CT03 . TROUBLEMAKERS

— Allez ! Pokéball !
La balle frappa le Grainipiot encore engourdi et captura le Pokémon en forme de gland, avant de s'immobiliser en un petit *clic* et une gerbe d'étoiles.
Arno expira longuement, et ramassa la Pokéball tombée parmi les herbes hautes.
Avec ce Grainipiot, il possédait maintenant trois Pokémon dans son équipe. Il considéra la Pokéball un long moment avant de laisser un sourire un peu niais s'afficher sur son visage.
C'était le premier Pokémon qu'il avait capturé par lui-même – Poussifeu lui avait été offert, et Moonlight ... Enfin, c'était un cas particulier. Arno se sentit empli d'un sentiment étrange, mélange de fierté, de satisfaction et d'euphorie.
Il se tourna vers son Poussifeu qui, légèrement fatigué par son combat contre le Pokémon sauvage, reprenait son souffle à quelques pas de lui.
— Tu as bien combattu.
Arno congratula le poussin d'une caresse sur le crâne, et le renvoya dans sa Pokéball afin qu'il profite d'un repos bien mérité. Puis, impatient de faire ami-ami avec son nouveau compagnon, il appela celui-ci. Le Grainipiot réapparut dans ses bras, manquant de faire vaciller le garçon, qui trouva que le petit Pokémon était un peu lourd, pour un gland.
Le garçon hésita un peu, puis se lança, avec un sourire mal assuré :
— Hm ... bonjour, toi ! Je vais être ton dresseur, désormais. Bon ... je ne suis pas très fort en dressage, mais ... je suis sûr que si on s'y met tous les deux, enfin tous les quatre, on pourra devenir meilleurs ! ...
Grainipiot cligna des yeux, son regard fiché sur le garçon, et complètement silencieux. Arno se sentit un peu mal à l'aise face à l'absence de réaction du Pokémon.
— ... Pas vrai ? Hein ... ?
Grainipiot continua de fixer son dresseur un moment, avec des yeux toujours aussi inexpressifs. Puis, d'un coup, il cessa de regarder le garçon et se mit à osciller de gauche à droite, les yeux perdus dans le vide.
Arno sentit sa motivation retomber en même temps que le Grainipiot s'était mis à jouer les métronomes.
Il allait se faire écraser par le premier dresseur venu ... Il fallait se rendre à l'évidence : outre le fait que ce Pokémon semblait se trouver dans un état mental douteux, il n'avait aucune chance de tenir trois secondes lors d'un combat !
«
Au pire, il serait tout juste bon à distraire l'adversaire le temps que je parte en courant ... Et je ne peux décemment pas faire ça, si ? ... » se lamenta le garçon en s'imaginant abandonner à son sort le pauvre gland inerte face à un Golem enragé.
Entre ses mains, le Grainipiot continuait de se trémousser sans lui porter plus d'attention.
Quelques secondes passèrent ainsi en silence.
Puis quelques minutes.
Finalement, Arno laissa échapper un soupir résigné.
Non. Il ne devait pas penser comme ça. Ce n'était pas de cette façon qu'il arriverait à quoi que ce soit.
— On y arrivera, lança-t-il pour lui-même. Je ne sais pas encore comment, mais ... non, on n'a pas vraiment le choix. On va y arriver.
Grainipiot leva les yeux vers son dresseur, et leurs regards se croisèrent.
Le Pokémon Gland sursauta à la vue de son visage, comme si ce fut la première fois qu'il le vit.
— ... Même s'il faut bien avouer que ton cas semble désespéré ...
Arno frissonna. Derrière le feuillage des arbres, le soleil de l'après-midi se cachait sous des masses de nuages, et le temps commençait à se rafraîchir. Il était temps de rentrer, d'autant qu'il souhaitait faire quelques emplettes avant de rejoindre Sebii au Centre Pokémon.
Rajustant son sac à dos sur son épaule, Arno tourna les talons et retrouva le sentier qu'il avait quitté une heure plus tôt, et prit la direction de la ville.
Sebii et lui étaient arrivés à Rosyères exactement une journée plus tôt.
Une fois en ville, ils avaient eu la mauvaise surprise de constater que la seule voie de sortie vers la route 102 était bloquée par des travaux d'excavation. Apparemment, des ouvriers qui s'occupaient de retaper le chemin – accidenté par des coulées de boues – avaient mis à nu des ossements de Pokémon préhistoriques. C'était en tout cas ce que leur avait expliqué le chef des travaux, alors qu'il tentait de calmer un étrange énergumène qui criait « Je vous l'avait dit ! Je vous l'avait dit ! » à tout bout de champ.
Évidemment, Sebii ne l'entendait pas de cette oreille, et avait tenté de forcer le passage.
« Comme si on allait s'arrêter juste à cause de quelques pelleteuses ! » avait-il grommelé en grimpant sur une des nombreuses machines parsemées sur le chemin.
« Eh, oh, mon gars ! Qu'est-ce que tu crois faire, là, hein !? Reviens ici !! » l'avait immédiatement arrêté le chef.
Finalement, les ouvriers avaient rattrapé Sebii et l'avaient remis à sa place sur le bord du chemin, bien qu'ils aient eu beaucoup de mal à maîtriser le jeune garçon qui s'était violemment débattu.
Arno et Sebii étaient donc bloqués à Rosyères le temps des travaux. Heureusement pour eux, ces derniers devaient s'achever le lendemain. Cela avait notamment laissé le temps à Arno de déterminer leur itinéraire, et de commencer à s'entraîner.
Le garçon passa les portes automatiques de la Boutique Pokémon de Rosyères, tenant toujours Grainipiot dans ses bras, et balaya le magasin du regard.
Il semblait presque désert. Dans le fond de la boutique, une jeune fille lisait un des nombreux magazines vendus sur des présentoirs alignés contre les grandes baies vitrées. À quelques mètres de l'entrée, un homme habillé bizarrement discutait avec le caissier, en faisant de grands gestes, comme un mime. Visiblement, il cherchait quelque-chose, et avait du mal à le trouver.
Arno déambula entre les rayons, cherchant Potions, Antidotes en tous genres et provisions supplémentaires dont ils auraient besoin lors du voyage. Il savait très bien que Sebii ne se préoccupait de ce genre de choses que lorsqu'il en avait réellement besoin, c'est-à-dire trop tard. Il prendrait donc la responsabilité de gérer leurs dépenses communes en matériel et nourriture.
Arno s'arrêta devant le rayon des Pokéballs et se pencha pour fouiller les étagères remplies de différents modèles de balles. Sur les premiers niveaux étaient étalés les trois modèles classiques fabriqués par toutes les sociétés spécialisées dans leur production : la Pokéball, la Superball et l'Hyperball.
Le garçon piocha une vingtaine de Pokéballs, les rangea dans un sac avec ses autres achats, puis laissa échapper un petit soupir.
Afin d'équilibrer les ventes par rapport à la production, les Boutiques Pokémon recevaient de la part de sociétés comme la Devon SARL – la référence en matière de Pokéball à Hoenn – des consignes très strictes : si la simple Pokéball, qui en était le modèle le plus basique, était un produit classiquement tout-public, les deux autres, eux, étaient réservés à un groupe restreint de dresseurs ; et ce, en fonction de leur Niveau.
Toutes les personnes qui possédaient une licence de dressage (ce que l'on appelait aussi carte de dresseur) se voyaient attribuer un « Niveau », ce qui permettait de ranger tous les dresseurs par degré de compétence, et de faciliter le tri des candidats dans certaines compétitions.
Il existait quatre Niveaux au total, symbolisés par des lettres.
Le Niveau C rassemblait les dresseurs lambda, sans qualifications particulières.
Le Niveau B était attribué aux Topdresseurs et aux Champions d'Arène.
Le Niveau A était donné aux membres des Élites 4.
Enfin, le Niveau S était réservé au Maître Pokémon de chaque région du monde, ainsi qu'à quelques dresseurs particuliers.
Même si la plupart des gens était au courant pour la limitation de vente des Pokéballs, tout le monde ne connaissait pas forcément l'existence et le fonctionnement de ce système de Niveaux. On voyait parfois certains l'apprendre à leurs dépens après avoir tenté de passer outre ces limitations, se rendant compte après coup que leur Niveau était enregistré dans la puce de leur carte de dresseur.
Du même coup, seuls les curieux et les dresseurs expérimentés savaient qu'il était possible d'augmenter son propre Niveau en remplissant certaines conditions.
Ainsi, les Superballs ne pouvaient être achetées en Boutique que par des dresseurs de Niveau B et plus, et les Hyperballs par les dresseurs de Niveau A et S. Arno, tout comme Sebii d'ailleurs, n'était qu'un qu'un simple dresseur de Niveau C.
— Heureusement que la Devon a pensé à des modèles alternatifs pour de pauvres Niveaux C tels que nous !
Le garçon se retourna brusquement, surpris par la voix enjouée qui venait de parler.
Un jeune homme se tenait près de lui. Très grand, un long manteau rouge sang reposant sur ses épaules, les bras croisés devant une chemise à rayures, il arborait un sourire paresseux, sur un visage encadré par d'interminables cheveux argentés.
Arno resta coi devant cet homme à l'allure si particulière. Il se demanda un instant si l'énergumène ne s'était pas évadé d'une sorte de cirque. Il lui sembla que Grainipiot faisait des yeux encore plus gros qu'auparavant.
L'homme se pencha à son tour sur le rayonnage, tout en prenant un sourire bizarre, en forme de bouche de chat. Arno se sentit faire des yeux aussi gros que Grainipiot.
— Je pense que tu devrais prendre quelques Bis Balls en plus de ça, lui conseilla-t-il nonchalamment.
— ...
— ...
— ... ... ... Pourquoi ça ... ? finit par demander Arno, suspicieux.
L'homme au manteau rouge se redressa et se frotta le menton avec son index, faisant semblant de réfléchir.
— Je ne sais pas. Une intuition. On ne sait jamais quand on peut avoir besoin de ces petites babioles ...
— Et qui êtes vous, exactement ?
— Moi ? Ah, hum ... Juste quelqu'un qui passe par là.
— Ah ... bon.
Ce type était vraiment bizarre. Il aurait pu simplement lui donner son nom, au lieu d'éluder la question comme ça ! À moins qu'il n'ait pas voulu être reconnu ? Enfin, si c'était le cas, avec cet accoutrement, c'était raté dès le départ ... Néanmoins, Arno était sûr d'une chose : cet homme était vraiment trop louche !
— Dites-moi, vous--
— Oooo-oh ! s'exclama l'homme au manteau. Je crois qu'il se fait tard. Je suis vraiment désolé, mais je vais devoir m'éclipser ! À la revoyure !
Avant qu'Arno ne puisse ajouter quoi que ce soit, l'homme sortit en courant de la boutique tout en faisant de grands gestes dans sa direction.
— ... ... ... ... ... Vraiment trop louche ...
Arno resta planté là quelques instants, surpris par le départ précipité de l'inconnu au manteau rouge.
Perplexe, il tourna son regard vers le rayonnage des Pokéballs, et particulièrement sur les Bis Balls de l'étagère la plus basse.
Il hésita un long moment, puis se baissa pour en fourrer quelques-unes dans son sac de courses.
—— Aaaaaaaahn !
Sebii s'étala de tout son long sur le verre de la table basse. Il s'ennuyait à mourir, à rester planté là, assis sur ce canapé. Lorsqu'Arno était parti chercher un nouveau Pokémon pour son équipe, ses propres Pokémon étaient encore en plein repos dans une des machines de soin du Centre Pokémon. Le garçon s'était entraîné ferme la veille en combattant le plus de Pokémon sauvages possibles. Ses compagnons en accusaient le coup, et il avait dû renoncer à accompagner son ami en vadrouille.
Depuis, il se morfondait dans un des coins salon du Centre, ne pensant plus qu'au moment où ils pourraient enfin quitter cette ville et passer aux choses sérieuses.
La tête toujours collée contre la table, Sebii tourna son visage vers un mur adjacent sur lequel était placardé une affiche colorée, en haut de laquelle on pouvait lire en grosses lettres « Tournoi Régional de Hoenn – Rendez-vous au Stadium d'Éternara ! ».
Un exemplaire de cette même affiche traînait également dans le sac du garçon.
— Désolé, je suis en retard.
Sebii tourna une nouvelle fois de la tête pour voir Arno s'asseoir sur un autre canapé en face de lui.
— C'est bien vrai, ça. Qu'est-ce qui t'as pris tant de temps ?
— Eh ... ? ... Pardon, mais c'est à moi de faire nos courses, je te rappelle ! Et puis, je voulais essayer de me familiariser avec lui.
Arno posa son Grainipiot sur la table basse.
Sebii regarda le Pokémon en forme de gland avec de gros yeux, et releva enfin la tête de la table en verre.
— C'est une blague ?
— Hein ? Quoi, qu'est-ce qui est une blague ?
— Je parle de ça, fit Sebii en désignant le Grainipiot du doigt. Tu comptes pas sérieusement te battre avec ce ... ce gland !?
— J-Je suis sûr que je peux m'en sortir avec lui ! ... Plus ou moins ...
Arno fuit le regard interloqué de Sebii, et remarqua l'affiche sur le mur. Ou encore : une bonne occasion de changer de sujet.
— Alors, tu as pensé à une stratégie pour la première arène ? demanda-t-il à son ami en prenant un air faussement intéressé.
— Pas. Du. Tout ! Je verrai ça sur le tas, et je brillerai à ce moment-là !
— J'aurais dû m'en douter ...
La raison principale qui avait poussé Sebii à venir à Hoenn était le tournoi régional organisé à Éternara, qui devait avoir lieu en Avril. Arno le savait, Sebii était un fanatique de combats de Pokémon, et il ne reculait devant aucune occasion d'affronter d'autres dresseurs. Cette compétition était sans doute pour lui un moyen de prouver sa valeur face à de redoutables adversaires.
Néanmoins, pour accéder aux éliminatoires, les dresseurs souhaitant concourir devaient avoir en leur possession le badge des huit Champions de la région, officiant chacun dans une arène spécialisée dans le dressage d'un type particulier de Pokémon.
Vaincre ces huit Champions expérimentés n'était pas une mince affaire, et de nombreux dresseurs débutants s'y prenaient sur une année entière rien que pour récupérer le sésame qui les autoriserait à participer au fameux tournoi, qui ne se tenait que tous les trois ans.
Mais la prochaine édition avait lieu dans moins de trois mois ! Bien qu'il ne doutait pas des capacités de son ami, Arno trouvait que Sebii prenait les choses un peu trop à la légère.
D'accord, ce n'était pas l'unique moyen de se qualifier pour le tournoi, mais quitte à choisir, cette méthode était sans aucun doute la moins complexe et la moins risquée. Mieux valait s'assurer la victoire contre les Champions pour ne pas se retrouver au pied du mur.
Arno, pensif, porta son regard vers les jardins visibles derrières les larges fenêtres du Centre Pokémon. Au fond, il aurait peut-être bien aimé participer à ce tournoi, lui aussi ...
— Du coup, on passe bien par Clémenti-Ville en premier, c'est ça ? chercha à vérifier Sebii.
— ... Hm ? Ah, oui, la route, pardon ...
Arno sortit la carte que lui avait donné le professeur Bibacier.
— Et bien, en fait, vu qu'on a aucun moyen de traverser la rivière de la Route 103, on va effectivement devoir passer par Clémenti-Ville. Je crois qu'il va falloir traverser le Tunnel Mérazon, au Nord, pour atteindre Lavandia. Le seul souci, c'est qu'on va faire un gros détour pour atteindre Myokara.
Le garçon traça leur itinéraire au feutre rouge sur la carte, en faisant à attention à passer au niveau des trois croix que le professeur Bibacier avait marquées au préalable.
En prenant en compte les arènes auxquelles Sebii devrait se rendre et la position des chambres des Golems, il avait cherché le chemin qui les ralentirait le moins. Ils seraient pourtant obligés de faire de nombreux détours. Accéder aux lieux de repos des Golems nécessiterait qu'ils s'éloignent des routes principales.
— Ah, Éternara est complètement à l'Ouest, nota Sebii. Ça a l'air bien loin, vu comme ça !
— Heu ... Est-ce que tu m'as écouté au moins ? Et puis ce n'est pas l'Ouest, ça, c'est l'Est.
— Oui, oui. Il y a bien une arène à Mérouville, non ? Dans ce cas, ça ne sera pas du temps perdu que de passer par là-bas.
— ... Hm. Si tu le dis ... Dans ce cas, je considère qu'on approuve tous les deux cette route.
— Excusez-moi !
Depuis le comptoir, la douce voix de l'infirmière Joëlle s'immisça dans leur conversation.
— Le traitement de vos Pokémon est terminé ! Ils sont de nouveau en pleine forme !
— Ah, j'arrive ! lui répondit Sebii. Arno, tiens-toi prêt, c'est reparti pour l'aventure !
— Hé oh, sois un peu plus patient. C'est encore un peu tôt, là ...
— Ben quoi ? Ils ont dit qu'ils en auraient pour une journée, non ? Les 24 heures que je leur ais accordées sont écoulées depuis 12 minutes déjà !
«
Dit-il comme si c'était tout naturel ... Et puis tu ne leur as rien 'accordé' du tout ! »
— HOOO ! Elles brillent !
— Prend l'habitude de nettoyer tes Pokéballs, bon sang !
Et en un instant, ils furent repartis.
Ce n'était pas plus mal. S'il leur était possible d'emprunter la route 102 dès maintenant, ils arriveraient à Clémenti-Ville avant la tombée de la nuit.
Probablement.
Lorsqu'ils atteignirent la sortie Ouest de Rosyères, l'endroit était désert. Sur le chemin maintenant repavé, ne se trouvaient que les pelleteuses abandonnées sur place. Les ouvriers étaient sûrement partis une fois leur travail achevé, sans prendre la peine de rentrer leurs engins.
— Normal, commenta Arno. Personne n'est sensé passer par cette route avant demain ...
— Bon, bah y a plus qu'à ! Au moins, là, on n'aura pas à les escalader.
— Tu n'écoutes toujours pas, n'est-ce pas ? ...
Bien sûr que non ! Comme d'habitude, Sebii était vraiment impossible à raisonner.
— Enfin ... Fais attention quand même, d'accord ? Ces pavés ne doivent pas être encore bien fixés au sol--
— Ha ha ! On dirait un parcours d'obstacles !
— Sebii !! ... ... ... ... Hm ?
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je ... j'entends comme des cris derrière nous ...
Les doutes d'Arno se confirmèrent rapidement ; les deux garçons aperçurent, à une centaine de mètres derrière eux ; la silhouette d'un vendeur de la Boutique Pokémon – dont Arno reconnut l'uniforme – qui semblait poursuivre un individu enveloppé dans une longue cape sombre.
Face à la scène qui se déroulait sous leurs yeux, Arno ne voyait pas énormément de possibilités : l'homme devait poursuivre un voleur qui aura voulu partir sans payer. D'ailleurs, cet étrange personnage qui tenait visiblement à cacher son visage avait l'air louche !
Les deux silhouettes se rapprochaient à vive allure. Tout en gardant un œil sur elles, Arno se tourna vers Sebii.
— On dirait un voleur, non ?
— Possible. ... Recule un peu, je me le fais !
Sebii appela Archimède, son Hoothoot, et une bourrasque de sable s'éleva rapidement dans les airs, envahissant toute la largeur du passage. La figure encapuchonnée, qui jusqu'alors avait plus fait attention à son poursuivant qu'à ce qui se trouvait devant elle, n'aperçut que trop tard le mur de poussière et s'y engouffra tête la première, avant de heurter un objet lourd de plein fouet.
Légèrement assommée, elle s'affala sur le chemin pavé, le front douloureux.
— Aïe aïe aaaa ... gémit-elle en se tenant la tête.
Arno profita de la manœuvre de Sebii pour rebrousser chemin de quelques mètres, de façon à empêcher une éventuelle retraite du voleur vers Rosyères.
Le magasinier ne tarda pas à arriver à sa hauteur.
— Vous ... vous êtes dresseurs de Pokémon ... ? demanda-t-il au garçon entre deux inspirations.
— O-Oui. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
L'homme en sueur reprit son souffle.
— Je rangeais des fournitures dans les rayons, lorsque cette personne m'a interpellé, prétextant qu'elle avait besoin d'une indication ... Puis, d'un coup, elle m'a dérobé les objets que je venais de poser pour répondre à sa question. Pardon de vous mêler à ça, j'aurais dû faire plus attention ...
— Ne vous inquiétez pas, on s'en occupe ! clama Sebii.
— ... Oui ...
Arno déglutit. Ce n'était vraiment pas son genre de jouer ainsi les justiciers. Mais Sebii était déjà intervenu de son plein chef, alors il n'avait plus tellement le choix.
Enfin ... Après tout, ils étaient bien des dresseurs de Pokémon. Si c'était dans leurs cordes, apporter leur aide dans ce genre de situation était la moindre des choses ... N'est-ce pas ?
Les deux garçons bloquaient les deux sorties du chemin. Impossible d'atteindre la route 102. Impossible de faire demi-tour vers Rosyères. Et impossible de fuir à travers les filets végétaux qui brodaient les falaises des deux côtés de la route.
Tête haute, Sebii interpella la silhouette encapuchonnée, qui tentait péniblement de se relever.
— T'es bien coincé, maintenant. Pas la peine d'essayer de fuir, rends-nous juste bien gentiment ce que tu as volé.
— Aïee ... Volé, volé, ce n'est pas tout à fait ça, rétorqua l'encapuchonné. J'ai juste fait un « emprunt à durée indéterminée~ ».
«
C'est ce qu'on appelle un vol, dans le langage courant ... »
Arno observa en silence. L'encapuchonné était de dos et il se trouvait assez loin, mais ... À bien y regarder, il n'était pas très grand, et n'avait pas une forte stature. À sa voix – qu'il identifia comme une voix de garçon – il semblait également assez jeune ... Il ne devait pas être beaucoup plus âgé qu'eux.
Arno frissonna à l'idée qu'il aurait pu se trouver – hypothétiquement, bien sûr – à la place de ce garçon. Il secoua frénétiquement la tête pour se libérer de cette idée saugrenue.
— Ah~ ! fit soudain l'inconnu. Je viens d'avoir une bonne idée : un combat, vous contre moi. Vous gagnez, je rends ce que j'ai emprunté. Dans le cas contraire, vous me laissez repartir et je rembourse cette boutique dans, disons, quelques mois.
— Tu penses vraiment que l'on va accepter de jouer le jeu ? répliqua Arno en fronçant les sourcils.
— Hé hé ... Bien, moi ça me va !
— Sebii !
— Bien~ ... Un Pokémon chacun, alors, ça vous va ? Je vous laisse le choix de combattre en solo ou à deux contre un ...
Reculant de quelques pas, l'encapuchonné sortit une Pokéball de sous sa cape, le sourire aux lèvres.
Les yeux pétillants d'excitation, Sebii était prêt à en découdre.
Arno, de son côté, l'était un peu moins.
Décidément, son ami les mettait toujours dans des situations impossibles ...
BR1-03.TROUBLEMAKERS/fin