Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Entre deux mondes de Xabab



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 27/06/2014 à 14:37
» Dernière mise à jour le 27/06/2014 à 14:37

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 14 : Keluyah
La reine déposa avec tendresse une bougie sur le corps de sa tutrice, retenant des larmes qu'elle n'avait pas droit de faire couler devant son peuple. Pourtant la mort de Mamy faisait monter ce torrent insatiable au fond de ses yeux, provoquait un raz-de-marée qu'elle ne pourrait éviter. Si elle ne pleurait pas pendant la cérémonie alors tout viendrait par la suite.
Elle regarda un instant flotter la petite flamme devant le visage de celle qu'elle avait aimé. Ses traits ridés, affligés par le temps n'avaient jamais été aussi calmes qu'en ce jour fatidique. Elle paraissait plus sage qu'elle ne le fut jamais et au travers de ses paupières closes Keluyah y lisait encore toute la tendresse dont elle avait fait preuve à son égard.

Elle se dressait sur l'estrade, la même que celle qui avait été utilisée lors de son couronnement, faisant face au corps de sa tutrice. Ce dernier été déposé sur un lit de feuilles mortes, cerclés par des bougies dont les flammes scintillaient à l'image d'une troupe d'esprits frappeurs dansant au centre d'une clairière.
Les Tortarshs étaient pratiquement tous rassemblés sur la place du village pour assister à cette incinération. Mamy était l'ancienne et un modèle pour nombre d'entre eux. Elle avait aidé à mettre au monde plus de la moitié des personnes qui la fixaient en ce jour fatidique et aucun ne pourrait jamais l'oublier.

Keluyah se souvenait du jour où elle était devenue reine, cela faisait exactement trois ans. Elle se trouvait à la même place qu'aujourd'hui, face aux mêmes visages, avec son père à ses côtés. La seule différence est que Mamy se trouvait derrière elle pour la soutenir et lui sourire, pas sur sa dernière couchette.
Du moins ce n'était pas la seule chose qui variait du jour où on l'avait acclamé comme étant Freya. Depuis elle avait abandonné son apparence enfantine pour devenir une femme. Sous sa robe de soie qu'elle avait revêtue pour la première fois en devenant reine se distinguait la forme d'une poitrine opulente. Ses hanches s'étaient affinées tout comme son visage dont les traits se durcissaient en la rendant plus belle d'année en année. Nombreux étaient les jeunes hommes du village à l'admirer et à l'aimer pour sa beauté.

Mais les hommes n'intéressaient pas Keluyah. Le seul qu'elle avait aimé était un étranger qui avait quitté ces terres pour ne jamais revenir et elle n'était alors qu'une enfant. Cela faisait bien des années d'ailleurs qu'aucune de ses pensées n'étaient allées vers Kunra. Elle avait fini par l'oublier tout comme les sentiments à son égard, évaporés dans la chaleur de l'été ou enfouis par le froid de l'hiver.
En revanche ceux qu'elle éprouvait pour Mamy n'avaient jamais faiblit une seule seconde. La vieille femme lui avait tout enseigné.

« Nous perdons aujourd'hui la personne la plus importante de ce village, commença à dire la jeune femme dont le peuple attendait un discours. Elle n'était pas seulement la plus ancienne d'entre nous mais aussi la plus sage. Sans elle je ne serais pas votre Freya, nous n'aurions pas traversés sans peine certains hivers glaciales et le peuple que nous connaissons aujourd'hui ne serait qu'une troupe nomade au travers des montagnes. »
Et elle continua ainsi à glorifier le nom de la vieille femme sans changer de ton, retenant toutes ses larmes pour que son peuple ne la voit pas faiblir. Elle était un modèle et se devait de ne pas ressentir quoi que ce soit.
Keluyah était plus qu'une femme accomplie ; c'était une reine exemplaire.

Dans son dos se tenait son père, le guerrier. Il faisait acte de présence pour la cérémonie mais ne parlais pas, c'était le rôle de sa fille de rassurer par les mots et il en était incapable. Elle en revanche savait parfaitement manier ses phrases, elle avait presque un don pour parler devant autant de monde.
« … et elle nous a pourtant quitté. Mais pas sans rien, non. Mamy nous laisse un héritage de sa sagesse dont nous ne devons pas nous éloigner. Elle était un modèle et le restera bien après que les esprits aient accueillis son âme. Aujourd'hui je veux simplement que tout le village honore sa mémoire et à jamais qu'il se souvienne de son enseignement. »

Disant cela elle prit la torche que lui tendit son père et, non sans un pincement au cœur, la posa sur le corps de la vieille femme. Ce dernier prit feu en quelques secondes et le silence tomba sur l'assemblée.
Et pendant que les flammes dansaient s'élevaient quelques sanglots. Dans un coin pleurait une femme qui se souvenait du jour où elle avait accouché, aidé par Mamy, ou un jeune homme de l'âge de Keluyah qui devait aussi beaucoup aux leçons de la vieille dame. Personne ne restait insensible au feu qui dévorait les chairs de la tutrice et chacun, que ce soit visible ou dissimulé au fond de leurs cœurs, versaient quelques larmes.

Mais dans ce silence s'élevèrent soudain des voix d'hommes en panique. Du bout de la place des gens se mettaient à crier. Keluyah releva la tête et vit la foule se fendre en deux pour laisser passer une petite troupe de trois guerriers. Du moins de deux hommes soulevant le corps inerte d'un troisième.
« Gorah ! Freya ! crièrent les deux porteurs, invoquant le Guerrier et la Reine. »
Cette fois ce ne fut pas à Keluyah de prendre la parole, la jeune femme était d'ailleurs sous le choc de la flèche qui traversait la poitrine du blessé.

« Que se passe-t-il ?
– Une troupe de guerriers venant de la montagne, annonça l'un des hommes. Nous étions en train de chasser quand nous les avons trouvés. Ils demandaient de les guider au village afin d'en prendre possession.
– D'en prendre possession ? répéta le chef.
– Oui. Ils descendent des montagnes qu'ils ont traversées en plus d'une année, y abandonnant une partie des femmes et des enfants. C'est un peuple nomade et guerrier qui ne vit que de conquêtes.
– Ils vous ont appris tout cela ?
– Oui avant de décocher une flèche pour nous déclarer la guerre et vous faire passer un message. Ils arrivent. »

Et alors qu'il disait cela l'homme qu'il portait cracha un flot de sang et expira.
Keluyah lança un regard à son père qui comme à son habitude restait de marbre. Néanmoins dans sa tête s'échafaudait d'ores et déjà un plan de défense, elle le connaissait assez pour savoir cela.
Ce qui était certain c'est que la guerre venait frapper à leur porte pour la première fois depuis vingt ans. Et cette fois il n'y avait qu'une seule personne capable de guider son peuple au travers de cette épreuve : Keluyah.