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Bienvenue à Lavanville de Xabab



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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 01/01/2014 à 23:44
» Dernière mise à jour le 02/01/2014 à 12:34

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Chapitre 30 : Voyage souterrain
Ils n'avaient pas la moindre lumière pour les aider à progresser mais n'hésitaient pas à avancer tant qu'ils le pouvaient encore. Le monstre qu'ils avaient vu dans le parc, ce reptile dévoreur d'enfants, n'aurait pas besoin de beaucoup de temps avant de se lancer à leur poursuite. Et s'il le faisait alors ils devaient être déjà loin.

« Il y a une sortie plus loin qui donne sur le centre-ville, lança Tony sans en avoir la moindre idée mais étant néanmoins certain que les égouts de la ville ne se limitait pas à une entrée, sous le pont d'un parc en plus de cela. »
Et Camille l'avait suivi sans mot dire, faisant confiance à ce garçon dont elle tenait la main. Il avait pris la tête de l'expédition et les deux enfants avançaient prudemment mais surement en file indienne.

Parfois une petite lueur verte venait éclairer les canaux qu'ils longeaient avec précaution, des lampes murales ayant été placées tous les vingt mètres le long des tunnels sous la ville. Ce n'était pas assez pour les réconforter dans les ténèbres qu'ils traversaient mais suffisant pour qu'ils ne tombent pas dans l'eau putride qui coulaient sous leurs pieds.
Une odeur insoutenable venait frotter leurs narines et agressait leurs sens depuis qu'ils étaient descendus mais plus aucun des deux n'y faisaient attention. Ils ne pensaient plus non plus au sol glissant sous leurs pieds ou à toutes les matières visqueuses qu'ils entrapercevaient parfois courant le long des murs. Seule une chose comptait : fuir.

Le contact de leurs mains moites semblait leur donner de l'espoir. Tony aimait sentir qu'il avait un lien avec la réalité et d'autant plus avec cette fille ; il en allait de même pour Camille. L'autre était devenu le seul point de repère au cœur de ce monde froid et lugubre dont ils voulaient se sauver.
Parfois l'un tombait, ou du moins fléchissait sous le poids de la peur et de la fatigue. Mais cela n'arriva que quelquefois et le second fut toujours là pour l'aider à se relever. Tous les deux ils étaient forts, ils pouvaient déplacer des montagnes.

D'ailleurs la peur sembla les quitter lentement au fil du temps. La traversée du tunnel était longue et seul le souffle des deux enfants venaient troubler la quiétude du lieu, au point qu'ils en vinrent à oublier la raison pour laquelle ils étaient descendus et les sentiments qui avaient traversés leurs corps dans ce parc. Le lien entre eux était le seul sentiment qui restait dans le noir et ils s'en contentaient ; le reste ne pouvait être que fardeau.

« On va mourir ? murmura un instant Camille à l'oreille de son ami. Tu penses qu'il va venir et qu'il nous tuera ?
– Ne dis pas de bêtises, lui rétorqua le second calmement et d'une voix des plus douces. On ne partira pas de ce monde comme ça ; il y a trop à vivre avant.
– Je n'en suis pas certaine. »
Et elle s'était arrêtée, laissant le silence redevenir seul maître de ce lieu.

Puis ils avaient marché encore sans savoir où aller, bifurquant lorsqu'il était nécessaire de le faire en choisissant au hasard la direction. Ils se moquaient bien de se perdre ou de réussir à trouver la sortie tant que leurs mains restaient liées. Tout devenait possible au fond d'eux mais ils ne s'en préoccupaient pas. Leur monde se réduisait à quelques doigts enlacés et à deux cœurs tambourinant dans leurs poitrines.
Camille suivait les pas de son ami et il faisait semblant de la guider. Tous deux savaient que ce n'était qu'un jeu, que Tony n'avait pas la moindre idée de ce qu'il faisait ou encore que leur cauchemar les traquait. Mais au fond, était-ce vraiment important ?

Dans le noir le plus profond Camille sembla distinguer les pupilles de son compagnon qui se tournaient régulièrement dans sa direction. Voulait-il lui demander quelque chose sans oser ? Pourquoi tant de regards ? Était-ce le fameux « amour » des adultes qui la rendait dans cet état et lui aussi ?
Camille tenta de s'en convaincre et trouva que c'était une bonne idée. Penser qu'on aime permet de se sortir de tout, croire en quelqu'un permet l'accomplissement des miracles.

Au loin un bruit fracassant, celui d'une plaque d'égout qui se ferme et d'une masse énorme qui tombe dans l'eau. Ils s'en moquèrent.
« C'est lui ? demanda Tony dans un souffle.
– C'est certain, répondit simplement Camille. »

Leur dialogue s'arrêta là et ils continuèrent à marcher sereinement, main dans la main comme deux amants un soir de pleine lune. Il serait presque possible de les imaginer autrement, dans un autre décor.
Camille a vingt ans, elle est fraîche et belle, ses cheveux blonds sont comme les cheveux des anges et couvrent ses épaules. Sur le coin des lèvres un sourire des plus resplendissants, l'un de ceux qui peuvent faire flancher même le plus obtus des hommes et qui pourraient faire renoncer au plus grand conquérant toute envie de laisser son nom dans l'Histoire. Face à elle se dresse Tony, jeune homme resplendissant dans son costume trois pièces, une main qui se plonge dans l'une des poches de sa veste et des yeux pétillants d'étoiles.

Il la regarde un instant et retire sa main de la poche, hésitant. Ne sachant que faire il lui demande de bien vouloir l'accompagner au cours d'une balade dans le parc où ils se trouvent, à des lieux de celui de Lavanville. Les deux âmes sœurs se tiennent par la main et se jettent des regards envoûtants, chacun n'osant prendre la parole, laissant le toucher de leurs doigts et la clarté de leurs yeux s'exprimer en place des mots.
Au-dessus de leurs têtes une nuée d'étoiles qui paraissent de toutes les couleurs du monde. Il y a au loin le hululement d'un oiseau nocturne qui trouble le silence d'une si belle nuit mais ils ne s'en préoccupent pas. Ils sont deux sous le ciel, le monde à leurs pieds et l'avenir devant eux.

Ce n'était plus des égouts, c'était un parc. Et ce n'étaient plus deux enfants que l'on pouvait voir, arpentant des tunnels sombres sous le poids de la peur, mais deux amants épris d'un grand amour, se baladant sous les étoiles.
Mais jamais le hululement d'un oiseau n'aurait brisé une si belle poésie, il en était bien différent du reptile qui arpentait ce flot de pourritures dans leurs dos. Celui-ci avait faim et il voulait tuer la fillette, elle lui était réservée.

Un autre choc, plus loin ; aucun des deux enfants n'accélère le pas.
« On pourrait courir et tenter de fuir, lança tout de même Camille sans aucune volonté, mais il nous rattrapera et il nous tuera.
– Oui. Je sens que ces tunnels le savent, ils connaissent notre avenir et le sang qui coulera dans ces murs. Quelque chose ici sait et il nous le montre.
– La ville. »

Ce mot résonna comme une vérité sur laquelle ils ne revinrent pas. Les tunnels ne savaient rien ; c'était la ville qui connaissait leur destin et leur murmurait qu'il ne servait à rien de fuir, qu'il était plus puissant qu'eux.
« Si je meurs tu... »
Tony leva la main et l'interrompit.
« Il n'y a pas de place pour tout cela ici. »

Et ils marchèrent.

Le silence reprit ses droits au même titre que l'obscurité. Derrière eux plus aucun bruit ; avait-il perdu leur trace ? Camille l'espéra mais sans trop s'y attarder, l'heure n'était pas à la peur et au doute.
Elle chercha du regard les yeux de son ami mais ne les trouva pas. Ils se lançaient des regards à des moments différents mais sans interruption, ceci ne faisant qu'augmenter les tambours qui résonnaient au fond de leurs poitrines.

« Et si on s'embrassait ? »
Camille avait proposé cette idée le plus naturellement du monde, comme si ces égouts étaient devenus le lieu idéal pour le début d'une romance. Elle voulait se convaincre qu'elle aimait et que Tony était son âme sœur, celui dont parlaient tous les plus beaux contes de fées qu'elle ne pourrait jamais vivre là où elle se rendait.
Le garçon ne sembla pas surprit. Il se contenta de s'arrêter pour la première fois depuis le début de leur descente dans les ténèbres. Cela fait il la fixa et Camille pénétra son regard plein de joie et de tristesse.

Ils ne parlèrent pas, se contentant de s'avancer l'un vers l'autre comme s'il n'y avait pas à remettre en question la proposition de la fillette. « L'amour ». Ce mot résonnait dans leurs deux esprits et ils voulaient désormais se convaincre qu'ils en connaissaient la signification, comme deux adultes ayant traversés une partie de leurs vies.
Leurs lèvres se cherchèrent un instant dans le noir, les deux enfants ayant refermés les yeux. La jeune fille sentit un parfum suave s'échapper de la bouche du garçon, celui-ci lui faisant durant un instant oublier l'odeur qui l'entourait.

Ce fut un baiser d'apparence ordinaire mais qui valait plus que nombreux de ceux que l'on peut voir chaque jour. Un sentiment dont ils ne savaient rien mais qu'ils partageaient tout de même, celui que les grands nomment « amour » mais que l'on connait aussi sous les termes de « passion » ou « désir ». L'étreinte de leurs doigts se serra et ce contact dura une dizaine de secondes avant qu'ils ne s'éloignent.
« Je... »

Un simple mot prononcé dans les ténèbres, une hésitation qui empêcha à Tony de dire la fin de sa phrase à quelqu'un qu'il ne reverrait plus. Non loin d'eux l'eau putride semblait gargouiller, le monstre avançant lentement dans leur direction.
Mais quel importance tant qu'ils pouvaient une dernière fois se dévorer des yeux ? Combien de gens comme eux avaient fuis en pensant se retrouver ensuite et vivre le grand amour, perdant la vie dans cette entreprise sans jamais profiter ? Ils ne feraient pas cette erreur. Les enfants n'avaient aucune chance et ils le savaient ; autant profiter de ce que la vie pouvait leur offrir en dernier recours.

Á la faible lueur d'une lampe verte, Camille s'écarta de son ami qui resta dos au mur pendant qu'elle se rapprochait de l'eau.
« Ce n'est pas toi qu'il veut. »
La joie laissa place à la peine et une larme coula le long de la joue de Tony. Il la vit s'éloigner dans les ténèbres en sachant que c'était la dernière fois qu'il pourrait ainsi la contempler.

Au dernier moment il se reprit et décida de courir dans sa direction afin de prendre une dernière fois sa main dans la sienne. Il vit son regard s'éteindre dans le noir tandis qu'il se rapprochait et constata avec frayeur qu'une ombre gigantesque venait de s'élever dans le dos de la fillette. Il tenta d'hurler, en vain.

Le reptile lui arracha la tête sous ses yeux et ses cheveux blonds disparurent dans un flot de sang et de larmes. Le corps de celle qu'il tentait de rejoindre chuta en arrière et tomba dans l'eau des égouts, suivant le monstre qui quittait déjà les lieux de son dernier meurtre. La lampe dans le dos du garçon éclata et il se retrouva dans le noir, seul, sa main vide.

Une minute passa dans le plus grand des silences, puis une autre et cela peut-être pendant des heures avant qu'il ne finisse par s'écrouler de fatigue.
Ses genoux englués dans une matière visqueuse, symbole de déchets humains et ménagers, le petit garçon se mit à pleurer le bonheur qu'il avait entrevu pendant quelques dizaines de minutes et la fille qu'il avait aimé. Il prononça quelques mots, indistinctement ; peut-être une prière... Puis, quand plus rien ne sembla avoir de sens, il distingua une lueur au fond du tunnel, celle d'un petit pokemon qui l'invitait à le suivre.

Il se releva, le visage mouillé de larmes et de crasse, et marcha à la rencontre de celui qui allait le ramener à la surface. En remontant il pensa à sa mère morte ; ce pokemon brillait de la même couleur.