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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 16/09/2014 à 12:00
» Dernière mise à jour le 16/09/2014 à 12:00

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Chapitre 45 : Keluyah
Quand elle entra dans le village, tout le monde leva les yeux dans sa direction. Elle vit quelques femmes en train de pleurer, d'autres se pencher sur leurs maris blessés pendant la bataille alors que leurs enfants demandaient où était passé leurs pères qui ne revenaient pas et ne reviendraient jamais. L'affrontement avait été sanglant et son résultat fut macabre. Quelques corps avaient été rapportés au village, environ la moitié des morts. Les survivants n'avaient pas été en mesure de tout rapporter et ils prévoyaient de retourner sous peu sur les lieux du carnage afin de rapatrier ceux qu'ils y avaient laissés.
Une vingtaine de Tortarshs ; voilà le bilan de cette triste journée. Vingt braves guerriers, fidèles et courageux auxquels on rendrait tous les honneurs du monde.

Mais la jeune reine ne pensait pas à ces morts, elle avait d'autres soucis en tête. Car au fond d'un petit sac, que Kunra lui avait donné avant de la laisser partir, se trouvait une sphère qui allait lui permettre de relever ce village. Qu'importe les morts, qu'importe la déception et la peine de leurs proches. Bientôt ces derniers se relèveraient des corps de leurs amis, maris, fils et femmes acclameront leur reine d'un unique cri d'espoir. Car elle allait leur donner plus que ce qu'il n'aurait jamais pu espérer ; elle leur livrait le monde.
Kyogre à ses côtés plus rien ne pouvait l'arrêter. Elle n'était plus une simple humaine graciée par les dieux mais un dieu elle-même, possédant peut-être même plus de pouvoir que ceux-ci ne pourraient jamais en avoir.

Elle porta son regard vers une femme sur le bord du chemin. Cette dernière serrait dans ses bras les restes d'un homme. Celui-ci avait visiblement était touché en plein ventre, la griffe de la bête qui avait causé sa mort l'ayant transpercé avant de remonter jusqu'à son torse. Le sang ne sortait plus de sa blessure depuis deux heures déjà, sa peau était livide ; il était mort avant même d'être rapporté du champ de bataille.
Aux côtés de cette femme se tenait un petit garçon. Il gardait ses mains dans le dos, le menton haut et tentait de retenir ses larmes malgré les flots qui ne demandaient qu'à sortir. Keluyah se demanda où il puisait tant de forces pour résister. Un Tortarsh, du moins les hommes, n'avait pas droit de pleurer. C'était contraire au principe d'honneur instauré depuis longtemps dans la tribu.

Devant ce spectacle la reine ne parvint à faire comme si de rien n'était. Ses nouveaux rêves de conquête ne l'avaient pas rendu insensible et détachée de son peuple. La douleur de cette femme devint en quelques secondes sa douleur et la peine du garçon fut sienne en aussi peu de temps.
Elle ordonna à Turkya de s'arrêter à l'aide de quelques mots chuchotés dans son oreille et mit pied à terre. Cela fait elle s'agenouilla, tout d'abord devant le petit garçon, et le prit tendrement dans ses bras comme s'il était son fils. Elle ne le connaissait pourtant que de vue, ne savait pas son prénom, ne ressentait rien de particulier envers lui. Et pourtant en cet instant jamais elle ne partagea autant les sentiments d'un autre être humain.
« Tu peux pleurer, lui murmura-t-elle au creux de l'oreille. Un homme n'est pas digne de pleurer selon notre peuple, pas vrai ? Dans ce cas laisse les traditions de côté et fais le pour ton père, il aimera savoir que tu regrettes sa mort, que tu l'aimes. »

Le petit homme fondit en larmes dans les bras de sa reine, laissant couler ses flots qu'il retenait depuis que le corps de son géniteur avait été ramené au village. Il oublia l'honneur auquel son peuple attachait tant d'importance et mouilla la tunique de sa reine en se laissant aller au vice des faibles.
Keluyah ne tint pas compte des pleurs qui coulaient sur son épaule et se contenta de retenir une larme. Elle se vit à la place de l'enfant alors qu'elle se cachait dans les buissons, près du village des hommes de la montagne. Elle revit Kunra, les muscles tendus, une lame sur la gorge de son père. Kunra qui souriait en tranchant un à un chaque vaisseau sanguin. Kunra qui salissait ses mains d'un sang auquel il devait la vie. Et elle, petite fille fragile, qui pleurait et fuyait au fond de la forêt, courant pour sa vie, ne parvenant à sécher ses larmes.

« La vie d'un homme est parsemée de souffrances, reprit-elle à l'intention du jeune garçon en le repoussant et en le forçant à la regarder dans les yeux. Néanmoins je peux t'assurer qu'elle vaut la peine d'être vécue. Bientôt les Tortarshs regagneront l'honneur perdu dans cette bataille et ton père gagnera la demeure des dieux sans se soucier de l'avenir de son fils. »
Elle tapota la joue de l'enfant, lui sécha ses larmes d'un revers de la main et s'en détourna afin de s'occuper de sa mère. Celle-ci avait laissé de côté le cadavre de son mari, admirative face au comportement de sa reine à l'égard de son fils.
« Madame ne craignez pas les lendemains qui suivront cette perte tragique, lança Keluyah en remontant sur Turkya. »
Puis après une seconde de silence elle ajouta : « Bientôt aucun de vous ne craindra plus rien. »

Elle avait hurlé cette dernière phrase comme pour capter l'intention de tous les autres habitants, bien que ce soit inutile car tous avaient les yeux braqués sur elle depuis qu'elle était descendue de sa monture pour consoler un enfant. Elle ordonna d'ailleurs à cette dernière de reprendre la route d'un simple signe de main. Et Turkya lui obéit comme il le faisait depuis leur enfance, se pressant vers la place centrale du village.
Au centre de celle-ci l'attendait Töko dont l'expression du visage oscillait entre le doute et une admiration sincère qu'il tentait de cacher du mieux qu'il le pouvait. Ses dernières résolutions ne lui permettaient pas de montrer ses sentiments envers sa reine. Il voulait devenir l'homme indépendant et fort qu'il avait tant désiré, comme le père de sa bien-aimée l'avait été avant lui. Alors peut-être le village le reconnaitrait comme l'un de ses dirigeants et Keluyah parviendrait sincèrement à l'aimer.
Il l'espérait et ne s'attendait pas à subir sous peu les projets de sa reine.

Cette dernière avançait dans le silence, le seul bruit étant le claquement des sabots de sa monture sur les pierres éparpillées sur le chemin. Les villageois endeuillés avaient séchés leurs larmes pour tourner un unique regard dans sa direction. Le village tout entier ne faisait qu'un dans son admiration et tous s'accordaient à dire que l'apparition de Keluyah était presque divine.
Elle n'avait pas participé à la bataille mais aucun ne lui en voulait. Ce n'était pas elle qui avait été là pendant que ses hommes se faisaient massacrer mais pourtant personne ne lui en tenait rigueur. Elle était la reine de ce peuple, choisie par les dieux et celle qui devait les conduire vers un monde plus serein. Et aucun, pas même Mia qui venait d'autres horizons ou Töko qui tentait de faire l'insensible, ne pouvait consciemment dire qu'elle n'était pas en quelque sorte une élue du ciel.

Quand elle arriva finalement sur la place et mit un pied à terre, ce fut comme si le village tout entier retenait son souffle. Elle accorda un regard doux à Töko qui se tenait sa jambe, brisée au cours de la bataille. Ce simple coup d'œil empli de joie le cœur de l'homme, durant un instant, mit de côté son but pour se laisser aller à un sourire.
« N'interviens pas, lui murmura cette dernière. Quoi que je dise, tu acceptes. »
Et il acquiesça d'un signe de tête, sans pour autant reculer. Il voulait se tenir sur le même plan que la reine pendant son discours, se trouver face à ce village et montrer la place qu'il y occupait auprès d'elle. Elle ne riposta pas.

« Je tiens à m'excuser pour mon absence, commença-t-elle par dire sans pour autant baisser les yeux. Je sais que ma place était sur le champ de bataille et pour cette raison je me sens coupable de la mort de vos maris, de vos fils, de vos pères… Mais sachez que je ne suis pas resté les bras croisés pendant que le massacre avait lieu et que jamais je n'ai pensé vous abandonner. »
Elle laissa retomber le silence et poursuivit. Pendant qu'elle parlait sa main se glissait dans le sac à sa taille et s'emparait de la sphère.
« Certains ont raconté que Kyogre vous avait sauvé la vie, que le dieu des océans en personne avait gagné la terre pour inonder l'ennemi de ces flots. Au village certains vous ont vu comme des menteurs. Moi je vous crois, du fond du cœur. Je sais que vous avez raison car j'ai vu cette scène de mes propres yeux. »
Elle sentit Töko se raidir à ses côtés. Le jeune homme avait la confirmation qu'il avait vu juste en croisant le regard du dieu des mers, en voyant le visage de Keluyah se refléter dans cette pupille azurée.
« J'étais Kyogre. »
Et elle tendit la sphère au-dessus de sa tête.

Le village laissa d'une seule voix éclater sa joie et son admiration. Un cri, un seul, s'éleva vers les cieux pour célébrer la reine qui devant des centaines de sujets venait de confirmer cette appartenance divine qui lui avait été attribuée lorsqu'elle était enfant.
« Avec Kyogre nous allons étendre notre pouvoir, annonça-t-elle en couvrant le bruit. Car nous avons été choisis par les dieux. Je vous jure de défendre nos terres des hommes venus de la mer mais aussi d'étendre notre emprise sur ce monde. Ce soir nous pleurons nos morts mais demain viendra la fête. Le début de la nouvelle ère de notre peuple !
– Freya ton omega ! Freya ton omega ! criait le peuple.
– Mais avant tout nous avons besoin d'un roi, reprit-elle. Et demain sera le jour de mon mariage avec l'homme qui défendit aujourd'hui nos terres ! »
– Freya ton omega ! Freya ton omega ! »

Elle se tourna vers Töko qui restait bouche bée face à cette annonce et lui adressa un clin d'œil que lui seul pu voir. Et sans attendre il s'agenouilla devant elle et reprit ces mots : « Freya ton omega. »
Reine du monde.