... ceux qui s'accompagnent. [24]
01/08/2508
Bonjour cher journal !
Comment vas-tu aujourd'hui ? Chez nous, c'est comme tout le temps. Papa et Maman travaillent dur aux Ruines Alpha. Heureusement qu'on habite très près des ruines, comme ça, je peux les accompagner à leur travail. Mais je ne peux rester que dans le grand bâtiment blanc. Papa et Maman m'ont dis que l'intérieur des ruines était dangereux et que je ne devais pas y aller.
Tout le monde est gentil, mais ils sont trop occupés pour jouer avec moi. Je m'ennuie. Heureusement que je t'ai avec moi, journal, sinon je n'aurais vraiment rien du tout avec moi.
Les scientifiques sont encore plus occupés que d'habitudes aujourd'hui. Il parait qu'ils ont trouvé quelque chose. Mais je ne comprends pas les discussions d'adultes, alors je ne sais pas ce qu'il se passe exactement.
Tout ce que je sais, c'est que Papa et Maman aiment très fort une histoire : "The Rewriters". Tous les soirs, ils me la lisent pour que je m'endorme. Ça parle de héros qui auraient réussit à sauver le monde, en le réécrivant. Même après avoir lu l'histoire des centaines de fois, je ne sais toujours pas ce que ça veut dire, en fait. Il parait que ses Ruines ont un rapport avec l'histoire, et Papa et Maman travaillent pour le découvrir. Et moi aussi, je veux être capable de les aider plus tard ! Alors je me dépêche de bien grandir et de devenir une grande fille pour pouvoir les aider.
Parce qu'à chaque fois que je demande à quelqu'un si je peux l'aider, on me caresse la tête en rigolant. Ils disent tous que je suis trop petite.
Mais bientôt ils arrêteront de se moquer de moi ! Parce que demain, c'est mon anniversaire ! J'aurais enfin 8 ans ! Et là, je suis sûre que je serais assez grande pour aider tout le monde ici, et ils verront tous comme je suis géniale ! Et oui ! Parce que rester assise dans un coin à écrire ce n'est pas très amusant après quelques semaines... je veux faire autre chose.
Une fois, j'ai essayé de montrer aux scientifiques que je peux être utile en leur faisant une surprise. J'ai posé discrètement un verre de jus de bais sur leur bureau. Mais, sans faire exprès, j'ai renversé le verre sur une pile de dossier avec écrit un gros "URGENT" dessus. Même si je suis encore petite, selon eux, je savais que j'avais fais une grosse bêtise. Mais j'ai réussis à ne pas être punie. Par chance, il y avait un Evoli qui dormait dans un coin, et j'ai eu une idée. Je l'ai porté et je l'ai posé juste à coté du verre renversé. Et puis je me suis enfuie très vite. Depuis, je n'ai plus jamais revu le Evoli, ni plus aucun Pokémon dans le bâtiment... c'est dommage, j'aimais bien jouer avec les petits Pokémon des scientifiques. Maintenant, il ne reste que les Minotaupe et Excavarenne, des Pokédoll qui aident dans les recherches de la grotte. Mais je ne peux pas jouer avec eux, même quand ils ne travaillent pas, ils sont beaucoup trop sérieux. Pfff, c'est vraiment une décision d'adulte de ne plus laisser les petits Pokémon jouer ici. Mais je suis obligé de faire avec...
...
...
... mmmh... je crois que je vais faire une sieste, après tout je n'ai plus rien à écrire et Papa et Maman ne sont pas encore arrivés...
...
Bonsoir cher journal !
Aaah... Papa et Maman sont venus me chercher très tard aujourd'hui... enfin voilà, je suis de retour à la maison, et je viens de sortir de mon bain. Papa et Maman étaient très contents eux, par contre. Même si le ciel est tout noir depuis longtemps, ils n'arrêtaient pas de sourires. D'ailleurs, tous les scientifiques des ruines souriaient pareil... ça doit être un truc d'adulte, c'est pour ça que je ne comprends pas.
... pffiou... bonne nuit cher journal... je vais aller dormir, je n'arrive même plus à ouvrir mes yeux...
***
02/08/2508
Bonjour cher journal !
Tadaa ! C'est mon anniversaire, j'ai enfin 8 ans ! ... mais personne ne semble le savoir...
Je suis assise comme tout le temps dans un coin dans le grand bâtiment à coté des Ruines Alpha. En plus, il n'y a pas beaucoup de scientifique aujourd'hui, la plupart sont entrés dans la grotte.
...
...
Aaah... je m'ennuie... normalement, j'aurais du recevoir plein de cadeau et un gros gâteau, c'est pas juste !
...
Bon puisque c'est comme ça, je vais aller les chercher. C'est mon anniversaire quand même ! Et je suis une grande fille maintenant, je peux entrer dans la grotte. Oui, maintenant, je peux aider Papa et Maman dans leur travail !
***
03/08/2508
... je... je crois que j'ai fais une grosse bêtise hier...
Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé... je suis entrée dans la grotte et puis, j'ai essayé de suivre les voix. J'ai marché très longtemps, j'avais peur, tout était tout noir et je ne savais plus où était la sortie. Alors j'ai appelé Papa et Maman très fort... J'ai crié le plus fort que je le pouvais.
Et puis... je ne sais plus... tout s'est mis à trembler et... et j'ai entendu Papa crier lui aussi... et plus rien...
...
Je me suis réveillé dans un lit blanc que je ne connaissais pas, je ne suis ni à la maison ni dans le bâtiment à coté des ruines. Il y avait plein d'inconnus qui sont venu me voir. C'était des hommes et femmes habillés en blanc, mais ils n'étaient pas comme les scientifiques des ruines.
Je suis restée toute la journée là-bas et finalement, le soir, je suis revenue à la maison. Mais je ne comprends, pas rien est pareil.
Maman était en train de pleurer dans la cuisine... et quand j'ai demandé où était Papa, elle m'a grondée très fort et m'a envoyée dans ma chambre. Je crois que j'ai fait une grosse bêtise, mais je ne sais pas quoi...
***
04/08/2508
Papa n'est toujours pas rentré à la maison et Maman est toujours en train de pleurer dans la cuisine... elle ne me répond plus que je l'appelle. Mais j'ai faim et il n'y a rien à manger sur la table. Alors, je suis descendue à la cuisine faire quelque chose. Je n'ai jamais cuisiné, Maman et Papa disait toujours que j'étais trop petite pour ça. Mais maintenant, j'ai 8 ans, je suis grande.
Sauf que je ne savais pas comment utiliser le gaz... et quand j'ai tourné le bouton, de très très grandes flammes en sont sorties... je ne savais pas comment les éteindre. Plein de petites choses à cotés ont grillées... je ne pouvais même plus bouger. Il y avait plein de fumée, j'avais du mal à respirer. Et puis, Maman est arrivée en courant dans la cuisine. Elle avait l'air très en colère. Elle a réussit à stopper le feu. Je savais que j'ai fais une bêtise et que Maman allait me punir. Mais c'était la première fois qu'elle me frappait. Elle... elle m'a tapé si fort, journal... j'ai encore des marques sur ma joue... et puis... elle m'a tiré le bras violement jusqu'à ma chambre... je... je ne sais pas quoi faire... et j'ai si faim...
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05/08/2508
Bonjour, cher journal.
Ce matin, des cris m'ont réveillé. J'avais peur de sortir de ma chambre, vu que Maman m'avait interdit d'en sortir...
Parmi les cris, j'ai reconnu ceux de Maman et de certains voisins. Ils avaient l'air très inquiet pour quelque chose que je ne comprends pas. Mon nom revenait souvent dans la dispute.
Mais mon ventre commence vraiment à me faire mal... je n'ai rien mangé depuis hier... ma tête aussi me fait mal...
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06/08/2058
Je... je n'ose pas sortir de ma chambre... Maman ne vient pas non plus me voir... comme chaque matin les voisins reviennent se disputer avec Maman... et j'ai toujours aussi faim...
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12/08/2058
Bonjour cher journal.
Ça va faire longtemps. Ce matin, je me suis réveillée dans un lit blanc, comme la dernière fois. Les hommes en blanc ont dit que ça faisait quelques jours que je dormais. Ils ont aussi dit que j'avais un "truc alimentaire" et que c'était pour ça que je m'étais évanouît.
Quand j'ai demandé où était Maman, les gens autours de moi ont fait une tête bizarre et m'ont dis que je ne pourrais pas la voir. Et quand j'ai demandé si je pouvais voir Papa, ils ont soupiré et rien répondu.
Les docteurs disent que je vais devoir rester un moment ici. Ils ont ramené toutes mes affaires dans la petite chambre blanche. Mais moi je ne veux pas rester ici, je veux retrouver ma maison, avec Maman et Papa... Seulement, je suis trop faible pour sortir de ce lit... alors je n'ai pas le choix...
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01/08/2062
Bonjour, journal.
Ah... ça fait bizarre de te retrouver après toutes ses années. Et quand je relis mes dernières entrées, je me rends compte à qu'elle point j'ai été stupide.
Il y a 4 ans, lors de cette éboulement... lorsque mon père m'a sauvé la vie au prix de la sienne. Au dernier moment, il m'a protégé de l'énorme rocher qui m'était destiné. Il n'est pas mort sur le coup... bien pire. Il est resté dans le coma. Un profond coma. Les médecins disent tous qu'il n'y a absolument aucun espoir de réveil. Mais Maman s'entête et refuse de le débrancher. D'ailleurs, elle vie toujours avec l'espoir de le revoir marcher à ses côtés. Cet espoir insensé l'a complètement fait perdre la tête.
Maman me prend toujours pour responsable de tout ce drame. Et... elle n'a pas tord. Tout est de ma faute. Tout. C'est parce que j'ai été stupide. Si seulement j'étais plus mature à l'époque... si seulement j'avais pu les aider mieux que ça.
J'ai tué mon père. Et c'est la vérité. Pour me repentir, j'essaie d'aider tous ce que je croise... de donner tout ce que j'ai pour ceux qui en ont besoin mais... je ne le fais que pour tenter de me pardonner... ... j'ai commis un crime... un terrible crime... qui ne sera certainement jamais expié.
C'est grâce à cette fille que j'ai ouverts les yeux. Cette enfant que j'ai rencontré à l'orphelinat d'Acajou. Ah oui, journal. Vu que ma mère n voulait plus s'occuper de moi et que je n'avais personne dans la famille qui le pouvait... j'ai été envoyé à l'orphelinat. Et c'est là que j'ai rencontré cette fille. Je me souviendrais toujours de son prénom : "Alice". On avait 8 ans quand on s'est rencontré, mais dans sa tête, elle avait l'air d'être encore plus âgée que les adultes. C'était une fille que tout le monde admirait.
Et c'est elle... elle qui m'a fait comprendre. La détresse de ma mère, la "mort" de mon père... et ma grande part de responsabilité. Que je serais condamné à vivre ma vie à essayer d'expier mes péchés.
Oui... tout est de ma faute... tout, absolument tout...
***
Yuki referma le journal d'un geste brusque. Il ferma les yeux un instant, essayant d'assimiler tout ce qu'il venait de lire. Fa et Célio se regardèrent tristement, sans réellement savoir quoi faire. Puis Fa se rappela de quelque chose :
« Ah ! A l'arrière de la note, il y a autre chose ! »
Légèrement paniqué, le garçon manqué retourna le petit mémo que leur avait laissé Shiro. On y pouvait lire de simples mots : l'adresse d'un hôpital, un numéro de chambre et une ville.
« La Ville Griotte... grommela machinalement Yuki. Hé, Célio, Fa. Vous savez ce qu'il nous reste à faire, n'est-ce pas ? »
Le loup solitaire n'eut même pas à attendre une réponse. L'ambiance décidé qui régnait entre les trois amis suffisait à elle-même. Le pas décidé, Yuki, suivit de Célio et Fa, se dirigea vers la sorti de l'Institut.
***
Le silence. Uniquement rompu par un "bip" régulier. Et pourtant, dans cette chambre d'hôpital, une tempête grondait. Deux femmes se faisaient face, mère et fille. Linda et Shiro Weiss. Cela faisait presque 5 ans qu'elles ne s'étaient pas parlé. 5 ans durant lesquelles la peine et la haine s'étaient accumulées. 5 ans qui allaient bientôt se déverser. Et ce n'était ni le médecin trop apeuré pour oser émettre le moindre son, ni l'homme qui dormait paisiblement sur le lit blanc qui allait l'empêcher.
Linda fit un pas en avant, faisait claquer violemment son talon-haut sur le sol. Ses longs cheveux blancs, comme ceux de sa fille, étaient complètement décoiffé. A la vue de son temps pâle, on aurait dit que c'était la première fois qu'elle sortait après de longues années. Et pourtant, la maigre femme possédait un regard explosif. Au fond de ses yeux fatigués, se trouvait toute la rancune du monde.
« Shiro, commença durement Linda. C...comment... comment oses-tu ?! Tu... tu es venue contempler ton œuvre, n'est-ce pas ?! Ha... hahaha... HAHAHA ! Alors ?! Heureuse ?! Il va ENFIN mourir ! Le seul homme que je n'ai jamais aimé... celui que tu as tué !
Shiro essaya de garder son calme. Oui, c'était effectivement le deal que sa mère à conclut avec les médecins. Si au bout de 5 ans, son père ne montrait aucun signe de rétablissement, même infime, il serait débranché. Et il se passait exactement le contraire, de jour en jour, son état se détériorait. Mais Linda Weiss ne perdait pourtant pas espoir... elle ne le pouvait pas.
–Alors ?! s'écria Linda. Tu ne réponds pas, meurtrière ?! Ha... haha... durant 5 ans, j'ai réussis à t'éloigner de moi... toi, celle que je déteste le plus au monde... ! Quand je repense à l'époque ou je t'appelais encore "ma fille" ça me donne envie de vomir ! Dire que je pensais enfin me débarrasser de toi ! Quand j'ai appris que tu allais être envoyée à l'orphelinat, tu ne peux pas savoir quelle joie j'ai ressentie ! Mais... MAIS ! Il a fallut que tu reviennes... là ! Les derniers instants de mon mari... ton innocente victime... tu tiens tant que ça à faire du mal autour de toi ?!
"Pauvre Maman" c'était tout ce à quoi Shiro pensait en ce moment même. Linda Weiss était complètement dévastée. Depuis combien de temps était-elle ainsi ? Shiro en tremblait rien qu'à l'idée de la réponse. La demoiselle ne répliqua pas, se contentant d'absorber toutes ses insultes qui fusaient sur elle.
–Et tu sais c'est quoi le pire ?! continu impitoyablement la mère. C'est que tout le monde te protégeais ! Toi, la meurtrière ! Les voisins... les docteurs... pour tous ses abrutis, tu étais la petite fille fragile et moi, la méchante mère ! Ils me répugnaient... surtout ceux qui venaient me faire la morale chaque jour... ces imbéciles ! Comment osent-ils ?! Ils n'ont strictement rien à faire dans cette histoire... et ils viennent tels des justiciers défendre la coupable ! Personne... jamais personne n'a tenté de voir les choses de mon point de vue. JAMAIS ! Et même aujourd'hui... je reste la méchante... la cruelle mère qui abandonne son enfant ! Et toi... la petite sainte... dont tout le monde prend encore la défense !
Shiro trembla. Elle s'était promise de rester forte, mais c'était trop pour elle. Sa mère... sa pauvre mère... elle souffrait tellement. Des larmes naissantes finirent par s'écouler des joues de Shiro. La demoiselle restait silencieuse, tout en continuant d'observer la femme perdue devant elle.
–HAHAHA ! ria sarcastiquement Linda. Épargne-moi ses larmes de Crocorible ! Ne vas pas me faire croire un seul instant que tu ressens des remords ! Toi qui a même voulu me tué en provoquant un incendie !
–...
Les larmes de Shiro s'écoulaient de plus belle. "Pourquoi-est-ce que je pleure ? Je dois rester forte !" La demoiselle se répétait cette phrase en boucle, en vain. L'émotion était décidément plus forte qu'elle. Mais cependant, ses yeux embués ne manquaient aucunement de se plonger dans ceux de sa mère. Comme si elle essayait malgré tout de retrouver dans ce regard meurtrier, celui d'une douce mère.
–Maman...
–Ne m'appelle pas comme ça ! vociféra Linda Weiss. Nous n'avons plus aucun lien ! Et nous n'en auront plus jamais !
–Maman... je ... je sais ce que tu ressens...
–Aaah ! Ne joue pas à ça avec moi ! Toi ? Savoir ce que je ressens ?! T'es-tu lancer dans la comédie ces dernières années ?! Comment est-ce qu'une misérable comme toi peut-elle bien comprendre à mes sentiments ?!
–Maman, continua inlassablement Shiro. Je... je ne savais pas... que tu souffrais autant... pardonne-moi...
–Combien de fois dois-je te dire de ne plus m'appeler ainsi ?! Nous sommes de parfaites inconnues désormais ! Je ne sais pas ce que tu essaies de faire mais... c'est peine perdu ! Jamais tu réussiras à effacer ce que tu as fais. Regarde ! Dans quelques dizaines de minutes, un homme va mourir ! Par ta faute ! Rien que par ta faute ! ... Il... il était vraiment formidable... toujours souriant, toujours prêt à aider les autres... promis à un grand avenir ! Et toi... une petite gamine insupportable, détestable, vient l'arracher à la vie ! Tu pourrais te repentir pendant tes cents prochaines réincarnations sans que ton crime ne te soit pardonné !
–Ce... c'était un accident...
–Un accident ! Ben voyons ! HAHAHA ! Tu n'as rien trouvé de mieux pour te décharger de toute responsabilité, n'est-ce pas ?! Regarde la vérité en face, petite ! Tu l'as tué ! TUÉ ! »
Shiro se mordit les lèvres. "Je ne dois pas rester comme ça !" Elle qui était venue ici afin de démontrer à sa mère qu'il est possible de tourner la page, se faisait complètement submerger par la colère de cette dernière. Et pourtant, Shiro n'abandonnait pas, malgré son visage désormais trempée de perle de tristesse.
La demoiselle s'était fait de précieux amis durant ses quelques jours à l'Institut. Célio, Fa et... Yuki. Des amis qui l'ont acceptée parmi eux. Des amis qui l'ont appris tellement de choses. Shiro baissa son regard un instant, et entraperçu la petite Pokéball argentée dans sa poche. Oui, le monde change. C'était ce qu'avait conclu la demoiselle. Elle qui passait son temps à se maudire de sa malheureuse jeunesse, elle qui était persuadée de mourir avec le regret de sa bêtise... c'était complètement transformé. Désormais elle croyait en l'avenir. Un avenir inconnu, qui ne demandait qu'à être arpenté.
« Tu sais, Maman... »
Linda s'apprêtait à réagir au quart de tour, lorsque Shiro cacha la moitié de son visage avec sa main droite. Interloquée, Linda resta un moment sans voix.
« Maman... pour l'instant, tu penses peut-être que tu vas rester comme ça toute ta vie mais... sache que moi, ta fille, même si tu ne le veux pas, resterait toujours à tes cotés. Pauvre Maman. Tu as vraiment due souffrir, toute seule, durant toute ses années. Je... je suis désolée... tu... tu es sûrement incapable de me pardonner à l'heure actuelle mais... j'espère... j'espère qu'un jour tu ouvriras les yeux et que... et que...
Shiro serra encore plus fort son visage, crispant ses dents.
– ... et que tu pourras m'appeler ta fille ! Je... je t'aime Maman... ! Tu... tu sais, je n'ai jamais arrêté de t'aimer... ni toi, ni Papa... durant toute ces années ! Tu... tu me détestes, je le sais... tu me haïs certainement plus que tout au monde mais... mais ! Moi... moi je t'aime, Maman ! Quoi que tu puisses en penser...même si tu crois que je mens pour me voiler la face... je t'aime.
A cette Institut... j'ai vraiment rencontré des gens formidables, tu sais ? De véritables amis... même si je ne les connais que depuis quelques jours. Ils m'ont appris... à vivre ma vie au jour le jour. Qu'importe ton passé, aussi triste soit-il, rien n'est graver dans le marbre. Moi aussi, Maman. Moi aussi j'ai soufferts... moi aussi j'ai pensé que cette souffrance m'écraserait jusqu'à ma mort ! Seulement... je m'en suis rendu compte ! J'étais la seule qui m'enfermais dans cette spirale infernale... je me voyais tellement coupable, que je ne pouvais pas m'imaginer ne pas souffrir. Je me punissais en permanence... je me torturais. Maman... je suis sûre que tu fais la même chose en ce moment. Tu... tu n'arrives pas à te pardonner à toi-même, n'est-ce pas ? Pauvre... pauvre Maman... je... je t'ai laissé seule, tout le monde ta laisser seule... tu... tu ne pouvais plus que te rattacher qu'à ta colère, qu'à ta haine. Sache juste que... que je t'aime, Maman ! Je t'aime ! Tu n'es pas seule ! Même si tu ne l'acceptes pas... je reste ta fille et tu restes ma mère. Maman... j'attendrais... j'attendrais ce jour où tu m'appelleras "ma fille" ... ce jour où tu pourras de nouveau m'aimer ! »
Linda était restée silencieux durant toute la tirade. Elle bouillonnait de rage. " Comment ose-t-elle ?!". Cette phrase résonnait sans fin dans sa tête corrompue par la folie. Cette gamine qui était la cause de toutes ses souffrances. Cette horrible petite fille, cette détestable personne... qui était sa fille. Linda le savait bien. Elle n'y pouvait rien. Shiro resterait sa fille, et ce, pour l'éternité. Elle aurait beau la renier, ce lien existerait toujours. Et c'était justement cela qui rendait Linda folle furieuse. Elle n'y pouvait rien, rien du tout.
Le regard de la mère s'embrasa. Elle regarda sa fille, comme elle regarderait un insecte. Elle leva simplement sa main et... l'abatis de toutes ses forces sur Shiro.
La demoiselle accepta le coup sans broncher. L'impact fit voler des milliers de petites gouttelettes cristallines à travers la pièce.
« Pourquoi... POURQUOI ?! hurla Linda. Pourquoi es-tu comme ça ?! Pourquoi es-ce que tu es capable de vivre normalement, alors que j'en suis incapable ?! Pourquoi.... POURQUOi ?! Tu... tu insinue que je suis faible, c'est ça ?! Moi qui suis incapable de continuer à vivre... alors que toi tu y arrives malgré tout ?! Si tu veux tout savoir je vais te le dire ! Durant ses 5 ans... je suis resté cloîtrer chez moi me laissant mourir à petit feu ! Je ne recevais la visite de personne, je restais seule, toujours seule ! A plusieurs moments, j'ai même tenté de me suicider ! Mais tu sais quoi ? Je n'ai jamais eu le courage de le faire ! HAHAHA ! Pitoyable n'est-ce pas ?! Je suis même incapable de décider de ma propre mort ! Vas-y, tu peux te moquer de moi ! Tout ce qu'il me restait était l'espoir... l'espoir que l'homme que j'ai toujours aimé se réveille ! C'était... tout ce en quoi je pouvais croire... qu'il se réveille... et que le cauchemar prenne fin ! Mais... mais il ne s'est pas réveillé et ... il va mourir ! MOURIR ! Shiro, toi qui est si forte, dis le moi ?! Que dois-je faire à présent ?! ... Moi qui va bientôt perdre tout ce que à quoi je m'accrochais ! »
Linda arrêta son flot de parole. Shiro profitant de ce moment de répit releva la tête. Le visage de sa mère était recouvert de larmes, des larmes d'une terrible tristesse. Cette pauvre femme. Perdue dans les méandres de la haine. Sans réfléchir, Shiro se jeta dans ses bras, l'enlaçant comme jamais.
« Maman... oh... Maman... je... je suis là... tu ... tu n'es plus seule... tu ne seras plus jamais seule...
–L...lâche-moi !
–Non ! Non Maman... je... je t'aime ! Même si tout le monde te déteste moi, ta fille, t'aimerais toujours !
–Tu n'es plus ma fille ! »
Linda repoussa Shiro, la jetant violemment au sol.
« J'ai fais une croix sur toi depuis 5 ans ! Je te haïs du plus profond de ce qu'il me reste de cœur... et tu crois que tu vas tout effacer en jouant les petites-filles modèles ?! Tu... tu te crois où, bon sang ?!
–Non Maman... je n'essaie pas de jouer un rôle... tout ce que je t'ai dis est ce que je ressens vraiment. Et... je te le répéterais inlassablement : je t'aime ! Jusqu'à ce que tu l'acceptes ! Parce que je le sais, au fond... tu veux être aimé Maman. Tout l'amour qui t'as fait défaut pendant 5 ans... tu en as besoin. Maman... sache que moi, je serais toujours là pour t'aimer. Toute ta solitude, toute ta haine... je suis désolée Maman, tellement désolée ! Si seulement je m'en étais aperçue... si seulement je ne t'avais pas abandonnée ! Mais... ce n'est pas trop tard Maman ! Nous pouvons toujours revivre comme avant ! C'est... c'est ce que tu souhaites, n'est-ce pas ? Retrouver cette vie joyeuse et insouciante que nous avons avant cet incident... »
Mère et fille se regardèrent silencieusement un moment.
Cela aurait put durer une éternité, si d'étranges cris inattendu n'avait pas brisé l'atmosphère.
« Vous n'avez pas le droit d'être ici !
–Raaaah ! Combien de fois dois-je vous dire que je m'en fiche complètement de ce que vous dîtes ?!
–Et combien de fois dois-je vous dire de partir ?! Si vous ne coopérez pas, je serais obligé d'appeler la sécurité !
–... Bon ok. Fa, à toi de jouer !
–Heiin ?! Ne me dis pas que...
– Fa, on n'a pas le choix ! Je regarde, il va vraiment appeler la sécurité...
–Euh... les amis... on est vraiment obligé de faire tout ça ?
–Célio, des fois, la violence est nécessaire. N'est pas, Fa ?
–Pfff, c'est bon j'ai compris ! Mimi ! Cage-Eclair !
–... Les enfants ! Qu'est-ce que ... AaaAargh !
–Je suis fichue...
–Fa, arrête de ronchonner et essaie de trouver les clefs de la porte ! Cet abruti la fermée pour ne pas que l'on rentre...
–Quoiiii ?! Parce que tu veux que je fouille le corps d'un mec paralysé en plus ?!
–... on ne peut jamais compter sur toi, hein... et toi Célio, tu peux y aller ?
–...euh...
–... vous êtes vraiment utile, merci...
–Hé ! Ce n'est pas plutôt toi qui ne fais rien ?! Moi je suis vraiment fichue avec ce que je viens de faire !
–Bon, je n'ai pas le choix alors. Riolu, défonce cette porte : Forte-Paume !
–Nooon ! »
Quelques secondes plus tard, un énorme fracas se fit entendre et la porte de la chambre prit un aspect difforme.
« Oh... soupira Fa. Yuki, si tu comptais faire un boucan pareil, autant laisser l'autre mec appeler la sécurité !
–Hé ! se défendit l'intéressé. Je ne pensais pas que forcer une porte faisait autant de bruit !
–Heiin ? Tu vois une porte en acier, tu bourrines dessus comme un malade et tu penses que personne ne s'en rendra compte ?!
–... ce n'est pas de ma faute si leurs portes sont aussi bruyantes !
–Euh... Yuki... intervint timidement Célio. Des gens de la sécurité viennent par ici, tu vas pouvoir leur parler de la fragilité leur porte en face-à-face...
–Oh, réagit le loup solitaire pour cacher son inquiétude. Tu te lances dans l'ironie maintenant ?
–Si possible, j'aurais aimé éviter...
–...
–...
–On fait quoi ? Maintenant ? Célio ? Yuki ? Une idée ?
–Fa ! hurla Yuki. Paralyse-les !
–Nan mais ça va pas ?!
–Oooh... agonisa Célio.
–Yu... Yuki... ils se rapprochent...
–Je le vois bien, merci !
–...
–...
–Yuki, ils se rapprochent vraiment !
–Je le vois vraiment bien, merci !
–Et alors, on fait quoi ?!
–... si je te répond "Nos prières", la réponse te conviendrait ?
–Tu tiens franchement à ce que je réponde ?
–...
–Adieu, monde cruel. »
Soudainement, la porte déformée s'ouvra lentement. Le groupe des trois enfants se stoppa net. Shiro les regardait, de ses grands yeux ronds. Et derrière elle, une grande femme fatiguée avec le même regard interloqué.
« Maman, fini par lâcher la demoiselle. Je... je te présente mes amis de l'Institut. Le garçon avec les cheveux un peu orange là, c'est Célio. La fille au centre qui ressemble à tout sauf une fille, c'est Fa. Et celui au regard perçant à gauche, Yuki. »
Un silence maladroit suivit cette présentation plus que sommaire. Linda était beaucoup trop soufflée pour répondre. L'incohérence de ce soudain événement inattendu avait complètement balayé toute l'atmosphère haineuse du départ. A un tel point que la mère déchue ne savait plus comment réagir.
Finalement, un groupe d'armoire à glace de la sécurité arriva près des "Rewriters". Et lorsque les agents virent le médecin paralysé au sol, leur sang ne fit qu'un tour.
Heureusement, Shiro plaida vigoureusement en faveur de ses amis, disant qu'elle les avait expressément invités mais qu'elle avait oublié de prévenir l'administration, et qu'elle en était terriblement désolée. Bien sûr, cela n'avait pas suffit à calmer la colère du docteur s'étant littéralement fait agressé par une Cage-Eclair, mais compte rendu de la situation actuelle de la demoiselle et de son père, personne n'insista.
Et donc, quelques minutes plus tard, le groupe complet des "Rewriters", ainsi que Linda Weiss, se trouvait dans la fameuse chambre d'hôpital.
Un silence gênant y régnait. Personne ne savait quoi dire. Et au grand étonnement de Shiro, se fut Linda qui tenta de brisa la glace.
« Ce sont eux... les gens "formidables" dont tu parlais ?
–... euh... oui...
–Pour sûr, ils sont... spéciaux.
–... oui.
–Hé, Shiro, commença Yuki. Cet homme... c'est bien ton...
–Effectivement, répondit Linda à sa place. Aaron Weiss, le seul homme de ma vie.
Shiro ne savait pas si c'était seulement l'arrivé soudaine de ses amis qui en était la cause, mais sa mère s'était calmée, presque apaisée.
–C'est... c'est terrible... poursuivit Fa.
–... »
Que dire dans cette situation ? Même Yuki, celui qui avait parcouru les rames de métro comme personne pour venir à la Ville Griotte le plus rapidement possible était sans réplique. Et ce n'était pas non plus sur Célio, encore trop fragilisé par la mort des ses parents qui allait égayer la situation.
Une heure se passa dans le silence le plus total. Jusqu'à ce qu'un groupe médecin n'entre dans la chambre. C'était "le moment".
« V... vous avez quelque chose à déclarer ? » balbutia un des docteurs visiblement mal à l'aise.
Sans un mot, Linda s'approcha lentement du lit et caressa d'une tendresse infinie la joue de son mari. Aucun mot ne sortait de ses lèves. Ce n'était absolument pas nécessaire. Les larmes s'exprimaient à sa place. Elle, Linda Weiss, était comme une prisonnière durant ses 5 années. Vivant seule et recluse, espérant pour que ce moment n'arrive jamais. Et pourtant... Aaron allait maintenant bel et bien mourir.
Au fond, comme pour Shiro, elle attendait inconsciemment ce moment. La fin de tout espoir. Une fois qu'Aaron aura paisiblement rejoint un monde meilleur, Linda pourra enfin passer à autre chose. La mort est un nouveau départ, et la mère déchue le savait. Un départ marquant la fin d'une époque, et le début d'une nouvelle. Il ne tenait qu'a elle de faire en sorte que cette nouvelle ère soit aussi douce et paisible que possible.
Shiro rejoint sa mère, au côté de son père. Linda ne s'opposa pas. Shiro remarqua néanmoins que sa mère avait l'air extrêmement faible et fragile, encore plus que jamais.
La demoiselle regarda tendrement son père. L'homme qui l'a toujours protégé, même jusqu'au dernier moment. Shiro exprimait encore d'incommensurable regret pour ce qu'il s'était passé, 5 ans plus tôt. Cependant, elle ne pouvait pas rester torturer toute sa vie.
« Papa... murmura faiblement la petite fille. A présent, je vais vivre ma vie pleinement... cette vie que tu as sauvé au prix de la tienne... ...oh ... Papa... pour toi... je vivrais... je... je t'aime Papa... »
Incapable de prononcer un mot de plus, Shiro fondit silencieusement en larme. Derrière elle, la demoiselle sentait la présence de ses amis. Célio, Fa et Yuki. Il représentait son futur. Là où était sa place désormais. S'accrocher au passé n'apporte que souffrance. Alors que le futur n'est pas immuable.
Finalement le fameux moment vint. Et le "Bip" régulier s'arrêta brusquement. Linda s'immobilisa, comme si c'était elle qui venait de mourir. Sans doute avait-elle besoin d'être seule maintenant. Elle avait besoin de réfléchir, non plus sur son passé, mais sur son futur.
Shiro, quant-à elle, fit un petit signe de tête :
« Rentrons, il nous reste une histoire à écrire. »
Laissant le passé dernière elle, Shiro tourna les talons vers l'avenir.