Bienvenue à Lavanville de Xabab

Dan se retourna et dévisagea l'homme qui venait de lui sauver la vie. Ce dernier était le seul adulte qu'il croisait en ville depuis qu'il avait quitté le couvert des bois et il lui apparut comme une apparition morbide, un danger qu'il devait éviter à tout prix. Même le reptile qu'il venait d'affronter ne semblait rien à côté de ce dernier ; il lui avait parlé et l'avait contrôlé, il était bien pire que lui.
L'air dégingandé son sauveur se tenait droit au-dessus de lui, les mains dans les poches et le regard vagabondant alentour sans se soucier visiblement de celui qui se trouvait à ses pieds.

Quand le monstre qu'il venait de contrôler disparu sous le pont, suivant les deux pauvres enfants qu'il avait pris en chasse, l'homme se détourna et fixa pour la première fois l'ancien militaire toujours couché sur le sol.
« Vous feriez mieux de vous relever, lui lança-t-il justement, il ne reviendra pas mais ce n'est pas agréable de parler à quelqu'un dans cette position. »
Le vieil homme grogna, n'acceptant pas que quelqu'un lui parle sur ce ton, mais n'osa pas non plus répliquer. Il venait de voir cet homme diriger un monstre à l'aide de quelques mots, ce n'était pas le genre de personne qu'il aimerait avoir comme ennemi dans cette ville.

Dan s'exécuta avant de se planter face à son sauveur, plongeant son regard dans le sien d'un signe de défi. Le second resta passif et se contenta de lui tendre la main.
« Je m'appelle Marc Saul mais vous pouvez vous contenter de Marc. Je sais ce que vous venez faire dans cette ville et je sais pour ce que vous avez vécu cette nuit. Sachez que j'en suis navré et que j'aimerais réparer ce malentendu.
– Il n'y a rien d'un malentendu. »

L'homme eut un rictus mais n'essaya pas de le contredire, se contentant d'un haussement des épaules.
« Nous faisons tous des erreurs Dan, sachez que Peter n'en fut pas exempt cette nuit. D'ailleurs cela fait quelques temps qu'il enchaîne les travers, ajouta-t-il pour lui-même sans se préoccuper de son interlocuteur qui l'entendait encore.
– Que savez-vous sur moi ? demanda le vieil homme qui se moquait bien des belles phrases de son sauveur. Que savez-vous sur cette ville ? »

Encore un rire de la part de cet homme, encore un peu plus d'énervement pour Dan. Mais qui pouvait-il bien être ?
Non seulement il pouvait contrôler un monstre dévoreur d'enfants et était le seul adulte présent sur les lieux de ce massacre, mais il savait aussi son nom et semblait tenir une multitude de ficelles entre ses doigts anguleux qu'il sortait parfois de sa poche. Calme et posé, Marc Saul le fixait sans ôter son sourire narquois du bord de ses lèvres.

« Je sais tout sur cette ville mais je doute que l'endroit soit approprié pour ce genre d'entretien, pas vrai ? Néanmoins je suis prêt à vous accorder un peu de mon temps libre cette nuit. Je vous propose que l'on se retrouve au pied de la tour à minuit. »
Dan hésita à répondre, sentant cette proposition comme un piège longuement préparé à son encontre. Néanmoins il se rendit à l'évidence rapidement : il n'avait pas le choix.
Il hocha la tête sans ajouter quoi que ce soit.

« Parfait, se contenta d'ajouter Marc avant de tourner les talons. Je vous attendrais avec grande impatience. Sachez que de tous ceux à qui j'ai fait gagner ce jeu radio vous êtes de loin celui que j'aimerais le plus rencontrer. »
Il le salua sur ces paroles qui le firent frémirent et s'éloigna doucement. Malgré le fait qu'il se trouve de dos par rapport à lui, Dan pouvait presque imaginer ce sourire moqueur que Marc devait afficher en ce moment même. Il ne savait pas si le rendez-vous était ou non un piège. En revanche il était certain que ce dernier se moquait bien de lui.

Le jeu radio n'était qu'une pure invention, il avait vu juste et pouvait se sentir fier de lui. Mais ce n'était aucunement des terroristes qui l'avaient organisé, cet homme n'en avait pas l'air et semblait pourtant tout diriger. Contre quoi était-il donc venu lutter si ce n'était pas contre ceux qu'il avait traqué et tué pendant la majeure partie de sa vie ?
Il devait attendre la nuit et rejoindre cet homme mais il ne le pouvait pas seul, il lui fallait de l'aide.

Dan se releva et remonta la colline sur laquelle le reptile avait manqué de mettre fin à ses jours. Il devait quitter le parc et voir un peu ce qu'il se passait en ville ; ce massacre n'avait rien de normal et l'absence de monde renforçait cette impression. Il repensa un instant aux deux enfants qu'il avait laissé s'enfuir puis s'en détourna, ils finiraient bien par s'en sortir sans son aide.

En traversant la distance qui le séparait de la sortie du parc Dan ne trouva personne. Il n'y avait plus aucun cri autour de lui et la terreur des enfants, comme ces derniers, semblait avoir disparu avec le monstre. Le parc avait retrouvé son calme et rien ne semblait s'être passé.
Mais une fois en dehors du parc le bruit revint à ses oreilles. Des sirènes, des gens en train d'hurler et toute une foule d'autres sons provenaient d'une rue un peu plus loin.

Dan hésita à changer de destination et à se rendre sur les lieux mais se ravisa. Ses vêtements étaient tâchés de sang et il n'avait pas l'allure de quelqu'un se rendant sur la scène d'un crime. Quoi qu'il n'ait pas aussi celle d'un homme se présentant au commissariat afin de demander à un flic de l'accompagner à un rendez-vous secret aux alentours de minuit. Mais ceci était plus important que de voir des parents pleurer leurs enfants et il était urgent qu'il retrouve le seul acolyte qu'il avait dans cette ville.
Pressant le pas Dan se dirigea vers l'établissement dans lequel il espérait retrouver Ted. Il ne pouvait se rendre tout seul au pied de la tour, il lui fallait du soutien.