02: Souvenir et Rêve
Le soleil disparaissait derrière les contreforts d'Atalanopolis. Thomas quitta alors la maison où il vivait depuis deux ans, chez la mère de cette femme qui lui avait sauvé la vie. C'était une vieille dame de petite taille qui parlait sans arrêt de sa fille Victoria, et rarement de façons positives. Elle répétait souvent des phrases du genre : « Quelle idiote d'avoir été tombée enceinte alors qu'elle connaissait à peine l'homme ! » ou encore « Un enfant ça ne s'élève pas seul, il lui faut un mari. » Bref, elle reprochait à sa fille d'être irresponsable. Elle demeurait tout de même très accueillante et toujours aux petits soins avec Thomas.
Le jeune homme quitta la maison pour aller retrouver ses amis dans un bar sur la côte. Il descendit rapidement les nombreuses marches qui le séparaient de la plage, passa devant l'étrange statue du « Poisson-Rêve » et déboucha sur la grève. Il était neuf heures et demie et en cette chaude soirée du mois de juin le jour diminuait à peine. Les eaux du bassin scintillaient et prenaient une douce couleur vermillon. C'était une fin de journée idéale.
Thomas entra dans le bar qui était complètement illuminé et où un grand nombre de jeunes se rassemblaient pour passer la soirée. Il retrouva ses deux amis assis au comptoir en train de discuter avec une serveuse tout en sirotant deux pintes de bière. Il les rejoignit et les salua en les embrassant.
- Désolé du retard mais la vieille ne voulait pas me lâcher ! Elle me racontait des anecdotes sur Algatia, autant vous dire que ça ne m'intéressait pas du tout !
Les trois jeunes gens rirent un bon coup en attendant que la serveuse apporte un verre à Thomas.
- Ca va tu es excusé pour cette fois, répondit l'un des jeune hommes avec un sourire malicieux et en réajustant la capuche de son pull, mais essaie de la faire taire la prochaine fois !
Thomas ne répondit pas car il buvait goulument sa bière qu'il attendait depuis la fin de son service au restaurant de Victoria. Elle lui avait donné un travail, à lui, un parfait inconnu, un naufragé, qui n'avait rien, pas même un souvenir de son passé, elle lui avait donné une chance, elle lui avait accordé sa confiance, et ça, jamais Thomas ne pourrait trouver les mots pour exprimer sa gratitude.
- Tu sais très bien que j'essaie à chaque fois Sky mais tu sais les personnes âgées...et bien...elles aiment bien raconter leur vie !
- Oh arrêtez avec vos banalités ! J'ai des choses beaucoup plus intéressantes pour nous. Vous voyez les deux filles assises seules à une table là-bas ? Je t'en laisse une Thomas parce que tu es seul depuis longtemps, l'autre est pour moi.
L'autre ami qui venait de parler s'appelait Peter. Il réajusta ses lunettes, finit son verre et partit chasser sa proie sans demander son reste. Le naufragé essaya de le rattraper pour continuer à discuter avec lui mais celui-ci partit la tête haute et sans se retourner.
- Laisse-le partir Tom ! Il va revenir dans cinq minutes la queue entre les pattes parce que les deux filles l'auront envoyé ailleurs. Tu iras après lui pour montrer ta supériorité, expliqua Sky en donnant une tape dans l'épaule de son camarade.
Les deux amis regardèrent leur camarade aborder les deux jeunes femmes en buvant leur bière et en dégustant des baies Maron séchées comme s'ils étaient au cinéma. Et comme l'avait prédit Sky, à peine dix minutes plus tard, Peter revint tête baissée.
- Elles m'ont rit au nez !
Sky et Thomas éclatèrent de rire. Peter les regarda avec un regard méprisant et parti ensuite aux toilettes. Ses amis essayèrent encore une fois de le retenir, pensant que le jeune homme était blessé dans son orgueil mais en réalité Peter ne fuyait pas, il souhaitait juste apaiser des besoins purement terre à terre.
- Tu n'y vas pas tout de suite ? demanda Sky au naufragé.
- Non j'attends que Peter revienne, on lui remonte le moral et après j'y vais.
Les deux amis discutèrent quelques instants jusqu'à ce qu'un remue-ménage provenant des petits coins attira leur attention. Quelques secondes plus tard Peter sortit en hurlant, paniquant et poursuivit par un gros loubard qui montrait les poings. Sky et Thomas se précipitèrent à la rescousse de leur ami et s'interposèrent. L'attaquant, avec un rictus haineux, attrapa le fuyard pour lui en coller une. Peter se débattait en hurlant, il ressemblait à un Mimitoss dans les énormes bras d'un Ronflex très mal réveillé. Il réussit à desserrer l'étreinte et à rejoindre ses camarades. Le combat allait commencer mais la patronne du bar arriva avec un visage rouge Tomato de colère.
- MESSIEURS ! Je ne veux pas de ce genre de choses dans mon établissement ! Allez-vous battre DEHORS !
Le petit groupe sortit et alla sur la plage de sable noir. La nuit était tombée et seules les lumières de la ville perçaient l'obscurité. Peter tout tremblant lança un regard à Thomas.
- J'ai pas mes Pokémon sur moi...
- T'inquiète pas je m'en occupe ! répondit le dresseur.
- Et toi le binoclard ! Je vais t'apprendre ce qu'est de draguer les copines des autres, hurla le loubard en pointant Peter du doigt.
- Et moi je t'interdits d'insulter mes amis ! Mangriff GO !
Thomas n'écouta que son courage et libéra son Pokémon. Il avait peu pratiqué les combats durant sa nouvelle vie à Atalanopolis mais il semblait avoir l'instinct de dresseur, à chaque fois il était emporté par la fièvre brûlante et enivrante du combat. L'adversaire libéra quant à lui un magnifique Séviper. Les deux Pokémon, rivaux depuis la nuit des temps, restèrent immobiles, les regards s'affrontant. Mangriff aiguisait ses griffes tandis que Séviper faisait claquer sa langue entre ses crochets emplis de venin. Le dresseur du Pokémon serpent hurla un ordre : Buée Noire. Le Pokémon cracha une épaisse fumée sombre qui couvrit tout le terrain, empêchant ainsi Thomas et son partenaire de repérer leur adversaire.
- Mangriff ! Ferme les yeux, concentre-toi et utilise Aiguisage.
Le Pokémon obéit, on n'entendit plus que le bruit des griffes qui deviennent de plus en plus tranchantes. Le partenaire de Thomas affuta aussi son ouïe pour améliorer sa précision.
- Séviper utilise Ligotage !
Mangriff sauta sous les ordres de son dresseur pour esquiver l'attaque puis usa de Plaie-Croix. Il y eut un bruit de lames qui s'entrechoquent ; c'étaient les griffes de Mangriff et la queue toxique de Séviper qui entraient en contact. On avait l'impression que deux épées se frappaient car le son était semblable au crissement du métal. L'adversaire de Thomas utilisa Queue Poison qui frappa violemment Mangriff au ventre. Celui-ci recula de quelques pas, complètement essoufflé, l'attaque l'avait méchamment touché et lui provoquait une violente douleur. Heureusement aucun poison n'avait été libéré pour le moment. La Buée Noire commençait à se dissiper.
- Mangriff recule et utilise danse-lames !
Le Pokémon fit quelques pas en arrière pour disparaître dans les derniers nuages d'obscurité pour reprendre son souffle et augmenter considérablement son attaque. Il fit un pas de côté lorsque il entendit le frottement du Serpent sur le sol, il était proche et les crochets toxiques claquaient, l'ennemi de Mangriff préparait l'attaque Crochetvenin ! Il esquiva l'attaqua avec la rapidité fulgurante d'un éclaire puis tout en écoutant les ordres de son maître, le rival de Séviper fonça vers son adversaire et lui décocha une violente attaque Eclate Griffe qu'il ne put éviter. Du sang gicla sur la fourrure immaculée du Mangriff, le Séviper lui lança un regard de tueur et tenta de riposter avec Queue Poison mais le Pokémon de Thomas para l'attaque avec ses griffes. Il y eut encore cet impressionnant bruit de lames qui s'entrechoquaient. Hélas le poison contenu dans la queue semblable à une dague du Pokémon Serpent gicla et brûla le Mangriff qui dut reculer sous la douleur. Le Séviper, aussi vif qu'un cobra, fonça sur son adversaire et lui décocha une violente Tranche Nuit qui fut imparable. Les deux Pokémons étaient sérieusement amochés et la buée noire avait complètement disparu.
Thomas ne le remarqua pas mais depuis les vitres du restaurant, une jeune fille le regardait avec des yeux plein d'admiration. C'était l'une des deux personnes que Peter avait tenté de séduire. Ses cheveux blonds prenaient une teinte un peu plus rousse sous la lumière artificielle du bar.
Le gros loubard hurla à nouveau des ordres tout en postillonnant d'épaisses gouttes de salives.
- Séviper, utilise Choc Venin !
Aïe ! Le Pokémon de Thomas risquait fortement l'empoisonnement, c'était très dangereux. Cependant le dresseur n'eut pas le temps de réfléchir à une riposte car son Pokémon réagit seul et instinctivement avec Détection. Une barrière bleue entoura Mangriff qui pu se protéger de la terrible attaque. Tant mieux.
- Dans ce cas mon ami, achève ton adversaire avec Tranche ! Allez Mangriff !
C'était risqué mais grâce à Aiguisage, à Danse-Lames et au fort taux de critiques le Séviper devrait perdre mais Mangriff s'exposerait aux menaces toxiques du serpent. Tant pis, il fallait tenter ce coup là sinon le combat pourrait s'éterniser. Le Pokémon aux griffes acérées fonça sur son ennemi qui s'apprêtait à riposter avec une Eruction qui pourrait être fatale. Il devait à tout prix atteindre son adversaire avant que celui-ci n'ait fini de manger sa baie et de libérer les gaz toxiques de son corps. Mangriff accéléra et lacéra tout le corps de son rival qui tomba raide sous la puissance de l'attaque Tranche. Thomas avait gagné le combat.
Il n'y eut aucun mot, aucun échange entre les deux dresseurs qui quittèrent le champ de bataille sans se retourner. Les trois amis retournèrent s'assoir au comptoir du bar pour se détendre un peu après ce conflit.
- Qu'est ce qu'il te voulait au juste ? demanda Sky à Peter.
- Il m'en voulait parce que j'ai essayé de séduire sa petite amie. On croit rêver, je lui ai juste parlé à la fille en plus. Non mais c'est dingue c'est gens qui partent au quart de tour.
Sky et Thomas rirent de nouveaux devant le discours de Peter qui était l'homme le plus placide de la ville. Ils restèrent au comptoir pendant une bonne heure, à boire et à rire comme trois bons amis. Vers dix heures et demie Peter et Sky allèrent jouer au billard, laissant ainsi Thomas seul sur sa chaise. Les deux jeunes femmes que Peter avait tenté de séduire quittèrent le restaurant. L'une était blonde et l'autre brune. La blonde resta quelques instants sur le seuil de la porte de l'établissement avant de se retourner vers Thomas.
- Excusez-moi mais ça fait une heure que j'attends que vous veniez m'abordé ! C'est pas croyable ! Il vous faut un panneau c'est ça ? « Jeune fille célibataire sur le banc numéro 4 », lâcha la jolie blonde sur un ton un peu moqueur mais en essayant d'avoir l'air sérieuse et en colère
- Pardon ? J'étais avec mes amis mais si vous voulez...bredouilla Thomas complètement décontenancé.
- Non maintenant il est trop tard ! Vous avez préféré m'envoyer votre boulet et bah tant pis. Pourtant votre combat était impressionnant, répondit-elle sur le même ton ambigü.
La jeune fille tourna les talons à Thomas et prit un air méprisant mais elle était tout sauf crédible. Elle fit quelques pas puis revint voir le jeune homme qui était éberlué.
- Je m'appelle Marine ! Voici mon numéro, dit-elle en tendant une serviette en papier sur laquelle était écrit un numéro de téléphone, appelez-moi !
Marine quitta pour de bon Thomas et rejoignit son amie en riant et le sourire aux lèvres. Elle avait enfin prit contact avec le mystérieux inconnu que sa mère avait sauvé des flots. Il était tellement beau. Elle avait du passer pour une pauvre fille en manque mais elle s'en moquait car au fond d'elle-même elle sentait une légère flamme qui commençait à brûler de plus en plus. Elle le voyait tous les jours passer devant sa fenêtre, elle était enfin heureuse de l'avoir rencontré et de se dire que peut être un jour, il la rappellera, oubliant cette étrange première rencontre, passant au-dessus. Personne ne le vit mais Marin se mordit la lèvre inférieure et croisa les doigts derrière son dos. Elle espérait qu'il la recontacte.
Le naufragé resta coi. Quelle étrange rencontre ! Bigre. Elle avait du caractère et une certaine forme de courage pour se lancer ainsi devant un parfait inconnu. Marine avait du cran et en plus de cela elle était magnifique, semblable à une nymphe sortit des eaux. Une beauté pure et parfaite qui rayonnait dans la vie de laideur du jeune homme. Il la rappellerait, c'était certain.
*
C'était un rêve. Lorsque le jeune homme rouvrit les yeux il était allongé sur le sol dur d'une caverne avec une migraine d'enfer. Il venait de revivre sa première rencontre avec Marine. Le dresseur se leva rapidement, il ne devait pas se laisser charmer par des chimères. Il fallait trouver une sortie. Arceus seul sait combien de temps il avait dormit, ça trouve toute la ville le cherchait, il fallait faire vite. Heureusement de nombreux interstices dans la roche laissaient passer la lumière du jour. Il put donc avancer sans trop de grandes difficultés dans la caverne Plus il avançait, plus il découvrait des traces de ruines, des colonnes brisées, des gravures sur les murs. Le jeune homme devait se trouver dans un ancien temple.
Au bout de quelques minutes de marche il arriva dans une salle plongée dans la pénombre. Il y avaient deux torches accrochées au mur. Il devait les allumer pour y voir plus clair. Thomas sortit de sa poche son briquet et alluma patiemment les deux lampes à huiles qui prirent feu au bout de quelques minutes. La lumière vacillante des flammes montrèrent une petite salle au plafond assez bas et dont les murs étaient couverts de coquillages multicolores. Entre les deux lampes se trouvait une grosse plaque de pierre sur laquelle était sculptée différents signes. Thomas s'en approcha et reconnut immédiatement la silhouette de Kyogre. En dessous de celui-ci se trouvait un texte.
A celui qui trouve,
La région d'Hoenn n'est qu'une illusion...
Humains, Pokémon, océan, ciel...ne sont que les fruits de l'imagination de l'œil du dormeur...
Réveil le Rêveur et Hoenn s'estompera comme une bulle dans la mer...
Naufragé, tu dois savoir la vérité !
- Quoi ?! Une illusion ?
A ce mot, la salle sembla réagir, il y eut comme un grincement, comme une pierre qui coulisse et une issue apparu à la droite de Thomas qui se hâta de sortir de cette salle particulièrement étrange. Il traversa un petit souterrain avant d'arriver dans une petite bibliothèque mal éclairée. C'était surement un passage secret. Il s'apprêta à sortit de cette étude lorsqu'une voix grave de femme l'interpella.
- J'ai toujours redouté le jour où tu arriverais dans ma bibliothèque...
Il se retourna et vit une femme de cinquante ans, la peau noire et les yeux transperçants, assise sur une chaise près de la fenêtre. Ses longs cheveux ébènes lui donnaient un air de Noarfang emplit de sagesse.
- Viola ? s'étonna le jeune homme.
- Viens là mon enfant, n'aie pas peur, j'ai beaucoup de choses à t'expliquer.