Crépuscule de Samiki

-Sol...
Absol, alias Groknius, s'effondra contre le sol avec soulagement. Ses pattes ne parvenaient plus à supporter son poids. La fourrure sous ses quatre membres était partie par endroits à force de fuites, laissant la chair à vif. Plusieurs traces de sang étaient visibles sur son superbe pelage blanc, donnant un aspect macabre au Pokémon désastre. La terre, la boue et la poussière donnait à Absol l'impression d'être souillé ; il se sentait sale et ne rêvait que de se baigner dans un lac pour faire trempette. Ses yeux voyaient trouble tant la fatigue était forte mais il se devait de tenir. En ce moment même, il donnerait n'importe quoi pour posséder le talent insomnia.
Le Pokémon reprit son souffle lentement et sa respiration reprit son rythme normal ; son cœur battait à un rythme effréné depuis leur fuite après la rencontre avec le paternel de la jeune fille.

Justement, Morgane tomba à côté du Pokémon blanc avec la même expression de fatigue sur le visage. La terreur prenait également une place tout à fait compréhensible dans ses yeux : elle venait d'échapper à la mort de justesse.
Le Démolosse avait été rapide mais pas assez pour le Pokémon désastre qui avait su placer l'attaque tranche-nuit juste à temps, malgré le risque que son compagnon prenait au vu de la puissance de l'attaque feu.
Morgane se redressa en position assise, posa la tête sur ses genoux et la cacha de ses bras.
« Papa... C'est papa qui a voulu me tuer... Est-ce qu'il est devenu fou ? Comment est-ce que ça peut arriver ? Mon propre père à voulu me tuer... »
Elle se mit à pleurer à chaudes larmes, silencieusement. Quelques tremblements agitaient son dos de temps à autre mais la jeune fille parvint à se contenir et à rester discrète.
L'Absol détourna le regard, laissant à la jeune fille la paix dont elle avait besoin. La bête à corne regarda ses blessures et s'employa à en nettoyer quelques-unes à coup de léchouilles. Les plaies n'étaient pas très profondes et même les brûlures semblaient faibles et partiraient sans laisser de trace. Seule restait la marque sur son épaule, brûlante et douloureuse depuis tant d'années maintenant.

Il finit par abandonner ses tentatives de soin digne d'un Seviper tentant de se reconvertir en Ptiravi. Soupir profond.
Morgane parvint à surmonter sa tristesse et fixa la clairière, les yeux rougis par les pleurs.
« Dès qu'on sera partis pour notre prochaine région... Il faudra que j'oublie mon passé. Ce sera mieux pour moi... Et puis, Absol m'aidera... J'espère... »
La jeune fille examina la forêt attentivement, à la recherche d'une éventuelle... oui !

Morgane attira l'attention de son ami.
-Regarde Absol... souffla la jeune femme en désignant la route proche.
-Ab ?
La route désignée par Morgane conduisait tout droit vers une ville surplombée par une montagne de taille moyenne qu'il pouvait apercevoir d'ici.
-On y est presque...
Absol hocha la tête. Bientôt il pourrait partir de cette région. Mais d'abord il leur fallait franchir ce mont.
Il posa sa tête entre deux pissenlits et observa la montagne distraitement. Le soleil se couchait lentement derrière celle-ci et offrait la vue d'un paysage magnifique. Le ciel bleu se teintait d'une splendide couleur rose-orange qui rappelait un doux feu de camp tandis que les nuages encore présent dans le ciel tendait à disparaître et prenait un aspect de plus en plus flou. L'astre couchant profitait de ce phénomène pour laisser filtrer les derniers rayons perçants qui partaient en tout sens ; que ce soit vers le ciel ou vers la terre.
La jeune femme, fatiguée, était subjuguée par le spectacle naturel du soir. Ça faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu la chance de pouvoir observer ce genre de choses.
-On devrait dormir Absol... J'en peux plus...
Le Pokémon hocha la tête et la regarda s'allonger dans l'herbe sans demander son reste.
-Sol...

Groknius accompagnait son père pour la première fois dans une de ses expéditions courtes. Il s'agissait d'une simple mission de reconnaissance pour s'assurer que les hommes ne pénétraient pas sur le territoire des Absol. La petite population des Pokémon tenait absolument à ce que leur environnement et leur petite vie soient protégés des vilains dresseurs qui pourraient avoir l'audace de s'équiper pour une partie de chasse montagnarde.
Les deux Pokémon, vigilants, étaient réfugiés derrière une grosse pierre grise près d'une ville animée et bruyante connue pour ses boutiques nombreuses et ses combats Pokémon. De nombreux touristes effectuaient un va-et-vient incessant entre les différents magasins ce qui commençait à donner une sérieuse migraine à Groknius. Il était d'ailleurs étendu aux côtés de son père, qu'il admirait depuis toujours.
Celui-ci était assis, son regard perçant et attentif braqué sur les hommes, le visage concentré. Il était tendu et pour cause, des humains avaient déjà tenté d'approcher la montagne... Sa concentration pouvait se remarquer par le fait que la bête ne bougeait pas d'un demi-centimètre et ses pattes étaient fermement plantées dans le sol. Le père prenait sa tâche tout particulièrement à cœur ; il avait déjà échappé de justesse à une capture de dresseur émerveillé par sa force et ne tenait pas à prendre le risque de tomber sur plus puissant que lui.

Les Absol détestaient par-dessus tout se faire capturer ; ils se sentaient déshonorés, rabaissés et détruits de l'intérieur. C'était des êtres libres et fiers. Se faire commander et accompagner par une personne négligente n'était pas vraiment leur passe-temps favori. Les dresseurs pouvaient souvent faire l'expérience de leur erreur suite à la capture d'un tel Pokémon : extrêmement compliqué à dresser, désobéissant et cherchant toujours à fuir, réussir à se lier d'amitié avec cette bestiole-là était une tâche des plus ardues. Groknius méditait sur tout ceci en observant attentivement les bipèdes qui criaient fort et marchaient sans cesse, créant un tumulte incessant, lorsque son père prit subitement la parole.

-Tu vois, fils... commença le père sans détourner le regard de la ville.
Le jeune Pokémon blanc redressa la tête.
-Ne t'approche jamais des hommes. Ce sont des êtres cupides, malhonnêtes, stupides, profiteurs et ingrats. Ils ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils ont et en veulent toujours plus. C'est pour cela qu'ils ont construit toutes ces machines bruyantes qui dégagent une fumée noire toxique et ses cages rondes dans lesquelles ils nous emprisonnent. Seuls les êtres faibles acceptent leur compagnie.
-Sont-ils vraiment si imbéciles qu'on le prétend... ?
-Ne vois-tu donc pas les étranges manières qu'ils ont ? Ils sont totalement différents de nous ! Ils mettent le monde entier en danger ! grogna l'Absol, furieux. Ne t'approche jamais des villes ni de ces êtres stupides ! Reste à distance et si l'un d'entre s'approche, fuis, ne les laisse pas t'attraper ou bien ta vie sera détruite à jamais !
Groknius baissa le regard vers le sol.
« Mais la vieille Absol qui s'occupe plus de moi que toi m'a toujours dit de ne jamais rejeter les différences... Qu'il faut les étudier et qu'elles peuvent même nous rendre plus fort. ».

Lorsque le jeune Absol redressa la tête en direction de la place que son père observait, son regard était empli d'amertume.

La lune était absente au rendez-vous ce soir-la. Il faisait froid mais cela ne perturba ni le Pokémon ni la fille. La clairière où les deux comparses se reposaient était plongée dans le noir le plus total. Seuls les yeux rouges du jeune Absol brillaient dans le noir, veillant sur la jeune femme qui s'était endormie paisiblement malgré les évènements terribles de la journée.
Soudain, sortant d'un buisson par un petit bond craintif, une petite Embrylex s'avança lentement vers les deux amis, les larmes aux yeux.
-Embryyyy...
Le Pokémon à corne releva la tête et observa le petit dinosaure verdâtre. La jeune femelle semblait perdue et terriblement seule. Sans famille, un si petit Pokémon aurait bien du mal à survivre sans aide.
-Sol... Absol ?
Les deux animaux entamèrent une conversation.

Groknius entendit des rires non loin de lui. Il se retourna et aperçut deux jolies Absol qui le suivait.
Il les connaissait pour s'être entraîné avec elles en combat plusieurs fois. Elles étaient toutes deux puissantes et craintes des autres concurrentes. Leurs attaques étaient fulgurantes, rapides et précises et même Groknius avait bien du mal à les battre. La première s'appelait Rose et la deuxième Pétale mais elle préférait qu'on l'appelle Péti.
La plupart des jeunes Absol se battait pour les impressionner mais Groknius ne succombait pas à leur charme, contrairement aux autres. Il avait d'autres priorités et préférait se vouer à une vie solitaire plutôt que s'engager dans une longue, complexe et inutile histoire romantique à l'eau de rose.

Le Pokémon solitaire s'éloigna vers un promontoire qui surplombait la ville la plus proche. Il s'assit au bord du roc et balaya l'horizon de ses yeux rouges rubis.
« Ce doit être beau le monde extérieur. J'aimerai bien voyager comme mon père un jour. Explorer le monde, rencontrer d'autres Pokémon... Qui sait, peut-être même d'autres Absol ? »
Les deux jeunes Absol l'avaient suivi, toujours accompagnées de ce petit rire qui faisait rougir et baisser le regard à n'importe quel mâle.
Péti vint s'assoir aux côtés de Groknius et se colla à lui tandis que Rose s'approcha lentement et lui lécha la joue. Le jeune Pokémon réprima un sursaut et détourna le regard du paysage. L'Absol recula en se décollant de la première et lança un regard noir à la deuxième fille.
-Laissez-moi ! rugit le Pokémon violemment.
Pétale fut surprise devant tant de fureur et recula d'un pas.
-Oh mais pourquoi... ? s'étonna-t-elle.
-Tu as l'air si gentil au fond... dit Rose.

Groknius pencha la tête et reconsidéra les deux Absol. Elles ne savaient rien de lui ! Elles ne savaient même pas ce qu'il pouvait ressentir à ce moment-là ! Il braqua son regard sur Rose.
-Eh bien je ne le suis pas.
Puis il tourna les talons et s'éloigna en direction de sa tanière pour rejoindre sa tanière.

Absol sourit à Embrylex.
-Ne t'inquiètes pas, tu deviendras bientôt une puissante Tyranocif. Avec un peu de chance, et je suis sûre qu'elle te sourira, tu retrouveras ta famille.
-J'aimerai bien mais... Je ne suis pas assez forte pour...
Elle s'arrêta et se remit à pleurer à chaudes larmes. Absol s'approcha de la jeune bestiole.
-Ne pleure pas ma petite, déclara paisiblement le Pokémon, rassurant. Je ne peux pas t'aider car je risque de bientôt quitter cette région mais...
-Je veux venir avec toi ! s'écria le petit Pokémon.
Absol recula d'un pas.
-Je regrette... C'est impossible.

Embrylex baissa la tête, terriblement triste.
-D'accord...
Le dinosaure se détourna du Pokémon désastre et s'éloigna vers les buissons. Absol se sentait coupable mais sa mission passait avant tout.
« J'espère que tu trouveras ta famille... »

...
Quelques part dans les bois plongés dans l'obscurité la plus sombre, une jeune Pokémon avançait, triste et déboussolée. Elle avançait par petits pas, traînant les pieds, le regard braqué au sol et la queue basse. Tant de peine pour un petit Pokémon séparé de sa famille...
Et c'est alors qu'une horrible pokéball de couleur noire fusa sur elle, impitoyable. Quelques secondes plus tard, elle s'immobilisait, séparant définitivement l'Embrylex de sa famille.