Dernier Hommage [O.S.] de MerrySai

« C'est surmontable, la mort. La vie, ça l'est beaucoup moins, on finit tous par mourir »
Elle aura 14 ans en février. Je tairais son nom, parce que vous ne la connaissez pas. C'est une fantastique petite Caninos. Toute douce, gentille, calme, jamais dérangeante, quoi. On s'y attache vite. Vite et fort. C'est ça qui fait mal.

Elle est malade.

Depuis quelques jours, elle est malade. Elle ne bouge presque plus, refuse de manger, de boire. Elle se laisser aller, en fait. Je ne sais pas ce qui a changé, cette fois. La neige ? Les cachets ? La nourriture spéciale ? Parce que oui, il a neigé. C'est humide, froid, et pas bon pour son arthrose. D'ailleurs, les cachets, c'est pour ladite arthrose, c'est pour qu'elle ai moins mal. Quand à la nourriture, c'est pour ses reins, je crois. Elle mange pratiquement plus depuis qu'elle y a goûté...

Elle souffre.

Elle doit avoir froid, sans rien manger. Je veux dire, ça fait déjà quoi... deux, trois jours ? C'est long sans rien avaler... Et sans boire non plus. Papa est sûr qu'elle se laisse mourir sans vraiment mourir. Elle ne s'occupe plus d'elle mais ne veut pas s'éteindre devant son fils, je crois. Son fils, il a évolué il y a peu. Un bel Arcanin, haut sur pattes, et puissant. Contrairement à sa mère, je pourrais peut-être l'emmener, pour mon prochain voyage... En tous cas, il est gênant, ici. Il piétine le matelas et secoue sa mère... C'est pas cool pour elle. Son arthrose doit lui faire mal, là, vraiment...

C'est mieux de la laisser partir.

C'est moi qui y pense beaucoup, a ça. Je me dis qu'elle ne souffrira plus, comme ça... Elle ne se laisse pas aller pour rien, elle à fait son choix. Maman aussi, pense que c'est mieux. Mon frère, on lui a rien dit, pour l'instant. Il s'en doute, il est pas idiot, mais si on lui en parle... Ça sera pas comme m'en parler, ou en parler aux parents, je pense. Papa à l'air plus réticent. Il l'aime pas plus, je crois, peut-être que c'est plus dur... Ou il aime pas utiliser les vrais mots. Je dirais pas qu'il est assez égoïste pour la garder jusqu'à ce qu'elle s'endorme d'elle-même , mais j'y ai pensé... On a rendez-vous à 17h20, voilà. Centre Pokémon, nous voilà, et j'en suis pas ravie...

C'est mieux pour elle.

Elle a été toute calme, pendant le voyage en voiture. Comme d'habitude. Elle a voulu essayer de marcher, quand on est arrivés, mais elle a pas vraiment réussi. Même pas du tout. Dès qu'on l'a posé sur la table de l'infirmière, la Caninos a semblé comprendre, ça c'est horrible. Mon frère a pleuré presque tout de suite, moi aussi j'ai eu vite deux-trois larmes sur les joues. Joëlle a fait un petit examen général, mais on avait déjà pris notre décision. Enfin, elle avait pris sa décision. On devait juste la respecter. J'ai voulu rester avec elle jusqu'au bout. Je me l'étais promis, en quelques sortes. Être avec elle jusqu'au bout. Maman est sortie avec le frérot, elle m'avais dit qu'elle pourrait pas rester. Papa aussi est resté, mais je sais pas si il le voulait vraiment. L'infirmière nous a expliqué qu'elle allait appliquer un cathéter, injecter une dose de je-sais-pas-quoi pour qu'elle s'endorme, et ensuite mettre une plus forte dose du produit, qu'elle s'éteigne complètement, tranquillement, sans douleur. J'ai eu ma main sur son flanc tout le long, et des larmes un peu plus grosses à chaque clignement d'œil. Très sincèrement, j'ai souri. Pour la rassurer, pour... Je ne sais pas. Peut-être que, sur le coup, j'avais peur qu'elle croit qu'on lui en veuille de nous laisser. Peut-être que je voulais pas montrer ma faiblesse à l'infirmière, je sais pas. Ou alors j'étais heureuse pour elle, d'être enfin libérée. Pour la deuxième piqûre, celle qui l'endormirait à jamais, papa s'est éloigné. Alors moi je me suis rapprochée, j'ai mis la main sur sa petite tête, je lui ai chuchoté que je l'aimais, qu'on l'oublierais pas, j'ai dû lui dire bon voyage, aussi, je crois. Je l'aime tellement... J'oublierais jamais ses grand yeux marrons, tout ronds... Si doux, si beaux. Elle est si belle. Enfin tranquille, enfin. Elle a arrêté de respirer, alors maman et mon frère sont re-rentrés. On a tous pleuré, et on a dû sortir. J'étais la dernière dans la salle, je voulais pas la laisser. Je t'aime fort.

Adieu.

Je crois que j'ai pratiquement pas quitté des yeux la porte qui s'était refermée derrière moi, me coupant à jamais d'elle. J'ai pas réussi à garder la tête haute, et je me suis demandée pourquoi la femme qui attendait avec un félidé (il m'a semblé) nous regardait aussi bizarrement. Elle a jamais perdu un être cher ? Elle était plus vieille que mes parents, alors sûrement que si. Je suis restée debout, à côté de la voiture, à fixer la porte, le plus longtemps possible. Après, la voiture a démarré, et on l'a quitté.

Tu seras toujours là.

À la maison, on a retourné le matelas sur lequel Arcanin et elle dorment... Dormaient. Il n'y a plus que lui. J'ai peur qu'il se sente seul, perdu, on verra bien. Il nous a beaucoup senti, senti l'odeur de sa mère. Mon pull aura toujours cette odeur, je crois, ou au moins ce souvenir. On a pratiquement pas parlé, je suis restée encore un peu avec le gros Pokémon. Il me rassure, me réconforte, même s'il n'a pas l'air d'avoir compris qu'elle ne reviendra jamais...

[...]

Le lendemain, aujourd'hui, quoi. Je me suis levée tard, comme hier j'avais eu du mal à dormir... J'ai vite re-pleuré, à peine je pense à elle que... Je suis allée voir Arcanin, lui aussi je vais taire son nom jusqu'à la fin. Quand je suis passée dans le garage, j'ai encore un peu pleuré, et puis je me suis assise dehors, et il m'a remonté le moral, alors j'ai décidé de le faire rentrer dans la maison. Oui, parce que, d'habitude, il n'a pas le droit. Avoir les deux Pokémon à l'intérieur, c'était trop. Même notre Miaouss rentre pas, juste les deux Chaglam. Mes parents n'ont jamais fait de voyages initiatiques, c'est des Pokémon de compagnie. Bref, j'ai fait rentré Arcanin pour l'habituer. Je veux pas le laisser seul dehors...

J'ai l'impression qu'il y a un grand vide, et, en même temps, qu'elle est encore là. C'est à la fois horrible et doux comme sensation. Qu'elle est toujours là. Je l'oublierai jamais, et je suis pas la seule. Ça fait bien mal, quand même.

Tu nous manque déjà, ma toutoune, mais tu as mérité de te reposer, on t'aimera toujours...

« La mort a perdu tout son sens, c'est plus l'heure du dernier hommage, maintenant, c'est juste un voile de silence et de tristesse. »