Prologue
Cela faisait près de deux ans que Derek Thrap avait pu obtenir cette distinction d'historien. Il venait de le recevoir, et n'était guère plus avantagé que ses homologues mais il avait appris d'un ami qu'une bibliothèque avait ouvert ses portes dans la région de Dien, à Luxville.
Le jeune Thrap, âgé d'à peine vingt-huit ans, n'avait pas vraiment le profil-type de l'historien. À bien y regarder, on aurait cru voir en lui l'image d'un dresseur expérimenté, au vu de son assurance.
Il était grand, particulièrement grand, dans le mètre quatre-vingt-dix, pour un poids apparent de quatre-vingt kilogrammes. Simplement, au jugé, on pouvait aisément croire qu'il était aussi léger qu'une plume.
Pas spécialement musculeux, il n'avait pour signe distinctif sa chevelure mi-longue, lui atteignant le haut des épaules. Assez surprenant, en fait. Le plus surprenant, c'était la couleur. Il s'agissait d'une chevelure auburn, quoique un peu assombrie.
Ses yeux étaient d'un vert grisâtre et n'étaient guère cachés par les petites mèches de cheveux qui tombaient sur le front du jeune historien.
Son nez était fin, assez peu distinctif en fait du reste du visage. Seules ses lèvres ajoutaient de la vie à ce visage pâle, avec cette couleur caractéristique de l'hémoglobine (bien qu'atténuée par la peau).
Le jeune historien avait donc eu vent de cette région peu connue et reconnue. Aucun historien avant lui n'avait d'ailleurs cru bon d'enquêter sur cette région, ce qui restait assez surprenant. Lui n'agissait ainsi que pour le plaisir. Ou son prétexte était celui d'une visite chez un ami. Ce même ami qui lui avait fourni un appartement à Luxville, en lui affirmant que cela ne le gênait pas de lui acheter un local de vie. Si cet appartement ne s'était pas montré aussi spacieux et luxueux, Derek n'en aurait rien dit. Mais là... Conrad, son ami et tout récent contact, n'avait pas regardé la dépense. L'historien pouvait bien s'établir dans cette région pour des mois voire des années.
Le jeune homme tâchait également de se rappeler Conrad, mais rien ne lui venait. Et pourtant, il s'agissait d'un très vieil ami, au vu de ce qu'il croyait être des souvenirs. La seule image qu'il s'en faisait, c'était celle d'une silhouette floue où la seule trace marquante était cette tâche rousse qui devait tenir de chevelure.
En entrant en ville, il s'était attendu à quelque chose de simple. La vue des buildings imposants fit changer son point de vue concernant Dien. Son appartement était lui-même situé à un niveau particulièrement éloigné du sol. La circulation n'était pas grande, en réalité. Cette ville n'avait pas l'air d'être aussi peuplée qu'elle le laissait penser rien qu'en la regardant. Et Derek s'était laissé prendre par cette illusion. À la place de véhicules en abondance sur les routes, il n'y avait que quelques signes fugaces de circulation, et une population amatrice de footing. Les Pokémon sortaient avec leurs maîtres et marchaient sur les trottoirs sans se soucier le moins du monde des personnes autour. Bien entendu, pour éviter les problèmes, les Pokémon sortant au-dehors ne pouvait avoir une taille supérieure à celle d'un humain moyen. Aussi n'y avait-il que des Keunotor, des Moustillon, des Arcko... Les énumérer tous prendrait une journée entière, mais il suffisait de se représenter toute une liste de Pokémon susceptibles de pouvoir marcher aux côtés de son dresseur afin d'avoir un vague aperçu de ce que voyait Derek dans les rues.
Alors qu'il était arrive en ville et qu'il s'était établi dans l'appartement, il avait fait un rapide tour des quartiers, afin de trouver les endroits où il était susceptible de se rendre pour étudier, manger ou se divertir un peu. Il trouva également la bibliothèque dont lui avait parlé son ami. Il lui avait parlé d'une surprise, d'ailleurs. Surprise que l'historien redoutait un peu. Alors qu'il passait justement devant le bâtiment public, le téléphone cellulaire du jeune homme vibra, signe de la réception d'un message. Le jeune homme ouvrit l'appareil rapidement, habitué qu'il était à devoir l'ouvrir de nombreuses façons. C'était Conrad, qui l'invitait à entrer dans la bibliothèque.
- Allez, entres donc ! Je suis à l'entrée !
En observant calmement les deux larges portes, l'historien parvint à apercevoir son ami. Sa visite de la ville reprendrait plus tard. Le bâtiment composant la bibliothèque était en fait une sorte de pyramide, dont le sommet était surmonté d'un bloc d'or. Ou un matériau en ayant les mêmes caractéristiques de réfraction de la lumière, et la même teinte. En tout cas, peu importait ce que fut ce bloc, il n'était là que pour impressionner le visiteur. Et Derek fut impressionné. Long d'à peu près cinquante mètres, la pyramide n'était qu'une simple partie d'un bâtiment bien plus imposant se situant un peu plus à l'arrière. Ce goût pour les bords pointus et pour les formes cubiques étaient propres aux humains, les Pokémon semblant faire peu cas de l'architecture. Quelques Nirondelle s'étaient posées sur les toits et patientaient, attendant probablement qu'un évènement quelconque les pousse à s'élever dans les airs.
L'intérieur était tout aussi beau, voire même bien plus magnifique que l'extérieur. Enfin, faire meilleur effet qu'une façade en pierre, ça n'était guère difficile. Bien sûr, pour une personne lambda, ce spectacle pouvait être banal, surprenant, ou repoussant pour les néophytes de la lecture. Pour un historien tel que Derek, ces dizaines d'étagères de livres alignées en rang étaient constitués en une seule chose unique : la perle rare. Un peu comme la perle d'un Spoink.
Bien vite Conrad vint rejoindre le jeune historien, lui mettant entres les mains un livre particulièrement abimé, semblable à un journal.
- Voilà, mon vieux ! J'ai trouvé ça, et ça devrait te plaire. Je t'en dis pas plus. Si tu termines cet ouvrage, tu as le reste qui se trouve à la septième rangée, là-bas.
L'historien n'eut pas le temps de dire ou voir quoi que ce soit que son ami disparaissait de la bibliothèque par la porte d'entrée. Il ne put voir de Conrad qu'un jeune homme d'un bon mètre quatre-vingt, pas bien épais, les cheveux bruns assez courts.
Derek souffla de dépit. Il voulait se reposer un certain temps, le voyage en avion jusqu'à Dien l'avait épuisé, le transport jusqu'à Luxville plus encore, notamment avec la chaleur qui semblait régner sur l'île. Il avait cependant appris que les terres du centre étaient bien souvent aussi fraiches de jour qu'un soir d'automne sur les côtes. Notamment à la capitale.
Il abandonna ses espoirs de repos, les repoussant à plus tard. Il dormirait cette nuit. Pour l'heure, il avait du travail. Il s'avança parmi les ranges de tables, à proximité de la septième rangée d'étagères. Il s'assit un peu à l'écart des personnes présentes en compagnie de leurs Pokémon. D'aucun ne leva les yeux de son activité pour l'observer, le silence étant de mise dans cet établissement. Seule la bibliothécaire, une magnifique jeune femme au visage fin et aux cheveux d'or, daigna lever les yeux de son travail pour observer le nouveau venu.
Oubliant vite l'attention qu'on lui portait, l'historien se mit à lire le livre que lui avait donné son contact fugace. S'arrachant de la réalité, il examina la couverture de l'ouvrage. Il datait probablement de cinq siècles, et pourtant était-il magnifiquement bien conservé. Bien entendu, quelques déchirures subsistaient à certains bords de page, mais cela ne rendait pas la lecture impossible. Une petite note s'y trouvait, précisant qu'une copie plus récente existait. Derek se contenta de tourner la page, et de commencer la lecture de ce qui semblait être le journal d'un jeune homme. Au vu des tournures de phrases, c'était bel et bien un style de rédaction propre aux petits journaux intimes, ou aux rédactions de mémoires. Derek se mit alors à lire, dans un murmure à peine perceptible, pour laisser libre cours à son imagination. Le commencement du journal était une belle image qu'il convenait de reproduire par l'esprit..
« Alors même que les clameurs et hurlements de combats montaient jusqu'à mes oreilles, je pouvais entrevoir les premières flèches de la garde voleter dans le ciel pour enfin atteindre le sol, et pourfendre l'ennemi qui se trouvait aux portes de la ville. »