• Chapitre 8 •
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• Melusine29 •
Malgré les apparences, l'auberge miteuse nous avait réservé un festin digne d'une table d'un roi. Bien entendu, je ne perdais pas une miette de ce repas, et avais concentré dans mon assiette une part importante des mets proposés. Enfin un repas décent depuis qu'on avait débarqué dans ce monde, pour le moins bizarre, et les personnes qui y vivaient n'étaient pas en reste... que ce soit l'autre type qui me poursuivait dans la ville, ou l'aubergiste. Je tournai légèrement la tête en direction du comptoir, où se tenait le patron avec son air impassible. Rentré il y a un moment, il n'avait pas sourcillé en nous voyant attablés, et s'était même dirigé dans la cuisine, pour revenir quelques temps après avec plusieurs plats. Quand j'étais arrivée, quelques temps auparavant, je n'avais fait que regarder distraitement la pancarte de l'auberge, mais alors que j'avalais une bière, le nom me revint, et je m'étouffai presque.
« -Ça va, Melu ?! Tu devrais manger plus lentement ! me dit Luca en rigolant, imité par les deux autres garçons de la table.
-Mais c'est pas pour ça ! Vous n'avez pas remarqué ?
-Quoi ?
-Que tu mangeais trop ? Non, pas du tout ! me lança Lama de son air railleur et bougon.
-Et alors, ça te pose un problème toi ? lui répondis-je d'un ton sec.
-Je n'aime pas manger à côté d'un Groret.....
-Bon, c'est quoi ton problème, là ?! Depuis un moment, tu commences sérieusement à me gonfler !
-C'est réciproque ! »
L'air devint électrique, tandis je fixais avec hargne Lama, qui, réciproquement, m'adressait un regard glacial. Notre échange dura un long moment, qui parut interminable à Tenkai et Luca, qui nous regardaient sans savoir quoi faire. Derrière eux se tenaient des hommes, qui semblaient être des habitués, au vu de leur comportement. Un, en particulier, était déjà bien ivre. Gesticulant plus qu'il ne fallait, il se resservit en alcool et leva en l'air sa choppe.
« -Moi je vous dis... ici c'est la mort les gars ! Les gens, la ville, le pays... même le roi !!
-...T-Tais toi ! rétorqua le second le second d'un air gêné.
-Me taire ? Et pourquoi ?! D'toute façon, c'est pas le vrai roi ! Mais le vrai reviendra, je vous dis les gars ! Allez les gars, rejoignons la rébellion et en avant la révolution ! »
Le groupe avait prêté attention aux paroles de l'inconnu, et la tension était désormais remplacé par la curiosité. L'homme ivre se fit entraîner par ses camarades en dehors de l'auberge, en jetant au passage un bref regard à notre groupe, qui était attablé à côté d'eux. Ne semblant pas être une menace, ils ne nous adressèrent pas la parole, et sortirent en vitesse. C'est à ce moment que le patron décida de venir à notre table, avec son air flegmatique qui ne semblait jamais le quitter.
« -Vos chambres sont prêtes. Les deux du fond au premier étage.
-Dites, c'est quoi cette histoire de rébellion ? demanda Tenkai à l'aubergiste.
-... Rien... cet homme racontait des sornettes... ne faites pas attention.
-Vous aimez écrire et lire ? demanda Luca, qui avait remarqué que le patron semblait à tout prix éviter le sujet de la rébellion.
-Oui.
-Pourquoi tu lui demandes ça ? lui fit Tenkai en lançant un regard interrogateur.
-Vous vous appelez Nyvaldium....c'est bien ça ? Repris-il, comme s'il n'avait pas été coupé.
-Oui."
Alors, je lui lançai un regard entendu, et il hocha imperceptiblement la tête.
"-Et vous ne seriez pas amnésique par hasard ? demandai-je de nouveau.
-Non.
-Ah mince... bon ben merci de m'avoir raipondu, le remerciais-je.
-Ce n'est pas raipondu mais répondu ! S'énerva soudainement Nyvaldium en me lançant un regard noir.
-.... Euh, hein ?... De quoi parlez-vous ? Enfin bref, je suis fatiguée, moi ! Allez venez les garçons ! »
Je me levai et me dirigeai vers l'escalier, suivie des jeunes hommes qui se regardaient d'un air perplexe. Arrivée devant les chambres, je me retournai vers eux.
«- C'est bizarre.....il semblerait qu'un problème se pose.....
-Nyva ? lança Lama d'un ton interrogateur.
-Oui... ce n'est pas celui que nous connaissons....
-Pourquoi ? Demanda Tenkai.
-Car je n'ai vu aucune deuxième âme chez cet aubergiste....intervint Lucario en acquiesçant.
-Exactement. Et puis, il n'a pas d'amnésie, et ne semble pas reconnaître nos noms. Donc c'est juste son « double » de ce monde.... Et puis il y a cette histoire de révolution ... Bon, on en reparlera demain ! Moi je vais me coucher, mais je vous préviens....ne jouez pas les pervers sinon vous le regretterez ! Bonne nuit !! »
Leur tournant le dos j'entrai dans ma chambre puis fermai la porte avant de m'effondrer sur le lit en soupirant. Enfin quelque chose de confortable où dormir !
* * * *
• Lucario2208 •
"-Ça fera l'affaire, je suppose..."
J'avais prononcé ces paroles en tâtant les trois matelas mis à notre disposition dans cette chambre. Après avoir passé la patte dessus, puis appuyé, je me risquai à m'asseoir dessus, puis à m'allonger. Le meuble cria sous mon poids, et j'en déduis qu'il valait mieux ne pas trop bouger si je voulais passer une bonne nuit. Tenkai se jeta directement sur le matelas, puis se pelotonna dans les draps épais, bien que rugueux. Et Lama, fidèle à lui même, rebondit quelques fois assis, avant de faire la moue, et de se coucher presque à contrecœur.
Nos trois regards étaient à présent rivés vers la plafond. Les murs en planches donnaient un certain charme chaleureux à la pièce, pourtant le charpente, faite dans la même matière, semblait en terre cuite et paraissait pouvoir céder à tout moment pour nous tomber dessus. Comme je préférais ne pas y penser alors que le sommeil ne me venait pas, et que l'examination du plafond en bois commençait à être lassante après quelques minutes, je lançai à tout hasard un sujet de discussion :
"-Dites, vous en pensez quoi, de cette histoire de rébellion ? On dirait presque que c'est un sujet tabou, dans le coin...
-... Ce que j'en pense ? coupa sèchement Lama. C'est que je suis fatigué, et quand je suis fatigué, je ne réfléchis pas.
-C'est à se demander si tu réfléchis tout court... fis-je en haussant les épaules, et tournai la tête vers Tenkai — du moins, ce qui paraissait en être la forme.
"-M... Moi ? parvint une voix étouffée de sous la couverture. Sa tête apparut entre deux plis, et il continua : "Je pense qu'ils veulent nous cacher quelque chose... Après tout, pour eux nous ne sommes que des voyageurs, nous ne sommes pas au courant, et ils ne doivent pas forcement nous faire totalement confiance... Mais d'après ce qu'on a entendu, ça voudrait dire que ce n'est pas le véritable roi qui gouverne, en ce moment...
-Vous voulez bien vous taire, j'essaie de dormir ! maugréa Lama en s'enfouissant la tête sous l'oreiller. Soupirant longuement, exténué, je fis un signe de main à Tenkai, qui replongea aussitôt sous les draps. Puis, je soufflai la faible flamme de la lampe à huile qui trônait au centre de ma table de chevet, laissant les lueurs blafardes de la lunes, qui s'étiraient sur les murs et le plafond, en guise de seul éclairage. Bientôt, même si je luttais contre le sommeil, celui-ci m'assaillit, et mes paupières se fermèrent brusquement.
Mon sommeil fut bien vite agité par une succession d'images peu rassurantes, pour le moins. Une masse rouge et difforme s'écrasant au sol, au pied de son dresseur, et celui-ci contraint de partir... Un homme à la grande capuche verte lui masquant le visage sur un trône qui était couvert de dorures... Un autre en accoutrement de fou, chapeau à clochettes, couleurs vives, en train de pianoter pour envoyer un message à une quinzaine de personnes soi-disant choisies au hasard, mais en réalité unis par un lien d'amitié qui ne pourrait se voir briser... Ou presque... Je ne savais pas si j'étais réellement présent dans la scène, s'ils pouvaient me percevoir. Ce qui sembla m'indiquer que oui, ce fut la main qui se posa brusquement sur mon épaule, m'arrachant un sursaut et un cri strident.
"-Luca ? Luuuuca !"
On me secouait vivement, et j'ouvris soudain de grands yeux écarquillés. Tenkai était penché sur moi, l'air agacé.
"-Tu parlais dans ton sommeil..."
Me plaquant la patte sur la figure, honteux, je me demandai intérieurement si j'avais malgré moi répété ce que j'avais vu... Secouant la tête pour chasser les derniers lambeaux de rêve, je marmonnai que j'étais désolé, et me laissai retomber sur le matelas, qui couina terriblement.
Cette partie de la nuit fut plus calme, et bientôt, un vol piaillant de Nirondelles me réveilla en sursaut alors que la lueur de l'aurore inondait la chambre. Les trois corps engourdis, mais revigorés par une nuit de sommeil digne de ce nom s'étirèrent, si bien qu'ils touchèrent le plafond en bois, puis sortirent en file indienne pour aller retrouver une autre silhouette familière dans le couloir.
"-Alors, Melu, bien dormi ?
-C'était par-fait ! Je n'avais pas aussi bien dormi depuis que j'ai quitté mon vrai lit... Et vous ?
-À part une certaine personne qui ne peut même pas dormir en silence..." murmura Lama.
Melu frappa dans la main de Tenkai, puis la mienne — une façon comme une autre de saluer : la sienne — mais, quand elle arriva devant Lama, elle se contenta de relever la tête avec dédain. Puis, le gémissement de mon ventre rappela à tous qu'ils avaient faim, et ils dévalèrent les escaliers grinçants en quête de Nyva, afin de réclamer le petit déjeuner.
Un plateau au couleurs vives pour égayer ce début de journée avait été posé peu avant notre arrivée, à l'endroit où nous nous étions attablés la veille : confitures, marmelades en tous genres, biscuits aux céréales... Un véritable festin matinal. Melu se resservit encore trois fois, avant de déclarer qu'elle n'en pouvait plus. Je me levai donc, et me dirigeai vers la réception, aussitôt suivi par Tenkai et Lama... Et Melu, qui prit encore deux ou trois biscuits et les fourra dans sa poche, avant de me suivre à la hâte. Nyva, qui n'avait pas bougé de derrière son comptoir, perçut sans un sourire l'argent que Tenkai sortait du sac des moines nous hocha sèchement la tête en comptant les pièces, et fit mine de nous raccompagner à la sortie, mais je demandai tout de même, peu sûr de moi :
"-Excusez-moi... Vous n'auriez pas une carte du pays, par hasard ? Parce que sans, on sera un peu perdus..."
Il marqua une pause, toujours sans afficher la moindre émotion, puis il se faufila à nouveau derrière la comptoir, fouilla dessous, et revint avec un papier déjà bien usé.
"-C'est tout ce que j'ai."
J'acquiesçai avec le sourire, avant de lui redemander :
"-Vous n'auriez pas une quelconque destination à nous donner, ou un conseil ?"
Sur ce, il reprit le papier, et nous montra du doigt une ville, qui semblait plus petite que celle là, et perdue au milieu de nulle part.
"-Vous devriez aller par là bas, vous aurez des vues imprenables. Je vous raccompagne." fit-il en prenant la tête du groupe vers la sortie, comme s'il était pressé que nous partions.
En posant la patte sur l'épaisse couche de neige qui recouvrait le sol, un frisson me parcourut le dos, mais je continuai tout de même à avancer, suivi des autres. Laissant un sillon dans la poudreuse à chaque pas, le nez fourré dans la carte, je me demandai pourquoi Nyvaldium nous avait indiqué une ville éloignée de toute civilisation... Lorsque je voulus me retourner pour aller lui demander, je remarquai qu'un autre homme l'avait rejoint, et ils étaient maintenant en grande discussion.
"-Oh...? Ça serait pas le marchand de brioches ? murmura Melu, qui s'était également retournée.
-De quoi ?
-Non, rien, oublie..." conclut-elle en avançant de plus belle.