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Une radio, un pendentif et une tablette de chocolat. de TheMizuHanta



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» Auteur : TheMizuHanta - Voir le profil
» Créé le 20/09/2014 à 21:20
» Dernière mise à jour le 17/10/2014 à 20:50

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Chapitre 18: Mon erreur irréparable.
Appartement : 10h04

- Alors ? Toujours pas ?
- Non... Elle dort toujours...

J'étais dans ma chambre, sur ma chaise de bureau, aux côtés de mon lit, à côté d'Anna. Cela faisait déjà plus de trois jours que l'incident était arrivé, plus de trois jours qu'elle est dans cet état. Elle ne bougeait pas, elle gardait les yeux clos. Son corps tout entier était enveloppé de bandages, de plâtres, une perfusion entrait dans son avant bras droit et elle avait les oreilles bourrées d'ouate. Un électrocardiogramme émettait de petits bips sans arrêts, d'un rythme régulier, mais ça me rassurait de l'entendre. Je pouvais voir sa poitrine se gonfler ainsi que redescendre lentement, de la manière la plus paisible possible. J'avais pris ma chaise de bureau pour rester à ses côtés. Elle donnait l'impression qu'elle était juste en train de dormir, en train de faire de doux rêves. Depuis toujours, je me couchais plus tard qu'elle, pour cette unique raison, juste pour avoir ne serais ce que deux minutes de silence, à la contempler, apaisée, sans que la moindre chose puisse lui faire du mal. C'était ce genre de choses qui me donnait envie d'affronter le lendemain, pour espérer pouvoir la regarder encore une fois dormir paisiblement. De toutes façons, quoi que je fasse, je n'arrivais pas à dormir. Cela faisait trois jours que je n'avais pas fermé les yeux, si je le faisait ne serait ce qu'une seconde, tout reviendrait. Les images d'Anna se faire brutalement abattre s'afficheraient immédiatement sur fond noir, comme dans un cinéma. A force de rester éveillé, mon esprit formait lui même une déduction désignant ma culpabilité. Car si elle est endormie de force depuis bientôt quatre jours, c'était à cause de moi. Si elle s'est fait battre de cette façon, c'est encore de ma faute. Si sa vie est au bord du gouffre de la mort, c'était toujours ma faute. Toujours et encore ma faute, celle de mon incompétence, de mon manque de responsabilité, de mon immaturité. J'enfouis mon visage entre les deux mains, je me recroquevillai sur moi même. Regarder Anna dans cet état était trop dur pour moi.
J'entendais des pas s'approcher peu à peu de moi, entendre ses pantoufles glisser doucement sur le parquet était un son que j'appréciais particulièrement. Cela me rappelait que ma mère était toujours ici, et ça me rassurais un peu. Un bruit caractéristique me fit comprendre qu'elle avait posé un tabouret de la salle à manger pour s'asseoir à mes côtés. Le froissement du papier laissait deviner qu'elle avait aussi apporté un énième magazine sur je ne sais quoi. Quand j'y repense, j'avais beau lui dire que tout ce qui y était raconté dans ses revues était de pures inutilités, elle ne m'écoutait jamais.
Elle se mit donc à son petit rituel régulier de "lecture intensive", craquement des cervicales ainsi que celui des doigts. Elle croisa ses jambes et retira sa pantoufle droite puis la remettra car il ferra trop froid. Elle se lèche le petit doigt pour ouvrir le magazine puis l'index pour les pages. Pendant qu'elle regardait probablement pour une dixième fois le sommaire qu'elle devait connaître par coeur. J'essuyais rapidement les traces de la larme qui avait coulé le long de ma joue, puis tourna la tête vers ma mère. Elle venait de rentrer de son boulot, elle avait enfilé son peignoir en soie au lieu d'aller dormir, je lui fis la remarque, sans même jeter un regard vers elle :

- Tu sais... Il faudrait que tu ailles dormir... Tu as l'air crevée.
- Dixit celui qui est debout depuis trois jours. Comme si j'avais jamais fait une nuit blanche.
- Tu bosses la nuit.
- Oui bah on peut appeler ça une journée blanche. Fais pas chier, je fais ce que je veux, c'est moi ta mère quand même.

Ma mère... Elle devrait avoir honte d'avoir un enfant comme moi, surtout après ce qu'il s'était passé ce jour là, si seulement elle savait... Elle s'était déjà mise à feuilleter les premières pages de son hebdomadaire. Si je me souvenais bien, ce numéro portait sur la « vie privée » des champions d'arène et des membres du conseil quatre. Je le savais car elle me le répétait sans cesse quand elle l'avait acheté il y a trois jours, quand j'étais allé entraîner Anna, ce jour là... J'avais beau lui dire que c'était du toc, qu'ils se donnaient une image lors de ce reportage, mais elle m'envoyait toujours chier. En fait, ça forçait un peu le respect, quoi qu'on lui dise, ma mère campait toujours sur ses positions. Beaucoup disaient que c'était juste une vieille conne, mais je trouvais que cette obstination pouvait être une force de l'esprit. Elle était beaucoup plus résistante que ça, derrière cette impression d'emmerdeuse de première, elle était aussi quelqu'un d'attentionnée, à sa façon.
Elle feuilletait toujours ce qu'elle lisait une première fois très rapidement, puis ensuite lisait chaque article en portant une étrange attention à chaque détail. C'est toujours au cours de cette seconde lecture qu'elle mettait ses lunettes, je trouvais ça un peu con. Elle resta un quart d'heure sur un article en particulier. Elle m'annonça ensuite, après un petit rire :

- Tiens... Il paraît qu'ils ont déterré du minerai en masse à la mine de Charbourg...
- Qu'est ce que je pourrais en avoir à foutre de la mine d'une ville au bord de la crise?
- Réfléchis un peu... Pierrick est le champion de la ville ainsi que le responsable de la mine. Si il y trouve à nouveau des trucs intéressants, le moral sera à nouveau au top. Et je peux te dire que ce mec est balèze quand il trouve des bon trucs sous terre, il est très assidu, que ce soit dans la mine ou en tant que champion.
- Ah... J'y avait pas pensé, je ne m'y suis jamais intéressé de toutes façons à tout ça.

Elle achetait des magazines pour suivre sans arrêt la vie des champions, tout ça pour dresser un profil psychologique à chacun? C'était assez étrange quand on y pense, surtout quand on connaît la moyenne d'âge des personnes qui achetaient ce genre de trucs. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle me lança:

- Tu sais, si j'achète tous les magazines possibles et imaginables sur tous les membres de la ligue officielle, c'est pas pour des "scoops" qu'une adolescente prépubère voudrait lire.
- Comment ça?
- J'avais rencontré ton père bien avant qu'il ne parte pour son voyage, nous étions même déjà fiancés. Pendant qu'il arpentait les routes, j'attendais avec impatience le moment où il m'appellerait de la ville où il est arrivé. Mais je voulais aussi me rendre utile, comme deux vrais amants. C'est ainsi que j'ai trouvé cette idée. J'épluchais chaque nouvelles dans le but de trouver chaque mois le champion qui correspondait aux critères de John.
- Des critères? Qu'est ce qui devait correspondre?
- Ton père était un véritable obstiné, dès qu'il m'appelait, il ne voulait pas de mes nouvelles en premier, il n'avait qu'une question à la bouche.
- Qui était?
- "Quel et le champion le plus puissant en ce moment?"
- Comment ça?
- Il voulait toujours affronter les champions d'arènes qui étaient au sommet de leur moral, pour faire face au meilleur niveau possible. Il recherchait une sensation particulière, affronter quelqu'un sans savoir s'il avait une chance de gagner était ce qu'il cherchait par dessus tout, sentir qu'on était sur le point de perdre, puis sortir de cette situation pour obtenir la victoire.
- Etonnant...
- Puis arriva le jour de ta naissance, il a décidé de tout arrêter à ce moment là, il est resté ici pour vivre avec nous comme une famille normale. Même quand je le lui demandais, il n'arrivait pas à me décrire ce ressentit. Il m'avait dit que seul les dresseurs qui ont participé aux plus grands combats de leurs vie peuvent vivre cet instant...

J'avais un peu de mal à comprendre... C'était pour cette unique raison que mon père avait traversé la région entière? Il est parvenu au rang de légende en ayant la seule volonté de ressentir quelque chose? J'avais déjà regardé de nombreuses fois les vidéos de tous les combats contre les champions qu'il avait fait. Il avait cette habitude de commencer lentement, se laisser battre, puis sortir de manière explosive de la situation de défaite. C'était de cette façon qu'il avait obtenu une popularité hors du commun. Chacun de ses combats étaient menés avec brio, comme si il connaissait déjà l'issue du match. Cette histoire racontée par ma mère brisait toutes mes analyses, encore une fois. Alors comme ça mon père n'avait à chaque fois aucune idée de stratégie ou de préparation quand aux combats qu'il devait régulièrement mener ? C'était quelque chose de surprenant à savoir, ça me permettait d'apprendre un peu plus à propos de lui. Mais une autre partie m'interpellait, quelque chose que je n'arrivais pas à comprendre.
Quelle était cette sensation dont parlait ma mère ? Une émotion que seul un dresseur pouvait connaître ? On s'était entraîné dur avec Anna, et je ne me souviens pas avoir ressentit quelque chose de spécial. Je me souviens lors de notre premier combat, contre un Rattata sauvage. La victoire était incroyable, elle avait réussit à apprendre une attaque oubliée. J'avais les mains moites à la fin du duel, cela vient peut être de là, je ressentais aussi énormément de fierté envers elle à ce moment là. Après ce jour là, je n'avais plus ressentit quelque chose de semblable. Les combats suivants étaient beaucoup plus élaborés, plus calculés. Je ne donnais plus au hasard le choix de décider de la fin du match. Cela vient peut être de là, c'était beaucoup trop simple face à un Pokémon sauvage. Pour avoir un combat avec du niveau, il fallait combattre contre... Un dresseur, comme elle.
Tout à coup, les souvenirs refaisaient surface. La vue du combat totalement inégal que j'avais engagé, sans réfléchir. Je regardais Anna une nouvelle fois, elle était toujours inconsciente, incapable de se réveiller. Si elle était dans cet état, c'était purement par ma faute. Elle avait même essayé de me raisonner, elle me disait sans cesse qu'il ne fallait pas l'écouter. Je n'avais pas fait attention à ses craintes et je lui avais dit d'avancer, sans prendre compte de son avis. Je lui avais promis quelques minutes avant ce combat que je l'écouterais toujours. Encore une fois, c'était une promesse en l'air.

- C'est... Ma faute...

Comme au centre Pokémon, un trou se formait dans mon ventre, une étrange et insoutenable pression écrasait mes épaules. Je n'arrivais presque plus à respirer, c'était trop dur. J'avais remarqué que c'était en pensant à cet événement que ces symptômes refaisaient surface. Petit à petit, je faisais le lien entre les douleurs et mes pensées. C'était sans appel, je ressentais une horrible culpabilité. Je me rappelais aussi des paroles de l'étrange dresseuse. Elle m'avait lâché que je venais de commettre la pire erreur qu'un dresseur puisse faire, envoyer son Pokémon au suicide aveuglément. Je n'avais pas accepté ses propos ce jour là, je m'étais enfui avec Anna loin d'elle et de ses accusations. Mais à force de les ressasser, je commençais à comprendre qu'elle avait raison. Après y avoir pensé, je n'avais peut être pas les qualités pour bien m'occuper d'un Pokémon. Je me rappelais du jour où j'avais aidé un dresseur lors de son combat, il avait gagné grâce à mes conseils. Je pensais à ce moment là que j'étais bon pour mener à bien des matchs. Je comprenais maintenant que je n'avais acquis que des connaissances théoriques. Je n'étais ce jour là qu'un jeune garçon qui regardait un combat confortablement assit sur son siège de spectateur. Je ne valais rien en combat réel, je n'arrivais qu'à mettre en danger mon Pokémon.

- A cause... De moi...

Sans que je ne le remarque, je me serrais moi même dans mes bras. Je ne contrôlais pas ma respiration, je tremblais sans arrêt. Jeanne le remarqua directement, elle ne bougeait pas, elle savait pourquoi j'étais comme ça. Elle ferma tranquillement son magasine et se leva, elle se dirigea lentement dans la cuisine. Elle revint immédiatement et me tendit un verre d'eau. J'essayais de le boire sans en mettre partout, mais le plus dur était d'avaler. Sans savoir pourquoi, je n'arrivais pas à faire couler le liquide au fond de ma gorge serrée. Une fois que j'arrivais à boire une première goulée, le reste passa plus facilement. Je reprenais enfin contrôle de mes poumons, je me sentais beaucoup plus serein. Quoi qu'il arrive, ma mère était toujours là pour ça, c'était presque étrange, je ne pouvais pas rester comme ça sans la remercier :

- Merci... Ça va mieux.
- Et si tu me parlais de tout ça ?
- Quoi ?
- Et bien... Tu es comme ça à chaque fois que tu penses à Anna, est ce que cela a un rapport avec son état ? Je voudrais que tu m'expliques comment elle est arrivée ainsi.

J'avais une appréhension quand à l'aide que me proposait ma mère. Je ne voulais pas qu'elle sache que c'était à cause de moi qu'Anna était entravée au milieu de tout ce matériel médical. Je ne voulais pas lui en parler de tout ça, mais elle continuait de me fixer. Avec un regard qui n'exprime ni la colère, la tendresse ou autre, elle ne faisait qu'attendre que je lui explique ce qu'il s'était passé. Au fond, peut être qu'elle voulait vraiment m'aider, peu à peu, l'envie de tout déballer devenait de plus en plus la chose à faire. J'hochais légèrement de la tête pour accepter sa proposition, pris une profonde inspiration, puis regardais tristement mon Pokémon pendant que je lui racontais tout.

- On était partit s'entraîner dans la clairière, comme toujours. Sauf qu'en partant, on a croisé une femme étrange, elle était elle aussi une dresseuse. Elle a proposé de faire un combat face à moi et Anna. Elle n'était pas d'accords, c'est moi qui l'ai persuadée, je l'ai poussé à le faire. Elle avait confiance en moi et elle s'est fait cruellement battre par son adversaire. La dresseuse m'avait dit que j'étais probablement l'un des pires dresseurs de ce monde, et petit à petit, je me dis qu'elle a raison...
- Elle s'est fait battre aussi facilement que ça ? Je trouve qu'elle résisterait bien en combat. Quel était son adversaire pour finir comme ça ?
- Maintenant que tu le dis... Je me souviens que c'était un Lucario. J'étais vraiment surpris, je sais que c'est très rare d'en trouver...
- Attends... Une femme, avec un Lucario...?

Elle avait reprit directement son magazine, elle feuilletait chaque page très vite, avec un regard presque affolé. Je ne l'avais jamais vu faire une tête pareille quand elle lisait ses conneries, cela devait être important. Elle referma son hebdomadaire, elle n'avait pas l'air d'avoir trouvé ce qu'elle cherchait. Ce fut en regardant la couverture qu'elle prit un air victorieux, même si sa découverte était loin d'être positive. Elle me mit l'image qui faisait office de présentation du magasine. On voyait en gros le titre en jaune de « Closer Challenger », la revue « indispensable » pour tous ceux en quête de badges. Il y avait à l'intérieur un article sur le dresseur présumé le plus puissant de la ligue de Sinnoh. C'était une femme blonde, habillée de... Noir ? Les mêmes yeux noisettes, traits de visage fin et sourire taquin. C'était celle là, c'était elle qui m'avait proposé un combat, qui avait abattu Anna, qui avait pointé du doigt mon incompétence. J'en tombais de ma chaise, je m'éloignais de cette photo, elle me regardait étrangement, comme si elle était dans cette pièce avec nous. J'essayais de répondre à ma mère, mais c'était horriblement dur :

- T'es pas sérieux ? C'est elle ?
- Ou... Oui... C'est celle là... Qui a... Je...
- T'es inconscient ?!
- Qu... Quoi ?
- Cette femme... Elle est au poste de maître de la ligue ! Cynthia Carenwell !C'est la dresseuse la plus puissante de Sinnoh ! Tous les journaux, émissions télé et radios parlent d'elle ! Elle est surmédiatisée ! Comment tu pouvais pas la reconnaître ?! Je t'avais déjà montré qui elle était ! Comment tu as fait ?!
- Je... Sais pas...
- Pas étonnant qu'Anna se soit fait défoncer ainsi... Comment elle pouvait faire face avec un Lucario qui a affronté le Dracolosse de Peter, le maître de la double ligue de Kanto/Johto ? Tu as foncé tête baissée, sans réfléchir... Tu as fait n'importe quoi sur ce coup là, je sais pas ce qu'aurait dit John ce jour là, mais il ne dirait jamais que tu ferais mieux la prochaine fois.

Ce fut sur ces derniers mots que Jeanne se leva brusquement et quitta la chambre. Elle me lâcha qu'elle était fatigué de toutes ces conneries, il fallait qu'elle dorme. Elle me laissait ainsi, tout seul avec Anna, comme depuis un moment. La chambre était étrangement silencieuse ainsi, trop calme. Je repassais dans mon esprit tout ce que j'avais écouté aujourd'hui. Finalement, même ma propre mère était du même avis que cette femme, Cynthia. Elle savait même que mon père serait loin d'être fier de moi pour ce que j'ai fait. Mon père... Alors que tout ceci, tous ces efforts étaient pour lui. Ils seraient en fait pour du vent ? Si je n'arrivais même pas à marcher sur les traces de ce grand dresseur, comment pourrais je faire marcher mon plan qui consistait à être le plus puissant de la région ? J'avais le meilleur Pokémon possible, Anna a toujours fait ce que je lui avais demandé, elle m'a toujours fait confiance. Je lui avais donné la plus grande force que je pouvais avoir, mais elle ne peut pas être guidée par moi. La preuve était en elle même, son état n'était que de ma faute. Tout n'était qu'à cause de moi, et il fallait faire quelque chose.
Je me levais doucement de ma place au sol, tout doucement, il ne fallait pas la réveiller. Je la regardait dormir, elle n'avait pas l'air parfaitement heureuse, mais elle était paisible. Je m'asseyais doucement à ses côtés, j'entendais sa respiration. Sa poitrine se gonflait et redescendait tout doucement, sans se précipiter, sans qu'il n'y ait le moindre problème. Je voyais qu'elle avait toujours sa main droite en dehors de la couverture. La tentation était trop forte, tout doucement, j'approchais ma main de la sienne. La mienne tremblait, la sienne restait immobile. Une fois que le contact était fait, je sentais sa patte froide, je pris donc rapidement la décision de la recouvrir avec ma deuxième main. J'essayais de la réchauffer du mieux possible. Chose étrange, j'avais l'impression qu'elle souriait. Mais lorsque je regardais de plus près, son visage était toujours aussi inexpressif, encore un tour de mon imagination, sûrement à cause de la fatigue.

- Ne te fais pas d'idées, pas maintenant... Me marmonnais je d'un ton las.

Il était temps, il fallait que je me lève. Sans que je ne comprenne pourquoi, mes jambes ne voulaient pas bouger. Elles n'étaient sûrement pas d'accords avec mon esprit, elles me hurlaient de ne pas le faire. Je comprenais leur volonté, d'un côté, je voulais être de leur avis. Je voulais rester assis à ses côtés, sa main dans les miennes. Je voulais que cet instant dure ainsi pour toujours. Mais de toutes façon, ce ne serait pas possible, rien n'est immortel, et sûrement pas elle, ni ce moment. Et puis je ne veux plus la blesser, pas encore une fois. Je finis avec un effort titanesque par me lever. Mes jambes étaient lourdes, elles voulaient rester ici, mon cœur aussi, mais c'était mon esprit qui décidait de tout, il fallait l'écouter. J'ordonnais à mes pieds de me diriger vers le salon, mais avant de passer la porte de ma chambre, je voulais m'arrêter une dernière fois. Je me retournais une dernière fois vers mon lit, je voulais la voir une dernière fois. Elle dormait toujours aussi bien, comme lors de sa première nuit, quand elle était toute petite. Lors de notre première rencontre, elle m'avait donné sa main, elle m'avait accordé sa confiance. Et comme un con, je l'avais piétinée sans aucune retenue. Je ne pouvais plus la regarder, je n'en avais plus le droit. Je baissais mon regard, cette vue était trop dure à soutenir. Je m'y attendais, c'était trop prévisible, une larme coulait sur ma joue. Je comprenais moi même que j'étais un véritable monstre. Après ce que j'allais faire, je ne la reverrais plus jamais. Il ne me restait plus que ceci comme choix, je ne voulais plus la mettre à nouveau en danger. Je me dirigeais lentement vers le salon, là où prône le téléphone. Alors que je l'ai emprunté des milliards de fois, j'avais l'impression que ce couloir faisait des kilomètres, peut être parce que j'avançais à une vitesse extrêmement lente. J'avais aussi soif, j'étais épuisé, j'avais tellement de raisons de retourner sur mon siège, à ses côtés. Mais cette issue n'était plus possible pour moi, car dans moins de cinq minutes, Anna ne sera plus mon Pokémon.
J'avais maintenant pris la ferme décision d'appeler le Professeur, c'est lui qui m'a donné Anna, je devais donc le contacter pour la rendre. Après ce coup de fil, qui sait ce qu'il arrivera à ma seule amie quand elle ira mieux. Elle pourra peut être arriver chez de nouvelles personnes, aider Nikolaï dans ses études, ou d'autres possibilités infinies. De toutes façons, où qu'elle aille, elle sera bien mieux ailleurs qu'ici. Plus elle sera loin de moi, plus elle sera en sécurité, je ne fais que lui attirer des problèmes. Elle risque sa vie à rester à mes côtés, je ne veux pas qu'il arrive la même chose qu'avec mon père. Je devrais me débrouiller tout seul, je vais devoir retrouver ce meurtrier tout seul, je trouverais forcément un moyen.
A force de penser, je n'avais même pas remarqué que j'avais dépassé le salon, je fis donc un lourd demi tour pour arriver dans cette pièce. En y repensant, la pièce entière n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'elle était arrivée. Toujours le même canapé marron, sous la fenêtre laissant passer un rayon de lumière qui montrait la poussière danser en l'air. Toujours la même table basse en verre avec les mêmes genres de magazines dans le coin, Anna était toujours attirée par les couleurs que les papiers affichaient. C'était amusant de voir ensuite ma mère en rogne car elle foutait en bordel une pile que Jeanne mettait du temps à classer dans un ordre précis. Je ne pouvais m'empêcher de sourire en repensant à ce genre de souvenirs, à tous ces moments agréables passés. Mais c'était une douleur en plus à supporter, j'avais déjà tendu mon bras vers le téléphone qui repose tranquillement sur son socle. J'avais l'impression que le combiné était horriblement lourd, mais en voyant ma main tremblante, je ne trouvais pas ça surprenant. Je commençais à composer lentement le numéro du portable de mon professeur, j'étais le seul de ma classe à l'avoir. En même temps, c'est le seul numéro que je connais avec celui d'ici et celui du boulot de ma mère, je n'ai jamais eu à en connaître d'autres. Ça y est, le numéro est entièrement composé, il ne me restait plus qu'à presser le bouton du téléphone vert. Plus qu'une seule touche et Anna s'en ira dans un endroit où elle sera pour toujours en sécurité. J'avais beau me dire que c'était la pire chose à faire, au fond de moi, j'avais parfaitement raison. Je faisais tout ça pour elle. J'aurais tellement voulu pouvoir parcourir la région à ses côtés, c'était presque un rêve, mais je n'ai pas envie de courir le risque encore une fois. Elle a déjà tellement perdu, je ne voulais pas en plus qu'elle perde la vie. Tout ce qu'il faut faire maintenant, c'est trouver comment convaincre le professeur de...

- Allô? Y'a quelqu'un?

Quoi?! Qu'est ce que qu'il se passe? Je regarde le téléphone, mon pouce écrase complètement la touche d'appel. Je n'avais ni remarqué ceci ni entendu le son strident du long bip qui se répète sans arrêt. Je n'avais pas le temps de faire quoi que ce soit, je mis donc rapidement le combiné à côté de mon oreille et répondis immédiatement:

- Oui professeur! C'est moi!
- Hé Rode! Parle pas aussi fort! On peut savoir pourquoi tu m'appelles?!
- Ah... Désolé... J'avais pas fait attention.
- Pas grave, mais fais gaffe la prochaine fois. Tiens j'y pense! Tu as eu tes résultats d'examen il y a quelques jours non?
- Hein? Ah oui, je l'ai eu.
- J'imagine que tu es invité à la cérémonie, n'est ce pas?
- Oui, j'ai eu le carton.
- Félicitations! Je sens que tu vas te hisser en haut du classement!
- Merci beaucoup.
- Et au fait, Anna va bien?
- Anna?
- Tu ne lui as pas non plus changé de nom j'espère! C'est mauvais pour les repères mémoriels d'un Pokémon.
- Bien évidement qu'elle n'a pas un autre nom. Je ne suis pas encore fêlé à ce point tout de même...
- Rooh... Tu ne vas pas te mettre à bouder, je te taquinais tout simplement! Tu veux venir au pire?
- Quoi?
- Si tu veux juste discuter, je peux prendre une pause, ils vont trouver ça bizarre car j'en ai pas prit depuis cinq ans mais bon... Peux tu venir avec ton Pokémon en plus? Je voudrais encore voir les progrès qu'elle a fait.
- Ah... D'accords, à tout de suite.

Nikolaï raccrocha immédiatement en me disant qu'il devait terminer son boulot. Je restais planté comme ça, encore le téléphone à l'oreille pendant un moment. Je n'avais pas réussit à lui parler de ma demande. J'avais oublié son côté presque imprévisible, c'était toujours lui qui tenait le rythme, que ce soit dans n'importe quel domaine. J'imagine qu'il était maintenant inutile de le rappeler, il devait être trop vaqué à ses occupations. Il ne me restais donc plus qu'un choix possible, il n'y avait plus qu'à aller le voir.

Lycée d'Unionpolis: 10h42

J'étais enfin arrivé en face de l'établissement dans lequel j'ai étudié durant trois ans. Malgré le fait que le bus m'ai permit de traverser la ville, ma fatigue me ralentissait énormément. Je m'étais regardé dans la glace, et le regard des gens me faisait comprendre que mes cernes et mon teint pâle n'étaient pas la bienvenue. J'étais au point de rendez vous, il ne fallait plus qu'attendre que le professeur ne vienne, les portes étaient fermées et je n'avais pas le droit d'y entrer en tant qu'élève. Les minutes passèrent, je commençais à perdre patience, chose qui ne m'était jamais arrivé avant. En même temps, je redoutait de plus en plus cette entrevue. Que dira Nikolaï quand il me verra sans Anna? Je devrais tout lui raconter, il réagira probablement de la même manière que ma mère. Je devrais ensuite lui demander de reprendre mon Pokémon. Ce sera probablement la dernière fois que je le reverrais lui aussi, espérons que cette discussion dure le moins longtemps possible. Je n'ai pas envie de voir encore du déni envers moi, cette journée était déjà trop dure pour que je puisse encore endurer quoi que ce...

- T'es arrivé super vite! Tu arrives d'habitude en retard à mes cours pourtant!
- C'est vous qui arrivez trop tard... J'ai attendu des plombes.
- Roooh... Toujours à râler! Attends... Depuis combien de temps tu n'as pas dormi? Et puis où est Anna?
- Et bien... Je...
- Qu'est ce qu'il s'est passé?

Il ne m'avait pas laissé le temps de réfléchir à comment j'allais présenter ceci. Et vu comment il me regardait, il n'avait probablement pas le temps pour engager une discussion sur plusieurs heures. C'était donc maintenant qu'il fallait commencer. Je pris mon courage à deux mains, une profonde inspiration et me lança, en espérant que je tienne bon jusqu'au bout:

- J'ai voulu entraîner Anna il y a bientôt quatre jours de cela... commençai-je doucement.
Je pris une profonde inspiration et continuai :
- On a rencontré un dresseur, j'ai organisé un combat. J'étais loin d'être prêt, mais je ne m'en suis rendu compte trop tard...
Ma voix devint tremblante :
- Elle... Elle s'est fait anéantir, par ma faute ! Je l'ai forcée à combattre ! C'est à cause de moi qu'elle...
Je marquai une pause, trop secoué par mes propres émotions.
-... Qu'elle est maintenant dans le coma...
Je repris avec une force qui m'étonnait moi même :
- Parce que j'ai été inutile! Tout ce que j'arrive à faire, c'est du mal à ceux qui m'entoure! Elle... Elle ne sera jamais plus comme avant... A cause de moi...
Je sentis les larmes me monter aux yeux.
- Il y a des chances qu'elle devienne complètement sourde... Parce que j'ai été un incapable, elle m'a fait confiance et je l'ai emmenée à l'abattoir...

Je n'arrivais plus à parler, les émotions reprenaient le dessus, je n'arrivais plus à respirer. J'arrêtais de hurler, mes yeux trempaient dans mes larmes. Je serrais la mâchoire pour ne pas chialer, mais c'était tellement dur, je n'arrivais pas à rester fort. Depuis toujours, je pensais que j'étais fort, que je m'étais endurcis depuis, mais ce n'était qu'illusion. J'étais le même gosse que lors ce que j'avais six ans, faible, inutile. Tout mon corps entier me hurlait de garder mon Pokémon, de ne pas lui dire que je voulais la relâcher. Mais il le fallait, il ne suffisait plus que quelques mots pour que ma venue ait enfin un sens. Quelques mots pour qu'Anna soit enfin libre, qu'elle ne coure plus aucun risque possible. Encore plus qu'une inspiration, juste pour...

- Qu'est ce que vous avez donc tous à chialer?
- Hein?

Il avait prit un air sérieux, et avait déjà une cigarette allumé dans la main. Il tira une bouffée de tabac et soupira d'un air las. Il avait tout de même un sourire ricaneur, comme si il se moquait de moi en ce moment même. Je ne comprenais pas, je me sentais même frustré, sans aucune raison. Il ne me laissa pas plus de temps et il continua:

- Il va pas bien, c'est ma faute, j'étais trop faible, gnagnagna... Pourquoi est ce que vous me rabâchez tout ceci sans arrêt? Comme si c'était de ma faute.
- Quoi?
- Tu veux que je te dises quelque chose? Cet air effondré, ces yeux pleins de larmes, cette culpabilité dans la voix... Il y a eu une personne qui m'a fait ce triste spectacle avant toi. C'était ton Pokémon, Anna. Le jour de ton examen, elle était venue me voir, et elle m'avait expliqué comment tu étais arrivé dans cet état. Elle piaillait sans arrêt que c'était à cause d'elle que tu étais dans cet état. C'est contagieux dans votre famille ou quoi?!
- Anna...? Comment ça?
- Vous croyez que la vie est remplie de bonbons et de sucreries? Bien évidement qu'il vous arrivera des emmerdes lors de votre chemin! Vous tomberez un nombre incalculable de fois au sol, mais le but sera toujours de vous relever. Le jour des examens, Anna m'avait dit qu'elle sera prête à tout pour que tu puisse arriver au bout de tes objectifs, qu'importe ce qui lui arrivera.
- Elle a... Dit ça?
- Est ce que vous pouvez arrêter de pleurer sur votre sort et avancer? Avant d'avoir conclu que c'était à cause de toi qu'elle est dans cet état, est ce que tu as demandé son avis à la concernée? Et puis si elle est arrivée dans cet état là "par ta faute", pourquoi ne pas changer?
- Hein?
- Tu n'as qu'à t'améliorer, changer ce qui manque, pour être meilleur ensuite. C'est ce qu'Anna a fait en évoluant, pourquoi ne ferais tu pas la même chose?

Elle a fait tout ça... Pour moi? Elle était toujours restée à mes côtés, s'est entraînée sans relâche, elle a toujours fait ce que je lui ai demandé... Pour moi? Elle était prête à tout, juste pour moi. Elle a accepté ce combat juste parce que je lui ai demandé, parce que je lui ai promit que tout irait bien. Ce n'était pas une confiance aveugle, mais elle le faisait en pleine connaissance de cause. Juste pour pouvoir vivre dans le monde de ses rêves. J'étais sur le point de l'abandonner, après tout ce qu'elle a fait, que ce soit pour elle ou pour moi. Je commençais à me rendre compte de l'erreur irréparable que j'allais commettre. Au fond de moi, je comprenais parfaitement que j'étais un pur abruti, si seulement je daignais des fois d'écouter mon coeur au lieu de ma tête... Je regardais une nouvelle fois le professeur, il avait l'air de comprendre ce que je pensais, il commençait doucement à sourire. Il devait connaître mes intentions avant même de me voir. Il est sacrément intelligent, c'en est presque même rageant. Malgré tout ceci, je lui doit énormément, grâce à lui, j'avais retrouvé la confiance que j'avais perdu depuis tellement longtemps.
Mais j'avais maintenant beaucoup de choses à faire. Je remerciais le professeur de cette discussion puis je pris congé de lui. Pendant que je m'éloignais de lui, il m'appela pour me demander ce que j'allais faire:

- Vous m'avez ouvert les yeux, je vous serais éternellement reconnaissant. Mais là, j'ai du pain sur la planche!
- Éternellement? La vie d'un être humain ne dépasse pas souvent les 90 ans!
- Faut toujours que vous rabâchiez vos élèves!
- J'aime la précision. Tu devrais le savoir depuis le temps.

La précision, c'était tout ce qui me manquait. Savoir quels étaient les caractéristiques d'un Pokémon susceptible d'être un adversaire, connaître les stratégies primaires d'un combat. Il y avait tellement de chose que je n'avais pas appris, que je considérais comme acquis. J'avais énormément de choses à apprendre, à perfectionner, à comprendre. Il fallait que j'en sache beaucoup plus, que je comprenne plus vite, réfléchisse plus efficacement. Je veux que lorsqu'Anna se réveille, elle ne voit pas un gosse en train de pleurer car il allait l'abandonner. Je veux qu'elle voit quelqu'un qui a toujours eu confiance en elle, qui soit prêt à se racheter après ce qu'il avait fait. Car je suis un dresseur, et elle est mon Pokémon.