La barrière arcanienne
Je ne l'avais vu qu'une seule fois auparavant. Un ouvrage titanesque, épais comme un immeuble, impénétrable. Et pourtant, quelques postes de passage avec des rétrécissements, sévèrement gardés, étaient disséminés sur ses milliers de kilomètre.
La résistance devait s'infiltrer par l'un d'eux. Le défi serait de taille pour les nôtres.
Une poignée de soldats à peine pouvaient contenir des milliers d'homme. Beaucoup d'isshuiens allaient mourir avant même de fouler la zone occupée. Martin et Maurice connaissaient leur emplacement et seraient en première ligne.
La défense arcanienne ne se limitait pas au mur. Un champ de mine interdisait à une armée de lancer un assaut coordonnée. Enfin, il fallait s'emparer de tour de contrôle d'où l'on pouvait cribler à longue portée ceux que les mines n'avaient pas emportés.
Dans ce contexte, je ne voyais pas comment nous pouvions indemnes passer ces obstacles sans l'aide des isshuiens de l'autre côté. Avec l'éloquence d'Icar et la renommé de Lucien, peut-être parviendrions-nous à soulever le peuple. Une rafale de vent refroidit mes ardeurs.
A quelques mètres, Icar tremblait comme une feuille. Le climat de Johto et d'Hoen plus tempérés expliquait sa frilosité. Lucien tendit sa couverture. Pour que sa majesté n'attrape pas un vilain rhume.
L'amitié naissante entre les deux jeunes hommes me réjouissait. Enfin, mon frère trouvait un égal. Un autre garçon avec la même expérience du pouvoir, de l'honneur et du sacrifice à son paroxysme.
Je dissimulais ma propre frilosité. Habituée à ne pas beaucoup sortir, mon corps n'avait pas acquis cette résistance isshuienne au froid.
Icar hésita, estima mon propre état, rassuré, il accepta de bonne grâce.
Si quelqu'un d'autre le lui avait proposé, très certainement il aurait refusé.
Je n'allais pas mourir de froid. La peau de Lucario était un excellent thermostat.
J'admirais tant mon pokemon. Toutes ces années, dans l'état où j'étais, il ne m'avait jamais quitté.
Oh combien les sorties que nous faisions en forêt étaient précieuses pour moi ! Qu'elles me manquent ! Cette soirée qui soulevait plein de doute fut balayé par le froid et par l'union avec mon Lucario.
- Il est magnifique, n'est-ce pas ? Quand nous étions livrés à nous-mêmes dans les montagnes d'Hoenn et de Sinnoh, je blottissais mon corps encore frêle d'enfant contre le sien, comme toi.
- Je suis désolé d'exacerber ta tristesse, prince.
- Non, au contraire, cette image m'apaise. J'étais inquiet que l'aura soit tombé entre de mauvaises mains. Je ne te l'ai pas encore dis, mais je pense que l'aura est plus brillante en toi qu'elle n'a jamais été.
J'étais surprise de tous ses éloges auxquels je ne m'habituerais jamais.
Le fait que je sois aveugle faisait que je comptais plus sur l'aura pour me guider que sur mes propres sens.
D'autre part, l'aura de Lucario et la mienne étaient étroitement liées. Il m'avertit des dangers que cela représentaient. Cela expliquait pourquoi la colère de Lucario était contagieuse.
Nous formions une symbiose. Sauf que je n'étais pas habité par un légendaire, l'autre parti de mon âme se trouvait vulnérable à l'extérieur de ma chair.
Icar souligna le fait qu'un nouveau gardien était particulièrement vulnérable les premières années.
Ses premières aurasphères, Icar avait pris cinq années à les parachever.
Bien que j'entrasse dans ma troisième année, Icar avait foi en mes capacités.
- L'aura est très puissante. En phase avec Lucario, tu glisses avec le temps. Tu voles celui de tes adversaires. Tu bloques des balles, dissipe des explosions, bloque l'énergie, la restaure, vois les sons, les odeurs, les ressemblances. Tu deviens immortel. Mais tu es incapable de protéger les autres. N'oublie pas, ton aura ne peut pas s'étendre à l'aura des autres vivants. Elle est comme un sixième sens, mais elle ne protègera que toi du danger, ni ceux que tu aimes, ni tes pokemons.
- Je comprends, murmurais-je.
- Je crois que des gens s'approchent, prévint mon frère. Je vais chercher ma mère.
Il revint quelques instants plus tard accompagné de Janna qui semblait être sorti d'une trance. Ses yeux brillaient étrangement.
Elle prit la main d'Icar et maudit de ne pouvoir créer un deuxième clone. Le premier lui coûtait trop d'énergie.
Voici le moment que nous attendions.
Si le plan fonctionnait comme prévu, nous serions de l'autre côté du mur.
De notre côté, la zone libre. De l'autre, la zone occupé depuis treize ans.
Je ne gardais que des vagues souvenirs des villes avant leur destruction.
Qu'étaient devenu les isshuiens sous l'occupation ?
Le prince et la spiritueuse s'étaient téléportés dans un pop et s'avançait mains en l'air vers la patrouille d'arcanien.
J'étendis mes sens pour m'assurer qu'ils seraient hors de danger.
Les arcaniens s'étaient figés en reconnaissant Icar.
Celui-ci ,adoptant l'attitude royale que je lui connaissais, leur présentant Janna comme la spiritueuse que le dictateur voulait. Les Arcaniens connaissant les ordres, ligotèrent leur mains, couvrirent leur visage d'un bandeau et les conduisirent vers le poste le plus proche, les tenant en joute.
Je rassurais Lucien sur leur état.
Nous les suivîmes discrétement et observèrent avec une pointe d'angoisse les immenses portes les engloutir.
Maintenant, nous devions laisser passer un peu de temps.
Grâce à l'aura, je pouvais dire qu'une demi-heure s'était écoulée.
Je mis mon foulard jaune, bien visible, et m'emparait de ma canne d'aveugle et m'agrippait à mon frère. Il s'empara d'une lanterne aussi brillante qu'un phare en pleine tempête et nous firent quelques pas avant que les portes ne s'ouvrent à la dérobée.
Une dizaine d'Arcaninen nous encerclèrent, leur arme braqués sur mon frère.
- Ne tirez pas !. Sa voix avait un accent très prononcé qui saillait avec le rôle de simple paysan qu'il devait jouer.
- Que voulez-vous ? Cracha un des hommes à la manière si désobligeante des arcaniens.
- Ma femme est aveugle, larmoya mon frère le nez coulant à flot, elle ne survivra pas longtemps. Je veux m'engager dans l'armée en échange qu'on prenne soin d'elle.
Les arcaniens éclatèrent d'un rire moqueur.
Le même soldat s'approcha de moi et retira brutalement le foulard qui me couvraient. Il scruta mes yeux et s'estima satisfait. Son aura vibra un court instant me révélant que sa fille était aussi aveugle.
- Suffit, cracha-t-il à ses hommes qui se mirent au garde à vous, vous connaissez les ordres. Nous accueillons tous nos compatriotes qui veulent contribuer à la grandeur arcanienne et prenons soin de leur femme, chanta-t-il sur un air d'hymne nationale.
Je n'en revenais pas. Leur capitaine n'était pas Arcanien mais l'un des nôtres.
Je me repris juste à temps pour ne pas révéler ma surprise.
Jugeant que nous ne représentions aucun danger, ils nous conduisirent dans un long couloir sombre, tachetés par endroit de sang et de vomis.
Je dus faire preuve de toute la maîtrise dont j'étais capable pour réprimer une moue de dégoût.
Une porte dérobée pivota et on nous sépara.
J'étendis mes sens vers mon frère.
Il suivait toujours les yeux bandés le traître isshuien.
- Bon le rigolo, écoute bien, ta femme, elle est notre otage, capiche, dit-il en pointant un doigt menaçant. Si t'es un déserteur, on s'amuse avec et on lui tranche la gorge. Mais si tu meurs en héros au front, elle sera prise en charge jusqu'à sa mort et ne manquera de rien. C'est compris !
- 5 sur 5, mon capitaine !
Il apprécia et le conduisit vers un grand hall souterrain d'un pas militaire que Lucien imita gauchement.
Je frissonnais. Nous n'avions pas songé aux galeries souterraines.
Des tonnes munitions et des vivres y étaient entreposés. C'était une vrai fourmilière.
Notre rébellion ne passerait jamais ça !
Un homme en blouse blanche s'approcha de mon frère.
Le capitaine lui résuma la situation et le psychiatre souri comme un psychopathe.
Deux gardes le firent asseoir avec brusquerie sur une chaise et lui défirent son bandeau.
- Bienvenu, nouvelle recrue ! Je suis le docteur Strange, chargé d'étudier votre profil. C'est moi qui déciderais où vous serez affecté. Commençons les tests !
Il sortit des tâches aux teintes édulcorés et commença l'interrogatoire.
- Que voyez-vous ? Des écremeuhs, dîtes-vous, je m'en serais douté. Il griffonna quelque chose sur un bloc note, d'une écriture en patte de mouche. Vous avez rencontré votre femme où exactement ?
C'est ma cousine.
- Hiii ! Des mariages consanguins, vos traditions me répugnent. C'est ce qui me fascinent chez vous autres Isshuiens du Nord. Mon frère serra ses poings sous la table. Je priais pour qu'il ne fasse pas de geste qu'il regretterait.
- Je l'ai marié très tôt, j'avais 12 ans, précisa Lucien.
- Hummmm. Pourquoi vouloir servir L'arcanie aujourd'hui ? Minauda le docteur Strange.
Ma cousine est aveugle à cause d'un accident depuis peu. Elle est très maladroite.
Je vois, très bien. Il me reste un dernier test à vous faire passer, dans votre cas, il n'est pas indispensable. Mais les règles sont les règles. Bien veuillez entrer dans cette pièce et regarder la vitre en verre. Voilà, les épaules droites, parfait.
Lucien souffla profondément. Nous recourions au même test au village.
Des hommes étaient disposés derrière la vitre et essayait d'identifier mon frère.
Soudain, l'un d'eux, un vieux rabougri à la moustache épaisse, hurla sa joie.
- J'ai trouvé qui il est ! Et il vaut de l'or.
- Nous vous écoutons. Le docteur Strange était intrigué, il ne se trompait que très rarement, sauf si le demeuré Isshuiens était un excellent comédien.
- C'est le fils du chef des rebelles ! Beugla-t-il. Il est le numéro deux de la résistance. Il a un aussi une sœur, je crois, cheveux châtains, lèvres pulpeuses, un vrai canon.
- Une sœur ? Murmura le docteur Strange. Capitaine, amenez-moi la prétendue femme de cet imposteur !
J'émergeais dans mon propre corps.
Je pestais, j'avais toujours les yeux bandés et les membres liés.
Je m'agitais pour tenter de faire céder mes liens.
Une voix de femme me rappela à l'ordre, m'assurant que je n'avais pas de soucis à me faire si mon frère passait le test. Je serais bientôt libéré. Elle-même était passé par là.
J'étendis mon aura vers Icar et Janna, mais ne les trouvaient pas. Ils étaient trop loin et je n'étais pas en forêt aux pieds d'une chute d'eau pour me calmer.
Mentalement, je priais Lucario d'intervenir et lui indiquais la direction.
Il sauta sur le dos de Ptéra.
Ils atterrirent de l'autre côté du mur sans être découverts.
Lucario chargea son aurasphère et détruisit la porte.
Ils étaient à présent dans le couloir sombre.
Aussitôt ils furent criblés de balles. Joignant ses deux pointes sur ses mains, il lança un strido-son, ce qui les obligea à lâcher leur armes et à se couvrir les oreilles.
Ptéra piqua et les percuta comme des quilles.
Un gaz toxique envahit soudain le couloir. Ptéra le dissipa d'un coup d'aile.
Après quelques tentatives infructueuses, Lucario défonça l'épaisseur d'acier et s'y engagea.
Il déboucha sur une cour, où une armada de pokemon feu l'attendaient.
Il évita les premiers jets puis fut touché.
Ptéra se mit en rempart contre leur assaillants et les cribla de rochers.
Dès que Lucario perdit connaissance, le contact visuel avec Lucien se termina.
Mes forces me quittèrent et mon champ de vision se rétrécit à mon environnement immédiat.
Au même moment, la porte s'ouvrit et des gardes s'emparèrent de moi.
Sans liens, j'aurais pu en venir à bout, mais mieux valait jouer profil bas.
Ils me ruèrent de coup, la femme à mes côtés hurlait et les priait d'avoir pitié de moi, elle reçut une gifle qui la réduisit au silence.
Je luttais pour rester éveillé. Je devais pouvoir faire quelque chose.
Soudain, je me souvenais des paroles d'Icar devant le mur.
L'aura pouvait restaurer l'énergie !
Usant de toute ma volonté, je transmis une vague revigorante à Lucario.
Il reprit connaissance.
Notre lien restauré, mes forces retournèrent.
Mes liens déchirés, je donnais un coup sec dans l'estomac de l'homme qui me plaquait au sol.
Il roula inconscient sur le côté.
Je me remis debout et entamait ma dance d'énergie.
En quelques frappes, les hommes gisaient au sol.
La femme m'offrit un sourire lumineux.
- Lucien ! me rappelais-je.
Je me précipitais au dehors.
Une dizaine de soldats me tenaient en joug.
Je respirais profondément. Icar avait dit qu'il avait autrefois réussi à glisser sur le temps.
Le moment était venu de voir de quoi l'aura était réellement capable.
Il serait difficile d'expliquer comment j'ai évité toutes leurs balles.
Je sentais les trajectoires. Mon corps d'une détente se plaçait où il fallait.
Lucario m'envoyait en même temps des images de son combat. Après avoir repoussé les pokemons feu, il filait vers le grand hall. Notre lien se resserra encore.
Mes mains s'illuminèrent d'une lueur chatoyante.
J'arrêtais les balles en utilisant mes mains comme bouclier.
Arrivé à leur portée, je bloquais leur énergie. Ils tombèrent au sol incapables de bouger un cil.
J'arrivais juste à temps et maitrisait des tireurs embusqués.
Leurs balles n'avaient pas traversé la peau de mon frère.
Une vitre se brisa et Lucario et Ptéra se joignirent à nos efforts.
Mais de plus en plus d'arcaniens venaient grossir leur rang.
Nous devions retrouver Icar et battirent en retraite.
Ptéra joignit son hurlement au strido-son de Lucario, ce qui nous laissa le champ libre.
Maintenant que Lucario se tenait à mes côtés, je n'eus aucune difficulté à localiser le prince.
Néanmoins, Janna demeurait introuvable ce qui signifier qu'elle était déjà en route vers L'Arcanie.
Icar avait pris en otage le directeur général, une vingtaine d'arme étaient pointées sur lui.
Nous fîmes irruption dans le bureau comme un ouragan. Les arcaniens partagèrent le sort de leur collège.
- Directeur, vous êtes mon prisonnier maintenant, sourit Icar. Alors, où sont les otages !
Et où est ma mère ? S'inquiéta Lucien.
- Je ne dirais rien, le nargua l'homme. Tu es un sot prince. En livrant la spiritueuse, tu aurais pu au moins vivre, le Suprême va t'anéantir.
- Il nous fait perdre notre temps. Laisse-moi l'assommer.
- Je sais où sont les otages ! M'exclamais-je.
Avec notre otage, les arcaniens nous laissèrent filer.
Les Isshuiens avait été enfermé au plus profond des galeries dans une grotte aux dimensions abyssales. Un lac les fournissait en eau. Ils n'avaient pas vu la lumière du jour depuis des semaines et étaient dans un état déplorable.
Néanmoins, nous ne pouvions pas nous apitoyer sur leur état, les arcaniens nous bloquaient la sortie.
Icar s'empressa de capter leur attention et déclina son identité et celle de mon frère.
Tout le monde avait entendu parler du 'colosse de pierre', ce qui ralluma l'espoir dans leur regard vide.
L'armée va venir vous libérez dans deux jours. Nous avons été envoyés pour assurer votre sécurité jusque-là.
Des cris de joie résonnèrent dans toute la grotte et tous se pressèrent autour de mon frère pour toucher leur sauveur et l'acclamer.
J'étais heureux d'être moins connu que lui en ce moment.
Je distinguais au sommet des ouvertures par lesquels la nourriture étaient acheminés aux prisonniers.
- Là-haut, indiquais-je.
- Impossible, réfuta Icar, Ptéra ne peut pas tous les transporter. Puis une idée germa dans son aura, mais toi tu peux t'enfuir par là et chercher de l'aide !
- Je ne vous abandonnerais pas ! M'offusquais-je.
- Réfléchis ! Dans deux jours, l'armée sera là. Avec ton frère et Ptéra, nous pouvons les repousser pendant ce temps. Nous avons l'eau du lac pour survivre et je parie qu'il est rempli de poisson.
- Icar a raison, avec l'aura, tu as les meilleurs chances de survie en zone occupé. Profites-en pour organiser un soulèvement de l'intérieur !
J'étais très touchée par leur confiance.
L'idée de me séparer d'Icar était plus douloureuse que je ne voulais l'admettre.
Je me faufilais par la mince ouverture où Icar et Lucien n'aurait de toute façon pas pu passer.
Par la grille d'acier, je caressais affectueusement Ptéra et lui faisait promettre de veiller sur mon frère et le prince.
D'une discrétion absolue, j'évitais les patrouilles et les mines grâce à l'aura.
Une fois les tours de contrôle passées, j'avais réussi.
Devant moi s'étendait la zone libre.
Lucario se jeta sur une bute de foin.
Nous échangeâmes une mine fatigué. Nous avions deux petits jours pour soulever les Isshuiens.
D'un 'hop', je lui intimais de se relever, la capitale d'Isshu était à deux jours de marche.
Il nous faudrait courir comme des forcenés l'Arcanie toute entière à nos trousses.