais conscient pour le grand final qui approchait...

Le tenant toujours entre mes anneaux, je le mis bien droit face à moi. Une étrange sensation me parcourut soudain. Ses yeux semblaient me regarder. Peut-être qu'à l'approche de la mort était-il devenu capable de me voir... Mes soupçons se confirmaient tandis qu'un air terrifié, celui de quelqu'un voyant quelque chose d'impossible se passer sous ses yeux, pourquoi pas une personne censée être morte, déforma les traits abîmés de son visage. Je ne pus m'empêcher de lâcher :

- Oui, c'est moi. Tu m'as tuée. Mais je suis revenue. Pour toi. Pour me venger. Pour te tuer.

Ces derniers mots sonnèrent gravement dans ma voix. Le Flamoutan, incapable de me répondre de par sa gorge blessée entravée par mes anneaux, réagit en affichant un air presque suppliant et médusé par la peur. Mais il était déjà trop tard. Je savais ce qu'il me restait à faire. J'approchai sensiblement ma gueule de son cou déjà ouvert et le mordit violement. J'arrachai sa peau et ses muscles à la force de ma mâchoire et de mes crocs. Son sang coulait à flot dans ma gorge, comme une récompense. Je le sentais se débattre et tenter de hurler, mais j'enroulai progressivement mon corps autours du siens pour l'entraver et le maintenir debout jusqu'à ce que sa tête se décroche. Je crachai la chair qui emplissait ma gueule sur le sol, je sentis bientôt ses os se cogner contre mes dents. En un claquement sec, je brisais sa nuque.

Ça y est. J'avais enfin obtenu justice. Je finis d'arracher les derniers lambeaux de peau qui maintenaient sa tête encore en place.

Elle tomba sans un bruit sur le sol parsemé de flaques de sang et de morceaux de chair déchiquetés. En un éclair je relâchais son corps, qui s'effondra d'un seul coup dans son propre sang.

Enfin.

Je contemplais le carnage dont j'étais à l'origine. La plaine s'était transformée en une gigantesque mare de liquide rougeâtre, avec en son centre, le corps sans vie du Flamoutan qui avait atteint à ma vie.

Une étrange sensation m'envahit en contemplant ce paysage. Comme un soulagement. Mais la haine n'était pas encore dissipée, je le sentais. Il m'en fallait encore.

Instinctivement, je me tournai vers le seul être encore vivant hormis moi. La scène ne semblait lui faire ni chaud, ni froid. Je ne lisais rien dans ses yeux. La colère s'intensifia en un instant. Comment pouvait-il rester de marbre face à la mort de son Pokémon ?! La réponse était claire. Lui aussi devait y passer. Ils étaient tous les deux responsables.

Je me mis à avancer doucement vers lui, le goût amer du sang de ma première victime toujours sur ma langue fourchue. Je fis volontairement du bruit en passant dans les flaques rubis, pour faire monter sa tension. Sans succès. Je grognai fortement, essayant de maîtriser un tant soit peu mes pulsions meurtrières.

Mais alors que je n'étais qu'à un mètre de lui, prête à lui asséner un premier coup, un bruit sourd retenti derrière moi. Je me retournai vers sa provenance et vit arriver un petit troupeau de personnes, avec en tête une jeune femme aux cheveux roses, habillée en infirmière. Je reconnus Joëlle, la femme qui s'occupait du Centre Pokémon de Parsemille. Que faisait-elle ici ? Qui les avait prévenus, là, tous ?

- On non... On arrive trop tard !

Je me sentais très mal à l'aise face à eux, même si je savais qu'ils ne pouvaient pas me voir.

- Hé ! Vous là-bas ! Est-ce que vous...étiez le dresseur de... ce Flamoutan...?

Un frisson parcourut mon échine. J'eus l'impression de me réveiller d'un était comateux, cette voix...

Non.

Non.

Ça ne peut tout de même pas...

Je me retournai vivement. Si. C'était bien lui. Debout face au carnage, la main plaquée sur la bouche pour se retenir de vomir. Mon maître. A sa vue, je sentis toute mon énergie me quitter d'un seul coup. Je suis sûre et certaine que c'est lui qui a prévenu les secours. Je ne voulais pas qu'il voie ça. Je ne voulais pas qu'il se retrouve de nouveau face à lui.

J'avais échoué. Je devais effacer la source de ses chagrins, et voilà qu'il se retrouvait de nouveau face à ce monstre. Soudain, il plissa les yeux et sembla chercher quelque chose aux alentours. Il se tourna vers moi, je me figeai instantanément. Merde ! Je devais partir avant qu'il ne sente ma présence.

Je fis discrètement un écart vers la forêt. Il suffisait que je l'atteigne pour retourner à la Tour des Cieux l'attendre tranquillement. J'avançai tout doucement en direction de mon but, mes oreilles sifflaient sans que je sache pourquoi, mais j'avais extrêmement de mal à percevoir mon environnement. Mon corps était extrêmement lourd et j'avais l'impression d'avancer très lentement. J'arrivai enfin au premier arbre qui longeait la clairière, marque de ma porte de sortie. Avant cde m'éclipser dans l'ombre des feuillages, je me retournai pour voir où en était la situation derrière moi.

J'étouffai un hoquet de terreur. C'était... C'était vraiment moi qui avais fait tout ça ? J'eus l'impression de redécouvrir la plaine. La jolie clairière dans laquelle je regardais parfois des dresseurs s'affronter depuis la Tour était devenue un paysage d'horreur. Maculée de rouge, avec un cadavre affreusement déchiqueté en son centre. Et une tête. Une horrible tête coupée, couchée sur le sol, avec encore les yeux ouverts, livides, qui semblaient me regarder.

Je courrai. Le plus vite possible. Je devais m'éloigner à tout prix de ça. Des spasmes incontrôlables de nausée parcouraient mon corps entier, mais je ne pouvais pas m'arrêter.

J'arrivai enfin devant la Tour des Cieux. Elle qui m'avait semblée presqu'accueillante au premier jour, me semblait immense, sombre et lugubre. Je me sentais écrasée par cet effet, presque paralysée d'effroi. Je parvins à me ressaisir et pénétrai dans son enceinte. Essoufflée, je gravis les escaliers avec un temps qui semblait infini. Les trois étages ne m'ont jamais parus aussi longs. Lorsqu'enfin ma tombe apparue à mes yeux, je poussai un soupir de soulagement, ayant presque la sensation d'être rentrée chez moi. Je me mis en boule tout près d'elle, attendant patiemment que mon maître arrive.

Je n'y arrivai pas. Chaque seconde qui passait était pour moi une torture inimaginable. Tout, tout ce que j'avais fait dans cette clairière, tout me revenait en mémoire dans un désordre incompréhensible et insoutenable. Quelques fois, je ne pouvais retenir des hurlements de frayeur et de douleur, qui auraient fait trembler les murs du cimetière de mon vivant et terrorisé quiconque se serait approché. Je revoyais chaque scène, dans ses moindres détails, sans pouvoir penser à autre chose. Qu'est ce qui m'avait pris ?! Je me relevai d'un coup et serpentai parmi les tombes pour tenter de me changer les idées. J'avançai la gueule ouverte en crachant à plusieurs reprises, j'avais encore le goût froid et amer du sang sur la langue.

La nuit tomba, je n'étais pas calmée pour autant. Mon corps semblait peser des tonnes et mon maître n'était pas venu aujourd'hui, ce qui n'arrangeait rien. En plus de la peur s'ajouta l'inquiétude. L'inquiétude de l'avoir laissé seul dans la forêt avec ce type. Je tremblai rien qu'à l'idée qu'il ait pu lui arriver quelque chose.

Je serais volontiers ressortie m'assurer que tout allait bien, mais c'était prendre le risque de rater son retour. Et je ne voulais pas retourner là-bas. Je ne voulais plus jamais sortir d'ici. Je ne m'étais pas non plus approchée à plus d'un mètre de la meurtrière d'où je regardais le paysage, par peur d'apercevoir ce carnage dont j'étais l'auteure. Mais plus les heures passaient, plus l'inquiétude me rongeait. Je repensai à sa rencontre inopinée sur la plaine. Une sueur froide coula dans mon dos.

Et s'il m'avait sentie ?

Et s'il avait deviné que c'était moi qui avais fait tout ça ?

Et s'il m'en voulait d'avoir fait ça ? Non ! Il ne peut pas ! J'ai fait ça pour lui, pour gommer son chagrin, pour qu'il arrête de pleurer, pour qu'il retrouve le sourire. Il ne peut pas m'en vouloir. D'accord je n'ai pas pu aller jusqu'au bout. Mais c'était pour lui...

Etait-ce vraiment le cas ?

Et si j'avais fait ça pour moi ?

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je rejetai ma tête en arrière en un long cri implorant. Je t'en prie ! Reviens me voir ! Délivre-moi de cette torture, de cette douleur... Je veux juste te revoir, et te voir heureux. Reviens...

Je sentais mon corps devenir lourd, pour la première fois depuis longtemps, j'avais envie de dormir. Je repensai au livre. J'approchai peut-être de la fin... Plus j'y pensais, et plus cela me semblait plausible. Accomplir ma vengeance... Maintenant que c'était chose faite, qu'allait-il advenir de moi ? Un frisson glacial me parcourut. Je ne veux pas partir. Pas encore ! Je ne veux pas entreprendre ce voyage sans retour vers l'inconnu. Je savais que ça allait arriver un jour ou l'autre, mais Arceus je t'en prie ne me rappelle pas à toi maintenant ! Je veux rester ici. Pour toujours. Avec mon maître. Même si c'est impossible ! Je ne veux pas... Je ne veux pas partir... Pas maintenant... Juste encore un peu de temps...

Le matin se levai déjà. J'ai cogité toute la nuit, je me suis fracassé la tête sur les murs pour tenter de faire disparaitre sous la douleur physique ma torture psychologique. Torture qui s'accentuait au fil que je sentais m'éteindre à petit feu. Mes mouvements devenaient de plus en plus lents, j'avais l'impression de déployer un effort inimaginable rien que pour me déplacer un peu entre les tombes. Bientôt je risquerais de ne même plus pouvoir lever la tête.

Je donnerais tellement cher pour réussir à me mouvoir correctement pour nos derniers adieux...

Déjà que je ne sais pas comment le lui annoncer... Comment lui faire comprendre que la prochaine qu'il reviendra je ne serais sans doute plus là ?

Et puis... J'ai aussi peur de le voir arriver. J'ai aussi peur qu'il vienne, qu'il ne vienne pas. J'ai peur qu'il vienne me réprimander, qu'il m'en veuille si jamais il a tout deviné. J'ai peur aussi qu'il ne vienne même pas, comme pour me faire comprendre à quel point il est en colère contre moi. Mais j'aimerais tellement lui dire ! Lui expliquer pourquoi ! Et surtout lui dire au revoir. Qu'il sache que c'est la dernière fois qu'il pourra venir ici me voir. Me toucher. Me parler. Je sens quelque chose de chaud sur ma joue. On dirait que repenser à mon dresseur fait ressortir mes émotions. J'ai encore tellement de souvenirs gravés dans ma mémoire. Je ne veux pas les perdre. J'espère surtout que où que je parte après, je puisse les emmener avec moi.

Midi. Toujours rien. Je n'arrêtais pas de me ronger les sangs. Immobile près de ma tombe, je fixais l'escalier pour le voir dès la première seconde où il serait là. Je suis à l'affût du moindre bruit, je pourrais presque l'entendre arriver devant la tour avec ce silence. Un silence presqu'étouffant. Mais j'en connaissais la cause. Elle était près d'une pierre noire décorée de roses, et se morfondait dans son désespoir.

Couchée, la tête posée sur ma queue, je sentais mes paupières s'alourdir de plus en plus, je fermai les yeux à intervalles de plus en plus réguliers et courts. J'avais bien tenté un brin de lecture, mais même ça m'était apparemment interdit. Je ne m'étais jamais sentie dans un état de fatigue pareil. Même après un dur entrainement, j'avais plus la forme que ça. Et ma tristesse n'arrangeait rien du tout...

Le soleil commençait à décliner. Je n'avais même plus la force de pleurer. Mais au moins, j'avais compris le message. « Je ne te pardonnerais pas, je ne veux même plus te revoir. » Ça me faisait extrêmement mal, mais c'était le prix à payer pour mes erreurs. Je ne serais plus là quand il reviendra un autre jour. Je ne veux plus lutter en vain. Adieu. Je pars.


- Arsenic ?

Je relevai la tête d'un seul coup. J'ai pas rêvé ? Je scrutai l'arrivée de l'escalier. Il était là, regardant dans ma direction. Une vague de soulagement sans borne m'envahit, tellement que quelques larmes me montèrent aux yeux.

Alors il est venu. Il est revenu me voir.

Je me redressai pour pouvoir aller à sa rencontre, mais je dus abandonner, les forces me manquaient. Épuisée, je me roulai en boule à côté de ma tombe, ne cessant de le regarder. Merci...

- Ça va ma petite Arsenic ? me demanda-t-il d'une voix douce une fois arrivé près de moi.

Pas vraiment non. Ma fin semblait tellement proche.

- Arsenic ? Pourquoi tu ne viens pas me voir ?

Je n'en ai plus la force. Je suis désolée...

Je me dépliai avec efforts et me dirigeai vers lui. La distance était si courte pourtant ! Mais j'eus l'impression de mettre une heure pour y parvenir. Et je ne pus même pas me relever, j'eus à peine la force de m'enrouler autour de ses jambes.

- Tu as un problème ? Qu'est ce qui se passe ?!

Sa voix affolée me transperçait le cœur. Mes larmes discrètes prirent un peu plus d'intensité. Mon maître s'assit dans la poussière et ouvrit les bras. Je réussis à m'y glisser. Il les referma autours de moi et me caressa doucement la tête, sans un mot. On resta un moment enlacés en silence.

- Arsenic... J'ai quelque chose à te demander...

Je relevai la tête, un peu surprise.

- C'est très difficile de l'admettre... J'espère me tromper, tu sais... J'espère me tromper...

Quelques larmes tombèrent sur mon front, faisant repartir de plus belle les miennes.

- Est-ce que... Est-ce que... Tu... Tu...! Est-ce que c'est toi qui... toi la responsable du carnage sur la plaine d'hier matin ?

Je me figeai, les yeux perdus dans le vide. Alors il avait compris... Mais je ne savais pas comment le lui avouer, j'étais comme paralysée. La peur qu'il me rejette l'emportait sur tout.

- Je... J'aimerais tellement que tu me dises que ça n'est pas toi... Mais... Ce Flamoutan...

Oui. Oui c'est moi ! Je le regrette, je te le jure... Je ne sais pas ce qui m'a pris... Pardonne-moi... Ne m'abandonne pas...

- C'était ton meurtrier... Arsenic... Je sais que c'est toi, pas la peine de me mentir...

Je le regardai, les larmes brouillaient ma vue. Je pris sa main avec ma queue et la serrait du plus fort que je pouvais.

- Je... Arsenic, je... Je sais pas quoi penser...

Ne m'abandonne pas... Je t'en prie...

- Tu... As tué quelqu'un... T-tu comprends ce que c'est ?! Je sais, c'est ton meurtrier, mais... Pas comme ça Arsenic, pas comme ça...

Je fermai les yeux avec force, me retenant de m'effondrer de désespoir. Ce que je redoutais le plus était en train de se produire..!

- Mais...

Je relevai la tête, surprise. Mais ? Ses larmes coulaient abondamment, j'aurais voulu le consoler en me serrant autour de lui, mais je n'en avais pas le droit.

- Mais... Tu... Pourquoi tu as fait ça ? Explique moi, j'ai tellement de mal à croire... Que tu sois devenue une meurtrière... J'ai peur, Arsenic...

Je lâchai sa main et passai mes anneaux autours de son torse. C'est pour toi que je l'ai fait. Uniquement pour toi. Enfin je crois. J'aimerais bien te montrer ce livre de légendes, que tu comprennes... Mais je ne sais même pas si j'aurais la force de te le ramener...

Quoiqu'il en soit, je suis sûre que je l'ai fait pour toi. Pour que tu n'aies plus de chagrin. Que tu n'aies plus peur. Même si, quelque part, j'ai échoué car le dresseur est e vie et qu'il court toujours...

- Que... Tu as fait ça pour moi ?

Je souri à travers mes larmes. On dirait qu'il réussit à lire dans mes pensées. Pour confirmer ses dires, je fis un douloureux effort pour poser ma tête sur son épaule.

- Oh Arsenic...

Il me caressa doucement le cou, puis d'un coup me serra contre lui.

- Arsenic... Tu n'aurais pas dû...

Je sais, je sais... Je regrette tellement... J'aurais dû t'attendre tranquillement ce jour-là, ne pas quitter la Tour, ne pas quitter ma tombe, mais il est trop tard...

- Je comprends... Je te comprends, tu sais, moi aussi j'ai eu envie de lui faire subir... La même torture... Alors d'un autre côté, même si je ne cautionne pas tes actes, je ne peux pas t'en vouloir...

Je me blotti encore plus contre lui, pleurant à chaudes larmes. Merci...

On resta serrés un petit moment sans parler, chacun pleurant comme une madeleine. Arceus, mais qu'allait-il se passer lorsque je commencerais à disparaître...?

- Je suis désolé de pas être venu hier... annonça-t-il en essuyant ses larmes avec le dos de sa main. Enfaite, une enquête a été ouverte suite au meurtre du Flamoutan. J'ai dû rester comme principal témoin à charge vu que c'est moi qui avais appelé les secours. L'autopsie a révélé que les blessures avaient été causées par un Seviper... C'est comme ça que j'ai su que c'était toi... On m'a alors suspecté, vu que tout le monde savait que j'en avais une. Mais le mec a reconnu lui-même t'avoir tué il y a quelques jours. J'ai dû fournir un justificatif de décès, et il a été emprisonné... Je ne sais pas s'ils donneront suite à l'affaire...

Je te pardonne. J'étais dans un état hystérique hier, tu aurais pris peur en me voyant. Un silence léger s'installa entre nous, parfois coupé par une larme sournoise qui se remettait à couler ou des soupirs. Mais le pire pour moi, c'est que plus le temps passait et plus je sentais m'éteindre. Mon corps était effroyablement lourd. Ma faute avouée et pardonnée, j'avais enfin l'esprit réellement tranquille. Je pouvais partir. Désolée de te laisser comme ça, mais Arceus me rappelle à lui, il est temps que je le rejoigne...

- Arsenic ! Je... J'ai l'impression de moins sentir ta présence ! Qu'est ce qui se passe ?!

Merci de m'avoir aimée. De m'avoir éduquée et entraînée. J'ai passé des jours heureux à tes côtés. Mais il faut que je parte. Je suis désolée, moi aussi j'aimerai rester plus longtemps auprès de toi, mais ça m'est impossible.

Mon maître me serra du plus fort qu'il pouvait contre lui. Ses larmes s'étaient remises à couler, sans doute avait-il compris que l'heure était venue, celle des adieux...

- Arsenic...! Non, ne part pas !

Peut-être qu'un jour j'aurais la chance de revenir sur cette terre, même sous une autre forme, et dans ce cas, je ferais tout pour te revoir. J'ai eu beaucoup de chance de te connaître. Mon unique regret est de partir si vite, sans qu'on ait réellement le temps de se dire au revoir...

Je sentis mon corps s'évaporer, j'étais parcourue de drôles de sensations. Mes sens s'atténuaient, ma vision était brouillée par des nuées d'étoiles blanches. Mon heure est venue. J'eus l'impression de m'élever dans les airs, de quitter ses bras, de rejoindre le ciel. Et juste avant de disparaître pour de bon, j'entendis une dernière fois sa voix m'appeler.

- ARSENIC ! Arseniiiic ! NONNN !

Adieu. Jamais je ne t'oublierai.