Chat des rues
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Vous l'avez peut-être connu
Ou simplement vu
Ce tout petit chat fragile
Qui tente de survivre seul
Dans un monde trop dur.
Le soir, alors qu'il s'enivre
Après avoir bu une bouteille,
Il aperçut, au milieu des poubelles
Renversées, une pièce dorée
Qui soudain le tire de sa torpeur.
Ses yeux jusque là éteints
S'allumèrent d'un feu éphémère.
Cette pièce de monnaie sale et bossue
Qu'il cherchait depuis des jours
Dans les ordures amoncelées
Lui parut encore plus belle,
Éclairée par les lampadaires nocturnes.
Pour fêter cette heureuse trouvaille,
Miaouss, encore hébété,
Dressa la table dans son repère lugubre
Situé dans le trou d'un mur presque effondré.
Il s'offrait le luxe de déboucher
Une bouteille de champagne
Depuis longtemps dépassé, qu'il gardait en secret
Pour les grandes occasions.
Il trinquait avec la fortune et la bénissait
En engloutissant l'or qui pétillait dans sa coupe.
Brusquement un invité indésirable se présenta
Et se mit à cracher un venin nauséabond
Pour chasser le matou fortuné
Et récupérer son unique trésor.
Expulser de son chez-soi par un Tadmorv parasite,
Miaouss se mit à déambuler dans les rues désertes
Silencieux, rêvant d'un prochain avenir,
Tâtonnant de ses pattes la pièce brillante
Son seul bien qu'il avait réussi à sauver.
*****
Les passants ne le remarquaient pas
Ou ne voulaient pas le voir,
Ce petit Miaouss qui se lavait
Au coins des dangereux trottoirs,
Modestement abrité
Dans sa nouvelle demeure en carton.
C'est alors que, parmi les flâneurs,
Il la vit, enveloppée d'une gracieuse voilette.
Elle se pencha vers ce corps maigre
Et lui demanda "Qu'est-ce que tu fais là ?
Tu fais la manche pour ton dresseur, c'est ça ?"
Miaouss ne savait que répondre,
Intimidé par cette beauté masquée ;
Si elle savait que j'étais seul ici-bas...
Pensait-il en dégustant les caresses de l'inconnue
Avec dans la gueule une mystérieuse saveur.
"A qui est ce chaton ? demanda-t-elle enfin aux passants
Qui bien sûr circulaient devant elle sans la voir."
Tous regardaient avec dégoût ce chat miteux.
La femme se mit à pleurer d'indignation sous sa voilette.
*****
La dame était revenue en traînant un homme avec elle.
Elle le suppliait, les yeux rouges ;
"Emmènes-le avec toi, je t'en prie
Loin d'ici, loin de cette misérable vie."
L'homme portait un haut de forme sombre
Avec un costume rouge carmin ;
Il serra la patte du chaton dans sa main
Et lui demanda si il voulait le suivre.
Un Mr.Mime l'accompagnait et s'amusait
A faire des pitreries pour faire rire.
Miaouss fit pour toute réponse à l'homme
Une offrande qui voulait tout dire : la pièce dorée
Qu'il avait un jour trouvé dans les poubelles,
Était son bien le plus précieux
Et il le lui donnait.
*****
Dans les coulisses bruyantes d'un cirque bondé
Miaouss essuyait vigoureusement son visage peint
De couleurs vives : bleus, rouges, vertes, jaunes.
Il avait son petit succès en tant que compagnon
De Monsieur Loyal, cet homme qui l'avait recueillit
Un an plus tôt. Il s'en souvenait.
Miaouss se préparait à remonter sur scène
Quand il reconnu, posée sur un pupitre
Et enveloppée dans une voilette,
Cette pièce sale et bossue, celle de son passé miséreux
Mais aussi celle de ses rêves et de ses espérances.