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Une radio, un pendentif et une tablette de chocolat. de TheMizuHanta



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» Auteur : TheMizuHanta - Voir le profil
» Créé le 17/10/2014 à 19:50
» Dernière mise à jour le 02/12/2014 à 18:47

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Chapitre 20: Les premiers pas dans le monde extérieur.
Appartement: 10h29

-Est ce que tout est prêt Anna?
"- Le sac est plein, on a toute la nourriture et les médicaments sont là."
-Je veux savoir si tu es prête toi aussi.
"- Oui!"

Nous étions dans la chambre de Rode, en train de fignoler les derniers préparatifs avant de partir. Mon maître avait l'air extrêmement concentré, car il ne fallait rien oublier. Nous allions enfin partir, c'était aujourd'hui qu'allait débuter notre grand voyage à travers la région de Sinnoh. Il attendait ce moment depuis si longtemps, il fallait qu'il ne manque rien. Il remplissait un sac énorme qui devait bien faire un mètre de long, le genre de sac pour les expéditions en milieux hostiles. Il re-vérifiait à chaque fois toutes les cinq minutes quand il y mettait quelque chose dedans, il a toujours été irréprochable.
Après avoir fermé une bonne fois pour toutes le sac, il tourna la tête vers moi. Il me demanda de m'allonger sur le lit, je m'exécutai sans discuter. Il appuya sur différentes parties de mon corps et me demanda si ça me faisait mal, ou au pire si je ne sentais rien. Heureusement, je sentais ses doigts appuyer partout sans qu'il n'y ait de problèmes. J'étais tellement rassurée, et lui aussi apparemment. Après deux visites au centre le plus proche de la ville, les examens étaient plutôt bon. Fort heureusement, les organes internes ainsi que les muscles n'étaient que très légèrement touchés, et ils se sont rapidement rétablis durant ma convalescence. Je restais ainsi sur le lit de mon maître encore quelques minutes, et lui sur la chaise de son bureau, à mon chevet. Nous regardions ensembles et bêtement le plafond de la chambre, toujours recouvert avec une peinture jaunie qui se craquelait à plusieurs endroits à cause du temps. Tout ceci n'avait pas changé depuis le premier jour où j'étais arrivée. C'est ici que j'ai grandis, que j'ai appris, que je suis devenue ce que je suis maintenant, aux côtés de Rode. Je savais maintenant ce qu'il fallait que je fasse. Je retirais les derniers bandages qui entouraient ma taille, ils ne servaient plus à rien. Je me levai doucement et pris un profonde inspiration, j'étais enfin prête. J'allais jeter ce que j'avais maintenant dans les mains dans la poubelle de la salle de bain. Quand je suis revenue de la chambre, mon dresseur était lui aussi debout. Il avait une photo dans les mains, celle de son père avec lui, quand il avait l'âge de ce tragique incident. Il la regarda encore quelques secondes avant de la mettre dans la poche de sa veste grise. C'était un long imperméable en toile arrivant jusqu'au dessus des genoux qu'il avait acheté avant le voyage, il y a quelques jours. Il se retourna, me vit et me sourit tendrement en me disant :

- C'est bon, on est vraiment prêts.

Il sortit lentement de la chambre dans laquelle il avait grandit pendant plus de 17 ans. Alors que je ressentais une certaine nostalgie, je lisais dans le coeur de mon maître un soulagement, une libération. Comment pouvait il éprouver une émotion de ce genre ? Il allait partir loin d'un endroit où il a vécu toute son enfance.
Rode s'arrêta devant le trou dans le mur qui amenait au salon, Jeanne était encore allongée sur le canapé. Elle était toujours dans son peignoir en soie, toujours en train de lire ses magazines. Elle ne daignait même pas de détourner le regard vers nous, comme si nous n'existions pas. Mon dresseur resta ainsi quelques instants planté là avant de lancer clairement:

- On est prêts.
- Moui... marmonna-t elle en tournant une page de son édition spéciale Vestigion.
- On va y aller.
- Si tu veux.
- Au revoir.
- Oublie pas le pain en rentrant.
- Je t'aime maman. lâcha finalement mon maître après une courte inspiration.

Rode tourna les talons vers la porte d'entrée. Il déposa ses clés une dernière fois sur la petite table du couloir et ouvrit lentement la lourde porte qui nous mena au couloir du dernier étage. Il me regarda longuement pour me faire comprendre qu'il m'attendait. J'étais abasourdie, c'était quoi ces aux revoirs ?! Ils n'allaient plus se voir pendant des mois, voir plus d'un an ! Comment pouvaient-ils se saluer ainsi lors du départ ? C'est ça qu'on dit à sa mère quand on s'en va ? Et qu'on souhaite à son fils bonne chance ?
Mon dresseur m'appela, avec un ton qui trahissait que sa patience commençait à atteindre ses limites. Je n'allais pas le faire attendre encore plus, je m'empressai donc de franchir cette porte sans doute la dernière fois avant longtemps. Rode ferma ensuite la porte en la claquant le plus fort possible, du moins, c'est ce que j'en devinais vu la force qu'il a utilisé pour la faire bouger.
Étrangement, dès que la porte fut fermée, je ressentais une profonde tristesse dans la direction de Jeanne. Comment pouvait elle être triste après s'être comportée ainsi ? Je fus sortie une nouvelle fois de mes pensées par mon maître, qui me rappela une seconde fois. Il était déjà dans la cage d'escalier avec son sac sur le dos, il n'allait pas m'attendre plus longtemps. Je me pressais pour descendre à mon tour les huit étages qui composaient cet immeuble vieux d'un siècle environ.

Unionpolis : 10h43

- "Rode?"
- Oui?

Nous étions en train d'arpenter les rues de la ville. On avançait sur le chemin que nous avions toujours pris, vers la route 208. Nous y allions toujours pour accéder à la clairière que seul mon maître connaissait. Malgré le fait que nous ne soyons pas encore aux débuts de notre périple, je ne sentais pas que nous étions prêts à partir. Je n'arrivais pas à comprendre comment Jeanne et son fils pouvaient se quitter ainsi, sans qu'il ne se passe rien, il fallait que je comprenne:

"- Pourquoi est ce que Jeanne s'est comportée ainsi? Vous vous êtes fâchés avant?"
- Je vois pas de quoi tu parles. répliqua Rode, ne détachant pas son regard de sa direction.
"- Mais pourquoi elle ne s'est même pas levée ?! C'est ta mère et elle t'as juste demandé d'aller chercher le pain ! Elle fait exprès ou quoi ?!"
- Ah c'est pour ça que tu avais l'air soucieuse...
- "Qu'est ce que ça veut dire ?"
- Si tu veux vraiment savoir... Dans tous les domaines, ma mère n'a jamais supporté les adieux, ou même les aux revoirs. Tu n'as pas senti à quel point elle était triste quand nous sommes partis ?
"- Oui... Mais un comportement pareil..."
- Si elle m'a demandé de prendre le pain en rentrant, c'est tout simplement parce qu'elle avait hâte que je revienne. Si je ne revenais que maintenant, les mains vides, je n'aurais pas ma place dans sa maison...
"- Les mains vides ?"
- Je lui ai promis qu'elle pourra prendre de mes nouvelles rien qu'en achetant le magazine "Weekly's Beginners" de la semaine prochaine.
"- C'est quoi ?"
- Un hebdomadaire qui est consacré aux rookies, les dresseurs débutants, voir étudiants, ceux qui n'ont pas de licence professionnelle. Et si tout se passe bien, on sera en couverture.
"- Je... Je n'avais pas compris tout ceci... Je suis désolée..." m'excusais je, tellement gênée de m'être comportée ainsi.
- Tu n'as pas à t'en faire, elle a toujours été chiante à comprendre, il n'y avait que mon père qui comprenais ce qu'elle voulait dire tous les jours. A croire qu'elle ne parle qu'en langage codé.

Il avait dit ses derniers mots avec un sourire au coin de la bouche. Il regardait devant lui comme dans un avenir prometteur, aussi calme que remplit d'ambitions. Je me sentais rassurée d'être à ses côtés, cela me motivait énormément. Je me permettais même d'avancer un tout petit peu plus vite, il me rappela rapidement à l'ordre. Il me lança qu'il n'arrivait pas à suivre la cadence avec son sac sur le dos avec un petit sourire. Je me mis à rire discrètement, je regrette quand même le fait que je ne puisse plus entendre celui de mon maître.
Je ne pourrais plus rien entendre, quand j'avais appris ça, le jour de mon réveil, tout c'était effondré. Je ne pourrais plus jamais entendre la nature, le vent ou la voix de qui que ce soit. Je serais obligée de m'entraîner dur pour entendre le plus aisément le coeur des gens pour pouvoir communiquer correctement avec eux. Mais ce qui avait détruit tout ce que en quoi je croyais, c'est quand j'ai vu mon maître pleurer. Je ne l'avais jamais vu sombrer dans le désespoir, je croyais qu'il était au dessus de tout le monde, qu'il était intouchable, parfait. Ce jour là, toutes les convictions qui me permettaient d'avancer s'étaient écroulées. J'ai alors cru que c'était de ma faute s'il avait vécu tout ceci, qu'il avait autant souffert. J'ai toujours voulu le protéger pour qu'il puisse atteindre son but. Il va falloir que je devienne encore plus forte, pour qu'il ne pense pas que je suis faible, pour que je puisse être fière d'être à ses côtés, car il est mon dresseur, et je suis son Pokémon.

Route 208: 10h59

- On est à l'heure ! Notre périple aura commencé le lundi 14 juillet à onze heures pile !
"- Faisons de notre mieux !"

Nous voici enfin libres, détachés des chaînes qui nous retenaient à Unionpolis. Nous n'avions plus l'obligation de revenir avant la nuit tombée, nous n'y avions plus le droit maintenant. Étrangement, le vent qui soufflait sur mon visage me semblait plus frais, plus léger. Je me sentais beaucoup plus légère, ce qui n'avait pas l'air d'être le cas pour mon maître. Il commençait déjà à se pencher en avant. Je lui fis par précaution la remarque, il me répondit que tout ira bien. Pendant que nous faisions nos premiers pas dans cette région, Rode n'arrêtait pas de regarder autour de lui. Il avait un regard méfiant et il manquait de confiance dans son coeur. Je ne pouvais pas m'empêcher de savoir ses raisons, alors je lui demandai tout simplement:

"- Quelque chose ne vas pas ?"
- Y'a un problème...
"- Comment ça ?"
- Il n'y a personne sur cette route...
"- C'est vrai ça. fis je, après avoir jeté un rapide coup d'oeil autour de nous. Mais peut être que personne n'a envie d'être ici aujourd'hui..."
- Un lundi ? Dans une période ou les étudiants peuvent enfin commencer leur voyage ? C'est trop gros, il y a une raison pour qu'il n'y ait personne... Sauf nous.
- Et moi...

Une voix venait de résonner dans ma tête. Comment pouvais je l'entendre ? Je connaissais ce timbre, cette clarté, je l'avais entendu il y avait peu de temps. C'était il y a peu de temps avant que je ne perde mon ouïe, celle qui avait envoyé un adversaire beaucoup trop fort pour moi. Je tournais la tête vers la droite, et pu apercevoir cette femme, avec les cheveux blonds. C'était bien elle, celle qui m'avait fait plonger dans un profond sommeil, entre la vie et la mort.
Elle regardait mon dresseur, avec un regard assez étrange. Elle avait du mal à soutenir le regard de son interlocuteur. Je sentais en elle un cruel manque de confiance. Elle tenta d'afficher un sourire, mais son visage complètement crispé trahissait son anxiété grandissante. Avant qu'elle ne dise un mot, mon maître me demanda, à travers la pensée:

"- Est ce qu'elle a un semblant de détermination sérieuse dans ses pensées ?"
"- Non... On dirait qu'elle ne va pas engager un combat."
"- C'est bien ce que je pensais..."
- C'est donc maintenant que tu vas réaliser ton voyage, n'est ce pas ?

Je n'arrivais toujours pas à comprendre comment je pouvais entendre ce que disait cette femme. J'arrivais à entendre sa voix de la même façon qu'avec Rode et sa mère. Cela voulait dire que je pouvait lire ses pensées dans l'aura qu'elle dégageait ? Ou est-ce qu'elle ouvrait son coeur volontairement ? J'essayerais de trouver une réponse plus tard, car mon dresseur répondit directement à cette femme :

- Oui, je trouvais qu'il faisait plutôt beau pour commencer un périple. Excusez-moi de mon impolitesse, mais est ce que le fait qu'il n'y ait aucune personne aux alentours et notre rencontre forcée a-t-elle un rapport ?
- Très observateur.
- Disons plutôt que ça croule sous le sens. répliqua Rode avec beaucoup d'assurance et un sentiment de défi dans la voix.
- Pourquoi veux tu voyager? demanda t elle.
- Parce que mon père a fait la même chose à son âge, et car c'est ma volonté qui me pousse à repousser mes limites.
- Allons bon, John... C'est pour lui que tu voyages, pas pour toi.
- ...

Elle avait l'air d'avoir touché un point sensible, car je sentais que mon maître s'était renfermé dès qu'il avait entendu ces mots. Il fit un léger retrait en arrière et croisa les bras, non sans discrètement froncer les sourcils. Elle savait beaucoup de choses, la question était comment, voir pourquoi :

- Je ne vois pas de quoi vous parlez, comme si j'avais une autre raison pour voyager que...
- Arrête tes bobards, je t'ai déjà dit il y a une semaine que tu ne savais pas mentir. avertit la femme enveloppée de noir
- Si vous êtes juste venue pour me dire ça, vous auriez pu envoyer une lettre.
- Ne pars... Surtout pas... lâcha t elle en baissant légèrement la tête.
- Qu'est ce que vous racontez?
- Ne... Ne le poursuis pas... bredouilla t elle avec de moins en moins de conviction.
- Je ne vous permet pas de fouiller dans ma vie. prévenait Rode avec un semblant de colère dans son aura.
- J'ai... Grandi avec ton père... Et avec lui.
- Vous êtes sérieuse ?!
- Je t'en prie, n'essaie pas de l'arrêter. Je t'en supplie !

Elle accompagna ses dernières paroles en se mettant à genoux. Elle se courba devant mon maître et colla son front contre le sol.

- Si tu suis cette voie, tu n'attireras que le malheur, le désespoir et la souffrance ! Pour ton propre bien et celui des autres, ne le poursuis pas !

Mon maître n'arrivait pas à croire ce qu'elle venait de lui dire. Ton son calme s'était envolé, sa maîtrise de soi partie. Il gardait une bouche entrouverte et les yeux tout ronds, mais c'était compréhensible. Son père a vécu son enfance avec elle et son assassin? Mais une pensée ramenait mes pieds sur terre... Comment pouvait elle se comporter ainsi ? Comment pouvait elle encore implorer mon dresseur de ne pas voyager après tout ce qu'elle avait fait ?
Rode a pleuré. Il a douté au plus profond de lui, il avait peur, il était terrifié. Il a pensé que c'était lui et lui seul la cause de ma surdité, il ne se sentait pas capable d'avancer. Il ne se sentait pas assez fort pour tenir sa promesse, à cause d'elle. Il s'était décidé de me relâcher pour me protéger, encore à cause d'elle. Il n'allait plus pouvoir croire en qui que ce soit, il a été abandonné par tout le monde, toujours à cause d'elle. Elle n'allait pas s'en tirer comme ça.
Je commençais par faire un premier pas en avant, avec le poing droit tellement serré que je sentais mes phalanges craquer. Lors du deuxième pas vers elle, je me demandais comment j'allais la frapper, d'un coup de poing ou d'un coup de pied ? Au troisième, je me souvenais des premiers entraînements avec mon dresseur, il m'avait apprit à frapper des poings avec toute la force que j'avais. Ce sera donc avec mon poing droit que j'allais lui porter un coup, avec toute la force que j'avais, toute la colère qu'elle a apportée, pour que mon maître ne ressente plus jamais le désespoir. J'étais enfin devant elle, j'armais lentement mon bras vers ma cible, elle n'avait pas remarqué ma présence. Un coup derrière la tête ne lui sera pas fatal, mais elle restera inconsciente un long moment. On verra si une personne attendra à son chevet, à pleurer et ne pas savoir si c'était de sa faute si elle était dans cet état. Ça y est, j'avais mis assez de force dans mon bras pour que mon poing puisse partir à pleine puissance. Je me lançais enfin, avec toute la rage que j'avais, avec toute la rancoeur que je portais envers elle, tout ceci se portait dans ma main, mon bras, mon corps tout entier.
Alors que je ne comptais plus les centièmes de secondes qui restaient avant l'impact, une présence apparu derrière moi. Elle attrapa mon bras avec toutes ses forces, elle réussit à stopper mon poing, par quelle magie avait elle réussit son coup ? Je me retournais pour voir de qui pouvait il s'agir. J'écarquillais les yeux sur le coup, je n'arrivais pas à le croire. C'était Rode qui tenait mon coude, il me regardait d'un air profondément désolé. Pourquoi avait il fait ça ? Alors que ce que mes actions étaient toutes pour lui ? Il prit une profonde inspiration et me demanda calmement:

- Attends s'il te plaît.

Route 208: 11h09

"- Qu'est ce que tu fabriques ?!"
- Je te retournes la question. lâcha t il avec l'air le plus neutre du monde.
"- Pourquoi tu m'as arrêtée ?!" m'emportais je sur le coup.
- Je sais ce que tu peux ressentir, et je suis profondément désolé, mais tu ne peux pas l'attaquer.
"- Mais pourquoi ?! Elle t'a fait trop de mal pour que je puisse la laisser partir ainsi ! Je veux qu'elle paye le centuple de ce que tu as enduré, quels que soient les moyens !"
- Elle ne va pas partir comme ça, je te le promet, mais on ne va pas la blesser... Attends un peu.

Il m'éloigna un peu de Cynthia, qui avait relevé la tête depuis que mon maître était intervenu. Elle avait des larmes qui coulait sur son visage, elle pleurait ? Pour quelle raison ? Pourquoi est ce que je comprenais de moins en moins ce qu'il se passait ? Mon maître s'approcha lentement d'elle, comme si il ne voulait pas effrayer une créature sauvage. Elle le fixait avec des yeux tout ronds, d'un regard qui faisait penser qu'elle était totalement perdue. Une fois qu'il était assez près d'elle, il posa doucement son énorme sac sur le sol et s'accroupit pour être à sa hauteur. Il la regarda calmement, tranquillement, il était en train de l'observer. Les deux restèrent ainsi pendant quelques secondes, sans qu'il ne se passe rien. Ce fut finalement mon dresseur qui brisa le silence, en lâchant tout simplement :

- Je suis désolé si vous avez eu peur, mais il faut la comprendre, vous auriez fait la même chose à sa place.
- Je... M'excuse pour son état actuel... bredouilla la jeune femme en gardant les yeux rivés au sol.
- On va dire que ça ira... Mais aujourd'hui, le sujet n'est pas à propos d'elle, mais de vous.
- Quoi ?
- Vous avez grandi avec cet homme... Baptiste, n'est ce pas ?
- Je ne vais pas te mentir maintenant... Donc oui.
- Très bien... Donc vous avez forcément des informations intéressantes sur lui.
- Que... Qu'est ce que tu veux dire par là ?
- Vous allez me dire tout ce que vous savez sur lui. répondit Rode avec le ton le plus simple et en sortant rapidement son carnet de la poche intérieure de sa veste.
- Non... Arrête... rechigna t elle en secouant la tête.
- Sachez qu'Anna lit dans les pensées, elle saura si vous mentez. Si c'est le cas, je la laisserais agir comme elle allait le faire il y a quelques instants.
- Tu ne dois pas le poursuivre... Tu comprends ?! s'énerva la blonde.
- J'ai besoin de vos infos, pas de votre avis. Maintenant veuillez tout me dire, sinon je ne donne pas cher de votre peau, malgré votre statut de maître.

Elle fixa mon maître dans le blanc des yeux, elle n'arrivait pas à croire ses propos. Dire qu'elle était là pour empêcher mon maître d'atteindre ses objectifs. Elle n'avait plus le choix, elle devait déballer son sac une bonne fois pour toutes. Elle se résigna finalement à donner les informations que mon dresseur voulait tant, avec un ton horriblement honteux:

- B... Bien... On a grandit tous les trois, avec ton père, à Célestia. Mais quand nous avions huit ans, Baptiste fut emmené dans un hôpital spécialisé à Charbourg.
- Il s'était blessé ?
- Non... C'était un hôpital psychiatrique, il avait tenté de tuer quelqu'un...
- Et c'est tout ce que vous savez de lui ?
- Ce qui pouvait t'être utile... finit elle en essayant de cacher son visage avec les cheveux.

Mon dresseur se tourna vers moi après les derniers mots de l'éplorée. Son regard me faisait comprendre qu'il voulait avoir mon avis sur ses propos, si elle avait dit toute la vérité. Je regardais une dernière fois son visage, elle était effondrée. Toutes ses convictions, sa volonté, s'étaient écroulées comme un château de cartes. Elle voulait à tout prix empêcher mon maître de poursuivre ce tueur en série, et maintenant elle ne savait plus quoi dire. Elle venait de l'aider du mieux qu'elle pouvait.
Je fis un oui de la tête pour lui faire comprendre qu'elle n'avait rien de plus à donner, que ça ne servait à rien de continuer à appuyer là dessus. Il me remercia d'un mouvement de tête ainsi que d'un léger sourire, se leva lentement et remit son sac sur le dos. Il tourna le dos à la jeune femme à genoux et se remit en route vers le chemin que nous nous étions tracés pour aujourd'hui. Il avait tout ce dont il aurait besoin, et il me signala par la pensée que nous avions assez prit de retard comme ça, qu'il faudra marcher pendant des heures. Alors que nous étions partit, Cynthia se releva immédiatement. Elle sécha ses larmes du revers de sa manche et nous lança :

- Vous n'irez pas plus loin !
- Ce n'est pas à vous de décider de la direction que je dois prendre. répliqua mon maître sans même se retourner.
- Si tu fais tout ceci, tu vas rentrer dans son jeu ! Tu vas tout perdre ! Ne sois pas aussi bête !
- Rentrer dans son jeu fait partie de mon objectif, restez en dehors de tout ça.
- Si tu ne peux pas t'arrêter tout seul... Je vais m'en occuper moi même !

Je sentais quelque chose, j'arrivais à visualiser son image, alors qu'elle se trouvait derrière moi. Même si elle était vraiment floue, je la voyais sortir quelque chose de sa poche. Elle avait un objet dans la main, rond. Je compris de suite qu'elle venait de prendre un Pokéball, elle allait engager un combat, je sentais que son désespoir s'était changé en un état semblable à la folie. Je me retournais immédiatement, ce que je voyais confirmait mes estimations. Il fallait à tout prix que je sois prête pour le duel, elle allait sûrement envoyer son Lucario. Je me mettais immédiatement en garde, histoire de me préparer à toute éventualité. Alors que je sentais l'heure du combat sonner, une voix étrange résonna dans ma tête :

- Êtes vous sûre de ce que vous faites ?

Je connaissais cette voix, je l'avais déjà entendue quand j'étais Riolu. Ce jour de pluie, quand j'avais volé un fruit pour mon maître. Un son qui ne faisait ressortir aucune émotion, aucun ressentit, qui appartenait à quelqu'un d'autre. Je me retournais immédiatement vers la source de la voix. Rode était toujours là, il ne s'était retourné qu'à moitié, on voyait le profil de son visage. Il fixait d'un seul œil celle contre qui nous allions nous battre, avec un œil rouge sang. Mon corps tout entier se pétrifia, je tremblais de partout, ses yeux me terrifiaient. Il ne me regardait pas, mais j'avais la conviction qu'il allait me frapper, comme lors de ce jour de pluie. Il ne bougeait pas de sa place, il ne daignait même pas de se tourner entièrement vers son interlocutrice. Il n'avait même pas un visage qui faisait transparaître la colère ou la folie, il ne faisait que scruter son opposante. Après avoir attendu quelques secondes, comme si il attendait une réponse, il émit un nouvel avertissement:

- Au moment où vous lancerez cette Pokéball, vous deviendrez une ennemie. Votre sort dépend de votre action. Êtes vous prête à courir le risque ?

J'essayais avec peine de me retourner pour voir la possible réponse de la jeune femme. Elle avait encore son bras en l'air, prête à envoyer sa capsule. Elle ne bougeait pas, elle tremblait de son corps tout entier. Ses yeux étaient grands ouverts, et on lisait la terreur sur son visage. Elle ne pouvait pas répondre, sa bouche ne pourra faire sortir aucun son tant qu'elle regardait ses yeux. Elle finit par tomber au sol, ses jambes ne pouvaient plus supporter la pression que venait d'exercer mon maître. Lorsqu'il la vit s'écrouler, Rode tourna les talons. Il se tenait la tête par la main droite, son crâne avait l'air de le faire souffrir. Il me rappela à l'ordre pour que je le suive, nous allions la laisser seule ici. Mes jambes mirent un moment à reprendre la possession de leurs mouvements. Mon coeur me faisait horriblement mal après la poussée d'adrénaline colossale que je venais de subir. J'essayais avec peine de mettre un pas devant l'autre, il me fallait plusieurs minutes pour me réhabituer des évènements qui venaient de se produire. Un fois que j'étais arrivée à la hauteur de mon dresseur, il tourna la tête vers moi. Il était trempé de sueur, et ses yeux vert foncés me faisaient comprendre qu'il souffrait de ses maux de tête. Il m'adressa un sourire timide et me demanda, avec beaucoup de faiblesse dans son âme:

- Ça va ? Tu as mis un peu de temps à me rejoindre...

Je lui fis rapidement comprendre que tout allait bien, je ne voulais pas le contrarier sous aucun prétexte, pas après ce qu'il venait de se passer. Je me permettais de regarder une dernière fois derrière moi. La ville dans laquelle il avait grandit, dans laquelle il m'avait élevée et dans laquelle nous nous sommes connus, devenait de plus en plus petite. Nous étions en train de quitter tout ce que nous connaissions avant, pour aller de l'avant. Notre voyage avait enfin débuté, nous auront à passer de nombreuses embûches, mais ça ne me faisait pas peur. J'étais prête à tout pour Rode, pour qu'il puisse accomplir son destin, pour que justice soit enfin rendue. Même si il fallait que j'en paie encore plus le prix, je ferais en sorte que notre monde puisse enfin exister, car il est mon dresseur, et je suis son Pokémon.