006-Révélations et pêche à la ligne
-Piafabeeeeeeec ! Piafabeeeeeec !
Morgane ouvrit les yeux brusquement et se redressa d'un coup. Un violent mal de tête la prit aussitôt. Une grimace vint assombrir son visage encore assoupi ; le réveil trop rapide lui donna des douleurs qui s'estompèrent rapidement cependant. La jeune femme de dix-huit ans regarda autour d'elle furtivement, craignant une nouvelle attaque ou embuscade. Mais non, tout était calme et paisible. Le Piafabec s'envola tandis que plusieurs Pokémon insectes tels que des Paras ou encore des Aspicot sortaient de leur cachette, voyant que l'oiseau s'éloignait.
Un rai de lumière fendait au travers de la clairière, un peu comme dans ces films où le rayon de soleil vient éclairer le héros alors que celui-ci vient de sauver le monde. Mais Morgane ne se sentait pas l'âme d'une héroïne et n'avait certainement pas envie de sauver le monde. Une brise passa, faisant doucement bouger et bruisser la flore de la forêt en même temps que les cheveux de la fille. Les yeux de celles-ci perdirent l'éclat de frayeur qui s'était invité dès le réveil et fut remplacé par un air maussade.
« Un cauchemar. Juste un cauchemar Morgane... »
Dans son rêve, elle revoyait son père et le fier Démolosse la pourchassant. Il lui semblait qu'elle courait sur place, retenu par la boue et les racines des arbres. Des Cornèbre volaient bas dans le ciel et formait comme un mur céleste noir qui empêchait de voir le ciel et le soleil. La jeune fille avait l'impression qu'un piège affreux se refermait sur elle, lentement. Le sombre Pokémon bondit soudain sur elle, des flammes ardentes tout autour de lui, de son corps entier. Ses cornes, le brasier qui l'entouraient, tout lui donnait l'apparence du diable même. Bloquée par des racines et les éléments du décor de son rêve, Morgane resta tétanisée.
Long soupir discret.
« Papa... »
Elle renifla pour retenir ses larmes qui menaçaient de couler en torrent une nouvelle fois.
A ce son significatif, Absol releva la tête. Il avait veillé toute la nuit, tournant et remuant des pensées sombres qu'il préférait garder secrètes. La matinée était déjà bien avancée et la course du soleil, bien entamée. Le ciel était bleu, sans nuages pour assombrir la journée et la température ambiante était parfaite. Un jour parfait pour tous les dresseurs et leurs compagnons, somme toute. Cependant, pour les deux amis, la route aurait déjà dû être reprise depuis l'aube mais Absol n'avait pas osé réveiller la jeune fille blonde...
Un sourire bienveillant s'étira cependant sur son visage fatigué quand il vit que sa compagne était éveillée. Ils allaient pouvoir reprendre la route ! Et il était temps ! Ce serait parfait s'ils arrivaient au pied de la montagne avant la tombée de la nuit.
Morgane prit alors conscience que le Pokémon aurait dû la réveiller bien avant. Et pas seulement pour repartir sur les chemins poussiéreux mais aussi pour que, pendant la nuit, elle monte la garde et le laisse reprendre des forces!
-Absol ! Tu devais dormir aussi !
Le Pokémon blanc à corne secoua la tête de droite à gauche, lentement.
-Absol enfin ! La protection que tu me dois ne doit pas t'empêcher de dormir enfin...
Le Pokémon reprit un air neutre et prit une décision importante.
« Il faut le faire maintenant. Si elle veut avoir confiance en moi, il ne doit plus y avoir de secrets entre nous. »
Ses yeux rubis fixèrent les gris de la jeune fille frustrée. Et sans même ouvrir la bouche, le Pokémon communiqua.
- Tu es bien plus importante que moi. C'est de toi dont dépend le destin du monde et tu le sais.
Morgane écarquilla les yeux. Cette voix ! Elle l'avait rêvée ou... ?
« De la... télépathie ?... Non, impossible !»
-Mais comment... ? Tu... Enfin, tu es un Pokémon ! Tu ne peux pas me parler ! bégaya-t-elle.
-Un lien puissant nous unit. Nous sommes liés.
-Liés ? répéta la jeune fille, perturbée tout à coup.
-Nos destins et nos vies sont liés à tout jamais, expliqua calmement le Pokémon. Je sais que tu as besoin d'explications, que tu as peur de ce que tu vis et que tu veux juste pouvoir comprendre. Mais nous devons avancer à présent. Nous n'avons pas de temps à perdre. Je te promets de tout t'expliquer plus tard. Tu peux me faire confiance, Morgane.
La voix d'Absol résonnait dans la tête de Morgane non pas comme le ferait un gong, non. Ca ressemblait plutôt à un écho faible mais parfaitement perceptible et dont les ondes semblaient parvenir directement au cerveau humain. La jeune femme, interloquée par cette nouvelle étonnante, opina du chef.
« Oui, au cas où mon père aurait encore l'envie de me tuer, nous devons progresser. »
-Très bien... Alors... Allons-y ?
Absol ne dit plus rien et son amie fut visiblement déçue par l'absence de réponse. Mais Absol était et restait avant tout un Pokémon solitaire et principalement silencieux. Il s'assit un instant, se leva, s'ébroua puis commença à avancer en direction du chemin de terre qui coupait à travers bois et qui les conduirait tout droit vers la ville prochaine.
-Eho ! Morgane ! Morgane eh !
La petite fille de cinq ans se retourna vivement, le sourire au visage. Elle serrait fort dans ces bras un tout petit Pokémon oiseau visiblement très heureux d'être là.
-Morgane !...
Un jeune garçon, du même âge qu'elle, accourut vers elle, ahanant, l'air franchement essoufflé et les joues rouges d'avoir couru.
-Regarde... regarde ce que j'ai trouvé pour toi ! lança-t-il, enthousiaste, en lui montrant ce qu'il tenait dans les bras.
Morgane posa le petit Natu sur son épaule droite et prit l'autre Pokémon que son ami lui tendait. L'oiseau se pencha pour voir ce que son amie observait. La plume sur sa tête partit légèrement en avant tandis que ses ailes et sa queue s'agitaient pour le maintenir en équilibre. Enfin, ses yeux malicieux se fixèrent sur l'objet de la course du garçon. Il s'agissait d'un étrange hérisson recouvert de poils verts sur son dos qui se révéla être de l'herbe, ornée de deux petites fleurs roses à droite et à gauche de sa tête. Ses yeux étaient fermés et le Pokémon dormait visiblement profondément.
Le garçon sourit et s'écria :
-Il est beau hein ? J'ai été le chercher pour toi ! Je ne sais pas ce que c'est comme Pokémon mais je te l'offre parce qu'il est aussi joli que toi !
Morgane rougit légèrement et ne savait que répondre face à ce magnifique cadeau mais une force étrange la poussait à refuser l'offre.
-Oui mais... Regarde, il dort... Je pense qu'on devrait le laisser en liberté non ? hésita-t-elle.
-Mais nan ! Garde-le avec toi, s'il te plaît ! rouspéta l'enfant.
-Oh...
-Si tu ne le veux pas, je peux le reprendre ?
Morgane admira l'hérisson qui ressemblait plus à une grosse fleur qu'à un animal.
-Non, non... C'est bon je... je le garde.
Le gamin sourit à nouveau.
-Tu me promets qu'il restera toujours prêt de toi ? C'est pour ton anniversaire, tu sais ?!
-O-oui ! déclara Morgane en serrant le Pokémon contre son cœur ce qui rendit visiblement Natu jaloux au vu de sa plume rouge qui se dressa à la verticale sur sa tête.
-Joyeux anniversaire !
Le petit oiseau, perché sur l'épaule de son amie, regarda le Pokémon d'un air hautain et inclina sa grosse tête plus avant encore.
« Quelle étrange chose », pensa-t-il.
Absol et Morgane arrivèrent en fin d'après-midi dans la ville. Elle était visiblement tentaculaire, encore plus grande qu'Illumis ou même Unionpolis ! Ils ne s'attardèrent ni sur les habitations gigantesques, ni sur les boutiques et les gens, ni même sur le nom de la ville. Ils se contentèrent de traverser l'immense cité en baissant le regard et en évitant toute discussion.
En début d'après-midi, les deux comparses cheminaient tranquillement vers le mont qui s'élevait, majestueux, devant eux. La ville au nom inconnue était déjà plusieurs kilomètres derrière eux et le bruit s'était tu depuis longtemps.
« La dernière étape avant de nouveaux horizons », pensa amèrement Morgane.
Ils croisèrent quelques dresseurs qui leur proposèrent un combat en voyant Absol mais à chaque fois, Morgane effectuait un repli stratégique en bredouillant que ce n'était pas réellement son Pokémon et que de toute façon, elle n'était pas dresseuse. Chaque individu qui entendait ce discours peu engagent soupirait de manière franchement impolie puis repartait en traînant des pieds, Pokémon à leur suite tout aussi dépité ou au contraire, heureux d'éviter une bataille.
Absol poussa un soupir fatigué.
« Bientôt...»
...
Flagadoss releva la tête lentement du caillou sur lequel il se prélassait et bailla paresseusement. Son regard se posa sur le lac qui s'étendait devant lui, calme et paisible. C'était vraiment un bel endroit à vivre : se tenant au pied de la montagne imposante qui semblait veiller sur lui, assez éloigné de la ville la plus proche, de nombreuses plantes poussaient ici, que ce soient des fleurs ou des arbres. Une importante population de Pokémon s'était établie ici et ce, depuis déjà de nombreuses générations. On comptait principalement des individus aquatiques mais les Pokémon plante et insecte n'étaient pas rares non plus. Justement, un Crikzik passa au ras de l'eau, créant une petite onde qui se propagea à la surface de l'eau. Flagadoss sourit. Il avait établi une sorte de point d'observation sur un rocher assez bas, proche du niveau de l'eau. Il avait construit une petite tanière juste en-dessous du promontoire. Ainsi, il avait juste à grimper sur quelques centimètres pour atteindre son endroit favori et admirer longuement la vue.
Son ventre gargouilla bruyamment.
« Oh non... »
Il allait à nouveau devoir se lever pour aller pêcher. Le soleil dont il profitait tant depuis quelques heures maintenant, il allait devoir le délaisser pour plonger dans l'eau fraiche du lac. Le Pokémon soupira. Depuis que ce Kokiyas avait violemment mordu sa queue, il y a de là quelques mois maintenant, Flagadoss avait perdu sa vie confortable où il pouvait attraper quelques Magicarpe et autres Pokémon aquatiques sans bouger le museau. Il regrettait sa vie tranquille de Ramoloss et passait son temps à ressasser ses souvenirs. Ce qui ne l'empêchait pas de passer la plupart du temps à dormir sous le soleil. Quand il pleuvait, neigeait ou grêlait, il se contentait d'une longue sieste au fond de sa tanière confortable et chaude.
Il traîna son corps de malabar rose jusqu'à l'étendue bleutée et commença par y plonger la tête. Ses yeux, ouverts dans l'eau, scrutèrent le monde silencieux du lac. Quelques poissons de ci de la. Ca lui suffirait largement pour la journée. Le Pokémon symbiose se laissa glisser du caillou sur lequel il était perché, trainant à sa suite le gros coquillage accroché à sa queue.
Le Pokémon eau et psy se força à nager plus vigoureusement et partit en quête de proie. Malgré le fait qu'il détestait faire des efforts trop fréquemment, Flagadoss adorait par-dessus tout le silence aquatique. Ce monde où tous étaient muet, où les êtres terrestres n'avaient pas leur place. Loin du bruit, loin du monde. Flagadoss sourit en se félicitant d'être à la fois un individu terrestre et marin et se dirigea vers un banc de Magicarpe qui remuait en tout sens en tentant désespérément de nager. Des proies faciles, voila ce dont le Pokémon avait besoin ; pas trop d'effort, aucun besoin d'utiliser ses pouvoirs psychiques.
Tout à coup, quelque chose de gros et sombre vint perturber le calme marin et les poissons profitèrent de cet incident pour fuir le chasseur malabar affamé.
« Oh zut ! », ragea le Pokémon, déçu.
Il nagea en direction de la chose qui l'avait perturbé dans sa traque paisible, bien décidé à en découdre ! Flagadoss prépara un choc mental, histoire de bien assomer son rival dès le début du match et s'approcha de la masse sombre qui s'enfonçait lentement dans l'eau, entrainée par une sorte de poids. C'était plutôt gros pour un Pokémon... Enfin, le Flagadoss rose se tint juste à côté de son ennemi impromptu. Il prit alors conscience d'une chose tout à fait incroyable et écarquilla les yeux.
« Oh mais ! C'est un humain ! »
Et il était visiblement endormi, une grimace sur son visage exprimant la douleur du garçon. Flagadoss eut un air interloqué.
-Flagaflaga ?! tenta-t-il en faisant des bulles.
« Les humains... ne viennent jamais dans l'eau ! »
Le malabar de plus d'un mètre cinquante observa longuement l'homme avant de s'apercevoir qu'il ne bougeait pas du tout. Son sac à dos semblait l'entraîner vers le fond rapidement et l'être humain commençait à manquer cruellement d'air au vu de la pâleur extrême de son visage.
Flagadoss soupira intérieurement en se disant qu'il ne mangerait pas beaucoup aujourd'hui et saisit le jeune homme par les épaules en commençant à remonter vers la surface.