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Entre deux mondes de Xabab



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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 15/08/2014 à 22:44
» Dernière mise à jour le 15/08/2014 à 22:44

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Chapitre 40 : Richard
« Les hommes s'impatientent, monsieur. Et ce avec tout le respect que je vous dois.
– Je sais, capitaine Grand, je sais parfaitement. Mais que voulez-vous que je puisse faire pour y remédier ? Une peste se déclenche sur le navire contrôlé par Fargas, alias celui qui finance en partie le projet, qui en est à l'origine et le seul qui sait quoi faire une fois dans l'autre monde. Le roi m'a bien chargé de civiliser les peuples, d'installer la Nouvelle Kalos et de ramener un émissaire sauvage au pays mais ce n'est que la moitié du projet. Fargas est la seconde, son usine l'est, ses PokeBalls et son projet. Sans cela je ne peux rien et il est le seul à pouvoir diriger cette partie du plan.
– Vous oubliez monsieur Chen, si je puis me permettre. Il est réputé comme extrêmement sage et performant, héritier de l'entreprise de Fargas qui a pourtant un fils légitime. »

Les paroles du capitaine apaisèrent en partie Richard qui serra les poings avant de laisser tomber mollement ses mains sur son bureau et de souffler.
« Il est compétent, je le sais. Ses exploits font le tour du pays et on sait tous qu'il est l'origine du concept actuel de la PokeBall, sans parler de toutes les trouvailles de sa part pour en améliorer le fonctionnement.
– Oui, reprit Grand qui ne voyait pas le problème, c'est ce que j'essayais de vous dire à l'instant.
– Effectivement. Mais en attendant Chen n'est qu'un gamin. Un gamin intelligent, doué, sans doute téméraire mais un gamin. On ne parle pas de créer une balle dans un laboratoire, seul. On parle de diriger des centaines d'hommes, ceux de cette expédition. Des mineurs, des artisans, des ouvriers, quelques soldats…Ceux-là et les renforts que le roi nous enverra. »
Grand plissa les sourcils mais écouta son commandant.

« Ce que je veux dire c'est qu'importe ses qualités ; il n'y arrivera pas. Fargas est un meneur, un homme qui sans violence a forgé un empire, en moins d'année que Louis V il y a mille ans quand Kalos était à son apogée. Il est riche, charismatique et les hommes l'admirent. Paul est jeune et sans expérience. Les hommes qu'il doit diriger vont subir les maladies, le mal du pays, les possibles guerres avec les sauvages et l'absence de femme. Certains vont fuir, d'autres vont se rebeller, d'autres iront violer une sauvageonne sans tenir compte du couvre-feu avant de se faire tuer…
– Mais…
– Il n'y a pas de mais. Le monde dans lequel nous nous rendons est dangereux et cruel. Et par-dessus tout nous serons seuls, sans famille ou ami auquel s'accrocher. Certains de ce voyage sont des soldats avertis mais la plupart ne sont que des enfants dont le cœur brûle d'aventure. Tu penses qu'ils tiendront combien de temps ?
– Je ne sais pas… »

Et à cela Richard ne répondit pas immédiatement. Il baissa les yeux le temps d'une minute le temps de la réflexion, replongeant dans sa mémoire et se rappelant certains souvenirs de tous ses voyages. Et, aussi loin qu'il pouvait remonter, il ne trouvait rien de semblable à celui qu'il était en train d'entreprendre. Cette expédition était celle de sa vie, l'unique. La conquête de ce continent de l'Uros après sa découverte.
« Tu vois, reprit-il sur un ton plus posé, c'est la première fois que je mène une expédition de cette envergure et je ne sais même pas si je vais m'en sortir. Alors qu'il y arrive je demande à voir. Nous partons pour au moins dix ans sur cette terre le temps d'installer notre colonie ; dix ans. Combien de temps penses-tu que les hommes vont tenir ?
– Ils sont au courant pour le temps que l'on doit passer à cet endroit, c'était dans le contrat et…
– Et ils l'ont signés sans se rendre compte des conséquences. Je te l'ai dit : des cœurs emplis d'une ardeur sans borne, d'une flamme passionnée par l'aventure qui malheureusement ne peut que s'éteindre. »

Il laissa un instant le silence retomber, comme s'il désirait que ses mots restent un instant en suspension dans l'atmosphère afin de leur donner un impact plus puissant. Cela faisait quelques années qu'il voyageait avec Grand. Ce dernier était capable de diriger une armée sans souci, de lire une carte maritime les yeux fermés et de raser une forêt sans bouger le petit doigt. Malgré cela il ne comprenait toujours rien aux hommes.
« Tu vois nous allons à un endroit dont on reviendra vainqueur ou dont on ne reviendra pas du tout. »
Et il replongea dans le silence, inspirant profondément entre chaque phrase. Face à lui l'écoutait son capitaine avec une attention noble et sincère, comme s'il buvait chacune de ses paroles.

« Bon maintenant reprenons nos affaires, lança Richard après cette minute de silence comme s'il balayait de la main tout le reste de la discussion. Je dois gérer une peste et en plus de cela une bande de dégénérés hurlent pendant la nuit et tire à vue sur les contaminés. Quelqu'un les a identifiés au sujet ?
– Les négationnistes que le roi a fait embarquer.
– Les négationnistes, répéta le commandant en faisant crisser ses dents. Comme si j'avais besoin de ces bouffons de second ordre dans mon équipage. Ce sont des malades mentaux qui seraient d'avis que je viole leurs sœurs devant eux sans rien faire si Arceus leur disait que c'était permit par la loi. Je serais d'avis de jeter tous ces malades par-dessus bord et de les donner à bouffer aux Sharpedos qui hantent l'océan. Ils ne devraient même pas exister ces satanés… »
Mais il s'interrompit brusquement dans son discours de haine suite à des coups portés contre sa porte, ce qui l'importuna.

« Oui, entrez ! ordonna le commandant avec une réticence certaine dans le ton de sa voix. »
Bastien ne se fit pas prier deux fois et entra, sentant comme un léger malaise entre lui et ceux qu'il venait d'interrompre. Néanmoins le jeune homme tenta de ne pas y prêter attention et délivra immédiatement l'information qu'il était venu porter.
« Monsieur Chen est en route sur une chaloupe à destination de ce navire, expliqua-t-il de façon très calme afin de briser la glace et en choisissant tous ses mots. Il y a sur son embarcation le capitaine du navire, le prêtre Frollo et les négationnistes.
– Les négationnistes vont débarquer sur ce pont ? s'exclama Richard sans tenir compte du reste. Mais qu'est-ce qui lui passe par la tête ?
– Je ne sais pas, capitaine. »

Richard posa pendant quelques secondes ses doigts contre son front comme s'il cherchait une solution à la situation. Aucun de ses deux interlocuteurs ne prit la parole pendant ce temps, ne voulant pas le déranger. Lorsqu'il fut prêt il remonta les yeux vers Bastien et tenta de lui sourire afin de paraître plus détendu.
« Très bien. Tu vas l'accueillir mais je ne veux pas de Frollo ou des autres dans ce bureau, c'est compris ?
– Avec votre permission puis-je me soustraire à cet accueil ? bégaya Bastien soudain moins à l'aise. Il y a une voile qui menace de tomber et…
– J'ai compris, j'ai compris, le coupa Richard qui en avait visiblement assez de tous ces soucis. Je vais aller lui serrer la main en personne, fais ce que tu as à faire.
– Merci énormément.
– Inutile, file. »

Il lui fit un geste de la main pour lui indiquer de partir et le garçon ne se fit pas prier. Tenant d'une main sa jambe qui le faisait toujours autant souffrir, il quitta la pièce sans rien ajouter. Le commandant se leva à sa suite, demanda à Grand de le suivre et sortit sur le pont.
Il prit directement à gauche, sachant à l'avance où se situait le bateau des arrivants et vit venir à lui la chaloupe dont venait de lui parler son aide de camp.
« Monsieur Chen, cria-t-il à l'annonce d'une jeune homme qui arrivait dans leur direction. C'est un honneur de faire votre connaissance mais si vous pouviez empêcher ces zouaves de monter à mon bord ce serait un plaisir.
– Nous venons vous les livrer pour les enfermer, répondit sèchement Paul sans autre marque de politesse.
– Dans la douleur et le dédain, Arceus nous éclaire de sa splendeur, ajoutaient en cœur le groupe de prête que Gonzo s'empressa de faire taire d'un coup de crosse.
– Bouclez-là ! »

Richard, impassible face à la mer comme la proue d'un navire fendant fièrement l'océan, resta calme. Grand, qui le regardait en retrait, savait qu'il venait de nouveau d'entrer dans une phase de réflexion intense afin de prendre une décision. C'était un commandant réfléchi qui n'avait jamais rien laissé au hasard ; il ne le ferait pas plus aujourd'hui.
« Parfait, décida-t-il. Montez en premier avec Gonzo et monsieur Frollo. Mes hommes vont se charger par la suite de ces imbéciles.
– Dans la douleur et le dédain…
– Fermez-là, répéta encore le capitaine en les frappant plus fort, enfants de catin !
– … nous éclaire de sa lumière. »

Comme l'avait décidé le commandant une échelle fut descendue uniquement pour que Paul et ses deux acolytes puissent rallier le pont. Gonzo s'était proposé pour servir d'émissaire auprès de Richard qu'il connaissait bien et Frollo n'avait pas laissé le choix à Paul de le prendre avec lui sur la chaloupe. Trois soldats étaient aussi du voyage et se chargeaient en silence de tenir les prêtres au calme.
Arrivé sur le pont le premier Paul se dressa face à Richard qu'il voyait pour la seconde fois de sa vie. L'image qu'il avait du conquérant se brisa presque instantanément. Ce n'était plus le soldat fier qui marchait dans Illumis sur un destrier blanc, couronné de lauriers et dressant sa lance au-dessus de son front brillant. Ce n'était qu'un homme fatigué par de longs voyages qui avait acquis une sagesse certaine mais semblait avoir perdu de sa virulence.

Paul lui tendit la main après cette rapide, sans ne rien laisser transparaître de ses impressions et le gratifia de quelques formules de politesse. Richard en fit de même avant de saluer Gonzo du menton, ne montrant pas devant ses hommes l'affinité qu'il pouvait porter à son capitaine. Et pour finir il ajouta un rapide bonjour à l'égard de Frollo qui se tenait en retrait, les mains jointes dans son dos.
« Si vous voulez tout savoir il n'y a aucun réformiste sur ce navire, lui lança Richard en guise de pique.
– Ma réputation me précède à ce que je vois, répondit simplement le prêtre en souriant. Je ne suis néanmoins pas là pour tuer ces hommes ; pas aujourd'hui. D'ailleurs je sais qu'il y a de ces diables parmi l'équipage. »
Richard fit la grimace et se détourna de cet homme. Au même moment montaient sur son navire la troupe de négationnistes, escortée par une vingtaine de gardes.

« Mettez tout ça aux fers jusqu'à notre arrivée en Uros, ordonna-t-il. Je ne veux pas en voir un traîner. »
Il se retourna ensuite vers Paul qu'il invita à marcher quelques instants sur le pont.
« Ce sont ces malades qui ont tirés à l'instant ? demanda-t-il.
– Oui. Ils voulaient radier la peste en coulant le navire, sous l'égide d'Arceus bien entendu. »
Richard voulu ajouter quelque chose mais il se ravisa en voyant que Frollo les suivait. Critiquer quelques secondes la religion pouvait être dangereux quand un homme comme lui était sur ses talons.
« Continuez, lança d'ailleurs ce dernier en souriant, faites comme si je n'étais pas là. »

Richard exprima un rictus et poursuivit.
« Vous êtes venu pour autre chose que me livrer les négationnistes, pas vrai ?
– En effet, répondit Paul en s'arrêtant brusquement de marcher afin de prendre sa respiration. Je veux… Je veux que nous allions récupérer Fargas et son domestique sur le navire infecté et ce avant ce soir. Avec un peu de chances nous pouvons les sauver et faire en sorte que tout se passe bien par la suite. Il faut qu'on les aide, qu'on les tire de ce mauvais pas… Je vous en prie faites-le pour eux, ce sont des hommes bons et utiles pour notre voyage… »
Mais Richard restait de marbre face aux revendications de Paul qui, malgré tout le calme dont il tentait de faire preuve, ne parvenait à cacher sa peine.

« Je parlais de la situation avec mon capitaine avant votre arrivée. Je disais que sans Fargas ce que nous essayions d'entreprendre est d'avance voué à l'échec ; je sais donc la valeur qu'il a pour notre expédition. Mais je connais aussi la valeur de tous mes hommes. De ma vie, la vôtre, celle de ce marin là-bas, lança-t-il en désignant Bastien qui réparait la voile. Je ne peux pas me permettre de voir l'épidémie se répandre. »
Il n'ajouta rien, pensant que Paul avait compris le problème. Ce dernier regardait vaguement au loin, son regard comme figé vers un point précis au-dessus de leurs têtes. Richard, intrigué se retourna et vit qu'il regardait son aide de camp qui se démenait tant bien que mal avec un nœud.
« Monsieur Chen ? »
Paul secoua la tête, reprenant ses esprits et fixa de nouveau le commandant.

« Désolé, j'ai eu comme une hallucination. Sans doute la fatigue, ne vous en faites pas pour ça.
– Vous comprenez pour vos amis ? »
Il baissa le regard à cette question sans savoir quoi répondre. Ce fut Frollo qui prit la parole à sa place.
« Tout le monde ne meurt pas en cas de peste. Fargas est dans sa cabine, coupé du reste de son équipage. Il a peu de chance de contracter la maladie et d'en mourir. Sur un bateau aussi petit que cela qu'il dirige je pense qu'il ne faudra qu'une dizaine de jour pour décimer tout le monde. Les survivants pourront nous rejoindre d'ici là. »
Sur ce il laissa retomber le silence et se détourna tout simplement des deux hommes. Il revint à l'échelle et redescendit dans la chaloupe sans ajouter un mot de plus.

« Je ne veux pas vous mettre la pression, ajouta Richard en se tournant vers son interlocuteur, mais les paroles du prêtre sont trop encourageantes, je ne veux pas éloigner l'autre possibilité ; pour le bien de l'expédition, vous comprenez ?
– Tout à fait, répondit le jeune ingénieur calmement.
– Fargas est la clé de ce voyage et s'il meurt j'aurais besoin de quelqu'un d'autre pour prendre sa place, un homme qui peut jouer son rôle. Quelqu'un qui connait sa façon d'agir, qui a autant d'ambition dans la vie…
– Je suis le seul qui peut le remplacer, le coupa Paul. Et je le ferais si c'est votre question. »
Les deux hommes se regardèrent dans les yeux pendant quelques secondes comme si chacun tentait de percer l'autre à jour puis Richard tendit la main. Son interlocuteur la serra avant de rejoindre Frollo et Gonzo. La visite avait été brève mais instructive.

Lorsque l'embarcation s'éloigna le capitaine Grand rejoignit son commandant sur le pont, une question sur le bord des lèvres.
« Alors ?
– Il a les épaules pour être le remplaçant de Fargas et je ne m'attendais pas à un tel caractère.
– C'est donc parfait.
– Non. »
Sur ce simple mot il se retourna et se dirigea vers sa cabine en ajoutant une dernière phrase par-dessus son épaule : « Même s'il est fort, il reste un gamin. Il n'a pas la vie derrière lui, pas une seule expérience. »