Et la lumière fut
Tout commence il y a 100 ans.
Je naissais à Volucité, capitale de la république d'Isshu.
Nous vivions des temps troublés.
Notre plus grand allié, le royaume de Kanto fut annexé par son voisin.
Le Johto du passé était un paradis sur terre jusqu'à ce que profitant d'une révolution populaire au cours de laquelle le peuple renversa le roi Adamant le tyrannique, un homme en profita pour instaurer une dictature impitoyable.
Cet homme était un spiritueux, c'est-à-dire que l'esprit d'un pokemon légendaire ne faisait qu'un avec le sien.
Comme vous le savez, lorsque un tel pouvoir tombe entre de mauvaises mains, les conséquences sont désastreuses. Le dictateur contrôlait à présent deux armées. Aucune autre nation ne pouvait l'arrêter. Aucune ne disposait d'armée régulière. Les dresseurs de pokemon garantissait normalement l'ordre et la sécurité de tous.
Je naissais dans une ville qui se consumait à présent dans les flammes, carbonisant mes souvenirs. Il fallait fuir pour survivre. Ceux qui furent chanceux se réfugièrent dans les montagnes de l'ouest, encerclés de toute part.
Je venais de fêter mon dixième anniversaire quand une bombe fit exploser les quartiers sud.
Je disparaissais derrière les décombres d'un bâtiment en ruine.
Une poutre s'effondra sur moi et me perça les yeux. Je manquais d'air.
Mon histoire aurait pu s'arrêter là.
Soudain, la poutre se souleva comme par magie. Une voix télépathique résonna dans ma tête. L'accident m'avait rendu aveugle mais je retrouvais mon père saine et sauve. J'apprenais que Victini m'avait sauvé. Les flammes qui carbonisaient tout s'éteignirent.
Tous les légendaires de la région nous vinrent en aide.
Le sud et la capitale étaient au main de l'ennemi mais le nord était à l'abri.
Les Arcaniens guerroyaient sur plusieurs front.
Plutôt que de nous traquer dans les montagnes, ils construisirent un mur d'acier pour nous piéger. Nous avions payé un lourd tribut. Le seul rescapé parmi les légendaires était Victini.
Mon père participa à leur cérémonie mortuaire.
Lorsque l'on embrasa leur corps, des lumières montèrent au ciel.
Des nouvelles de nouveau-né dôtés des mêmes pouvoirs que les légendaires défunts circulèrent quelques mois plus tard. L'arcanie envoya des hordes pour les capturer.
Les bébés disparurent pour être éduqués comme arme en Arcanie.
A l'époque, j'étais une fille perdue dans une guerre dont la complexité m'était inaccessible.
Je n'étais pas seule.
Mon père se préoccupait beaucoup de mon bien-être.
Il m'offrit un Riolu pour me réconforter.
Et puis il y avait mon demi-frère Lucien. Sa naissance me remplit de joie.
Il avait l'air d'un enfant normal. Je découvrais en touchant sa peau sa vrai nature : un spiritueux.
Avant quand un légendaire décédait, le spiritueux touchait un œuf sacré d'Arcéus puis devenait le dresseur du légendaire. L'âme des légendaires s'enrichit continuellement à chaque réincarnation. Cela les rapprochent de nous.
Sauf que Arcéus disparut sans laisser de trace !
Voici donc mon histoire, je vais essayer de raconter les faits à la manière d'une jeune femme de vingt ans.
Il faut du temps pour que des choses évidentes deviennent soudain limpides. Sans crier garde des mystères se résolvent alors qu'un instant plus tôt, vous peigniez à regarder droit devant vous. Un matin, je sentis une chaleur indécise naître en moi. Des maux de tête m'assaillirent, une énergie pulsait dans mon cœur. Les rêves confus de ma jeunesse devinrent limpides comme un courant d'eau fraîche. Je rêvais des faits réels que je n'avais pas vécu.
Des visions de ma mère, de mon père et des batailles contre l'Arcanie défilaient. Le passé m'offrit des parcelles de secrets.
J'avais le sommeil agité, troublé par des scènes de guerre.
Tantôt, je reconnaissais les rivages d'Hoenn où Kyogre et Groudon retenaient à eux seuls une armée gigantesque, tantôt des pokemons méga-évolués repoussaient des assauts d'arcanien. La vue des violences et des exactions me fit prendre conscience de ma passivité dans le cours des choses.
Pire que d'être bonne à rien est de ne servir à rien.
Alors je priais Arcéus et tous les légendaires de la Terre. Mais aucune aide ne nous vint.
Victini, seul survivant, disparut sans un au revoir.
Les états-fédérés de Kalos, Sinnoh et Hoenn étaient trop occupé par la guerre à leurs portes pour nous venir en aide. Malgré ma cécité, je devais prendre part d'une quelconque façon à l'effort de guerre et veiller à ne pas être un fardeau.
Je me sentais de plus en plus comme tel. Lucien en grandissant avait perdu l'innocence de la jeunesse. Sa sœurette ne l'intéressait plus. Il se donnait corps et âme à la rébellion.
Cela empira quand notre père fut élu commandant des forces armées.
Son statut privilégié de spiritueux lui monta à la tête.
Il me restait un vieil ami pour l'éternité sur lequel je pouvais compter.
L'attachement qui me liait à Lucario était sans faille.
Il s'occupait de moi. Il me prenait par la main et m'emmenait à cœur des montagnes.
Un jour, je me perdis en glissant au fond d'une crevasse.
Ma cheville me faisait atrocement mal.
Je pouvais entendre Lucario m'appeler, me secouer pour me faire revenir à moi.
Puis une lumière enveloppa Lucario, se compacta dans la paume de ses mains.
Il me tendit une sphère bleu qui pétillait tellement d'énergie que même un sourd aurait entendu son appel irrésistible.
Elle entra à l'intérieur de moi au niveau de mon cœur puis une partie de l'énergie retourna à Lucario.
Nous étions liés à jamais par l'aura jusqu'à ce que la mort vienne nous séparer.
Le processus achevé, le mal à ma cheville avait cessé de m'accabler.
Je me relevais et distinguait un cœur qui battait d'énergie.
Je voyais mon propre cœur !
Mon attention se dirigea vers le restant de mon corps. Tout était lisible, les veines, les artères, le détail de mes poumons, même un neurone ne m'échappait pas !
Je pouvais élargir le champ de lecture de l'aura à des kilomètres à la ronde.
Cependant cela était étroitement limité à la proximité de Lucario.
Nous reprîmes de plus belle nos escapades.
Ma cécité ne me gênait absolument plus. Je pouvais enfin entraîner mon pokemon !
Je rêvais de pouvoir me mesurer à mon frère pour lui faire ravaler sa fierté !
Lucario progressait avec efficacité et en retour, il m'apprenait à focaliser mon attention sur les points d'énergie vitaux des êtres vivants.
Je retrouvais ma joie de vivre en sa compagnie.
Sa bonne humeur était un précieux stimulant. Il m'imposait des épreuves d'acrobatie toujours plus ardues.
Ma belle-mère Janna qui s'occupait de ma bonne santé remarqua des changements mais s'abstint d'en faire part à ma famille.
Elle était d'une extrême intelligence. Ses conseils ne tombaient pas dans l'oreille d'un sourd chez mon père et résonnaient la tête brûlée de Lucien.
La proximité de Janna avait quelque chose de réconfortant comme si une onde de bien-être vous traversait. Mon champ de vision était étrangement plus clair à ses côtés, je percevais mieux les crépitements d'énergie à travers lesquels je voyais désormais le monde.
Au village, il fallut du temps à mon père et à mon petit-frère Lucien pour chasser l'image de la fille aveugle sans défense.
Cela ne se fit pas sans heurt et je dus leur montrer de quoi j'étais capable en défiant mon frère.
Lucien n'était pas encore majeur mais c'était sans aucun doute l'homme le plus dangereux d'Isshu.
Rien dans son apparence juvénile, sa petite taille, sa frimousse d'ange ne laissaient soupçonner de quels prodiges il était capable.
Il n'avait jamais été qu'un homme, il était aussi pokemon.
Ou plutôt l'esprit d'un pokemon vivait à l'intérieur de lui. Deux âmes qui cohabitaient dans le même corps.
Pas un pokemon commun que la mort finit par rattraper qu'il soit Papilusion ou Pyrax.
La créature avec laquelle il formait une symbiose était légendaire.
La légende raconte que lorsqu'un légendaire sent sa fin approcher, il choisit un bébé qui va naître comme hôte pour son esprit. Une fois les deux âmes liées, rien ne peut les séparer à part la mort de l'homme.
Ensemble, l'homme et le pokemon forment un spiritueux.
Mon frère contrôlait la caillasse, les rochers, la rocaille, en un mot, tout ce qui était minéral.
Il avait à lui seul décimé des patrouilles entières d'arcanien sans prendre une éraflure.
Pour cause, sa peau était aussi dure que de la pierre. Si par malheur pour nos ennemis, il plantait ses pieds solidement dans le sol, une avalanche de pierre les recouvraient.
Bien entendu, il ne fallait pas que l'Arcanie ait vent de ses capacités. Les Spiritueux étaient traqués comme des bêtes. Les soldats défaits disparaissaient donc sans laisser de traces et l'Arcanie pouvait éventuellement attribuer ceci à des actes de rébellion.
Les gens de notre vallée le surnommait 'le colosse de pierre'.
C'est à cette légende vivante qui résumait à lui seul l'espoir de tout un peuple, occupé par les Arcaniens depuis treize année, que je voulais me mesurer.
Mon frère se voila d'inquiétude. Il chargea sa mère de me raccompagner à la maison avant qu'il ne soit obliger de lui-même s'en charger.
Ma belle-mère voulut se saisir de moi, mais j'évitais souplement ses tentatives de m'agripper.
Je considérais Janna comme ma propre mère. Elle était très protective et s'occupait de moi au quotidien. Elle me conseilla de ne pas insister. Son fils avait eu une rude semaine à contenir le flux de migrants qui convergeait vers le village à la recherche de sa protection. Je n'avais pas le droit de lui faire perdre son temps. Mon frère se rapprocha de moi et me glissa à l'oreille qu'il avait des choses importantes à régler et qu'il passerait me voir tard dans la soirée.
Il se détourna de moi comme il l'avait toujours fait. Il considérait sa demi-sœur comme un fardeau.
Ne se rappelait-il plus que jusqu'à mon terrible accident qui m'avait coûté la vue, treize ans plus tôt, je m'étais occupé de lui comme une mère avant que Janna ne soit rapatrié du front, mutilé du bras gauche.
Voici ce que j'étais au 'colosse de pierre', rien de moins qu'un fardeau à porter. Je n'en pouvais plus de cette situation oppressante. Cependant, la force de l'affronter me manquait à chaque fois.
Je sentais alors que Lucario émergeait de la forêt à des kilomètres de là et nos auras s'unirent.
Mon ami avait senti ma détresse et venait me soutenir. Il n'avait jamais beaucoup aimé l'attitude arrogante de mon frère.
J'esquissais un sourire mauvais alors que je commençais à distinguer les personnes, les énergies, les humeurs.
Celle de mon frère était massacrante.
Je jetais mon bâton d'aveugle à terre et hurlait à plein poumon son nom.
Je le savais intrigué par la force de ma détermination.
Je lui expliquais une fois de plus ce qu'il ne comprenait pas.
Que j'avais changé, que mon cœur était lié à Lucario, que je n'étais plus aveugle comme avant. Qu'il me confie une tâche quelconque, que je voulais l'aider.
J'étais au bord des larmes, déversant ce que j'avais refouler pendant toutes ces tristes années.
Mon frère était alors entré dans une colère incontrôlable comme cela ne lui était jamais arrivé.
Il hurla mon nom, me prit si brutalement le bras que je n'eus pas le temps de l'éviter et me secoua frénétiquement me demandant de quitter le village parce que je le génais.
Enfin, il avouait publiquement. Un poids quitta mes épaules.
Janna à mes côtés pour me soutenir si je défaillais, considéra son propre fils avec dégoût.
Après avoir repris le contrôle de lui-même, il parla avec gravité réitérant sa demande que je ne sois plus dans ses parages, que j'aille vivre ailleurs.
Au bout de mon aura, je sentais celle de Lucario crépiter de fureur, brûler dans une lueur rougéenne.
J'essayais de la repousser mais il venait d'atteindre la place où nous nous trouvions, rapprochant encore nos deux esprits.
Je cédais et sa fureur m'envahit.
Aveuglé par la rage, Lucario se précipita vers mon frère en le chargea avec un os épais comme une lance. Il fut percuté par Ptéra, le compagnon d'éternité de Lucien avec lequel il pouvait communiquer, être fait de pierre qu'il était.
Mon frère avait toujours été un excellent dresseur. Il était le général prodige qui formait les vénérables de la résistance isshuienne alors que ma cécité m'avait empêché d'entrainer convenablement Lucario.
Pourtant, aujourd'hui, mon ami ignorait la douleur qui l'accablait et livrait un combat à mort pour moi, pour mon honneur bafoué.
In extremis, il toucha Ptéra d'une aurasphère et le mis au tapis.
Lucien se mit aussitôt en mouvement.
Devant ses pieds, la terre s'arracha soudain et une nuée de rochers de la taille d'une main percutèrent Lucario avant qu'il ne puisse réagir.
Soudain, je fus libéré de l'aura rouge de colère et repris le contrôle de moi-même.
C'était à mon tour d'intervenir. Attaquer le général prodige, le colosse de pierre, le second chef après mon père - qui malheureusement ne se trouvait pas là - revenait à une trahison et était puni de mort.
La seule façon pour le sauver d'un sort tragique et injuste, c'était de prendre sa place et vaincre Lucien. Il s'ensuivait souvent la mort mais il fallait juste mettre l'adversaire au tapis pour gagner.
Je prenais mon courage à deux mains et je me mettais entre lui et Lucario, scellant ma demande.
Jamais Lucien n'aurait accepté, mais s'il voulait conserver son honneur et donc les chances de survie de notre peuple qui étaient intimement liés, il devait exécuter Lucario selon nos lois, et donc accepter mon défi en me passant sur le corps.
Mon frère demeura indécis un bon moment, puis il parvint à la même conclusion que moi.
Il s'approcha avec précaution, cherchant comment me mettre au sol sans me toucher.
Un bloc de pierre se détacha sous mes pieds et menaça de me faire perdre l'équilibre.
Je bondis comme Lucario l'aurait fait, me plaçant hors de danger.
Le bloc de pierre passa à quelques centimètres sans m'arrêter.
Janna me cria son soutien.
La concentration de mon frère vacilla un instant sous le coup de la surprise.
Ses lancers suivants devinrent moins précis. J'arrivais à sa hauteur. Une pierre rectangulaire haute de trois mètres sortit du sol permettant à Lucien de se remettre en garde.
Pendant ce temps, Lucario était revenu à lui et joignit son énergie à la mienne.
Les flots d'énergie dans le corps de mon frère devinrent des canaux de pouvoirs. Je pouvais sentir la présence du légendaire et comment il était connecté à Lucien.
Un point était plus lumineux que les autres. Je sus ce qu'il convenait de faire pour éviter une issue tragique.
Je changeais de direction évitant son poing qui effleura du vide et frappait à la base de son cou le centre d'union où convergeaient les canaux.
Lucien tituba un instant, mais sa peau dure l'avait protégé et il se remis en garde.
Je pensais avoir échoué. Lucien prit de l'élan et leva ses mains de la terre vers les cieux mais il ne se passa rien. Je poussais une exclamation de surprise en même temps que lui.
J'avais réussi ! J'inspectais son aura et observait des canaux de couleur différente qui ne se mêlaient plus.
Je devais faire vite, ils pouvaient se relier à tout moment.
Mais la chance était avec moi. Mon frère était tellement stupéfait que son pouvoir soit au point mort qu'il ne se débattit que faiblement et céda du terrain.
Certain villageois secrètement hostiles à l'attitude de mon frère à mon égard imitaient Janna en m'encourageant pendant que d'autres préoccupés par la stabilité de la résistance s'inquiétaient qu'une femme aveugle prenne la seconde place la plus importante par pur soucis de réglement de compte.
Le fait que Lucario croît à ce point en moi me donna des ailes et je sentis des nouvelles parcelles de pouvoir s'ouvrirent comme des écluses qui déversent un torrent détruisant tout sur son passage.
L'aura était comme de l'eau, douce en général, elle devient torrentielle si on la provoque.
Je captais un deuxième point plus lumineux que les autres. En le touchant, la peau de Lucien perdit la solidité de la pierre le rendant enfin sensible à mes coups.
Le premier dans les poumons lui coupa le souffle le pliant en deux, un second dans l'estomac, le centre de l'énergie du corps, le paralysa.
Il tomba au sol ,entièrement à ma merci, comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils.
Par la providence du destin, mon père était rentré de sa campagne de reconnaissance des troupes ennemis au moment où je remportais le défi.
Je le rassurais immédiatement. Ce n'était pas mon intention, je savais que notre cause avait besoin de mon frère, qu'il était compétent et apprécié par notre peuple. Je ne briguerais pas ses fonctions.
Il méritait cependant d'être remis à sa place.
Mon père était partagé entre deux sentiments contradictoires.
L'attitude de Lucien avait été inacceptable depuis toutes ces années mais j'avais agi par pur soucis de vengeance, mettant en danger le village.
Lucien mit effectivement trois jours à retrouver ses pouvoirs et son lien avec le légendaire qui l'habitait.
J'éprouvais un peu de remord pour la forme car il eût été vrai qu'en cas d'attaque, nous aurions été privé de notre arme secrète.
La punition de Lucien fut d'être contraint d'errer en forêt pendant deux semaines pour réfléchir sur ses convictions. Il partit sans dire au revoir, accompagné de ses deux amis, Maurice et Martin.
Connaissant mon frère, il utiliserait l'occasion pour trouver un moyen de passer le mur d'Acier.
C'était devenu son obsession les dernières semaines mais ses devoirs envers la résistance l'empêchaient de s'y rendre. Son père venait de réaliser son vœu le plus cher !
Ma punition fut tout aussi sévère. Je fus obligé de remplacer mon frère à son poste de vice-président et général de la résistance jusqu'à son retour, ce dont j'avais toujours rêvé.
La désillusion fut grande. C'était un emploi à plein temps très fatiguant et très ingrat.
Rien à voir avec le fonction honorifique que j'imaginais.
Je commençais à comprendre ce qui avait éloigné mon frère de moi durant toutes ces années.
Après une semaine laborieuse, je parvenais néanmoins à imposer mon style en privilégiant plus l'aspect social que l'aspect restructuration des échanges commerciaux. Mais l'un dans l'autre, avec le blocus maritime et le mur d'acier qui nous séparaient du restant du monde, notre économie fragilisée par la guerre incessante était au bord de la faillite.
Certains villages en proie à des famines acceptaient la tutelle arcanienne. Leur village était rasé de la carte.
Les hommes étaient alors enrôlés dans l'armée et envoyés au front à Hoenn en échange de quoi les femmes, les enfants et les vieillards étaient pris en charge dans la zone occupé de l'autre côté du mur d'acier, ce qui revenait à accepter une vie de servitude.
Ainsi, l'espoir de vaincre diminuait de jour en jour et je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir d'avoir pris la place de mon frère, même temporairement dans ce contexte.
Malgré moi, mes pensées allaient souvent vers lui et je l'imaginais en train de trouver une faille dans la barrière infranchissable.
Mes inquiétudes s'accrurent quand au bout de deux semaines Maurice et Martin revirent au village seuls.
Lucien, disaient-ils, avait beaucoup réfléchi et regrettait la façon dont il m'avait traité. Il avait spontanément prolongé sa peine d'une semaine pour méditer en solitaire.
Je ne les croyais qu'à moitié mais quand mon frère revint une semaine plus tard, je ne pus que constater qu'il avait effectivement changé en profondeur. Il était plus posé, plus réfléchi et surtout incroyablement humble.
Je lui avouai que j'avais du mal à le reconnaître.
Il concéda qu'il éprouvait la même chose à mon égard.
Il est vrai que les trois semaines que j'avais passé au pouvoir m'avait endurci.
J'avais pris de l'assurance et je n'avais plus rien d'une fille aveugle sans défense.
Je lui avais bien sûr pardonné.
Je l'embrassais tendrement sur la joue tandis qu'il me prit dans ses bras avec la même chaleur que lorsque nous étions enfants.
Ce fut l'un des plus beaux jours de ma vie.
Curieuse, je lui faisais part de ma surprise qu'il ait trouvé tout seul autant de réponse.
Cela lui prit plusieurs jours pour m'avouer qu'il avait rencontrer une personne remarquable la troisième semaine, qui l'avait nourri de sa sagesse.
Mon frère ne tarissait pas d'éloges à son égard.
Il partit d'un rire franc et me promit de me le présenter.
Son gourou l'avait accompagné puis l'avait quitté devant le village prétextant devoir s'entretenir seul avec notre père. Heureuse que j'avais été de retrouver mon frère et occupé par mes nouvelles fonctions de formation des résistants, je n'avais pas remarqué l'absence de mon père depuis quelques jours.
Cela ne m'avait pas alarmé outre mesure, cela arrivait fréquemment.
Les deux jumeaux, Maurice et Martin entrèrent dans la maison et d'une même voix annoncèrent que nous étions attendu par tout le conseil de guerre au quartier général.
Je feignais la surprise. Après tout, je n'avais plus officiellement mon poste depuis le retour de Lucien.
Martin er Maurice déclarèrent que pour rien au monde, le conseil de guerre ne commencerait sans être honoré de la présence de la 'briseuse d'aura'.
Mon frère et moi échangeâmes un regard gêné.
J'étais prête à rencontrer le gourou que mon frère admirait tant.
Qu'attendait-il de nous ?