008-Fuyards à l'horizon
La descente allait se révéler extrêmement simple après que cette cascade soit apparue miraculeusement au détour d'un chemin dans la montagne. Morgane et Absol s'y étaient précipités avec une joie immense vers leur source de vie, criant presque de joie avant de se souvenir qu'ils étaient encore probablement poursuivis.
Ils se désaltérèrent, se lavèrent et nettoyèrent partiellement leurs blessures et plaies avec un soupir d'aise et de soulagement. Assise au bord de l'eau, les pieds trempant dans celle-ci paisiblement afin de détendre les muscles endoloris, la jeune femme repensa à leur aventure en cette région qui était sur le point, semble-t-il, de s'achever.
Morgane, les yeux fermés et tranquille pour la première fois depuis une bonne semaine, appréhendait légèrement ce périple vers une terre inconnue.
« Une nouvelle région... Je n'ai jamais voyagé... Je me demande comment vivent les gens ailleurs. Et les Pokémon ! Il paraît que certains ne vivent que dans une région particulière ! Je me demande si... on verra des Absol...»
Justement, elle tourna la tête vers son ami, à qui elle était donc « liée ». Ce mot était étrange. Absol lui avait promis de lui expliquer le pourquoi du comment dès qu'il serait certain qu'ils étaient en sécurité sur le nouveau territoire. Le Pokémon à corne semblait ruminer d'étranges pensées mais il se taisait.
Elle soupira. La jeune fille avait cessé de compter le nombre de soupirs qu'elle avait poussé depuis le début du périple. Elle repensa à celui-ci.
Les deux compagnons avaient démarré dans un village proche de la ville de Rosalia, isolé dans la forêt mais néanmoins connu des habitants de la ville au centre Pokémon au toit mauve. Une fois leur cavalcade démarrée, ils s'étaient dirigés tout droit vers Doublonville, le Démolosse et sa meute les poussant de force dans cette direction, au grand dam d'Absol qui souhaitait atteindre le port proche au plus vite. Le Pokémon avait alors décidé de se diriger vers la forêt à la droite de la ville, espérant semer les parents de Morgane. La forêt même ou Absol avait rencontré la petite Embrylex perdue. C'était également là que la meute de chiens de feu les avait rattrapés, suivis de leur maître. Là, Morgane avait failli perdre la vie ; il s'en était fallu de peu. Ensuite, une fois les évènements terribles et la nuit passés, les deux amis étaient arrivés à Doublonville, une grande ville effrayante pour les deux compagnons solitaires. Et pour finir, ils s'étaient dirigés vers une montagne qui permettait, si on passait outre le mont rocheux, de couper pour arriver plus rapidement vers Oliville. Là-bas, ils embarqueraient sur un bateau, en évitant de se mêler à la foule afin d'éviter les ennuis, les questions et les combats inutiles.
Absol avait décrété qu'ils embarqueraient en tant que clandestins, l'argent ne tombant pas de cette cascade tout comme l'eau fraîche le faisait ici et leur état déplorable n'aidant pas. Le soleil était haut dans le ciel ; on était aux environs de 13H ou quelque chose de similaire. S'ils parvenaient à quitter la région avant ce soir, alors ils pourraient enfin se reposer le lendemain, au fond de la cale ou alors dans un centre Pokémon, pourquoi pas. La deuxième option était préférable mais ne sachant pas ou leur voyage les conduirait, ils ne pouvaient que supposer.
Pas grave. Bientôt, ils seraient hors de danger. Enfin, pendant un petit temps.
L'attaque tranche-nuit fusa droit vers l'adversaire de Groknius, une jeune petite Absol du même âge que lui. Péti lança détection et bondit agilement par-dessus l'attaque avant de se propulser vers le jeune mâle à l'aide d'une vive-attaque. L'autre Absol attendit qu'elle arrive puis stoppa net son attaque à l'aide sa corne. Un instant, leurs yeux se croisèrent. Les pattes de Groknius étaient plantées fermement dans le sol, assurant son équilibre. Son regard brûlait de fougue tandis que celui de Péti brillait de malice.
-Ab...Sol !
Groknius grogna lourdement en projetant la jeune femelle en l'air avec un violent mouvement de tête vers le haut. Puis, une nouvelle tranche-nuit fila à une vitesse surprenante vers son ennemie qui fut percutée de plein fouet. Péti retomba au sol avec un bruit sourd, le corps endolori sous les coups. Le jeune Absol pensait avoir remporté ce combat ; il n'en était rien. Son adversaire se releva, la tête douloureuse et les pattes tremblantes mais conservant toujours ce même regard. Elle poussa un faible cri et augmenta rapidement son attaque avec une danse-lame avant de foncer à nouveau vers Absol avec la même attaque que la dernière fois. Cette fois, Groknius n'eut pas le temps de se préparer : la femelle le percuta de plein fouet contre son flanc gauche et il alla violemment se cogner contre la paroi rocheuse de la montagne derrière lui.
Un instant, sa vision se brouilla, sa nuque ayant heurté la roche avec une force rare. Après quelques secondes de douleur intense, il se releva lentement, juste à temps pour faire un bond de coté afin d'esquiver la puissante tranche-nuit.
-Sol... grogna-t-il.
Péti le regardait, attendant qu'il lance une attaque à son tour. Ils étaient tout deux à égalité. Le combat était intense, violent et ravageur. Plusieurs spectateurs regardaient les deux Pokémon s'entrainer en retenant leur souffle. Le prochain qui toucherait son adversaire gagnerait le combat. Il suffisait d'une seule attaque.
Absol lança vive-attaque ; Péti fit de même.
-Une heure de l'après-midi ? Déjà ?! s'étonna Tobias en regardant sa montre.
-Titititititik ! s'égosillait le Pokémon insecte et électrique en sautillant sur l'épaule de son compagnon, lui signifiant qu'il avait faim.
-Ca va, ça va, rouspéta l'homme en attrapant la bestiole dans ses mains, la délogeant de l'épaule.
Le ranger et le Pokémon crampon s'assirent au pied d'un arbre, au bord de la route qui bordait le lac Puoku. L'arbre en question était un grand sapin, qui semblait en parfait état de santé, ce qui était normal au vu de la pureté de cet endroit. Le ranger sourit en servant à la petite araignée jaune sa ration de nourriture habituelle. Il commença à manger lui-même un sandwich au fromage –un grand classique- tout en admirant la beauté de ce lieu qui restait toujours aussi sauvage et ce, malgré la présence des hommes à quelques kilomètres de la. Un Junkgo bondit de l'arbre ou Tobias et Kitrik était appuyé, faisant tomber des aiguilles dans les cheveux du garçon et dans la nourriture de l'araignée qui rouspéta et commença à trier ses croquettes. Alors que l'araignée soupira en souriant, heureuse d'avoir retiré les aiguilles, une nuée d'oiseaux de toutes sortes surgirent de l'arbre faisant retomber un paquet d'aiguilles vertes sur le Pokémon et sa nourriture qui se mit à sentir le sapin, indéniablement. Tobias eut un petit rire et Kitrik lui envoya une faible décharge électrique pour le faire taire.
-N'exagère pas... Il se pourrait que ça donne du goût à ce que tu manges ! déclara le garçon, rigolant toujours.
-Tik.
L'insecte tourna le dos à l'homme qui soupira, toujours aussi souriant, habitué aux bouderies de son Pokémon et continua son observation de la nature. Tous les Pokémon vivant ici semblaient se porter comme un charme : les oiseaux voltigeaient à tire d'aile au-dessus du lac ou bien haut dans le ciel, les insectes bourdonnaient dans les arbres ou autour des fleurs, les poissons nageaient paisiblement à la surface ou dans les profondeurs du lac. Près de la rive, les Pokémon se prélassaient, bronzant sous le soleil ou dégustant un poisson ou deux sur l'herbe. Il y en avait même qui s'adonnaient à un petit combat amical, afin de s'entraîner de temps à autre. Le combat opposait un Rozbouton à un Chetiflor. Mais le ranger détourna rapidement son regard de la petite bataille ; son regard venait d'être attiré par quelque chose d'étrange.
Il s'agissait d'un Flagadoss, couché sur l'herbe fraîche et mouillée, dos au jeune homme qui l'observait. Il n'était pas en train de dormir comme tous ses autres congénères, le Pokémon symbiose semblait même plutôt veiller sur quelque chose, fait très étrange pour un animal si peu réactif. En général, ils passaient la majorité de leur temps à roupiller sous le soleil ou dans leur caverne ou autre habitat naturel. Ils bougeaient leur corps uniquement pour aller pêcher ou lors de la saison des amours ou encore lorsque leur survie en dépendait. Rares étaient également les dresseurs qui parvenaient à les motiver à autre chose que manger et paresser. Ce fut pour toutes ses raisons que Tobias s'étonna de la chose et décida d'aller voir ce qui se tramait.
-Kitrik !
-Sta, boudait toujours le Pokémon.
-Kitrik ! J'ai besoin de toi, on va voir quelque chose ! s'écria le ranger.
La petite araignée se retourna et hocha la tête, délaissant son repas dévasté, incapable d'abandonner son ami dans le besoin. Le garçon tendit le bras et Kitrik bondit sur celui-ci avant de remonter vers l'épaule de son ami qui se redressa lentement, veillant à ce que son Pokémon s'accroche bien à sa veste.
Le ranger s'approcha du Pokémon qui tourna le regard vers l'humain qui l'approchait. Flagadoss poussa un cri et partit rapidement, n'ayant certainement pas envie de faire l'objet d'une capture pour l'instant ; quelqu'un avait trouvé l'étrange individu, ça ne le concernait plus cette histoire. Il plongea dans l'eau sans demander son reste, direction l'autre rive et son rocher de bronzage.
Tobias s'accroupit donc près du corps du garçon évanoui qui se tenait à ses pieds et l'observa. Ce visage et ces traits-la lui semblait familier, étrangement familier... Et soudain, le ranger se souvînt !
-Tiens, tiens...
-Statitik ! Stati stati ! s'écria le Pokémon électrique en reconnaissant lui aussi l'individu.
-Il semblerait bien qu'on ait mis la main sur un gros poisson Kitrik...
Tobias, dix ans. Rentrée de l'année 2004.
-Mon premier jour dans une vraie école ! Mon premier jour dans une vraie école !
Excité comme une puce, le gamin courait partout, secouant son sac en tout sens.
-Calme-toi, veux-tu ? lui intima fermement son père, d'une voix grave, bourrue. Assieds-toi la si tu veux aller ou que ce soit !
Le père désigna une chaise en bois solide, prêt d'une table recouverte d'une nappe bleue sombre. Le garçon s'assit instantanément et s'appuya contre le dossier de l'objet. Il fixa son regard sur le Ceribou de sa mère puis sur l'Etouraptor de son père adoré.
-Dis papa ? Est-ce que moi aussi j'aurai un Pokémon là-bas ?
-Sûrement. Si tu veux devenir un ranger, ils te confieront un compagnon, expliqua l'homme avoisinant les 35 ans.
-En général, ils sont petits, rapides et très dociles, continua sa mère gentiment.
Celle-ci savant que son fils adorait en savoir toujours plus, encore et encore, surtout lorsqu'il s'agissait de Pokémon. Aussi, elle continua son monologue :
-Aujourd'hui, on va certainement t'expliquer ce que vous ferez dans l'année qui viendra et on vous demandera de vous présenter.
-Oui, ça c'est facile parce que je sais déjà comment je m'appelle ! sourit Tobias, les yeux pétillants.
Sa mère eut un petit rire. Elle posa son regard empli de joie sur son enfant, un petit garçon à la tignasse châtain-clair et aux yeux bleus, intelligent et vif d'esprit, extrêmement proche des Pokémon. Il était sportif et adorait se balader dans la nature. Il passait son temps à courir, à escalader, et à grimper aux arbres en pourchassant les Migalos, les Chenipan et tous les autres Pokémon que l'on pouvait trouver aux alentours du village. Les parents de Tobias s'étaient en effet vite aperçus de l'affection de celui-ci pour toutes ses bestioles, principalement les araignées et les insectes.
Le gamin était suspendu aux lèvres de sa mère qui reprit son discours après un sourire :
-A mon avis, ils vous expliqueront les bases de ce que vous devrez savoir et à la fin de l'année, peut-être, on vous donnera votre compagnon. Ensuite, on vous expliquera comment combattre les catastrophes et les méchants avec vos amis Pokémon et...
-Weeeeee ! sauta de joie Tobias en l'interrompant. Les méchants, de toute façon, c'est des crottes de Keunotor que je vais exploser!
Le papa soupira mais ne put s'empêcher de sourire lui aussi.
Le garçon regarda l'heure sur l'horloge Noarfang qui trônait contre un mur de la cuisine.
-C'est l'heure ! C'est l'heure !
Groknius heurta Péti de toutes ses forces, son corps entier s'arquant pour contrer la vitesse et la puissance de son adversaire. Péti fit légèrement reculer Absol mais celui-ci planta ses griffes dans le sol l'empêchant de reculer davantage.
-Je ne te laisserai pas gagner... grogna-t-il.
-Je ne te ferai pas de cadeau non plus ! rugit la femelle.
Les pattes des deux adversaires commençaient à fatiguer mais chacun savait qu'il devait absolument gagner ce combat : il en allait de leur place pour la prochaine expédition et ils ne voulaient rater ça, pour rien au monde ! Groknius avait promis à son père qu'il viendrait ; Péti avait promis à son frère qu'il ne serait pas seul la prochaine fois.
-SOL ! rugirent en même temps les deux Pokémon à cornes en se repoussant mutuellement.
Les deux combattants dérapèrent contre la roche avant de s'écrouler en même temps et de glisser sur le sol sur plusieurs longs mètres. Après ce coup, les deux Pokémon s'écroulèrent en même temps. Aucun d'eux ne se releva dans le temps imparti.
-C'est un match nul ! asséna leur arbitre. Aucun de vous n'ira à la prochaine expédition. Si vous n'êtes même pas capable de réussir à surmonter une simple vive-attaque, inutile d'espérer quoi que ce soit !
« Non... » pensa tristement Groknius en reprenant son souffle, allongé face contre terre.
Péti, quant à elle, pensa à la déception de son frère et considéra l'Absol qui l'avait privé de sortie.
« Il est plus fort que ce que je pensais... Ourgh... »
Absol et Morgane était en vue du port d'Oliville.
-Enfin ! Arceus soit loué ! soupira la jeune fille.
-Absol ! affirma le compagnon blanc.
-Cherchons un bateau en direction d'une région autre que celle-là !
Les deux amis arpentèrent les quais, à la recherche d'un navire en direction d'un autre territoire. Ils passèrent une petite demi-heure à trouver un bateau convenable –suffisamment grand et plutôt populaire, ce qui signifie beaucoup de passagers-. Ils s'arrêtèrent devant le bâtiment marin qui ressemblait à un bateau de croisière.
Sur un tableau digital flottant dans les airs grâce à plusieurs Magnéti était inscrit le message suivant :
« Le Fier Bekipan prendra le large dans moins d'une heure pour la splendide et verdoyante région d'Esios. Tous les passagers sont priés de se présenter au quai numéro 19 afin de présenter leurs papiers ainsi que leur carte d'embarquement. Merci de surveiller vos enfants et vos Pokémon ainsi que vos affaires.
L'équipage vous souhaite un excellent voyage ainsi qu'un agréable séjour au sein de notre navire et vous remercie de votre confiance. »
Devant le quai, un grand bateau blanc, parcouru de petits traits bleus attendait que la longue file de gens impatients embarquent afin de pouvoir lever l'ancre. C'était un grand paquebot, un bateau de luxe titanesque capable d'engloutir un nombre fulgurant de passagers ; constitués de plusieurs étages, Le Fier Bekipan semblait contenir tout ce qui était possible pour que tout un chacun se sente à son aise ce qui signifiait piscines, restaurants, jeux pour les enfants, télévisions, terrains de combats pour les dresseurs, soigneurs de Pokémon, infirmiers, salon de détente, etc etc... Au pied du navire, une foule. On voyait la des gens de toutes sortes ici, venus de toutes les régions. Il y avait des enfants, petits ou grands, certains pleuraient d'autres trépignaient d'impatience ; de nombreux adultes également, vieux ou jeunes, seuls, en groupe ou avec des enfants. Enfin, des Pokémon. Beaucoup de Pokémon provenant des quatre coins du globe. Des Caninos, des Chacripan, des Goinfrex, des Altaria, de grands et puissants dragons, des petits animaux de compagnie, des insectes, des Pokémon gardes du corps pour une quelconque célébrité et même deux ou trois Absol qui semblaient terriblement malheureux ce qui fit gronder Groknius. Toute cette foule se brouillait dans une étrange cacophonie et dans un contact permanent.
-Absol... Je peux pas faire ça...
Morgane regarda Absol qui hocha la tête. La jeune fille désigna alors une caisse ouverte parmi les nombreuses autres et les deux individus se faufilèrent vers leur future cachette, discrets comme des ombres. C'était une boîte contenant des provisions en tout genre pour le voyage. Du pain, des fruits, des noix, de l'eau... Les deux compagnons ne mourraient pas affamés là-dedans. Morgane sauta à l'intérieur et Absol traîna le couvercle avant de s'engouffrer à son tour dans leur cachette précaire et de les enfermer habilement.
Peu après, des bruits de boîtes qu'on ferme hermétiquement se firent entendre. Absol et Morgane se sentirent soulevés dans les airs par des bras mécaniques puis furent posés dans le bateau avec un léger choc qui fit frémir la jeune femme. Enfin, la boîte de nourriture acheva son voyage par un transfert express dans la cale du bateau.
Une heure plus tard, enfermés dans la boîte aux côtés de nombreuses victuailles, ils étaient en route pour Esios.