Chapitre 3: Question of time
19 avril 2012
Paris, France
Point de vue : Amélie
9 heures du matin
Je crois que ces derniers jours j'ai juste fait péter mon quota d'émotions du mois. Entre l'arrivée d'un renard – oui, un goupil, je sais - dans ma vie et que seuls moi et Jared sommes capables de voir, et la rencontre d'un mec que j'ai perdu de vue depuis la 5ème et que c'était la première fois que je voyais depuis tout ce temps... Je vivais une vie banale jusqu'à présent, donc le fait de subir tout ça en deux jours me choquait beaucoup. Bon, ça faisait de l'animation dans ma vie, mais quand même, c'était assez étrange.
Enfin bref.
Je me suis réveillée sans aucune intervention extérieure aujourd'hui, chose assez rare depuis que ce quadrupède de mes deux est arrivé sans prévenir et comme un coup de tonnerre (parce que vraiment je m'y attendais pas), même si je me suis réveillée assez tôt ce coup-ci.
Je m'étirai lentement, commençai à me retourner lentement pour me mettre sur le dos... avant d'entendre un bruit sourd, suivi d'un petit couinement. Je bondis de surprise puis regardai ce qui avait fait ce bruit. Et là je le vis.
Zorua s'était apparemment endormi sur mon ventre (ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas) et était tombé du lit quand je me suis décalé, ce qui l'a fait tomber sur la moquette de ma chambre. Remarque, c'était de la moquette, donc ça a forcément dû amortir sa chute. Mais ça a fait un assez gros bruit, ce qui me fit sursauter.
Je vérifiai que personne n'avait entendu, puis fis un petit sourire amusé en regardant le renard ouvrir péniblement les yeux.
-Bonjour, la marmotte.
"Tu aurais pu le faire de façon moins violente."
-Tu n'avais qu'à pas dormir sur moi.
"Touché."
Je me levai lentement, Zorua toujours allongé sur la moquette de la chambre. Au moment où je fus levée, j'entendis ma mère rentrer dans la chambre et lancer, un peu surprise :
-Tu vas bien ? J'ai entendu un bruit, comme si quelqu'un était tombé sur le sol de la chambre...
-C'est peut-être moi qui me suis levée un peu trop brusquement, lançai-je. Désolé si je vous ai réveillés.
Je me sentis mal à ce moment-là. Ils l'avaient entendu. Ce qui veut dire qu'il était clairement réel, mais qu'ils ne pouvaient pas le voir. Mais pourquoi j'étais la seule avec Jared à pouvoir le voir ? Qu'est-ce que cela voulait dire... ?
J'essayai d'effacer ces questions de ma pensée. Ma mère en profita pour me taquiner un peu :
-Ah, sinon, j'ai appris que tu avais amené quelqu'un à la maison hier.
Je levai les yeux au ciel, Zorua pouffa légèrement mais ma mère n'entendit heureusement rien.
-Oui, mais j'ai préféré ne pas que vous le voyiez tout de suite. La dernière fois que j'en ai ramené un, vous lui avez fait un entretien à la Parental Control dont il se souvient encore.
-Mais tu sais qu'on ne veut que ton bien, trésor. C'est donc logique qu'on essaie de faire en sorte de trouver celui qui est le mieux pour toi et qui ne risque pas d'être une mauvaise fréquentation.
Je soupirai. Ils ne changeront décidément jamais.
-C'était bien avec lui ? Continua-t-elle.
-C'était bien, on a discuté chez lui, il m'a servi ses cookies maison, et ils étaient excellents d'ailleurs.
-Bien. Tu penseras à lui dire que s'il veut venir dîner à la maison, il est le bienvenu, d'accord ? J'ai vraiment envie que tu nous le présentes.
-Pas de souci, maman, répliquai-je avec un sourire.
Elle me rendit le sourire en retour. Jared avait vraiment fait un excellent boulot, y'avait rien à dire là-dessus. A un moment, son regard se promena dans la chambre puis, en voyant toutes mes affaires sur la table, elle lança :
-Bon, bah je vais pas te déranger plus longtemps, je sais que tu as beaucoup de choses à faire. Fais en sorte de redescendre pour le petit déjeuner !
-Oui, maman...
Elle ferma la porte, et je m'installai directement à ma table pour essayer de bosser. Je dis bien « essayer », parce que Zorua en avait apparemment décidé autrement.
Il monta sur mon bureau, me regarda droit dans les yeux et, au moment où je pris le stylo pour commencer à faire mes fiches, posa sa patte sur ma main.
Je frémis : je sentais sa patte se poser sur moi, je sentais son regard. Il était réel, j'en étais certaine. Mais dans ce cas, pourquoi ma mère ne l'avait pas vu ? Pourquoi ma soeur n'avait vu ni Zorua, ni Riolu lorsque je suis venue avec Jared ? Comment se faisait-il que seuls Jared et moi ayons la possibilité de les voir ? Toutes ces questions devenaient de plus en plus floues.
« Amélie ? »
Je le regardai dans les yeux, et là je me sentis immédiatement relaxée. J'eus l'impression de me perdre dans le regard de cette créature et de voir mon propre reflet. On dit souvent que les yeux sont le miroir de l'âme, mais dans ce cas c'était plutôt un miroir tout court.
J'avais l'impression d'avoir coupé toute communication dans mon cerveau, juste pour pouvoir le regarder dans les yeux. J'étais d'ailleurs tellement occupée à le regarder que je ne m'aperçus même pas qu'il me parlait.
« Amélie ! »
Je fus tirée de ma rêverie, et secouai légèrement la tête.
-Excuse-moi, je me suis un peu perdue dans mes pensées. Tu disais ?
* * * * *
Midi
Tout le monde mangeait sur la table de la salle à manger : on n'entendait que le bruit des couverts. Ma soeur me regardait d'un air mauvais, l'air de m'en vouloir pour le petit coup d'hier. Je levai les yeux au ciel avec un petit sourire puis continuai à manger.
Personne ne pipait mot. Zorua, sous mon siège, regardait la nourriture passer, et se sentait bien de manger un petit coup.
Par réflexe, je mis ma fourchette sous la table pour que Zorua puisse profiter de la viande, et remontai la fourchette vide. Personne n'avait rien remarqué. Parfait.
-Maman ? Commença Lucie.
-Oui, mon poussin ?
-Est-ce que je peux avoir un chat ?
La fourchette fut suspendue quelques secondes au-dessus du sol juste en face de ma bouche ouverte, et le morceau de viande en profita pour tomber de ma fourchette sur la chaise puis vers le sol, happée par Zorua au passage.
Mes parents, eux, avaient réagi directement :
-Mais voyons, Lucie, tu sais bien qu'un animal de compagnie amène beaucoup de responsabilités... Il faut lui donner à manger, bien s'en occuper...
-Maman, j'ai quinze ans, pas douze, je sais m'occuper d'un animal de compagnie, et y'a Amélie aussi.
J'eus un léger regard en coin vers le Pokémon qui dormait sous ma chaise. Oh que oui, je sais m'occuper d'un animal de compagnie.
-Et puis, continua ma soeur, je suis certaine qu'Amélie voudrait avoir un animal de compagnie, ça éviterait qu'elle soit stressée et évite de nous gonfler à longueur de journée...
J'eus un petit rire nerveux et lançai un « J'approuve ». En même temps, dans le cas où Zorua disparaît, il me faut quelque chose pour le remplacer. Et quoi de mieux pour remplacer un animal à poils qu'un autre animal à poils ?
-Par contre, continuai-je entre deux bouchées de viande, j'appose une condition dans le cas où on achète un chat.
-Qui est ? Me demanda mon père.
Je fis un sourire et lançai :
-C'est moi qui choisis la couleur.
Lucie leva le poing en guise de victoire et me fit un sourire, sincère ce coup-ci. Je fus assez surprise de la voir réagir de cette manière, d'autant qu'on était plus du genre à se pouiller à longueur de journée. Je lui fis un sourire en retour, contente de savoir qu'on avait enfin un truc en commun.
* * * * *
14 heures 30
-Maman, je sors dehors, besoin de prendre l'air.
-Tu reviens à 18 heures, d'accord?
Je fis un « Oui, maman » dans ma barbe puis fermai la porte.
Eh oui, c'est tout le temps comme ça : quand je sors, je dois revenir avant dix-huit heures. Pour ma sécurité, qu'ils disent. Je voudrais avoir l'autorisation de rentrer plus tard, mais malheureusement mes parents n'étaient pas de cet avis. Il faudra peut-être que je leur dise un jour que j'ai dix-neuf ans, pas douze.
Ce coup-ci pourtant, c'était différent. A défaut d'une permission pour rentrer plus tard, j'avais le droit à un renard noir à crête rouge, parlant, que seuls moi et un étudiant en commerce peuvent voir. Vous avez bien lu.
Je commençais donc à sortir dans la rue, au milieu de toute cette foule. Malgré tout ce monde, toute cette animation, je me sentais seule, horriblement seule. Et je savais très exactement pourquoi.
"C'est à cause de Jared ?"
Je dirigeai mon regard vers le quadrupède parlant qui logeait dans mon sac à main.
-Exact. Il me manque déjà.
"C'est fou comme vous, les humains, avez tendance à vous attacher rapidement à des personnes."
-On a besoin d'être plusieurs, sinon on s'en sort pas. Toi, c'est peut-être pas la même chose, tu peux vivre seul, dans la nature, sans avoir besoin de personne.
"Oh, tu sais, comme tout le monde la solitude me guette, parfois. Et dans ces moments-là j'essaie de m'attacher à quelqu'un. Là, par exemple, c'est toi."
-En quelque sorte, je fais office d'un espèce de bouche-trou qui comble les moments où tu es seul ?
"Dis pas ça... C'est juste que les Pokémon, okay c'est ma situation, mais les humains m'apportent un petit plus, quelque chose de plus... pas chaleureux, mais plus..."
-Plus humain, quoi.
"Si tu le vois comme ça... Alors oui."
Je le sentis sortir du sac et arriver sur le sol.
"J'ai été avec plusieurs humains avant toi. J'en ai vu de toutes les couleurs, et je peux te dire qu'il y a une différence entre les Pokémon et les humains."
-Qui est ?
"Chez les Pokémon, les comportements, les traits physiques restent sensiblement les mêmes. Vous, les humains, c'est limite si y'en a pas deux pareils ! Du coup j'arrive pas à comprendre pourquoi deux personnes, qui ne se ressemblent pas physiquement et peut-être même au niveau du caractère, arrivent à être ensemble. Y'a des gènes qui permettent ça ou quoi ?"
Je regardai en l'air avec un sourire.
-Ca, malgré toutes ces années à réfléchir et à avoir été avec plusieurs personnes différentes, j'ai toujours pas réussi à le saisir. Du coup, je me dis que c'est tout simplement l'amour, qu'il faut pas chercher à comprendre.
Je continuai alors à marcher, puis remarquai que la rue était déserte. A trois heures de l'après-midi, c'était plus qu'étrange. Je me retournai pour essayer de voir Zorua : personne. Je me suis dit que ce serait l'effet d'une de ses illusions, mais il ne peut pas disparaître dans une de ses illusions, ça n'aurait aucun sens.
Je marchai quelques mètres, retournai à l'endroit où je m'étais arrêté la dernière fois, m'arrêtai puis fermai les yeux quelques secondes. Je sentis alors quelque chose, une respiration. Je sentis une griffe contre ma jugulaire, assez proche pour toucher mais pas assez pour me faire mal. J'entendis également quelques sifflements dans mon oreille, comme si quelque chose me sifflait dans l'oreille, tout près. Cela dura une dizaine de secondes, mais j'avais l'impression que cela avait duré une minute.
Puis je sentis que ces sifflements s'éloignaient, puis, un peu plus tard, plus rien.
Je rouvris les yeux, puis me retrouvai dans cette même rue, bondée de monde. Une illusion. Mais qui l'avait faite, si ce n'était pas Zorua ?
Je regardai ce dernier, qui essayait de cacher son affolement.
-Ca va ?
Un silence de plusieurs secondes s'en suivit. Il semblait réfléchir.
"Oui, oui, ne t'inquiète pas. On continue à marcher?"
J'acquiesçai, puis nous continuâmes à marcher. Sauf que j'avais senti son stress. Il me mentait. Zorua me cachait quelque chose.
Puis, au milieu de la rue, je m'arrêtai, et décidai d'appeler Jared. J'en pouvais plus, j'avais besoin de le voir, j'avais besoin de sa présence. Sauf qu'au moment où je sortis mon téléphone, je sentis le vibreur et je regardai qui appelait. Jared. Tiens donc.
-Allô?
*Hello ma grande, c'est Jared.*
-Ah, tiens, je voulais justement t'appeler.
*Ca va pas ? T'as besoin de réconfort ?*
-Plutôt, ouais. T'es où ?
*Dans un bus, j'arrive chez toi d'ici vingt minutes.*
-Enlèves-en dix et tu vois là où je me trouve.
*Oh bah c'est nickel, j'arrive alors.*
Je pensai alors à raccrocher, mais Jared continua :
*Pourquoi t'as besoin de réconfort, au juste ?*
-Besoin de quelqu'un qui me porte un peu plus de considération que ma soeur ou mes parents, et...
Je pris un petit silence, respirai un grand coup et lançai :
-Et tu commences à devenir cette personne pour moi.
*Oh, je vois. Tu as besoin d'un autre homme dans ta vie que ton père, et...*
-Et c'est toi cet homme, Jared.
Un nouveau silence. Je sentais la surprise de Jared, et je me disais qu'il avait parfaitement compris ce que je voulais dire.
*Je... je comprends pas trop.*
-Sois pas stupide, Jared, tu sais exactement de quoi je veux te parler.
Je pris un silence, le temps d'annoncer la déclaration, puis je me lançai :
-Ce que je voudrais te dire, c'est que...
Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase. J'entendis alors des bruits sourds à l'autre bout du combiné, des bruits de verre brisé, comme si le bus avait heurté quelque chose. Je paniquai, arrêtai la conversation et commençai à courir vers l'endroit où pouvait se trouver le bus. Je savais à peu près où il se trouvait puisque je voyais les voitures de pompiers et de police se diriger vers un endroit précis.
Je courrais, complètement paniquée, voulant savoir si Jared était encore en vie. Je ne voulais pas qu'il meure. Pas lui, pas maintenant. Pas au moment où je pensais que c'était la personne avec qui je voulais faire ma vie, loin de mes parents.
Zorua suivait derrière, complètement affolé lui aussi. Il ne s'était pas attendu à ça. Personne ne s'était attendu à ça.
En arrivant au niveau de là où se trouvaient les voitures de police et les camions de pompiers, je regardai le macabre constat.
Le bus s'était encastré dans une voiture. D'après une journaliste que j'écoutais de temps en temps en regardant le bus, il y avait trois morts et vingt-sept blessés. Je voyais les gens, complètement choqués, avec une couverture autour d'eux, en train d'essayer de retranscrire l'incident.
Et Jared restait introuvable.
-JARED !
J'avais hurlé en remarquant qu'il n'était pas sorti du bus. Non, pas maintenant. Il ne faut pas qu'il parte maintenant.
J'essayai de courir vers le bus, dans l'espoir de le trouver, mais je me fis prendre par l'épaule par un pompier au moment d'arriver dans la zone de sécurité. Je priais intérieurement pour que Jared soit encore vivant, et les larmes commençaient à couler en ne le voyant pas sortir.
-JAREEEEED ! Lançai-je en pleurant.
Puis soudain, alors que je croyais tout espoir perdu, je le vis sortir du bus, Riolu dans les bras, complètement choqué et essayant de se protéger du soleil. Le Pokémon était, lui, complètement affolé, et s'accrochait presque aux habits de Jared. Je fus complètement soulagée ; il était encore vivant.
Les pompiers arrivèrent à son niveau et lui mirent une couverture. Quant à moi, je commençai à crier son nom, dans l'espoir qu'il se retourne, mais il était tellement choqué qu'il n'avait sans doute même pas entendu que je lui parlais.
« Ca ne devait pas se passer comme ça... »
Je me retournai vers « mon » Pokémon, qui regardait d'un air choqué la scène.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?
Il me regarda dans les yeux, avec un regard presque affolé, et lança :
« Ca ne devait pas se passer comme ça... »
* * * * *
Quelques minutes plus tard, je vis Jared se lever, Riolu toujours dans ses bras, puis sortir de la zone de sécurité, puis déposer le chacal bipède sur ses pattes. Je me levai de la marche sur laquelle j'étais et courus alors vers lui, suivi de Zorua qui restait toujours un peu affolé de l'incident de tout à l'heure avec le bus, puis lui sautai au cou, des larmes coulant sur mes joues encore une fois.
-J'avais tellement peur que tu aies quelque chose !
Je le pris dans mes bras et lui fis un câlin. Je ne voulais pas le lâcher, je ne voulais pas le perdre. Le fait qu'il ait eu un accident me choquait déjà assez comme ça.
-S'il te plaît, dis-moi que tu n'as rien.
-Juste quelques séquelles psychologiques, mais ça passera, répondit Jared.
-Ce que je voulais te dire avant l'accident, c'est que...
"Moi, je pense qu'on vous en veut."
Jared et moi nous retournâmes vers Zorua, qui venait de lancer cette phrase. Lui de manière assez surprise, moi assez écoeurée de ne pas avoir pu dire ce que je voulais lui dire depuis le départ.
-Comment ça, on nous en veut ? Lança Jared. Ca veut dire quoi, qu'il y a un complot contre nous? Qu'on cherche à nous tuer parce qu'on en sait trop ?
"Peut-être, mais en tout cas, ça va commencer à devenir dangereux, alors faites gaffe." répliqua le goupil.
-D'accord, mais tu sais précisément qui nous en veut ? Lança Jared.
Un grand silence s'installa entre nous quatre. Zorua détourna le regard et lança d'une voix basse :
"Non, je ne sais pas."
C'est faux. Il sait quelque chose.
Et je suis déterminée à savoir quoi.
* * * * *
-Le château de Saint-Germain-en-Laye? J'y suis jamais allée, mais bon...
"Tu devrais, ça fait quand même partie de ton patrimoine historique..."
22 heures 10. Cela faisait maintenant plus d'une heure que nous discutions, Zorua et moi, en faisant en sorte de ne pas me faire entendre. Je n'avais pas envie de me faire passer pour une cinglée pour tous les membres de ma famille, ils me savaient déjà stressée donc j'avais pas envie de m'enfoncer. Parce que bon, parler à un renard c'est un peu le considérer comme un animal de compagnie – et puis parler à un renard c'est un peu comme parler à un chat après tout – mais parler toute seule en faisant croire à ses parents que c'est un renard invisible, ça me ferait passer pour une dérangée totale. Sinon, j'ai encore l'excuse du téléphone, mais pour combien de temps ? En plus, ils vont finir par m'engueuler et me sucrer mon forfait parce que soit-disant « je dépense trop d'argent pour appeler quelqu'un que je n'aime plus depuis des lustres » (en l'occurrence mon ex), ou alors ils vont me sucrer mon téléphone et adieu la couverture.
Pour la sortie, on arrive à un autre problème : comment convaincre mes parents de me laisser sortir plus de trois heures ? Est-ce qu'au moins ça passera ?
-Et tu penses que mes parents vont pas se douter de quelque chose ?
"Et si tu arrêtais de faire ta pessimiste ? Tu diras à tes parents que tu veux faire une dernière sortie avant de reprendre les cours le lendemain, c'est tout."
-Mais on est que vendredi ! Pourquoi ne pas y aller demain ?
"Parce que j'ai envie de rester un peu plus de temps avec toi."
Ah ?
"Bon, j'avais oublié de te le dire : j'ai fini ce que j'avais à faire, et je voulais attendre demain pour te le dire, mais... Je pars normalement après-demain. Et j'ai fixé un point de rendez-vous avec Riolu pour qu'on parte tous les deux."
-Comment ça, ce que tu avais à faire ?
"Te remonter le moral, faire en sorte que tu te sentes mieux et que tu reprennes pied avec quelqu'un que tu aimes."
-Oh. Et pour le rendez-vous, Jared...
"Sera là, effectivement. J'avoue d'ailleurs que ça me fait un pincement au coeur que de devoir te laisser..."
Il bondit alors dans mes bras, et je le caressai. Cela faisait si peu de temps que je l'avais avec moi, et pourtant je m'étais tellement attachée à lui... Il est tellement mignon, quand on y pense, avec ses grands yeux qui me fixaient. Depuis une semaine, depuis le jour où il était arrivé dans ma vie, je me sentais rassurée : j'avais au moins une vraie présence à mes côtés, qui au moins ne me jouerait pas de mauvais tours, comme mes parents ou ma soeur...
Et puis il y avait Jared. Il était arrivé dans ma vie de façon très brusque lui aussi, presque comme si nous étions destinés à nous revoir.
Comme si... comme si on nous forçait à nous revoir. Qu'il se passait quelque chose derrière...
Je sortis rapidement cette pensée de ma tête. C'était complètement stupide. Quoique... Je ne savais pas ce que pensait Zorua. Je ne savais rien de ce qui pouvait se passer.
Qu'est-ce qu'il pouvait cacher ? Qu'est-ce qu'il pensait lui de notre relation entre moi et Jared ? Encore des questions auxquelles je n'arriverais pas à répondre.
Je m'allongeai finalement sur le lit. Zorua, quant à lui, s'installa sur le pouf au fond de la chambre. Il s'endormit au bout de quelques minutes, mais pas moi. J'étais encore complètement affolée par ce qui aurait pu arriver à Jared. Le fait que la communication ait coupé dans le bus voulait dire qu'il était en danger, et pour moi, ça ne voulait dire qu'une chose: je devais aller le voir. Au moins, ce fut quelque chose de fait.
J'attendis finalement une petite heure, le temps de déstresser à propos de Jared, puis je finis par m'endormir. Zorua était profondément endormi à côté. Je voulais qu'il reste avec moi. J'avais donc une seule idée en tête en commençant à sombrer dans le sommeil, une seule.
Le dernier jour risque d'être difficile à vivre.