23 juillet 2049
Midi.
Moi, Amy, Clarisse, Audrey et Benjamin nous retrouvâmes devant le self, prêts à manger, nos estomacs criant famine. Nous sortîmes chacun nos cartes respectives et eûmes l'accord de la surveillante pour passer prendre nos plateaux.
-Ah, j'ai tellement la dalle que je pourrais manger un immeuble entier de chocolat ! s'exclama Audrey en posant une main sur son ventre.
-Bizarres tes images, toi, fit Clarisse.
-Avec le stress des épreuves, j'ai pas trop faim, gémis Amy.
-Mais ça se gère, quand même, dis-je à mon tour. Néanmoins, je ne reculerai pas devant un bon repas.
-SUPER !! DES FRITES !! s'écria Benjamin en lisant le menu d'aujourd'hui.
-Tu rigoles ?! s'étonna Audrey, en se léchant les babines.
Elle bondit littéralement sur lui pour accéder au menu et constata la même chose.
-Cool, il nous ont gâtes aujourd'hui ! exulta Audrey.
-Pour une fois, on ne va pas s'en plaindre, marmonna Clarisse en passant sa carte dans la machine.

-Ah, Alexis, un abruti fini ! Soupirai-je en enfournant une frite enrobée de ketchup dans ma bouche.
-Il est pas prêt de faire quelque chose dans sa vie, celui-là, avec toutes les conneries qu'il fait ! Dit Audrey, rassasiée.
-Si il continue, je vais lui briser les poignets, fit Benjamin en serrant les poings.
-Et il n'y a que sur toi qu'il se défoule comme ça, remarqua Clarisse, me parlant à moi.
Je haussai les épaules.
-Je ne sais pas du tout, je sais juste qu'il ne me piffe pas. Ai-je fait quelque chose qui aurait pu l'offenser ? Pour le savoir, il faudrait que je lui pose la question, mais il m'enverrait bouler comme à chaque fois !
-C'est quand même inouï, non ? Détester quelqu'un sans raison apparente ! s'interrogea Amy.
-Mais c'est pourtant la vérité vraie.
«Mais tant que j'ai des amis comme eux, je n'ai absolument rien à craindre... à part quelques bleus !», me dis-je.
-C'est bête que ce mec n'est pas demi-pensionnaire, j'aurais bien ri si j'avais vu sa tête à l'heure qu'il est, sourit Benjamin, la bouche pleine.
-«Maman, j'ai peur, y a un grand qui ma démonté le nez, protège-moi !», me moquai-je, avec une voix de fausset, plié de rire.
Tout le monde rigola aussi de mon imitation.
-Ah là là, et dire qu'on n'en parle à table, c'est dire... souffla Clarisse, mouchoir en main.
-Ouais, où sont nos discussions chiffon ? rit Audrey.
Les filles partirent dans un éclat de rire total. Moi et Benjamin, nous nous dévisageâmes, complices.
-C'est le bon temps... marmonnai-je, évasif.

Ou pas.
Je croisai Alexis de nouveau, quelques minutes avant la sonnerie qui allait nous dire de nous ranger pour notre cours suivant. Il me toisa d'un regard haineux et hautain. Cette fois-ci, c'est moi qui choisit de lancer l'altercation.
-Alors, l'imbécile de service, on a bien recollé tous les morceaux d'os de nez ?
-Tu verras, toi, quand je serai rétabli, râla-t-il.
-En attendant, t'as bien l'air bête avec le gros pansement que t'as sur ta tronche de cake ! Heureusement, ça cache un peu ton visage, personne n'ira vomir de dégoût dans les toilettes cette fois-ci en te regardant.
Il grimaça.
-Va crever !
Je vibrais de rage.
-Dégage vite fait, espèce de sale parasite ! Et encore, je suis trop gentil ! grognai-je pour cloître le spectacle.
Je ponctuai ma dernière phrase par un coup de pied placé entre les fesses. Surpris par le coup qu'il n'attendait pas venir, il gémis et partit au fond du rang sans aucune autre forme de procès. J'écumai de colère, mais j'étais fier de moi. J'étais sûr que mes insultes avaient dû le remettre en place pour un bon bout de temps, à mon plus grand plaisir. «Benjamin l'a détruit physiquement, moi mentalement». Bientôt, peut-être arrêtera-t-il de me pourrir la vie, ayant reçu trop de dégâts ?
Cinq jours étaient passés depuis l'aventure étrange des fleurs magiques. Aucun donjon n'avait montré le bout de son nez depuis tout ce temps. Il fallait dire que Vagultabre, moi et Carapuce tournions en rond, perdus, malgré l'aide précieuse de notre
Multidex qui n'affichait que des déserts de nuages. Et pis encore, plus on avançait, plus il faisait froid, comme si nous approchions d'une terre glacée, au plus grand bonheur de mon acolyte Carapuce. Mais grâce au don de Vagultabre pour faire des mélanges de baies, il avait réussi, en une nuit, à me concocter une baie qui empêche le froid de me congeler et me fait garder ma température corporelle très élevée malgré le froid ambiant. Rappelez-vous, les baies que mélange Vagultabre ont un effet totalement aléatoire, et il dut passer une longue nuit blanche à trouver les bons ingrédients pour fabriquer la baie adéquate à mes maux. Il m'avoua d'ailleurs qu'en fait, il y avait une certaine logique pour créer la recette que l'on veut. «Il faut s'y connaître un peu en baie et analyser celle-ci comme il faut, pour en découvrir toutes ses propriétés, m'avait expliqué Vagultabre. Mais je préfère l'effet aléatoire, c'est beaucoup plus amusant !». Il fallait donc être un fin analyseur pour parvenir à mettre au point une baie ayant un effet déterminé. N'empêche, les secrets de Vagultabre étaient vraiment intéressants à écouter. Chaque jour, il faisait des nouvelles baies, et chaque jour, nous étions enchantés à entendre ses nombreux commentaires, qui finissaient souvent en crises de rire incontrôlables.
Ce jour-ci, quand je me réveillai (le premier), je découvris un tas de délicieuses baies placées dans un panier. Presque toutes différentes, il semblait que c'étaient des baies de la production de notre merveilleux ami Vagultabre. Il avait dû veiller une nouvelle nuit entière et seulement s'endormir il y a une heure pour pouvoir faire le repas du lendemain. Je me promis intérieurement de laisser enfin une nuit de tranquillité à Vagultabre pour éviter qu'il ne tombe de fatigue le jour levé. Je me répétai mille fois d'ailleurs que Vagultabre était un excellent et très agréable allié dans l'ascension des nombreux donjons du royaume de Rayquaza.
Carapuce s'éveilla à son tour. Il se frotta les yeux longuement, lui aussi éreinté de nos voyages. Il fallait avouer que moi aussi, j'étais beaucoup endolori en ce moment.
-Bien dormi, Carapuce ?
-Hmm, oui, et toi ?
-Bof... j'ai encore eu ces rêves bizarres d'une vie antérieure.
-Et ça parlait de quoi cette fois-ci ?
-Mon soi-disant pire ennemi se prenait une raclée par moi-même. Et juste avant, je passais dans une cantine avec mes amis... que je n'ai absolument jamais vu !
-C'est vraiment étrange...
Sur ce point, Carapuce avait entièrement raison.
Vagultabre se réveilla. Mais à grand peine, car à peine debout, il chancela pour prendre appui sur mon épaule.
-Eh, Vag, ça va ?
-... Hgnnoui, juste... de la fatigue.
Il s'écroula. Je le rattrapai de justesse, mais pas pour longtemps, car il pesait beaucoup plus lourd que moi et Carapuce réunis.
-Vagultabre, tu es insensé de veiller aussi tard pour tes mélanges ! le sermonna Carapuce.
-Ex... cusez-moi, c'est juste que... j'étais sensé élaborer une baie qui nous protège de tout problème de statut, quel qu'il... soit, mais... il me manque un ingrédient, et cet échec... est vraiment frustrant... alors je suis resté toute la nuit... devant mon récipient à attendre l'inspi... ration !... Hungh...
Des cernes noires lui défiguraient les yeux et sa respiration était saccadée. Il était tout simplement totalement éreinté, à bout de forces, et devait actuellement subir une sérieuse migraine, douloureuse à point. Ce qui n'empêcha pas notre ami de se relever encore une fois et de se mettre en route.
-Stop, Vag, tu vas pas rester dans cet état ! Il te faut du repos, et maintenant !
-Non, c'est pas... indispensable... gémit-il, la tête devant lui tourner.
-Si, monsieur, que ça te plaise ou non !
La priorité était donc de trouver un moyen de porter Vagultabre. Comme nous étions trop petits, moi et Carapuce, il était impossible que nous deux, nous le portions jusqu'au prochain donjon.
-Mais comment allons-nous faire ?
-Je sais ! Dans mon Sac, j'ai une baie très utile... fit Vagultabre, d'une voix faible.
J'allai chercher son Sac.
-Dans la poche du milieu, tu devrais trouver une baie rectangulaire, ressemblant à un Vieux Gâteau, mais d'une couleur jaune vive...
Malgré la description physique de la baie que m'avait énoncé Vagultabre, je ne trouvai pas celle-ci. Carapuce se proposa pour fouiller le Sac, mais rien n'y fit, la baie n'y était pas.
-Désolé, Vagultabre, pas moyen de trouver cette satané baie, dis-je en haussant les épaules, impuissant.
-C'est pas grave, même si ça nous aurait enlevé... une lourde épine du pied, car effectivement, cette baie est un mélange de moi et a le même effet qu'un Ballon. Il allège au maximum n'importe qui la mange. Mais il semblerait qu'elle soit perdue...
-On est coincés ici alors ? paniqua Carapuce.
-Hélas...
Nous n'avions plus qu'à attendre que Vagultabre retrouve quelques forces en dormant, pour enfin repartir vers le prochain donjon. Malheureusement, une baie Oran n'aurait pas suffi à redonner assez d'énergie à notre ami car il avait seulement besoin d'une bonne nuit de sommeil. Nous ne pouvions pas nous permettre de stagner au même endroit pendant une dizaine d'heures. Le temps nous était compté pour revenir sur la terre ferme et rentrer définitivement au bercail, même si, soit dit en passant, nous ne savions toujours pas comment faire. Mais j'avais ma petite idée sur la question, et je pensai donc qu'il fallait aller directement voir Rayquaza et le battre pour qu'il nous accorde peut-être la permission de sortir de ce gros pétrin.
C'est alors qu'une baie rectangulaire d'un jaune vif apparut comme par magie devant mes pieds. Je pus savoir que mes amis avaient vus la baie aussi quand ils poussèrent tout deux un cri de surprise. Je ramassai cette baie, perplexe. Rien ne pouvait plus m'étonner depuis l'épisode des fleurs magiques qui jouent de la musique lyrique comme si de rien n'était. Et Carapuce, comme à son habitude, sortit un commentaire d'une voix vibrante d'étonnement.
-Vous avez vus comme moi que la baie que nous recherchions il y a quelques minutes vient d'apparaître comme ça, devant les pieds de Max ?!
-C'est étrange, je ne me souviens pas l'avoir posée par terre... ajouta Vagultabre, se creusant la tête malgré son épuisement.
-Qu'importe, maintenant, nous l'avons, tranchai-je. Je vais te la donner, Vagultabre.
-Vous n'en avez nul besoin ! clama une voix totalement inconnue.
Un drôle de Pokémon apparut derrière nous. Ça avait vaguement la forme d'une sirène, sa peau était d'un bleu magnifique, elle portait un espèce de coquillage sur sa tête, ses bras étaient minuscules et elle se dandinait de droite à gauche dans un rythme très régulier qui me donna vite fait le mal de crâne. Je ne l'avais encore jamais vue auparavant, mais Vagultabre, lui, semblait avoir vu cette espèce quelque part.
-Tu la connais, Vag ?
-Pas personnellement, mais je sais pertinemment que c'est un Sirémonia. Elle vit principalement dans ma région natale.
Je demandai immédiatement au Sirémonia si Vagultabre disait vrai, même si j'avais une totale confiance en lui.
-Et moi aussi je connais votre ami ! fit Sirémonia. Mais seulement son espèce. Si je ne me trompe pas, tu es un Vagultabre, c'est ça ?
-Effectivement.
-Que nous veux-tu ? demandai-je, intrigué par la venue impromptue de ce Pokémon.
-Suivez-moi.
Je crus que Carapuce allait émettre une objection du genre : «Eh, mais pourquoi on devrait te suivre ? On a déjà un chemin bien tracé, et que l'on ne peut même pas suivre à cause de la fatigue de Vagultabre !», mais celui-ci resta étonnement silencieux. Apparemment, il voulait satisfaire sa curiosité.
Sirémonia nous fit marcher pendant de longues minutes sur une pente qui montait haut. Vagultabre était porté par l'étrange pouvoir psychique de la drôle de sirène dont le poids semblait ne pas avoir d'atteinte à la fatigue de cette inconnue. Le sol, constitué, je le rappelle, de nuages, filaient beaucoup plus vite que d'habitude, et étaient d'un gris foncé qui n'annonçait rien de bon, en tout cas pour le monde d'en dessous. «En bas, ils doivent se préparer à un violent orage...» songeai-je. Niveau intempéries, le monde de Rayquaza était idéal, car étant au dessus des nuages, ni la pluie, ni les orages, ni la grêle ne pouvaient tomber sur nos têtes.
-Nous voici bientôt arrivés, annonça d'une voix aiguë notre mystérieux guide. J'ai vraiment hâte de voir vos visages quand vous admirerez le paysage. Vous allez en perdre vos voix !
-Et pourquoi nous amener ici ? se réveilla enfin Carapuce.
-Vous avez tout trois la chance inespérée d'entrer dans un «hôtel» pas comme les autres parce que, premièrement, il se situe quand même à une dizaine de milliers de kilomètres de l'univers, et deuxièmement, parce qu'il va vous apporter un bien-être sans égal.
-T'es sûr qu'elle est pas en train de nous rouler en beauté ? chuchota dans mon oreille Carapuce.
-Disons qu'il faut rester prudent durant tout le trajet qu'il nous reste, murmurai-je aussi de façon à ce que Sirémonia ne puisse rien entendre de nos suspicions.
Nous arrivâmes enfin au bout de ce voyage étrange. Sirémonia nous conseilla de regarder par dessus la bute qui gâchait la vue du soi-disant magnifique panorama. Vagultabre, toujours enveloppé dans la bulle psychique de la sirène, fut le premier à voir le paysage qui s'étendait derrière la petite montagne au devant. Il hurla de stupeur quand ses yeux analysèrent la vue. Moi, de plus en plus curieux, décidai de passer en deuxième. Quand je vis aussi le paysage, mes mots explosèrent en éclat dans ma bouche, pour finir en mille morceaux, que je ravalai sur le champ.
Si le panorama devait être peint par un artiste de talent, il s'arracherait à mes milliards de Pokés. Juste pour vous dire la splendeur et l'extraordinaire beauté qu'offraient ce paysage qui paraissait sortir tout droit d'un conte fantastique pour enfant. Des rivières emportaient violemment l'eau salée qui coulait vers un lac brillant de mille feux. Des arbres avec des gigantesques pommes se balançaient au gré du vent qui fouettait aussi les nombreuses plantes et fleurs magnifiques. Ce vent, très doux et chaud, pouvait, j'en étais persuadé, réchauffer le plus froid des cœurs. L'air que l'on pouvait respirer était si pur qu'il effaça toutes mes douleurs à la poitrine dues aux coups que j'avais reçus et qui comprimaient mes poumons. Poumons qui maintenant se gonflaient beaucoup plus facilement que sur la terre ferme. Le soleil immense se reflétait dans toute cette eau d'un bleu éclatant. Des Pokémon gambadaient joyeusement dans cette vallée paradisiaque. Il semblaient tous s'amuser comme si tous les tracas de la vie n'avaient jamais existé. C'est ce que l'on pouvait appeler la joie de vivre. Il y avait même certains Pokémon sauvages qui avaient une couleur radicalement différente par rapport à celle de son espèce. Vagultabre m'informa après que ces Pokémon étaient chromatiques, terme que je n'avais pas encore entendu depuis ma transformation en Pokémon. On pouvait en voir certains se battre entre eux pour jouer, et les poissons remontaient gaiement le fleuve, dont les remontées de nuages formaient une frontière en plein milieu du lac au centre. Je n'avais jamais vu un lac aussi étrange depuis le
Lac Perdu. Coupé en deux, il était irrigué en eau par des tout petits courants qui formaient comme des veines. D'ailleurs, un Phogleur était tranquillement allongé sur un bras du fleuve et bouchait celui-ci. Mais fort heureusement, avec le systèmes des petites artères, le lac ne pouvait pas connaître une pénurie d'eau. Aussi, des magnifiques bulles roses flottaient dans les airs, sortant de nulle part, et coloraient cet endroit d'un rose éclatant. Carapuce, qui n'était pas encore venu voir ce paysage digne du paradis passa enfin la tête sur mes épaules et poussa le même cri étouffé et strident que moi en découvrant cette vallée utopique. Une expression de pur émerveillement passa rapidement sur son visage, laissant la perplexité de côté. Je ris deux fois : quand je vis sa tête ahurie, et quand une bulle éclata pile sur son nez. Pendant ce temps, Sirémonia savourait et se régalait en fixant nos bouilles complètement ahuries. Il semblait vraiment que le temps n'avait aucune emprise dans cette vallée, et que rien n'était éphémère, tout restait comme il était au départ, et c'est ce qui faisait l'authenticité de ce lieu. Si on m'aurait dit que j'allais avoir l'occasion de voir un panorama aussi unique dans ma vie, je ne l'aurais absolument pas cru. Pour résumer cet énorme paragraphe : si le paradis ressemblait à ça, eh bien vivement ma mort !
-Wouah ! s'exclama Carapuce, les yeux exorbités. C'est... incroyable !! Comment ça se fait que cela puisse exister en ce monde ?
-Vous pouvez dire merci à Rayquaza d'avoir façonné cet endroit... répondit Sirémonia.
-J'espère que le spectacle est gratuit ! fit Vagultabre, souriant.
-Bien sûr que oui !
-J'ai jamais vu une eau pareille, dis-je.
-Dingue !
J'avais tout à coup envie de me mettre sur une chaise pliante et bronzer au soleil juste à côté de ce lac, pour entendre le ruissellement de l'eau et m'endormir paisiblement. Bref, j'avais franchement besoin de vacances. Sirémonia décida de nous faire descendre pour aller nous présenter aux Pokémon qui vivaient en bas, mais avant, elle déclara :
-Et cet endroit paradisiaque s'appelle la
Vallée Rose !
Mon cerveau tilta. «Quoi ?! Un Donjon Mystère ?! … Hmm, bon, c'est pas grave, il y a sûrement une explication à ça...». Mais j'étais vraisemblablement en mode veille. Tout ce qui importait maintenant était de se détendre dans la vallée.
Sirémonia nous fit descendre un sentier qui menait tout droit vers une artère du lac. Ici-même se reposait un Parecool, allongé sur un tas de paille.
-Je vais tout de suite vous présenter un ami un peu paresseux qui ne vous inquiétez pas aura la force nécessaire pour se lever et vous apporter des rafraîchissements.
-Super ! s'enthousiasma Carapuce. Vous avez quoi en stock ?
-Moult bonnes boissons qui vous donneront de l'énergie !
Le Parecool sourit en nous voyant.
-Hey, des nouveaux clients !...
«Quoi ?! Clients ?!» s'étonna mon cerveau.
-Salut le trio, j'vous sers quoi ? On a du bon jus de baie en réserve, ou un bon cocktail de pommes et d'autres fruits succulents. J'vous parie qu'vous allez pleurer d'joie !
Je pus constater difficilement deux choses : que les Pokémon de ce monde appelaient «cocktail» le mélange de fruits et d'eau sans alcool, et que mon cerveau pesait tout à coup dix mille kilos de plus. Carapuce et Vagultabre aussi paraissaient embrouillés bizarrement. Je ne voyais qu'une seule image. Moi en train de bronzer (façon de parler) ou de me la couler douce.
-Bon allez, j'y vais, même si c'est vachement dur de se lever de son tas d'paille, termina Parecool en partant nous chercher de quoi boire dans une espèce de tente ressemblant à celle de la guilde.
-Je suis sûr que vous allez vous y plaire aussi, ajouta juste à la suite Sirémonia.
-J'suis sûr que ça va être génial ! s'exclama Carapuce.
-Je n'ai jamais eu le temps de paresser de cette manière, mais je crois que je vais m'y faire ; ça a l'air tellement bon, dit Vagultabre.
«Hein ?! Vagultabre ne dirait jamais ça ! D'habitude, il rechigne à se reposer, il n'est pas du genre... houlà, qu'est-ce que je raconte, vite, de la paille et des boissons !», songeai-je.
Parecool revint avec un plateau. Sur ce dernier étaient déposés trois moitiés de noix de coco servant de verres pour contenir les cocktails. Nous en prîmes tous un et bûmes tout le breuvage d'un trait. Le goût fruité du cocktail était un délice pour les papilles, et si mon estomac pouvait parler, il me remercierait.
-Wah, c'est délicieux ! ne put s'abstenir de lancer Carapuce.
-C'est vrai ! fit Vagultabre.
-Je ne peux que dire la même chose, déclarai-je à mon tour.
-Satisfaits ? demanda Sirémonia.
-Plus que ça, répondit Carapuce. J'en veux encore, s'il vous plaît !
-Tout d'suite ! dit Parecool.
Il se dirigea encore vers cette tente qui me rappelèrent de beaux souvenirs (enfin, vu comment mon cerveau était ramolli...). Sirémonia nous conduisit cette fois-ci vers le lac rutilant et prépara des matelas comme on n'en voyait rarement dans le monde des Pokémon. Dans le même temps, Parecool avait déjà rapporté d'autres cocktails encore plus alléchants que ceux d'avant. Il avait aussi rapporté des Grosses Pommes et des Poires de Sève*. Ces derniers ne me tentaient pas trop tandis que Vagultabre s'extasiait devant l'aliment.
-Oh mon dieu Arceus, je rêve depuis tout petit de goûter à ces fameuses Poires de Sève, mais c'est malheureusement trop cher ! Dites-moi au moins que c'est vraiment gratuit !...
-Oui oui, tout est à nos frais, acquiesça Sirémonia en s'esquissant.
-Si tu veux, tu peux prendre ma part, ça me donne pas trop envie de manger, ces drôles de Poires... proposai-je à Vagultabre.
-Avec plaisir, mon ami !
Carapuce, par contre, mangea goulûment les Poires de Sève sans montrer signe de dégoût. Se suivirent ensuite des plats exquis et des boissons succulentes qui n'en finirent pas de me bluffer. Le festin se termina par une gigantesque fontaine de chocolat. Tout de suite après, nous décidâmes de faire une petite sieste digestive.
24 juillet 2049À notre réveil, Sirémonia avait déjà préparé de quoi se mettre quelque chose sous la dent. Ce qui m'inquiéta un peu, c'était que j'arrivais de moins en moins à réfléchir et à penser sagement. Tout était complètement confus dans ma tête parfois. Mais je ne me plaignais pas : nous avions nettement tout ce qu'il faut pour ne pas penser aux soucis.
-Délicieux ce jus... je me demande qui ici fait la cuisine, s'interrogea Vagultabre.
-C'est notre merveilleux chef cuisinier qui se trouve dans la tente là-bas, répondit Sirémonia en pointant du doigt la tente énigmatique que j'avais repéré hier.
-Vous le remercierez de notre part, fit Carapuce en se léchant le dos de la main puisqu'il avait renversé un peu de jus de fruits sur lui.
La suite des événements fut très brouillée.
Jour inconnuJe commençais à ne plus me souvenir de rien.
-Tiens, voici... une Poire de Sève pour toi, bredouillai-je à l'intention de Vagultabre.
-Merci, Ouisti... enfin je veux dire, Max, dit Vagultabre, qui avait pris un peu de ventre.
C'était les seules conversations que l'on avait ensemble, moi, Vagultabre et Carapuce. Seulement sur la bouffe et notre bien-être.
Jour inconnu-Comment ? Une grosse pomme ? demanda Sirémonia.
-Ouaip.
«Euh... moi aussi j'en veux une...», pensai-je avec un énorme effort.
Jour inconnu-Bon les gars... j'vais me dégourdir un peu les jambes... dis-je faiblement.
-Ouais, comme tu veux, fit Carapuce, totalement avachi sur le ventre.
Je me dirigeai en titubant vers le bord du lac, à l'autre bout où moi et les autres passions toutes nos journées. Je ne savais même plus quel jour on était, et pourquoi j'avais cette boule dans le creux de mon ventre en songeant avec une extrême difficulté ce qu'il se passerait si nous n'étions jamais tombé sur ce lieu.
Sur le chemin, je vis un... espèce de Pokémon, je ne savais même plus son nom, allongé lui aussi sur les matelas hyper confortables.
-Eh, salut, toi ! Fis-je.
-Hmm... s-salut.
-Toi aussi tu profites du beau temps permanent ici ?
-Ouais, c'est tellement bien de rester coucher ici à ne rien faire...
-T'es un quoi ?
-Hein ?
-T'es quoi comme Pokémon ?
-Je suis un... attends que je me souvienne... ah oui ! Je suis un Charmina.
-Moi je suis... un Ousticram, enfin je crois !...
-T'as de la chance, tu peux cracher du feu...
-Ouais... on parlait de quoi au tout début ?
-J'sais plus...
-Hmm...
-Ah si, on parlait de la chance que l'on avait de vivre là, de profiter des beaux paysages que... peux nous offrir cette v-vallée.
-Ouais, c'est vrai.
-Je ne sais même plus ce qu'il se passe dans le monde... est-ce que le temps est toujours détraqué ?
-Qu'est ce que j'en sais... moi, tout ce que je sais, c'est que... Pardon ?!
Un rouage de mon cerveau sembla tourner plus vite que d'habitude, m'obligeant à buter sur ce que Charmina venait de dire à l'instant.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Tu as bien parlé du détraquement du temps ?
-Ouais, je sais plus... si, je crois.
-Tu parles bien des rouages du temps volés ?
-Ouais, je crois bien...
-Mon Dieu...
Je venais tout d'un coup de me rendre compte qu'il parlait d'un événement qui s'était passé il y a plus...
-... de 35 ans !!
-Quoi ?
Je me mis à piquer un sprint vers mes amis, difficilement vu tous les kilos que j'avais accumulés depuis que nous étions tous ici. «Oh doux Arceus... il parle d'un fait qui s'est passé, comme m'avait expliqué Pijako, il y a 35 ans... et il en parle comme si la suspension du temps existait déjà... donc ça veut dire... oh là là !». En tout cas, malgré ce brusque retour à la réalité, mon cerveau remarchait normalement, et je le devais à ce Charmina qui avait éclairé ma lanterne sans le faire exprès.
Ce fut à bout de souffle que je retrouvai Carapuce et Vagultabre, gros comme des ballons, bafouillant pour redemander un cocktail à Sirémonia. Je me cachai derrière un arbre et attendit que la sirène Pokémon s'en aille. Quand cela fut fait, je m'approchai du duo et les secouait.
-Eh vous deux, debout là-dedans !
-Quoi, Max... tu veux ma part de gâteau aux pommes ?
-Mais non, idiot, je veux juste que tu te réveilles ! Eh, Vagultabre, où est ta lucidité ?
-De quoi tu parles ?
-Rôôôôoh, allez, secouez-vous un peu ! Vous ne vous rendez pas compte !
Ils me regardaient tout deux avec des yeux vides. J'eus une idée pour les stimuler. Mais avant, je devais vérifier quelque chose sur le
Multidex.
-Carapuce ! Carapuce ! CARAPUCE !!
-Hein, quoi ?!
-Tu peux me donner le
Multidex, s'il te plaît ?
-Qu'est-ce que c'est ?
-Oh non, ne me dis pas que tu ne te souviens pas de cet appareil ?
-Nan...
-Tu m'énerves !...
Je m'en emparai malgré tout. Je jetai un coup d'œil sur la date.
On était le 2 août 2049, à 4h46 du matin.
-Oh mon Dieu, mais c'est quoi ce bordel !!
-Quoi ?
-Mais ça fait dix jours qu'on est ici à glandouiller !
-Quoi ?
-Tu te rends compte, Carapuce ? On a pas de temps à perdre, il faut sortir de là !
-Pourquoi donc ? Demanda Vagultabre. On est bien ici.
-Mais on a été charmés par je-ne-sais-quoi ! On est en train de perdre TOUT notre TEMPS ici à se la couler douce !
Rien à faire, ils ne réagissaient toujours pas. La torpeur était trop forte.
-Allez, bon sang, dites vous bien qu'il faut retourner d'où nous venons !
-Mais je sais pas où c'est, moi, dit Carapuce d'une voix faible.
Cette remarque me renversa l'estomac.
-Quoi ?! Mais c'est quoi cette ineptie ?! Carapuce, IL FAUT QUE NOUS REUSSISSONS A SORTIR DU ROYAUME DE RAYQUAZA POUR RETOURNER A LA GUILDE, LA OU TU AS TOUJOURS VU ETRE !!!
Mes cris firent sursauter Carapuce. Il venait enfin de se rendre compte de tout ce qu'il se tramait ici.
-Mais tu as raison, bon dieu, qu'est-ce qu'on fiche ici ? Il faut partir immédiatement, nous avons perdu trop de temps à prendre soin de nous ! Nous ne sommes pas des bourgeois, mais des aventuriers !
Mon cœur fut empli soudain de joie en voyant Carapuce sortir ses phrases habituelles. Cela montrait qu'il avait enfin remonté à la surface. Maintenant, il ne restait plus que Vagultabre, qui se servait d'ailleurs d'une énième Poire de Sève.
-Vagultabre, ça te dirait de nous faire un mélange ? sortis-je, en guise de remède contre l'attraction que nous exerçait cette foutue vallée.
-Mais qu'est-ce que.
Il sembla immerger lui aussi. Il se leva en trombe.
-Mais oui ! Des mélanges ! Cela fait fort longtemps que je n'en ai pas fait.
-Ah, ça fait plaisir de te revoir, Vagultabre, dis-je, content.
-Excusez-moi de n'avoir pas réagi plus tôt, c'était une erreur fatale de ma part.
-Mais non, il n'y a pas de quoi, nous étions tous en tort, le rassurai-je.
-On s'est fait rouler en beauté, constata Carapuce en serrant les poings.
Nous nous retournâmes quand Sirémonia s'étonna de nous voir tous levés.
-Vous allez vous promener ? Vous avez tout à fait raison, cet endroit est si beau, je suis sûr qu'il y a des lieux que vous n'avez pas encore visité.
-Et cela ne risque pas d'arriver, rétorquai-je.
Elle fut troublée par ma réponse.
-Comment ?
-On a tout compris, Sirémonia. Je suis persuadé que c'est Rayquaza qui vous a donné d'ordre de venir nous charmer pour que nous perdions du temps sur notre objectif, voire même que nous oublions celui-ci.
-... Mais que...?
-Vous pourrez remercier ce Charmina, là-bas, lançai-je en montrant ledit Pokémon.
Déboussolée, Sirémonia laissa tomber son plateau de cocktails. Les liquides se répandirent sur le sol... et le traversèrent.
-Tout n'est qu'illusion, ici. Il n'y a ni véritable arbre, ni eau, ni lac, ni plantes, ni fleurs, ni baie, ni matelas, ni paille, ni bulles roses... bref, tout est crée par un Pokémon. Je parierai sur le chef cuisinier.
En effet, le pseudo chef sortit de sa tente. Je ne fus pas étonné de voir que c'était un Pokémon Psy.
Un Xatu.
-Et voilà, j'ai raison sur toute la ligne !
-Prouve-le ! cria Sirémonia, tout d'un coup en colère. Prouve-le !
-D'accord, aucun problème.
Je me dirigeai vers le lac... et sautai tout simplement dedans.
Je ne rencontrai d'un sol nuageux lorsque mon derrière toucha l'eau qui n'existait pas.
-Argh, il nous a découvert ! paniqua Sirémonia.
Elle balança soudain un rayon transparent sur nous trois. Je me sentis vidé de mes forces.
-Oh non...
J'étais brusquement très fatigué.
Nous nous endormîmes tout trois.
Lexique :Poire de Sève : Aliment très apprécié des Pokémon Plante. C'est un biscuit de forme de poire qui renferme de la sève liquide.
Note : Ce chapitre est un clin d'œil à un épisode que j'ai adoré dans le roman
Percy Jackson, le Tome 1, précisément. C'est le moment avec le casino, où Percy et cie. jouent sans s'en rendre compte pendant plusieurs jours. J'espère que vous avez tous lu ce livre !