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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 16/07/2014 à 16:34
» Dernière mise à jour le 16/07/2014 à 16:34

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Chapitre 25 : Paul
« Tu vas finir par te faire tuer, tout simplement. C'est ça que tu veux ? Ton petit jeu se résume à une mort sans répercussion au fond d'une ruelle, à un cadavre putride à l'abandon sur le pavé d'une ville qui te méprisera ?
– Jamais je ne partirai de cette manière. Ma voix transcendera les simples notions de vie et de mort.
– Crétin ! »
La claque partit sans crier gare et la main de Paul s'écrasa contre la joue de son frère. Ce dernier ne leva pas les yeux, ne broncha pas et se contenta de garder la même position que depuis qu'il était revenu dans le manoir de Fargas où il avait grandi suite au décès de son patron.

Le silence s'installa entre les deux êtres fusionnels depuis l'enfance que des idéaux opposaient depuis quelques années. Paul, enveloppé dans sa veste taillée sur mesure paraissait plus sûr de lui qu'il ne l'était enfant. Son corps s'était développé tout comme sa musculature, qui n'était tout de même pas au niveau de celle de son ami qui avait gagné de l'épaisseur depuis trois ans. Néanmoins sa facilité à se mouvoir le dotait d'un avantage non négligeable dont il avait pu faire preuve au fond de cette taverne.
Luc, barbu et à l'allure crasseuse, était l'inverse de celui qu'il considérait comme son frère. Il se moquait de la vie, de ses aléas et de ce qu'elle pouvait bien lui réserver. Tant qu'il était en mesure de mener à bien ses idées révolutionnaires alors le reste n'avait que très peu de sens.

« Je ne veux plus que tu disparaisses sans me prévenir auparavant, reprit le jeune ingénieur en rompant le silence, encore moins si c'est pour t'éloigner pendant un mois entier et trainer avec le moindre ivrogne venu qui voudrait la tête du roi.
– Ils sont nombreux et ce ne sont pas des ivrognes.
– Le fait est que ce sont des imbéciles. S'attaquer au roi est devenu dangereux depuis la dernière révolte. Les gardes traquent le moindre réfractaire et se chargent de le pendre devant ses amis pour qu'aucun ne suive son chemin. Crois-moi ou non mais je n'ai pas envie de te voir comme ça. »

Luc garda le silence un instant. Il ne releva pas les yeux vers Paul et fixa le sol inlassablement comme il le faisait depuis le début de leur entretien. De son doigt il grattait fébrilement l'une des manches de sa chemise, comme s'il suffisait de ce simple geste pour le détendre, l'empêcher de se ruer sur son interlocuteur…
Car au fond de lui bouillonnait une colère sans nom, une rage à l'égard d'un pouvoir auquel il portait une haine sans nom mais aussi envers un frère qui l'empêchait de mener à bout son désir de changement. Et, alors que son doigt passait pour la centième fois sur ce revers de manche, son mépris se changea en mots.

« Tu sais que tu n'es pas obligé de me protéger, que ce n'est pas comme ça que tu feras revenir tes parents et répareras tes erreurs ? C'est trop tard, Paul. Le monde change ; je change. Et il faut que tu comprennes que je ne peux pas rester dans l'ombre à attendre que les choses arrivent d'elles-mêmes. Tu es riche, célèbre et aimé. Je pourrais te suivre. Mais je le refuse. Je ne veux pas attendre que les autres se débrouillent sans graver mon nom dans l'Histoire. »


***


« Nous aurons donc dix navires appareillés dans deux semaines à Port Tempères. Je serais au commandement de l'un d'eux avec Octave, Richard aura un autre sous ses ordres et les derniers seront sous la tutelle de ses généraux. Je suis sincèrement navré pour toi, Paul. J'ai insisté auprès du roi pour te donner un peu de pouvoir mais il m'a répondu fermement que tu étais trop jeune. Comme si l'âge comptait ! Tu es sans doute plus intelligent que tous les singes qui se pavanent devant lui pendant des heures à la cour ! »
Mais Paul n'écoutait que d'une oreille les harangues de Fargas qu'il lui faisait depuis des mois en prévision du voyage. Il savait qu'il n'avait pas le commandement de l'un des navires et il s'en moquait bien. Pour tout dire cela lui avait même fait un peu peur lorsque son ami lui avait proposé une telle responsabilité.

« Paul ? reprit Fargas en claquant des doigts devant ses yeux, ce qui eut pour effet de le ramener sur terre. Toujours en train de penser à cette histoire ? »
Oui, toujours, se dit intérieurement le jeune homme qui revoyait sans cesse le visage de Luc. Il y lisait inlassablement la colère qui le dévorait, voyait sur ses lèvres se former ses paroles pleine de haine à son encontre et ressentait de la peur pour ce qui pouvait lui arriver s'il continuait sur cette voie.
« Oui, j'y pense encore, répondit Paul après un moment de silence. Luc me fait peur. Cela fait trois ans qu'il se perd dans ses idéaux qui ne le mèneront à rien et je crains qu'il ne se fasse tuer quand je serais partit. »

Fargas ne baissa pas les yeux et n'éprouva aucune compassion. Ce n'était pas dans les habitudes du personnage d'éprouver de tels sentiments à l'égard de son prochain, qu'il eut s'agit de Paul ou d'un autre. En revanche ses paroles se montrèrent justes et sérieuses : « Tu ne pourras pas veiller éternellement sur lui. Je sais les efforts que vous faites avec Octave depuis la mort de tes parents et je me rends compte de ce que tu peux ressentir. Mais Luc est grand, il connait toutes les conséquences de ses actes. Tu ne pourras pas le couver toute ta vie. »

Et à ces mots s'ajouta un silence pesant durant lequel Paul se demanda s'il était juste de laisser tomber ainsi son frère. Au fond de lui il était conscient de cette situation et savait que la haine qui hantait le cœur de Luc ne pourrait être arrêtée, que ce soit par le temps ou par n'importe quel autre moyen.
Il réfléchissait à une solution lorsque deux coups furent portés contre la porte, une marque de la présence d'Octave dans le couloir. Fargas, se détournant de son jeune acolyte, pria l'homme de pénétrer dans la pièce. La poignée s'abaissa et le majordome suivit les ordres, accompagnés par trois autres visiteurs.

« Maîtres, commença Octave en s'inclinant légèrement, laissez-moi vous présenter Draï et Fri. Ainsi que leur jeune ami, Monsieur Fur. Ce sont les jeunes truchements que vous avez achetés récemment.
– Et auxquels je rends la liberté de ce pas ! s'exclama Fargas en se levant pour saluer les deux enfants qui furent légèrement effrayés par le comportement de l'homme dont ils ne parvenaient à comprendre le moindre mot. »

Paul resta en retrait, se contentant d'observer pour la première fois de sa vie ceux qui étaient si souvent nommés comme « sauvages ». Dans leurs vêtements modernes ils paraissaient pourtant tout à fait semblables à n'importe quel habitant d'Illumis, le teint seulement un peu plus bronzé et les cheveux plus longs. La petite fille, Fri, avait des pupilles d'un vert intense et pur dont la noirceur des cheveux et la peau tamisé faisaient ressortir tout l'éclat. Le garçon, sans doute du même âge qu'elle, semblait plus robuste et déjà capable de se débrouiller sans l'aider d'un adulte. Sur son épaule était perché un Braisillon qui semblait veiller sur eux, celui qu'Octave avait présenté sous le nom de Monsieur Fur.

« Ils ne savent que parler les bases de notre langue pour le moment mais ce sont des enfants et nul doute qu'ils sauront rapidement se débrouiller pour servir d'interprètes lors du voyage, se pressa d'ajouter le majordome.
– C'est parfait, répondit Fargas, je vais contacter de ce pas les professeurs qui seront en charge de leur éducation et ainsi…
– Non. Je vais le faire. »

Tous se tournèrent vers celui qui venait de se porter volontaire, même Monsieur Fur dont l'œil sembla rouler en direction de Paul qui fixait les deux enfants, intrigués.
« Je veux m'en occuper, reprit le jeune homme sûr de lui. Je n'ai rien à faire en ce moment tant que nous ne serons pas partis. Faites-les embarquer sur mon navire, Octave. Et donnez-leur une chambre au manoir.
– Ce sera fait, accepta le majordome en s'inclinant. »
De son côté Fargas ne savait que dire. Sur son visage s'affichait une expression entre la crainte et l'admiration.
« Je ne sais si ce que tu fais est prudent, lança-t-il soucieux, mais je connais aussi ta curiosité et ton sens de l'honneur. Je préfère que tu veilles sur ces enfants plutôt que sur ton ami ; là au moins tu ne risques pas de te faire tuer. En revanche fais attention une fois en mer. Dois-je te rappeler qui embarque avec toi sur ce navire ? »

Non, se dit intérieurement Paul en serrant instinctivement les poings ; inutile de lui rappeler. Le nom de l'homme qui mettait Illumis et sa province à sang depuis des années courrait dans son esprit depuis des semaines. L'être qu'il haïssait le plus au monde allait se retrouver bientôt à ses côtés, pour la deuxième fois de sa vie comme lorsqu'il traversa une place encombrée de monde : Frollo.