Prologue - Chap-ô
Il s'appelait Chap. Jeune Chapignon sauvage, une sorte de champignon kangourou vert avec des nuances de beiges de ci de la et de mignonnes griffes rouges atrophiées. Un chapeau champignon qui lui servait de camouflage, une petite queue solide et musclée ornée de sortes de grosses graines vertes en son extrémité dont il se servait pour assommer ses ennemis avant de les paralyser, de les écraser et de partir victorieux plein de points d'expérience en poche.
Selon le Pokédex des jeunes dresseurs ignares en devenir, il s'agit de l'évolution de Balignon, une sorte de champi rase-moquette qui pourrait servir de ramasse-poussière comme de balle de jeu pour un gamin de quatre ans.
Chap le Chapignon joyeux était issu de l'élevage d'une jeune dresseuse dont le nom fut vite effacé de sa mémoire. Il se souvenait avoir percé la coquille de son œuf à coup de tête effrénée, à la fois pressé de découvrir le monde mais aussi de sortir de cette boite ovale, un couffin étouffant, qui l'empêchait de respirer librement. Il naquit au milieu de quatre autres Balignon réduits à l'état de serpillère à pois. Chap devait son nom à sa mère -qu'il ne vit que quelques secondes- qui s'était, contre son gré, lié d'amitié à une sorte de gélatine bleue au regard luisant et perçant. Apparemment, c'est un Métamorph. Ce petit chewing-gum bleu était donc son "père" qu'il n'eut le temps de voir qu'une fois avant d'être rapatrié dans une autre prison, ronde cette fois. Ce n'était pas vraiment inconfortable mais ce n'était pas le Grand Hôtel Crésus. Il ne se sentait pas vraiment à sa place.
Mais Chap ne se préoccupa guère plus longtemps du nombre de grain de poussière présents dans la Bis Ball. Car à ce moment là, à ce moment précis, Chap découvrit que les champignons à pois verts n'étaient pas faits pour la haute altitude. La dresseuse n'avait pas l'air de s'occuper de son sort et n'avait même pas l'air de savoir ce que Chap vivait dans la ball : ballotté en tout sens tel un Balignon rebondisseur, l'espèce de plante semi-moisie avait l'impression que ses yeux voyaient non pas double mais plutôt triple. Voir quadruple. Il entendit le cri perçant d'un oiseau mais étant jeune, il ne devina pas de quel espèce il s'agissait. Quelques minutes plus tard, il s'écrasa d'un coup sec au fond de la boule rouge et blanche ce qui lui permit d'en déduire que la terre ferme était la et que cette perspective lui plaisait beaucoup. Car un champignon ça ne vole pas. Ça s'accroche à un arbre, un sol de mousse, la terre, un caillou ou un truc poussiéreux mais pas à un nuage sous risques de traumatismes vertigineux.
Chap fut soudain projeté sans ménagement hors de la ball et atterri grâce à un saut périlleux d'une nature inconnu, sur le sol dur et froid -du carrelage ciré- d'un bâtiment ou des gens discutaient Pokémon et où des filles vêtues de roses tel de gigantesques bonbons empaquetés se baladaient en tout sens suivis de Leveinard pas très veinards vu le nombre de médicaments étranges qu'ils portaient en les suivant comme de fidèles Couafarel. Le jeune Balignon se tenait aux pieds d'un jeune homme, d'une vingtaine d'années.
Celui-ci lui sourit, le prit dans ses bras et l'observa.
-Bien le bonjour, jeune Balignon. Je suppose que tu appartiens à cette charmante jeune dresseuse?
-Bali-gnongnongnon? gargouilla le Pokémon.
-Je discute souvent avec elle, tu sais? continua l'individu, tripotant Balignon dans les moindres recoins. Tu n'es pas le premier Pokémon qui m'est présenté par cette jeune fille. C'est un honneur pour toi, tu le sais? Tu es issu d'une longue lignée de Chapignon, dont le premier représentant fut...
C'est à ce moment que Chap décrocha et plongea son regard dans celui de sa maitresse légitime.
Il n'y découvrit qu'un regard froid, vide d'émotions et semblant attendre un résultat, un peu comme lorsqu'on attend la note d'un contrôle ou encore celle d'un plat dans un restaurant luxueux d'Illumis.
-Bien, bien, bien, reprit l'ami de la fille aux cheveux blonds. Tu as un potentiel bien supérieur à la moyenne pour un Pokémon à l'air si insignifiant.
-Bali-ba? sembla demander le ramasse-poussière.
-Oui! s'extasia l'homme très bizarre. Tu es tout simplement exceptionnel dans cinq compétences!
L'homme, vêtu d'une veste violette et d'un pantalon noir, fixa la jeune dresseuse qui attendait le résultat.
-Je crois, jeune fille, que vous venez d'hériter la d'un beau et prometteur Chapignon! Ses compétences sont parfaites en Attaque, Défense, Attaque Spéciale, Défense Spéciale et Vitesse!
-Balignon! Babababa!
-Moui... Sûrement, rétorqua amèrement la fille au chapeau vert en fixant sa montre. Qu'en est-il du numéro 5?
Chap le Balignon sauta avec joie sur le sol quoiqu'un peu rugueux et glissant du centre lorsque le garçon qui l'avait tourné et retourné le reposa.
Le garçon de vingt ans qui semblait être ébahi par les caractéristiques du Balignon n'en revint pas! Pas un seul regard pour le Pokémon qui ne comprenait rien à ce qui lui arrivait! C'était tout simplement odieux, même pour un simple champi volant moisi!
-Très bien... Oh! Ce... Ce Pokémon! Co-comment?
-Quoi? s'écria la jeune fille, qui sembla subitement intéressé par le liseur de compétences en face de lui, qui a-t-il?
-Il est... Il est... PARFAIT! Ses six statistiques sont à fond! C'est un travail remarquable!
L'homme posa le Balignon qu'il tenait alors en main. Celui-ci observa Chap d'un air méprisant, presque hautain et défila devant lui et ses autres congénères tel un top modèle ce qui lui donna un effet de chapeau souffrant de varicelle champignonneuse.
-Génial! Viens avec moi Balignon 5, je vais te nommer Bali-Balo! s'extasia la dresseuse, le regard soudain emplit de joie devant l'insignifiant-quelle insulte- le merveilleux champignon atrophié.
Bali-Balo eut le droit à un retour express dans ce que la fille gueula être une pokéball. Chap regarda la dresseuse, la ball puis le gars aux nuances violacées. Celui-ci jeta un regard attristé au Balignon et à ses trois autres congénères. La fille aux habits couleur menthe -c'est ce que pensa Chap lorsqu'il la détailla- tourna son petit cou vers les autres Pokémons.
-Bon allez, vous êtes libres, déclara-t-elle froidement, avec une sorte de sourire forcé qui lui donnait un air de Branette très rassurant. Je n'ai pas besoin de vous, vous êtes trop nuls pour les compétitions. Hors de mon chemin.
Elle déboula dans le centre en shootant dans le pauvre Chap qui n'avait rien demandé et qui roula malgré lui jusqu'à la sortie du bâtiment. Un Leveinard visiblement maussade et au visage peint d'un ennui indescriptible, regarda le Balignon avant de lui donner un coup de main -au sens littéral pour franchir la porte.
Chap était désormais seul, faible créature rejeté de niveau 1, dans la grande -immense pour un champignon- ville de Bastiques. Les gens passaient sans lui prêter attention.
Chap éprouva la déception. La déception envers le genre humain.
...
Le jeune Chapignon parvint à fuir le dresseur blond aux cheveux tout ébouriffés, dressés en épi au-dessus de sa tête, qui lui courait après, portant son pauvre Lixy traumatisé et intoxiqué dans ses bras, jetant des pokéballs partout comme s'il semait des graines. Le Pokémon kangourou champignon esquiva habilement les "mini-prisons" comme il avait l'habitude de le faire et s'enfonça dans les buissons, poussant un dernier "Chapignooon!" ce qui se traduit littéralement par "Stupiiide".
Chap s'était endurci et n'était plus un champignon mais plutôt une graine de champion. Ses incroyables statistiques faisant de lui un Pokémon quasi-parfait lui avait permis de se propulser à l'État de kangourou vert respecté dans ces bois profonds. La région qui l'avait vu naître était loin derrière, grâce à un voyage mémorable sur un bateau de pêche. Chap y avait fait la connaissance d'un nombre de Rattata et de Rattentif assez démentiel après s'être infiltré discrètement sur le rafiot vieux mais néanmoins solide grâce à une passerelle de bois craquelé.
Des combats avec ces rongeurs au poil terne, sale et au regard malade et mauvais lui avait permis d'évoluer, passant de stade de ramasse-crotte martyrisé à kangourou vert boxeur à chapeau rebondisseur.
Quelques jours après son évolution, le jeune Pokémon désormais au niveau 24, posa le pied sur une terre inconnue. Le bateau jeta l'ancre dans une baie aux couleurs azurées époustouflantes et les pêcheurs qui étaient à son bord se mirent rapidement à décharger les sacs, les caisses et les filets encore remplis de poissons frais. Chap savait que certains auraient plus de chances que d'autres: certains se lieraient facilement d'amitié avec un dresseur ou serviraient de compagnon à un enfant geignard ou à un vieillard au visage crispé, tiré par les rides de ses vieux jours, derniers... D'autres, comme le Chapignon, auraient moins de chance. Mangés par des goinfres et des Goinfrex, découpes en rondelles, abandonnés, rejetés dans les eaux ou encore maltraité en combat Pokémon jusqu'à ce que le pauvre poisson ne soit contraint de capituler.
Chap tourna la tête vers le port où il se trouvait. Il n'avait pas l'intention de rester ici. Trop près des hommes. Occupé par le travail, les pêcheurs au teint rougeâtre ne remarquèrent pas le passage du champignon d'un peu plus d'un mètre. Le Pokémon traversa des ruelles peu fréquentées et finit par déboucher sur une clairière, qui semblait mener sur un sentier menant à une forêt luxuriante, au loin.
Son voyage débuta. Le Chapignon ne trouvait jamais d'endroits où il se sentit réellement chez lui ... Ca l'attristait profondément...Il traversa montages, rivières, pleines, villes, forêts, échappa à de nombreux dresseurs extasiés par " OH UN CHAPIGNON SAUVAGE!" et évita toujours les Pokémon apprivoisés. Il détestait ces êtres "inferieurs «qui se soumettaient à ces stupides bipèdes maladroits et courts sur pattes qui croyaient pouvoir de décider du sort de chaque créature qui leur semblait un tant soi peu intéressante.
Mais le dernier combat avec l'une de ses créatures perdues dans des tissus inutiles et bouffants de toutes les couleurs, l'avait paralysé d'une manière assez dérangeante. Ce petit toutou électrique s'était donné à cœur joie pour lancer sa cage-éclair sur le kangourou boxeur. Chap trainait derrière lui sa patte gauche, qui ne semblait plus vouloir répondre aux commandes comme un avion refusant d'obéir à un pilote novice alors que le professeur dort dans la soute. Le Chapignon se réfugia au creux d'un grand chêne d'un âge imposant et se mit à patienter en espérant que l'effet de la paralysie prenne fin le plus rapidement possible.