Step 3 : Tic, tac, tourne l'heure...
J-3, 10h20
-Encore une dernière fois. Pouvoir Antique !
La Yanmega poussa un cri. Des pierres se levèrent tout autour d'elle et fusèrent droit vers son adversaire : Iceberg, le Givrali de Valérie. Cette dernière esquissa un sourire narquois.
-Tu t'accroches ? Tu crois vraiment que ça va finir par marcher ? Vas-y, Iceberg, tu sais quoi faire.
Le Pokémon Glace concentra son énergie dans sa bouche et la recracha sous la forme d'un Laser Glace puissant. Ce fut alors mon tour de sourire.
-Maintenant, Nuée ! Achève-le !!
Ma fidèle compagne redirigea les rochers qu'elle faisait léviter, de manière à ce que l'attaque d'Iceberg les heurte et les enveloppe d'une épaisse couche de glace. Elle les jeta ensuite droit sur lui. Le Pokémon Poudreuse s'effondra, frappé de plein fouet non seulement par l'avantage du type, mais également par sa propre attaque, indirectement. Evolina, incrédule, resta figée trois secondes avant de porter la main à son visage dans un superbe facepalm.
-J'aurais dû me douter que tu avais une idée de ce genre derrière la tête...
Elle rappela son Givrali.
-Des fois, j'ai vraiment l'impression que tu fais de la télépathie, tellement vous vous comprenez bien tous les deux. Nuée sait toujours exactement ce que tu attends d'elle, et moi je n'ai plus qu'à aller pleurer. Bravo.
J'ai éclaté de rire. Son idée me paraissait absurde.
-De la télépathie ? Et puis quoi encore ! Non, c'est juste qu'on s'est beaucoup entraînés ensemble. Tu pourrais obtenir le même résultat avec tes Pokémon, toi aussi. Commence peut-être avec Eclipse, c'est avec elle que tu as l'air de t'entendre le mieux.
-Non, tu crois ? À ton avis, pourquoi Iceberg est un Givrali et pas un Noctali ? Il a toujours été réticent à m'obéir, j'ai l'impression qu'il ne m'aime pas même après tout ce temps passé ensemble.
Elle me fit un clin d'œil en souriant à nouveau.
-Mais parlons d'autre chose ! Je trouverai bien un jour ce qui ne va pas avec lui, en attendant il y a plein d'autres trucs à faire.
-Pas faux. On pourrait parler de...la récompense que tu m'as promis de me donner si je gagnais ?
Valérie me regarda un instant sans rien dire, comme si elle doutait du sérieux de ma demande. Elle fronça les sourcils en soupirant.
-C'est hors de question, Camille. Et on en a déjà parlé. Je ne t'ai rien promis du tout à ce sujet.
Eh, les lecteurs ! Arrêtez d'imaginer des trucs dégoûtants ! L'auteur est juste en train de se payer votre tête en faisant des sous-entendus débiles.
-Très bien, comme tu voudras. N'empêche que je me m'en souviens très bien, tu as promis que tu me montrerais.
-La ferme ! Je. N'ai. Rien. Promis. Du. Tout ! Est-ce que c'est clair, monsieur le Chasse-Couleur ?
Je me suis un peu renfrogné. Je détestais vraiment qu'on fasse référence à mon travail. Elle avait gagné cette manche, tant pis pour moi. Mais j'aurais ma revanche un jour, je m'en fis la promesse.
Nous étions au beau milieu de nulle part, entre la centrale et Port-Tempères. Non, pas sur la route 13, j'ai bien dit au milieu de nulle part. Nous coupions souvent à travers champs, montagnes et autres. Notre localisation géographique (pléonasme ?) m'amena à penser que quelque chose clochait quand un homme arriva à dos d'Altaria et se posa près de nous. Que nous voulait-il ?
Il descendit de son Pokémon et se dirigea droit vers moi. Il me tendit la main, je la pris, méfiant. Son sourire béant m'inquiétait. Mais surtout, il émanait de lui un truc qui me donnait envie de lui coller mon poing dans la figure. Je ne savais pas quoi, et ça m'inquiétait encore plus.
-Camille Trashe ! s'exclama-t-il. Je suis absolument, totalement ravi, enchanté de faire ta connaissance !
-Je pourrais peut-être en dire autant si je savais à qui j'ai affaire...
Mon ton était froid, je le savais. C'était volontaire. Ce type ne m'inspirait pas confiance. Il n'avait pas jeté un regard à Valérie. Il ne s'était pas présenté. Bref, rien que des trucs bien sympathiques...ou pas.
-Mon nom ? Non, ce n'est pas nécessaire, ça ne sert à rien que tu le connaisses.
Et sa manie de dire deux fois la même chose dans une seule phrase m'énervait au plus haut point. Ma main gauche tremblait. Elle mourait d'envie d'aller frapper le visage de cet homme. Je la retenais à grand-peine. Je voulais d'abord savoir pourquoi il était là.
-D'accord. Si vous ne voulez pas me dire votre nom, dites-moi au moins ce que vous faites ici, et comment vous me connaissez.
Il eut un éclat de rire qui sonna très mal à mes oreilles.
-À l'instar d'un prestiditi...gitateur, je ne révèle pas mes secrets, je ne dévoile pas mes astuces ! Je te connais, c'est tout ce que tu as besoin de savoir, mon garçon. Vois-tu, j'ai besoin de ton aide, de ton assistance.
-Et vous n'avez pas l'impression que vous êtes juste chiant, là ? lança soudain Valérie. Alors, pour reprendre votre façon ridicule de parler, vous allez me faire le plaisir, vous allez vous empresser de partir sur-le-champ, immédiatement.
Elle croisa les bras et le foudroya du regard. Arceus savait à quel point j'étais d'accord avec elle ! Je lui adressai un sourire reconnaissant. Mais l'autre n'en démordit pas. Il se tourna (enfin) vers Valérie, avec un air hautain, presque méprisant. D'ailleurs, de vous à moi... Vous ne trouvez pas qu'il pue le « grand méchant de l'histoire », ce gars-là ? [Occupe-toi de l'histoire, crétin !] Oh, ça va, ça va... Pas la peine d'être désagréable, Mister Chiant s'en charge très bien tout seul.
-Jeune fille, je n'apprécie pas trop votre façon de vous adresser à moi, de me parler. Je suis en pleine discussion importante, capitale avec M. Trashe.
-« Monsieur Trashe » n'a peut-être pas envie de vous parler.
Là, c'était moi. J'en avais tellement marre de son attitude que j'ai craqué. J'ai repris :
-Je vais être direct avec vous, monsieur. Vous m'énervez, j'ai envie de vous carrer mon poing en pleine face. Je ne sais pas pourquoi, et honnêtement j'en ai rien à cirer. Alors vous allez tout simplement foutre le camp avant qu'on s'énerve, mon amie et moi, parce que vous n'êtes pas le genre de type avec qui j'ai envie de discuter. Allez sortir vos tics de langage à quelqu'un d'autre, moi je ne vous écoute plus.
Je me retournai avec un « on s'en va » catégorique. Mais nous n'avions pas fait dix pas qu'il revenait à la charge :
-Incendie, Déluge, Décharge, Forêt et Ravin seront bien déçus, Camille.
Je me suis retourné d'un coup, avec sur le visage un mélange de surprise, de colère, de panique et d'espoir.
-Qu'est-ce que vous venez de dire ?
Ma voix était à peine plus forte qu'un murmure. L'autre eut un sourire triomphant. C'est ça, connard, triomphe tant que tu le peux encore. Un jour je viendrai t'arracher chaque partie de ton corps pour te faire payer.
-J'ai dit : Incendie, Déluge, Décharge, Forêt et Ravin seront très déçus, Camille.
J'avançai vers lui et m'arrêtai juste avant de toucher son visage. Nous faisions à peu près la même taille, alors je pouvais le regarder dans les yeux sans être obligé de me mettre sur la pointe des pieds.
-Vous avez intérêt à ce que la suite de votre discours soit extrêmement intéressante, monsieur mystères, parce que vous venez d'enclencher quelque chose que vous auriez mieux fait de ne pas toucher.
Valérie nous rejoignit, l'air soucieuse.
-De quoi vous parlez, au juste ? C'est quoi cette histoire d'incendie, de déluge, etc. ?
-Ce sont les noms des Pokémon que la team Flare m'a volés. Je ne sais pas comment vous les connaissez, mais si vous êtes avec ces raclures rien ne pourra vous protéger, je vous le jure sur le seul Pokémon qu'ils ne m'ont pas pris.
En colère ? Oui. Au bord des larmes ? Oui aussi. Au désespoir ? Toujours oui. Cet homme venait de parler de mes Pokémon, en sous-entendant qu'ils étaient vivants. Je voulais plus que tout les revoir, et il le savait. Et pire encore, il allait sûrement en profiter.
-Je ne suis pas un membre de la team Flare, rassure-toi. Mais je sais où sont tes précieux Pokémon. Si tu veux avoir une chance de les reprendre, tu vas devoir faire tout ce que je te dirai de faire, compris ?
-Compris.
Je ne m'occupai même pas de la protestation de Valérie derrière moi. Je n'avais plus qu'une seule idée en tête : reprendre mes Pokémon. Reprendre mes amis des griffes de ceux qui les avaient enlevés. Peu importait le moyen, j'y parviendrais.
-Trèèès bien... Avant toute chose, il va falloir qu'on discute de deux-trois détails, mon garçon.
Il passa un bras autour de mes épaules. Je l'ai laissé faire. Il m'a ensuite entraîné un peu plus loin, faisant signe à Valérie de ne pas bouger. Elle râla un bon moment mais obéit.
-Vois-tu, mon cher Camille, tes Pokémon sont en sécurité, mais plus pour très longtemps. Dans quelques jours, il sera trop tard pour les récupérer. Dans trois jours, plus précisément.
Je tiquai en entendant ces mots. Trois jours ? Je n'avais que trois jours pour sauver mes Pokémon, passé ce délai ce serait trop tard ?
-Qu'est-ce que je dois faire ?
-M'obéir. Aveuglément. Et pour commencer, tu vas expliquer à cette fille qui voyage avec toi qu'elle ferait mieux de ne plus jamais s'en prendre à moi, même verbalement. Ensuite, attends. Je te recontacterai pour te donner des instructions.
Une tape sur l'épaule qui se voulait amicale et il me laissa. Il remonta sur le dos de son Altaria et s'envola. Les larmes commencèrent à rouler sur mes joues sans que je puisse les arrêter. Je sentis Valérie m'entourer de ses bras.
-_-_-_-_-_-
J-3, 17h19
Je sortis de la boutique. Je venais de refaire mon stock de balls. J'avais donc maintenant dans mon sac 12 Pokéballs, 12 Superballs, 12 Hyperballs, 6 Rapide balls et 6 Sombre balls. Les avantages d'avoir huit badges d'arènes et le certificat de « Maître », ce titre qui ne voulait rien dire. Enfin si, il voulait dire que le dresseur ayant obtenu ce certificat était un excellent dresseur qui avait su vaincre 13 dresseurs puissants au cours de son voyage initiatique. Mais concrètement, il n'apportait pas grand-chose, si ce n'était certains privilèges dans les boutiques pour dresseurs et les centres Pokémon.
Evolina m'attendait sur un banc un peu plus loin. Elle avait sorti Evo de sa ball et le laissait jouer avec des enfants. Me voyant arriver, elle le rappela et se leva.
-C'est bon, on peut y aller ?
-Oui. Direction la Grotte Miroitante.
-Tu te rends compte que ce type te manipule comme une marionnette ?
Je soupirai. Bien sûr que je m'en rendais compte, mais avais-je le choix ?
-On en a déjà parlé. Mais si tu as une meilleure option, ce serait sympa de m'en faire part parce que je ne veux pas foncer droit dans un mur sans aucun moyen de freiner.
-Pour l'instant j'ai rien à te proposer. Mais j'y réfléchis, c'est promis. En attendant, tâche de ne pas t'approcher des murs.
Elle éclata d'un rire contagieux. Trois minutes plus tard, nous sortions de Port-Tempères pour aller vers la Grotte Miroitante. Pour cela il nous faudrait non seulement marcher, mais aussi s'arranger avec les pêcheurs du coin pour traverser la route 12 jusqu'à Yantreizh. Heureusement, ce fut chose aisée grâce à ma tenue. En effet, le premier pêcheur que nous avons croisé a immédiatement reconnu l'uniforme des Chasse-Couleurs et accepté de nous prêter ses Pokémon. Il nous a accompagnés, évidemment, comment les aurait-il récupérés sinon ?
Une fois à Yantreizh, Evolina et moi avons décidé de faire une halte par la tour Maîtrise. Sait-on jamais, nous avions peut-être une chance d'apprendre quelque chose d'utile. Enfin, ça c'est la version que je lui ai racontée. Nous avons donc gravi les escaliers de la tour, contemplant au passage la magnifique statue de Méga-Lucario.
Quand nous sommes arrivés tout en haut, Cornélia était là, montée sur ses rollers, observant le paysage depuis le balcon, son Lucario à ses côtés. On dit qu'à une époque elle en avait deux, et qu'elle a confié le deuxième à un dresseur qu'elle venait à peine de rencontrer mais qui l'avait déjà battue trois fois, dont une avec ce même Lucario. La championne d'arène se retourna à notre approche.
-Tiens, un Bariolé. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
Le surnom devait certainement s'adresser à moi, puisque Valérie portait uniquement des vêtements marron. Je fis un pas en avant.
-Bonjour. En fait, je...j'ai un service à vous demander.
-Tu veux un Méga-Anneau, c'est ça ? Désolée, mais je le donne pas à n'importe qui.
-Je m'en doutais. Acceptez-vous un match Pokémon contre moi, dans ce cas ?
Cornélia sourit.
-Tu veux me défier ? Super ! Voyons si tu mérites le Méga-Anneau. Un contre un, pas de changement possible.
Elle fit signe à son Lucario de venir devant elle. J'enlevai mon sac de mon épaule, prêt à commencer le combat. Tout d'abord, identifier mon adversaire. C'était un double-type Acier/Combat, ce qui signifiait qu'il avait pas mal de résistances, et seulement trois faiblesses. Un sourire se dessina sur mes lèvres. Oui, je pouvais faire face. J'ai pris une de mes Pokéballs et l'ai lancée, confiant.
-Esssca ! fit joyeusement le Pokémon Arlequin.
-Utilise Tunnel !
Flash plongea dans le sol du balcon, grâce à cette façon mystérieuse de construire les bâtiments qui faisait que l'attaque Tunnel n'abimait jamais le terrain. Pendant qu'il était caché, le Lucario adverse se transforma. Il venait de Méga-évoluer, juste à temps pour se prendre l'attaque Tunnel de plein fouet. Il répliqua avec un Poing Boost qui toucha également sa cible. Et ainsi de suite, même attaques pendant quelques minutes. Jusqu'au moment où Flash surgit pour la énième fois de son Tunnel. Le Méga-Lucario fut trop lent. L'attaque le toucha sous le menton et le fit tomber à la renverse, K-O.
-Eh bah ! On peut dire que c'était un combat serré ! s'exclama mon adversaire vaincue.
Elle sortit de sa poche un objet qu'elle me lança. Je l'attrapai au vol. C'était un bracelet noir avec une gemme coincée dedans. Je le mis à mon poignet. Cornélia, après avoir vérifié l'état de son Pokémon, m'applaudit.
-Tu as gagné ton Méga-Anneau avec un Pokémon super jeune et qui n'utilisait qu'une seule capacité. Très fort, mon gars, très fort. Maintenant j'aimerais savoir ce que tu comptes en faire.
-Je vais capturer un Pokémon capable de Méga-évoluer, je trouverai sa gemme, et ainsi je pourrai développer au mieux son potentiel. J'ai besoin d'avoir des Pokémon puissants, et pour l'instant je ne suis pas vraiment au top à ce niveau-là.
Elle me regarda d'un air surpris, auquel je répondis avec un sourire de défi. Eh ouais, je venais de gagner un Méga-Anneau qui n'allait me servir à rien du tout ! En tout cas pour l'instant. La championne éclata de rire et me tapa l'épaule.
-Génial, comme programme ! J'espère que tu t'en sortiras, mais avec ta façon de penser ça me paraît évident. Bon courage pour la suite et...pour ton boulot pourri.
Je répliquai avec un soupir blasé et un haussement d'épaule alors que je ramassais mon sac. Et je crois qu'elle n'a pas entendu mon « merci » tellement il était inaudible. Valérie et moi avons redescendu l'escalier gigantesque de la tour. Sauf que cette fois mon amie n'a pas pu s'empêcher de s'assoir sur la rampe pour aller plus vite et m'attendre en bas. Nous sommes ensuite sortis de la tour et avons marché directement vers la Grotte Miroitante.
-_-_-_-_-_-
J-3, 19h05
-Alors ?
-Encore un instant...
-C'est vraiment long !
Je jetai un regard exaspéré à Valérie.
-Tu veux le faire à ma place, peut-être ? Figure-toi que c'est bien assez compliqué comme ça, je me passerai de tes commentaires ! Va donc faire un tour, je t'appellerai quand j'aurai terminé.
-Ouais, enfin tu te rends compte que tu te fais entuber par ce connard, quand même ?
Mon regard lui cloua le bec et elle partit, me disant de loin qu'elle serait près de l'entrée de la caverne. Je retournai à ce que je faisais, à savoir un truc très difficile, très épuisant et par-dessus tout très dangereux.
-Allez, Nuée, encore une fois, murmurai-je.
Ma fidèle compagne bourdonna et lança un Sonic-Boom...droit sur moi. Je me pris l'attaque de plein fouet et m'écroulai, pour au moins la dixième fois. Avec cependant une légère différence, puisque je sentis le goût amer du sang dans ma bouche. Mais je me suis relevé, encore une fois. Le dispositif relié à mon bras continuait d'aspirer mes forces à mesure que Nuée m'attaquait pour les transmettre à une boîte noire que j'avais fichée dans la paroi. Ma Pokémon n'appréciait pas ce que je la forçais à faire, pas plus que je n'appréciais moi-même de devoir jouer les masochistes.
À bout de forces, j'ai appuyé, comme à chaque fois, sur le bouton augmentant la puissance de l'appareil. C'était vraiment dégueulasse de la part de ce type de me faire faire ça. Je voulais que ça s'arrête, mais il fallait encore continuer un peu, et Valérie n'était pas du tout disposée à me relayer. Je jetai un œil à la jauge. Elle était presque pleine. Plus qu'une ou deux attaques et ce serait enfin fini.
-Recommence.
Le Sonic-Boom me frappa. J'avais perdu connaissance avant de toucher le sol...
-_-_-_-_-_-
J-2, 8h24
J'entendais des voix. Non, pas comme Jeanne d'Arc, ces voix-là étaient bien réelles. Mais je n'arrivais pas à les identifier. Tout comme j'étais incapable d'ouvrir les yeux, et ça m'inquiétait un peu plus. Je ne pouvais pas non plus bouger, mon corps refusait de m'obéir. D'ailleurs, je n'étais même pas certain d'avoir encore un corps car je ne ressentais rien. Aucune sensation physique. Inutile de vous dire que j'ai carrément paniqué. Enfin...ma panique est restée cantonnée à mon esprit, vu que mon corps était en panne. Ne fonctionnaient que mes oreilles, qui étaient par conséquent mon seul contact avec le monde extérieur. Et de ce monde extérieur me parvint une dispute.
-...e question ! Allez vous faire foutre ! Vous avez bien vu dans quel état il est, vous voudriez qu'il continue et qu'il se suicide juste parce que vous le lui avez demandé ?
C'était la voix de Valérie. Et de ce qu'elle disait, son interlocuteur devait être l'homme à l'Altaria.
-Il ne serait pas dans cet état si vous vous étiez relayés, mademoiselle. S'il y a quelqu'un à blâmer pour l'état de Camille, c'est plutôt vous que moi.
Il avait à la fois tort et raison. Mais je n'aimais pas sa façon de reporter la culpabilité sur Valérie. Mon corps choisit ce moment pour se remettre en marche, et je réussis à ouvrir les yeux et à tourner la tête vers la discussion. Aucun des deux ne me vit.
-Et vous voulez me faire porter le chapeau en plus ?! Merci mais non, je ne mange pas de ce pain-là. Foutez le camp avant que je m'énerve, Monsieur le demandeur de trucs impossibles !
-Et si vous m'expliquiez de quoi vous parlez ? parvins-je à demander.
Ils se retournèrent d'un coup, dans une superbe synchronisation. Valérie avait pleuré, ça se voyait à ses yeux encore rouges. Elle se précipita près de moi et posa une main sur mon épaule.
-Ne t'occupe pas de ça pour l'instant. Comment te sens-tu ? L'infirmière a dit que tu n'avais qu'une chance sur deux de t'en sortir...
-Alors je l'ai saisie. J'ai mal à la tête et là où les attaques m'ont touché, mais sinon ça va. Où sommes-nous ?
-Au centre Pokémon de Yantreizh. Nuée est venue me chercher quand tu t'es évanoui. J'ai cru que tu t'étais tué.
Je tentai de sourire, mais le résultat ne devait pas être très réussi.
-Pas cette fois. Je vais bien. Ou en tout cas je suis vivant, c'est déjà bien.
-Oui... Par pitié, ne me refais plus jamais un coup pareil ou je te tue pour de vrai.
-C'est promis. Je peux parler à...machin ?
Valérie hocha la tête et s'écarta. « Machin » s'approcha. Je ne lui ai pas laissé le temps d'en placer une :
-Quoi que vous ayez envie de me dire, gardez-le pour vous. J'ai failli mourir à cause de vous, et je suis particulièrement rancunier. La prochaine fois que vous aurez envie de tuer quelqu'un, évitez de le faire de cette façon, c'est vraiment inhumain.
Son sourire n'avait pas quitté son visage. C'est à cet instant que je me rendis compte qu'il s'agissait d'un sourire sadique.
-D'accord. J'arrête de te demander des choses dangereuses. Tu peux dire adieu à tes Pokémon, Camille. Sans ce que je t'ai demandé de faire et ce que j'avais l'intention de te demander, tu ne pourras pas les retrouver à temps.
Il tourna les talons et sortit de la pièce. J'étais au désespoir. Je ne voulais à aucun prix perdre définitivement mes Pokémon, mais je ne pouvais pas non plus me permettre de griller ma vie pour ce type. Je ne savais plus quoi faire...
Valérie sortit en courant. Je suis donc resté seul quelques minutes. Puis elle est revenue, avec l'homme à l'Altaria, qui souriait encore plus.
-Ton amie est très convaincante, Camille. Très bien, je ne te laisse pas tomber. Et je vais même faire un petit effort. J'ai vu que tu avais réussi à activer le dispositif que je t'ai confié hier, nous allons pouvoir passer à la deuxième étape dès que tu seras rétabli.
J'avais envie de lui carrer mon poing dans la face. Je revenais juste des portes de la mort et il osait quand même me parler de cette façon... Mais j'étais trop faible pour bouger ne serait-ce qu'une main. Je n'ai donc pu que le regard s'en aller, triomphant. Il me le paierait un jour.