Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Entre deux mondes de Xabab



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 26/06/2014 à 15:03
» Dernière mise à jour le 26/06/2014 à 15:46

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 12 : Keluyah
Keluyah traversa le village alors que les chants résonnaient tout autour d'elle. Sa robe de soie qu'elle portait depuis son couronnement trainait derrière elle et lui donnait une allure plus svelte qu'à l'accoutumé. Elle marchait d'un pas léger, évitant d'écraser la moindre brindille pour ne pas être entendue par son peuple.
Avançant à l'écart de la fête qui avait lieu pour la pleine lune, elle se rendit dans une hutte située à l'écart des autres. Une fois devant, elle poussa le rideau qui en dissimulait l'entrée et se glissa à l'intérieur.

« Il est temps ? lui demanda Kunra qui l'attendait, assit calmement sur son lit en peaux de bêtes. Je me soumets à mon destin. »
L'homme avait soigné ses blessures depuis son combat contre le fauve. Sa cuisse était presque guérie et il en avait ôté le bandage. Pour ce qui était de la griffure sur le haut de son torse il ne s'en était pratiquement jamais soucié, tant et si bien qu'elle ne se voyait déjà presque plus. Du fond de sa hutte il fixait celle qu'il nommait reine, un unique crâne pendant autour de son cou et un visage aussi calme que d'habitude.
« Suis-moi, lui ordonna simplement Keluyah en ressortant. »

Elle n'eut pas besoin de vérifier que l'étranger suivait ses ordres. Elle savait que Kunra allait la suivre sans discuter, qu'importe où elle se rendrait pas la suite. Il avait tant confiance en cette fillette qu'elle pouvait lui planter un couteau en plein ventre sans qu'il ne fasse le moindre geste de protestation. La force de la nature que représentait ce guerrier n'avait aucun point faible. Il se battait à mains nues contre quatre hommes, terrassait un fauve au corps à corps mais n'était au fond que le serviteur dévoué d'une enfant.
Keluyah ne gagna par le chemin de la grande place comme il devait en être convenu. Lentement elle s'éloigna du village duquel s'élevaient les clameurs de la fête et gagna l'obscurité des bois, Kunra sur ses talons.

Comme prévu il ne posa aucune question, elle n'aurait su quoi répondre. La jeune fille savait que le guerrier tenait aux traditions et qu'il n'accepterait pas le plan qu'elle avait convenu pour lui. Il voudrait se faire tuer par son père, d'un coup sur la nuque pour ne pas souffrir, avant que son corps ne soit bouilli et servit dans les assiettes du village.
Mais les choses ne se passeraient pas ainsi, Keluyah voyait le futur autrement.

La forêt dans laquelle vivaient les Tortarshs était séparée en deux par un fleuve qui trouvait son embouchure un peu plus loin. La partie nord était occupée par le clan de la jeune fille qui ne se rendait jamais au sud, c'était un endroit hors de leurs frontières et il était interdit d'y mettre un pied.
Petit à petit le bruit des chants s'éteignit. Les deux compagnons s'enfonçaient dans la forêt et l'on entendait plus que l'eau du fleuve s'écrasant sur les rochers ou le bruissement du vent dans les feuilles des arbres.

« Où allons-nous ? demanda finalement Kunra alors qu'ils quittaient le couvert des arbres pour se retrouver face à la rive nord du cours d'eau. »
Keluyah encore une fois resta muette. Elle se contenta d'avancer sur les galets qui marquaient le sol. Devant elle se dressait un tas d'immenses feuilles de palmiers qu'elle retira doucement afin de découvrir la pirogue cachée dessous.

« Comment...
– Tu pars, lui annonça finalement la reine qui préparait cette évasion depuis que l'avant dernier crâne avait été brisé. Je ne veux pas de ta force et les villageois non plus. Tu pars.
– Cela ne respecte pas les traditions, protesta l'étranger qui se dressait face à la fillette, le torse bombé par une fierté qu'il ne voulait abandonner en fuyant. Je dois rester et accepter mon destin.
– Ton destin vient de changer. »
Elle restait ferme sur ses positions, ne désirant aucunement revenir en arrière. Cela faisait des nuits qu'elle se demandait s'il était possible de le sauver et qu'elle ne dormait que d'un œil ; il était hors de question de faire demi-tour.

« Ma reine, je...
– Tais-toi ! »
Elle leva la main et tourna la tête pour cacher la larme qui roulait le long de sa joue. Son cœur était en train d'exploser et des sentiments y déferlaient comme une nuée d'oiseau migrant vers un pays plus accueillant. Il lui était impossible de délivrer ce que cachaient ses pensées, interdit de se livrer à celui qui ne comprenait rien malgré ses années d'expérience par rapport à elle. Lui se dressait bêtement, refusant son avis alors même qu'elle sacrifiait tout pour qu'il puisse vivre.
« Je vais retourner au village, reprit Kunra, ils doivent m'attendre. »

Sur ce, il rebroussa chemin et marcha en direction des bois.
« Non ! »
La fillette venait de hurler, laissant au passage déferler les larmes qui firent rougir ses yeux. Ses poings se serrèrent contre son corps et ses sentiments en profitèrent pour s'évader. L'étranger, face à un tel cri, se retourna et afficha une mine désappointée.
« Tu penses que je ne fais ça pour rien ? poursuivit la petite reine qui se sentait enfin écoutée. Tu crois que je te sauve seulement parce que c'est une lubie de ma part ? Depuis une lune je mens à mon père et à ma tutrice, je bafoue mes traditions et je me rends dans la partie sud de la forêt pour entasser quelques provisions pour ta survie ! Tu penses que c'est un plaisir de le faire, que te voir partir m'amuse ? Ne me refuse pas le droit de t'aider ou je te jure que lorsque l'on me servira ton corps je le jetterai dans la boue. »

Kunra resta sans rien dire, ne parvenant même pas à bouger. Les mots de sa reine étaient forts, pleins de sens et ses sentiments passaient dans sa voix avec la facilité d'un poisson nageant au cœur d'un ruisseau. Le guerrier ne dit rien, baissa honteusement la tête et avança vers la pirogue que la fillette lui avait préparée. Il la poussa vers l'eau et s'installa à l'intérieur.
« Tu trouveras un sac sur l'autre rive, caché entre les racines d'un arbre. Il y a un couteau, de la viande et du cuir à l'intérieur. Fais-en ce que tu veux.
–Freya...
– Inutile de m'appeler ainsi ; je ne suis plus ta reine. »

Sur ces mots la jeune fille se détourna de l'homme qu'elle ne reverrait plus avant des années, de cet amour impossible qu'elle ressentait à l'égard de cette force de la nature. Elle savait qu'il lui était impossible de l'aimer. La seule chose qu'elle pouvait faire pour lui témoigner ce qu'elle ressentait était de lui laisser la vie sauve.
« Une dernière chose, reprit-elle sans se retourner, ne reviens jamais dans cette partie des bois. Nous prendrons soin de ton père et il aura les funérailles destinées aux meilleures quand sera venu le temps pour lui de partir. Je dirai à père que tu as pris la fuite, bafouant tous nos préceptes et crachant sur ta parole. Si l'un des Tortarshs te retrouve un jour il te tuera sans hésiter, que ce soit lâchement ou en combat singulier... »
Elle laissa planer un silence puis ajouta quelques mots : « Sache que je ne ferai pas exception. Je te tuerai aussi à notre prochaine rencontre. »
Puis elle repartit vers son village sans même lancer un coup d'œil par-dessus son épaule.