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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 17/07/2014 à 21:03
» Dernière mise à jour le 17/07/2014 à 21:03

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Chapitre 26 : Keluyah
« Il est inutile de nous faire la guerre plus longtemps, Freya. Ceux qui viennent frapper à notre porte sont aussi dangereux pour votre peuple que pour le mien.
– De quel droit oses-tu encore me donner le titre de reine ? cracha la concernée en détournant son regard. Comment peux-tu vouloir la paix alors que tu as tué mon père sous mes yeux en te parant d'un sourire sarcastique ?
– Il n'est pas question de ton père et…
– Il est question de quoi alors ? De ton sauvetage ? De l'erreur que j'ai commise en te laissant partir une nuit de pleine lune car je n'étais qu'une enfant amoureuse de celui qui était devenu mon protecteur devant ces mêmes roches ? »

Elle montra de sa main les Estras devant lesquels elle était venue prier, laissant à Töko le soin de s'occuper du village en son absence. Elle avait alors chevauché Turkya jusqu'à la montagne pour trouver des réponses à ses question et, en arrivant sur les lieux, elle avait retrouvé l'homme qui hantait ses nuits depuis un peu plus de trois ans.
Cet homme elle n'avait pas cherché à lui faire la guerre, préférant que leurs tribus restent les plus éloignées possible l'une de l'autre sans ne jamais entrer en conflit direct. Mais l'animosité qui existait entre leurs deux clans restait solide et infranchissable. Et ainsi même sans jamais se livrer bataille tous savaient que la guerre n'aurait de cesse tant que Kunra serait encore en vie, sale de son affront aux traditions et à la reine des Tortarshs.

En arrivant devant lui elle était armée de son arc. Au départ il se trouvait de dos, assis, sans la moindre défense, priant la montagne de le secourir dans l'un de ses tracas. S'approchant de lui furtivement elle avait armé une flèche, bandé la corde avant de la relâcher, incapable de mettre un terme à la vie de ce sauvage.
Pourtant elle avait espéré ce moment avec une impatience si grande qu'elle ne parvint à savoir quelle force était capable de retenir son bras. Au fond d'elle se mouvait une haine certaine qui désirait promptement la vengeance de son père et le sang du parjure. Pourtant elle ne parvenait à s'y résoudre.
Des années à méditer sur ce moment sans ne jamais pouvoir l'accomplir. La flèche tomba au sol, résonna contre la roche et prévint Kunra de son arrivée. Ce dernier se retourna et garda son calme en la découvrant ; il lui adressa même un sourire.

Puis une discussion s'était engagé, tournant autour de la mort du Gorah devant les yeux de sa fille, un acte dont Kunra s'excusait et préférait occulter de la conversation. Mais la jeune reine restait tenace face à ses propos : il était mort par leur faute.
« Je t'ai sauvé et tu l'as tué, reprit-elle sans s'occuper des revendications du traître. Je me suis souvent demandé si je n'aurais pas dû te tuer en t'empêchant de fuir. Mon père serait encore en vie…
– Mais tu es incapable de m'ôter la vie, termina le guerrier en pointant du doigt la flèche laissé au sol. Tu le veux mais tu ne peux pas le faire. »

Keluyah baissa les yeux, honteuse, et commença à pleurer. Elle n'avait pas versé une larme en trois ans. Depuis la mort de son père aucune goutte de peine ou de bonheur n'avait roulé sur ses joues. Elle avait sans arrêt retenu cette peine immense qu'elle avait pu ressentir lorsque les deux enfants furent enlevés vers l'autre monde, lorsque Fur les suivit afin de les guider ou même lors de son premier baiser avec Töko. Lorsqu'elle lui promit de se marier avec lui dès la prochaine saison chaude elle ne parvint à éclater en sanglots malgré tout l'amour qu'elle ressentait à son égard.
Et là, face à l'homme qui avait tué son père, alors même qu'il ne la gratifiait que de quelques mots, les larmes coulaient à flots.

« Je ne te demande pas de me pardonner pour mon acte, reprit Kunra en s'avançant vers elle. Il est impossible de revenir sur un passé si dur et je comprends parfaitement tes sentiments. Mais en revanche je te supplie d'accepter une trêve entre nous pour le moment. »
Elle le laissa avancer dans sa direction et même poser sa main sur son épaule. Au fond de son cœur elle éprouvait un certain dégoût mais d'un autre côté une impression de chaleur qu'elle n'avait pas ressentie depuis la nuit où il l'avait accompagné sur ce rocher des années avant. Son torse musclé se dressa face à son corps frêle et il la surplomba de toute sa hauteur, une main sur chacune de ses épaules.

« Les hommes venus de la mer ont enlevés des enfants de ton village, je le sais. Et pourtant je n'ai rien pu faire pour les en empêcher. Je les ai vus embarquer et j'ai tenté de les arrêter mais leurs armes sont puissantes et possèdent un pouvoir qui dépasse notre entendement. Trois de mes guerriers ont perdu la vie en tentant de s'interposer et sans même blesser quiconque. Nous ne pourrons rien faire si nous restons en guerre. »
Elle ne parla pas et resta la tête baissée à pleurer. Pour la première fois de sa vie elle se sentit faible et fragile. Du moins ce n'était pas exactement la première fois ; chaque fois que Kunra croisait son chemin elle se sentait chavirer.

« Les Estras m'ont donné des conseils, poursuivit le guerrier sans tenter de l'apaiser. Ils m'ont montré les forces qui sommeillent au fond de l'océan : les Gurdhs. Avec leur puissance nous seront en mesure d'empêcher quiconque de passer nos frontières et d'accoster sur notre rivage. Ils briseront leurs navires et nous serons en paix. »
Keluyah remonta la tête en direction de son adversaire et lui montra des yeux emplis de larmes. Le plan qu'il venait de lui énoncer lui paraissait fou mais, pour la première fois depuis que les enfants avaient été enlevés, elle sentait une solution pointer à l'horizon.

« Les Estras t'ont réellement dit cela ?
– Oui, répondit fièrement Kunra en bombant le torse. Et ils m'ont demandé de m'allier à celle qui gouverne par-delà le fleuve. Je ne te demande qu'une chose : soyons alliés pour quelques temps. »
Sur ce il s'éloigna et tendit sa main dans sa direction. Keluyah hésita, sentit des démangeaisons parcourir son bras et son cœur battre plus rapidement qu'il n'avait jamais battu. Elle sécha ses larmes du revers de sa main, trembla et s'avança finalement en direction de son ennemi.
« Soit, battons-nous ensemble. Mais juste un instant. »
Il lui sourit.