Bienvenue à Lavanville de Xabab

Les poings de Peter se serraient de plus en plus à chacun de ses pas et la colère montait dans le cœur de cet homme. Tandis qu'il avançait en direction de la cage de flammes, l'air autour de lui se faisait de plus en plus pesant. Mais cela il s'en moquait, il était habitué à la chaleur du Tartare, à ces milliers d'âmes suffocantes qui hurlaient autour de lui, aux hurlements de bêtes sauvages qui montaient des abysses de ce monde... Il le visitait bien assez souvent pour ne plus y faire attention.
Mais aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour il se moquait de ce qui l'environnait. Seule la cage de flammes qui se dressait devant lui attirait son regard.

« Cronos ! hurla-t-il au pied de ces murailles de feu. Montre-toi, monstre que tu es ! »
Il y eut un silence, du moins s'il était possible de nommer ainsi une absence de son au milieu de tous ces cris. Puis vint un rire, guttural, semblant monter des profondeurs de la terre et se propager sur toute l'étendue du Tartare. Le rire gagna en puissance à tel point qu'il aurait fait frémir de peur n'importe qui excepté Peter Hude.

L'homme le plus riche de la ville mais aussi le plus influent sur terre comme en dessous restait debout, les bras tendus et les poings serrés. Ses ongles entaillaient la paume de sa main mais il ne s'en rendait pas compte. La colère le dévorait et l'être qui riait devant lui le répugnait au plus haut point.
« Montre-toi ! cria-t-il de nouveau en donnant au passage un coup de pied à une carcasse qui venait de tirer le bas de son pantalon. Je peux attendre des jours ici que tu veuilles bien pointer ton museau ! »

Et la bête continuait de rire du fond de sa cage de flammes, une prison baignée dans l'obscurité malgré le feu qui la composait. Du fond de l'abysse résonna le son d'un pas puis d'un autre, une marche qu'accompagnait ce rire froid.
Peter ne regarda pas autour de lui. Il ne vit pas détaler les carcasses qui s'accrochaient à lui juste avant, le suppliant de les mener à la surface ou du moins de l'autre côté des enfers. Toutes fuyaient le monstre qui était enfermé ici et personne ne pouvait jurer en ce bas-monde ne pas trembler en entendant son nom.

En quelques secondes il pointa le bout de son museau écailleux entre les barreaux de sa cage et laissa voir un rictus à son visiteur qui ne flancha pas pour autant.
« Comment va le larbin de mon fils ? ricana le reptile en le fixant dans les yeux. Mieux depuis qu'il sait que je n'ai pas dévoré son enfant ?
– Je t'interdis de parler ainsi de Tony !
– Et pourquoi donc ? Que pourrais-tu me faire alors que je suis intouchable derrière la prison que m'a créé ma propre chair ?
– Je peux lui demander de vous punir, de renforcer le châtiment. »

Á ces mots Cronos se mit à rire de plus belle et se moqua ouvertement de Peter Hude. Malgré tout ce dernier ne flancha pas et garda son regard dans celui de son opposant jusqu'à temps que celui-ci veuille bien lui répondre.
« Et comment mon fils renforcerait mon châtiment ? Seul Arceus en est capable, c'est lui qui m'a jeté ici et lui seul est en mesure de me punir.
– Il le peut aussi. C'est lui qui vous garde enfermé. »

Le reptile ricana de plus belle.
« Et comment, Peter ? Cette cage n'est déjà plus que l'ombre de ce qu'elle était auparavant. Il est faible, de plus en plus chaque jour. Je le sens, mes forces reviennent petit à petit et ce corps fragile sera bientôt remplacé...
– Vous ne retrouverez pas votre forme originelle. Le rituel est en cours et l'équilibre du monde sera de nouveau comme avant. Arceus lui-même nous aide à le mettre en place et...
– Arceus ne vous aide en rien, le coupa Cronos. Si tel était le cas alors je ne serais pas en train de récupérer autant de pouvoirs. Ma force est décuplée et Arceus ne fait rien pour aider son frère. »

Il était devenu sérieux et Peter le voyait dans son regard, ces deux pupilles rouges de sang qui le fixaient.
« Dis-moi une chose, Peter : pourquoi continuer à servir mon fils alors que mon autre rejeton va bientôt le détruire ?
– Arceus ne pourrait...
– Arceus convoite ce monde depuis qu'ils ont séparé l'univers en deux, il veut les terres de son frère et se moque bien de l'équilibre du monde ! »
Peter ne répondit rien et baissa la tête.

« Pourquoi me diriez-vous cela ? demanda-t-il au reptile en relevant les yeux.
– Pour la même raison que celle qui m'a poussé à ne pas dévorer ton fils alors que j'en avais le pouvoir : parce que je pense que tu peux m'aider à maintenir l'équilibre entre mes deux fils.
– Vous vous moquez de l'équilibre. »
Le monstre ricana et laissa le silence retomber entre eux. Tout autour les cris des morts avaient repris de plus belle et de nouveau les carcasses rampaient vers Peter. L'homme tourna la tête dans leur direction et eut un frisson.

« Tu vois ce qu'ils sont tous devenus ici, reprit Cronos, souffrant pour l'éternité, sans aucun repère. Tu repenses à ta rencontre avec mon fils et tu te dis qu'il vaut mieux garder l'équilibre, que celui qui se trouve en face de toi est le seul à avoir un tel pouvoir. Il faiblit, Peter, de jour en jour. Le rituel est une solution mais personne ne l'a jamais réalisé jusqu'à maintenant, seul un vieux texte en parle. Et s'il échouait ? Pense-tu que les légions divines d'Arceus sont en train de se rassembler en si grand nombre pour rien ? »
Peter sursauta.
« Comment savez-vous pour les légions d'Arceus ? »

Cronos avança un peu plus et passa sa tête au travers des barreaux de la cage de telle sorte que son interlocuteur puisse le voir en entier.
« Je te l'ai déjà dit : mon pouvoir augmente de plus en plus. Je vois tout ce qu'il se passe dans le ciel comme sous la terre. Je connais ton histoire et celle de Marc Saul, je sais pourquoi vous avez été choisis et pas quelqu'un d'autre pour représenter mon fils. Mais je sais aussi qu'il faut éviter cette guerre et qu'Arceus ne se privera pas de m'anéantir s'il pose un seul pied dans ce royaume. »

Peter eut un instant de réflexion et reprit : « Vous savez qui je suis ? »
Le monstre le regarda dans les yeux et commença à rire encore une fois, montrant à son visiteur qu'il savait tout. Mais il ajouta surtout une phrase qui montra à Peter qu'il ne lui mentait pas et qui fit relever le regard de ce dernier dans sa direction, vivement intéressé par cette proposition.
« Aide-moi et je t'aiderais pour le rituel. Fais-moi regagner mon corps et je te promets de te donner à jamais ce que mon fils t'a offert il y a vingt ans. »