Epilogue à Virtual Reality Project
24 décembre 2012
Illumis, Kalos
Point de vue : Amélie
J'avais pris congé de Julian vers dix-neuf heures, et étais désormais en train de traîner dans les rues.
J'avais poliment refusé son invitation de venir dormir chez lui. Non pas que je me sentais mal, mais je ne lui faisais pas assez confiance pour le faire. Il m'avait alors conseillé un hôtel dans une rue dont j'avais oublié le nom, et nous nous quittâmes bons amis. Il était ensuite parti de son côté et moi du mien.
Et j'étais donc seule, dans une ville que je ne connaissais pas, dans un monde que je ne connaissais pas, pour le jour de Noël. Il pouvait difficilement m'arriver quelque chose de pire.
Je finis par m'installer sur un banc, un autre que celui sur lequel je m'étais assise lorsque j'étais arrivée ici. Je voyais les gens, je voyais à quel point ils étaient heureux. Et surtout à quel point je ne l'étais pas. J'étais comme une ombre au tableau, une tâche dans tout ce décor presque idyllique. Car oui, cette ville était extraordinairement belle, comme Paris. Mais les gens y semblaient moins pressés, plus enclins à discuter, plus sympathiques aussi.
Tout le monde me disait bonjour, alors que personne ne me connaissait. A Paris, j'avais rarement un regard, même parfois de la part de certains amis.
Ce monde me semblait beaucoup plus accueillant. Je pensais que je n'étais pas la bienvenue, c'était tout le contraire. J'étais presque déjà devenue l'une des leurs, en quelques minutes seulement.
Cette pensée me réchauffa le coeur. Ca faisait plaisir de savoir qu'on était considérée ici, qu'on était quelqu'un et pas un étranger.
Je restai quelques minutes sur mon banc, en train de regarder les gens passer. Mon sac et ma valise étaient toujours avec moi, à côté. J'avais l'air d'une touriste un peu perdue, qui arrivait à peine de l'aéroport et qui cherchait un hôtel où dormir.
Soudain, je sentis que quelque chose me tenait le jean. Je regardai vers le bas pour savoir d'où venait ce dérangement.
Je vis alors un petit truc qui ressemblait à un oiseau sur deux pattes, qui devait faire une cinquantaine de centimètres. Une sorte de pingouin, sans doute. Il était blanc et rouge, et portait apparemment ce qui pourrait s'apparenter à un petit costume de Père Noël. Il avait d'ailleurs ce qui s'apparentait à une petite hotte avec lui.
Il était extrêmement mignon, et je ne mis pas longtemps avant de succomber à son charme et le pris dans mes bras pour le mettre à côté de moi sur le banc.
Il me regarda avec ses grands yeux pendant quelques secondes, puis dirigea son regard vers la hotte qu'il tenait toujours entre ses... quoi que ce soit qui lui sert de mains, puis fouilla dedans et en sortit un petit paquet-cadeau marron.
Il me regarda ensuite à nouveau, et me donna le paquet-cadeau.
-C'est pour moi ?
Il acquiesça. Je posai le paquet juste à ma droite, puis pris le petit oiseau sur ma gauche dans mes bras pour lui faire un câlin. En fait, ce monde était loin d'être le pire monde imaginable. Il était même très près d'être le meilleur.
Après quelques secondes, je le posai sur mes genoux et le libérai de mon étreinte, puis le regardai dans les yeux et lançai :
-T'es un drôle de Père Noël, toi, hein ?
Il acquiesça, puis s'en suivit un silence.
Presque plus aucun son n'était entendu à ce moment-là. Presque personne dans la rue quand je levai le regard, juste deux-trois personnes qui se baladaient dans la rue, tranquillement, profitant de cette soirée.
Il me regarda pendant de longues secondes, puis repartit, me laissant à nouveau seule, mais contente cette fois-ci.
J'attendis quelques minutes avant d'ouvrir le paquet-cadeau. Je déchirai lentement la protection du cadeau, puis mis la main là où il se trouvait. Je sentis une boule.
Je la sortis, et vis que c'était une Pokéball. Je savais que ça s'appelait comme ça car Julian m'en avait expliqué le fonctionnement pendant de longues minutes dans le café.
J'appuyai une première fois sur le bouton central, ce qui la fit doubler de diamètre et me fit sursauter légèrement. Je me demandais ce qu'il y avait à l'intérieur : je savais qu'il y avait quelque chose dedans puisque c'était chaud, mais je ne savais pas quoi.
J'appuyai alors une deuxième fois au centre, et la ball s'ouvrit. Le rayon partit juste à ma gauche sur le banc, et je le vis se matérialiser, puis prendre la forme d'un renard. J'avais l'impression d'avoir déjà vu cette forme quelque part.
Quelques secondes plus tard, lorsque la matérialisation fut complète et que le Pokémon apparut réellement en chair et en os, je me trouvais face à un Zorua. Il avait les oreilles et le regard baissé. Il avait honte. C'était le même Zorua, celui qui avait complètement modifié ma vie, qui se trouvait maintenant en face de moi.
Un silence s'installa entre nous deux. Silence qui s'éternisa, et pendant lequel nous étions tous les deux mal à l'aise, jusqu'à ce que Zorua lance :
"Tu n'imagines pas à quel point je suis désolé, à quel point je m'en veux."
Premier silence, de quelques secondes.
-Je pense que tu dois savoir que moi, je t'en veux, ajoutai-je en détournant le regard de la source de tous mes malheurs récents.
"Je n'ai fait que suivre des ordres..."
-J'ai tout perdu, mon copain, ma famille, mes amis, tous ceux que je connaissais de près ou de loin. Et tout ça parce que tu es arrivé dans ma vie...
"C'est faux. Tu n'as pas tout perdu." me coupa-t-il.
Nouveau silence. Je vis Zorua tourner son regard vers moi et me lancer cash, les yeux dans les yeux :
"Tu m'as moi."
J'en étais choquée. Comment, après m'avoir détruite moralement, fait indirectement subir des choses atroces comprenant entre autres la mort d'un être cher, pouvait-il – non, OSAIT-il me balancer ça ? Je restai de longues secondes, le regardant comme s'il avait sorti la pire chose imaginable.
Et soudain, j'eus un déclic.
Evidemment qu'il avait raison.
Evidemment que la seule chose qui me restait de mon passé était justement la chose qui m'en avait séparé.
Et si je voulais garder ce passé, garder la mémoire de ces bons moments, garder Zorua était la seule et unique chose à faire.
Deux parties de mon esprit semblaient rentrer en conflit : l'une qui me demandait de le faire partir ; l'autre me disant que si je faisais ça, mon passé serait définitivement perdu.
Il y eut pendant ce temps-là un silence, pendant lequel le Pokémon s'était allongé juste à côté de moi, sur une portion où il n'y avait pas de neige, se sentant coupable.
Soudain, une larme commença à couler sur ma joue, puis sans crier gare je pris le renard dans mes bras et le serrai très fort contre moi. Je sentais que je ne devais pas le perdre, perdre mon unique lien avec mon ancienne vie, mon ancien monde.
-Promets-moi que tu ne me laisseras jamais tomber, lui dis-je.
Il y eut un silence de quelques secondes, puis je vis le quadrupède lever sa patte avant gauche et lancer d'un ton solennel :
"Je le jure."
-L'autre patte, lui fis-je remarquer.
Et nous rîmes en choeur à ce moment-là, avant de nous installer sur le banc, lui sur mes genoux, et nous deux, le regard vers le ciel, contemplant les étoiles.
Oui. C'était décidément un drôle de Noël.