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One-Shot : Et tu vas me manquer de Domino



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Informations

» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 23/01/2014 à 00:02
» Dernière mise à jour le 23/01/2014 à 00:02

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Et tu vas me manquer

Le soleil frappait le petit jardin où se mêlaient nature et humanité. Allongé dans l'herbe, j'ouvrai une de mes paupières crème, révélant un œil d'un noir profond. La chaleur s'effondre sur moi, bombardant mon corps gracile et félin. Ça sent la fin de la journée.

C'est pour ainsi dire le moment. Je le sens. Il est de ces moments où vous savez que ça y est. Que tout est fini, qu'une époque s'achève. Après le temps des larmes vient le temps de la résignation. Tout n'est pas éternel, tout n'est pas simple ni facile. La vie est une suite de difficultés, d'obstacles. Certains choisissent de les éviter, d'autres de s'y confronter. J'ignore exactement de quelle catégorie nous étions, au fond.

J'avance dans le jardin, je passe devant une balançoire qui n'a pas été utilisée depuis un bail. Un bac à sable où l'herbe pousse déjà. Des jouets qui traînent et qui n'ont jamais été rangés, vestiges d'une époque lointaine, éteinte. Alors que le soleil levant ou couchant, qu'en sais-je, fustige le paysage d'une flamme estivale rougeoyante, je marche à travers ces ruines d'un passé éteint, fini.

Je ne suis plus tout jeune, moi non plus. J'arrive au bout, également, d'une existence que j'ai apprécié à chaque instant. C'est l'essentiel, je pense. A la fin, tout à la fin, si on sait qu'on a aimé cette vie et qu'on n'a rien regretté, c'est bon, hein ? On a réussi ? Je me plais à penser que oui. Et bien que je ne sois plus capable de grand-chose de productif, eh bien, j'ai toujours en moi cette foule de sentiments qui eux, ne s'effritent pas avec le temps. Qui sont toujours aussi intenses, frais et forts. Contrairement à moi, en somme.

La porte de la maison est entrouverte. Ce n'est pas comme si quelqu'un allait entrer, ici, dans ce petit patelin isolé, dans ce village entouré par la forêt à perte de vue, comme enfermée dans un écrin vert. J'entre doucement comme si je devais à cet endroit une certaine politesse. Je glisse ma petite silhouette dans l'entrebâillement. L'endroit n'est même pas sale, comme s'il avait été épargné par la négligence forcée qui avait atteint le jardin.

Chacun de mes pas fait un doux bruit sur le sol à l'apparence boisée. Je traverse un long couloir. Les murs sont blancs. Il y est accroché une série de cadres qui rappellent un peu tout ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, comme une belle fresque d'une époque enfouie.

Tout d'abord, il y a…

Ce premier cadre, ce premier grand moment. Je me trouve avec elle, nous sommes entourés de nos amis. Un fantôme aux yeux louches. Un furet souriant. Un petit être casqué. Un grand lézard au regard malicieux. Et moi, plus jeune. Ah, ça, j'étais tout rose et tout excité. Oui, c'était bel et bien le bon vieux temps dans toute sa splendeur.

Sur le second cadre, la petite famille a bien changé, certes. Nous étions accompagnés d'un petit clown rose avec un chapeau bleu, et apparemment je m'amusais beaucoup avec lui vu que nous nous imitions l'un et l'autre. Un papillon mauve se trouvait sur l'épaule de la jeune fille qui avait un sourire amer, probablement causé par une certaine déception. Un mollusque bleu se trouvait avec moi et mon ami le clown tout comme une souris jaune très joviale. Derrière nous, un gros dragon rouge ailé qui faisait un V de la victoire.

Le troisième cadre était bien plus jovial, c'était une fête. J'étais sur le dos d'un grand chien blanc avec une corne noire qui avait un doux sourire amusé, comme si c'était difficile pour lui. Autour de la jeune fille dansent de nombreux Pokémon réunis. Une poupée noire, un crâne glacé, le lézard et le dragon se tiennent la main, un Pokémon avec deux roses qui dansait avec nous…

J'évite de regarder trop souvent ces cadres. Ils me rappellent une époque enfouie qui me donne les larmes aux yeux chaque fois que je les regarde et que les souvenirs remontent.

Le quatrième est plus beau et plus important. Il est tout doré, et la photo sous verre représente la jeune fille blonde aux côtés d'un monsieur très important. Autour d'eux, le clown a grandi et est devenu un gentil bouffon débonnaire. Un fantôme blanc semble radieux aux côtés d'une amazone aux roses. Un guerrier bleu et noir se tient fièrement aux côtés de sa maîtresse tandis que je fais le pitre, une fois de plus, sur l'aile d'un manchot royal et géant.

La cinquième photo me montrait après mon évolution, avec ma maîtresse toute contente.

La sixième photo me montrait aux côtés d'une renarde mauve qui semblait très proche de moi. Autour de nous, un gros Pokémon rose et duveteux à l'air bienveillant. Une sorte de fouine noire et jaune avec une crête de flammes. Une chouette est posée sur le bras de la fille et un insecte cornu bleu est caché derrière elle.

La septième photo est également importante. Elle n'est pas située dans un jardin ou sur un terrain comme les autres, mais dans un centre Pokémon. La fille est avec son petit frère et un autre garçon qui semble proche d'elle. Je suis à leurs pieds, tout souriant, et tout seul.

Les années ont passé. D'autres cadres ont été accrochés au mur.

Ma dresseuse a grandi. Elle s'est mariée. C'était bizarre. On était tous sous la surveillance de son frère et de certains de ses amis qui pensaient que nous allions gâcher la fête, alors qu'avec les potes et les Pokémon de son mari, qui étaient également nos amis après les évènements du septième cadre, nous voulions simplement organiser une surprise. Du coup tout le monde s'est trouvé bien bête. Et du coup j'ai accompagné le témoin.

Ah c'est sûr que je suis bien moins intrépide aujourd'hui, ça…

Mais au moins assez intrépide pour traverser ce couloir d'un pas lent, plein de précautions. Car je ne suis effectivement plus un aussi jeune chat qu'à ma grande époque. Non, je suis un vieux chat tout ramolli, plein de bons souvenirs. Sur les murs qui m'entourent, d'autres cadres contenant d'autres photos, d'enfants avec lesquels j'ai joué, puis de petits enfants à qui j'ai servi de monture ou qui m'ont tiré les oreilles.

Et dans tous ces moments, il y avait ma dresseuse.

Elle a grandi.

Et puis, il est un moment où l'on cesse de grandir.

Alors on vieillit.

On bouge moins qu'avant. On part moins en expédition, ou alors c'est pour aller au supermarché. Et quand on rencontre des gens, eh bien, on fait état de sa santé, on rassure ou on inquiète. On n'a plus de vraie conversation. On ne se bat plus. Je deviens le bon chat de compagnie que l'on caresse, je ne suis plus la bête de combat, le petit animal sautillant et délirant...

On perd des amis. C'est qu'on a beau être des Pokémon, on n'est pas immortels, hein.

Eh oui…

J'arrive à une porte menant à une chambre mal éclairée. Quand j'arrive, je vois un vieux chien noir et blanc endormi par terre, au pied du lit. Je grimpe sur le lit comme j'en ai l'habitude.

Elle est là. Elle me regarde avec ses grands yeux bleus qui sont toujours les mêmes, après toutes ces années. Elle est âgée, très âgée. Son visage est couvert de rides et de tâches. Ses longs cheveux blancs s'étendent sur l'oreiller et sur les couvertures. Ses mains sont jointes et croisées sous sa poitrine. Quelqu'un est à côté d'elle, il lui tient la main. Ce n'est ni son mari ni un de ses enfants, c'est son frère. Il me regarde et secoue la tête d'un air désespéré. Il a pris de l'âge lui aussi…

Une machine fait un bruit de souffle toutes les secondes.

Mary me regarde. Je sais ce qui va se passer. J'approche doucement mon museau de sa main, et elle me donne une dernière caresse. Je décide donc de m'allonger là, contre elle, et de poser ma tête sur son ventre, les oreilles basses.

Je cligne doucement des paupières. Chaque battement est une rafale de souvenirs en plus. C'était une très belle vie, finalement. Je n'ai aucun regret à avoir. Sa main qui vient frôler mon cou et mes pattes me dit la même chose.

Alors je fais comme elle.

Je m'envole…