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Onix est parti vers l'horizon... de illapa



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» Auteur : illapa - Voir le profil
» Créé le 13/08/2013 à 02:18
» Dernière mise à jour le 13/08/2013 à 02:39

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Chapitre 2 : La forêt moisie, Sombracine.
Deux heures.
Cela faisait deux heures que ce vieux aboyait sur ma dresseuse.
Deux heures de perdues dans cette salle immense froide et lugubre, où les aboiements du type en noir résonnaient et me vrillaient les tympans.
Deux heures à lui hurler qu'elle n'était qu'une incapable, la honte de la guilde, qu'elle était pitoyable, qu'il n'avait jamais vu ça de sa carrière, et que j'en rajoute une couche supplémentaire dans l'humiliation, et que je critique la façon de dresser les pokémons...
Tout y passa. Il arriva même à critiquer sa tenue, pas assez noire à son goût. Et ma dresseuse ne put que lui répondre d'un air apitoyé et pitoyable. Un jour on lui ferait voir à cette espèce de brute mal dégrossie... Nous lui montrerions de quoi nous serions capables !
Et quand enfin il nous laissa partir ce fut une libération.
Mais qu'est-ce que j'avais mal au crâne...


Abattue, ma dresseuse alla s'asseoir sur un banc dans les jardins bien entretenus du bâtiment de la guilde. N'ayant rien de mieux à faire, je m'allongeai près d'elle. Ces jardins étaient mornes à souhait. Pas une seule fleur n'y poussait, seulement des plantes et des herbes dont certaines personnes de la meute se servent pour je-ne-sais-quoi. D'habitude, j'aimais aller creuser au milieu des racines, cela donnait toujours un effet intéressant, comme quelqu'un qui arrivait en s'égosillant et s'époumonant selon la personne, mais cette fois-ci, ma dresseuse m'inquiétais. Ça ne lui ressemblait pas d'être aussi déprimée. Cela dit, elle n'avait pas pour autant cessé de parler toute seule et de marmonner, tout espoir n'était donc pas perdu.
Tout à coup, elle se leva et s'écria :
-Mais je vais lui faire voir ! Allons-y Onix !

Je n'avais pas très bien compris où elle voulait en venir, ni même où elle voulait aller, mais elle semblait savoir où elle allait. Je la suivis donc jusqu'au hall d'entrée du bâtiment aussi joyeux qu'une crypte en hiver, où se dressait un grand panneau de liège et de bois, sur lequel était épinglé de nombreux bouts de papiers.
Aucun intérêt. A part peut-être pour marquer son territoire...
C'est vrai que cela ne me ferait pas de mal de signaler à tous les clebs du voisinage que cet endroit était propriété privée. Et personne ne semblait avoir réclamé l'endroit, à part un medhyena passé ici il y a longtemps. Son odeur était à peine perceptible...
Je sentais aussi un chacripan qui avait marqué son territoire ici... Aucun intérêt. Nous ne vivions pas dans le même monde, ces félins et moi. Alors... Autant m'approprier les lieux avant qu'un autre le fasse. Et entre la charrette et le vieil aboyeur, cela me ferait le plus grand bien...
Mais je ferais bien de m'occuper aussi de délimiter plus largement...

Encore un effet intéressant. Quand on creusait dans les jardins, un homme déboulait en hurlant. Et quand on marquait son territoire... aussi. Ma dresseuse, plongée dans sa contemplation des petits bouts de papier ne l'avait même pas vu venir, malgré la vapeur qui menaçait à tout moment de lui sortir par les oreilles. Quel crétin. Comment voulait-il qu'elle empêche son pokémon de « lever la patte sur toutes les statues de la cour » ? Est-ce qu'il se retenait lui, quand il avait besoin après quelques heures sur une carriole puis dans un couloir glacé sans nulle part où faire autre que des chaussures malvenues ?
Ils me foudroyèrent tous deux du regard comme si j'avais chanté la Gardevoir du Curé lors d'un enterrement. Ils ne pouvaient quand même pas me reprocher de me conduire comme un pokémon, pas vrai ? Bah, avec mes yeux de petit canin malheureux sous la pluie et quelques couinement je devais bien arriver à désamorcer cette crise...
Finalement, ma dresseuse parvint à calmer le gugus fulminant, décrocha un papier et m'appela. Apparemment, nous y allions...


Ma dresseuse se dirigea vers le centre ville où un type blond aux yeux très bleus était juché sur le rebord de la fontaine centrale de la Grand-Place de la ville, se pavanait en armure rutilante, et souriait à un public essentiellement féminin, en exhibant son pokémon merveilleusement formidable et formidablement merveilleux comme s'il s'agissait d'un arc-en-ciel liquide. Pouah ! Un aristocrate, les fouilles remplies de blé et d'écus récoltés sur le dos et la sueur de braves paysans, qui avait décidé de faire la fierté familiale en devenant un Indépendant, un de ces dresseurs membre d'aucune guilde et qui élevaient souvent plusieurs types de pokémon au lieu de se spécialiser, et offraient leurs services à ceux qui ne voulaient pas faire appel aux guildes, n'en avaient pas les moyens ou... étaient embauchés à titre exceptionnel par une guilde ou une autre pour régler leurs petites affaires. Et son pokémon ne valait pas mieux...
Un Kirlia. Une mauviette de pokémon psy. Celui-ci souriait autant que son dresseur, faisait des petits coucous au public présent, et rehaussait de par sa couleur blanche pure l'apparence rutilante du chevalier en toc. Il avait même une jolie petite tiare en métal argenté, orné d'une pierre verte sur la tête et une petite cape semblable à celle de son maître. Écœurant. Une danseuse et un chevalier. On se serait cru au théâtre. Et vu comme ils s'exhibaient, on en était pas loin.
Mais ma dresseuse n'accorda pas la moindre once d'intérêt à ce fanfaron qui souriait comme un idiot à tout ce qui portait une jupe ou était susceptible d'en porter. Dès qu'elle le vit, elle émit un petit soupir méprisant et continua sa route comme si elle ne venait de voir qu'un simple poivrot hurlant au milieu de la chaussée.
Elle continua sa route et nous sortîmes de la ville.
Indéniablement, nous y allions.
Où, ça restait un mystère.


Je fus cependant assez rapidement fixé.
La Forêt de Sombracine...
Dotée de ce charmant patronyme par les superstitions des villageois qui avaient peur de s'en approcher. C'était une forêt môôôdite, disaient-ils. Elle avait emportée le jeune fils de la boulangère Ysolda la Petrisseuse alors que la pauvre femme galérait à faire tourner sa boulangerie avec son rejeton depuis la mort de son homme quelques années auparavant. Et autres histoires du même tonneau.
Et les plus mauvais jours, déclaraient-ils en baissant la voix, quand le vent soufflait du Nord-Ouest et amènait les mauvaises influences de la forêt sur la ville, elle charriait avec elle les mauvaises odeurs, mais pire ! Le lait tournait, les bébés pleuraient, les canins hurlaient.
Évidemment, personne n'avait encore compris que le fils de la Pétrisseuse étaient parti en douce pour les beaux yeux d'une gourgandine, que les odeurs venaient sans doute de la ferme à Gruikui sur le chemin et que le lait ou les bébés pleureurs venaient probablement du fait qu'on les mettait dans des endroits qui ne leur étaient pas destinés lorsque ce vent redouté soufflait, et à cause de leur imagination détraquée. En tout cas, si on m'avait enfermé dans un grange des heures durant simplement parce que le vent soufflait je serais devenus fou et me serais mis à hurler. Et à tourner, aussi...

Ma dresseuse ne semblait pas partager mon avis cependant, mais plutôt celui de ces villageois...
Il fallait bien avouer que cette forêt n'avait rien d'engageant. Les hautes ramures des arbres étaient denses et permettaient à peine à la lumière de filtrer. L'orée de la forêt, là où il y avait le plus de lumière, était envahie par les fougères et des buissons et orties, rendant difficile la progression dans cette première partie de la forêt. Et ce n'est pas comme si le passage répété des hommes ou des pokémon passant par là avait pu y tracer un chemin...
Un peu plus loin, la lumière ne filtrait presque plus. Les fougères n'avaient donc pas poussé, mais on y trouvait un autre type de plante qui émergeaient des feuilles mortes des chênes et hêtres, et des épines des quelques sapins : des champignons. Ils poussaient librement et sauvagement ici. Ils n'avaient pas à craindre d'être piétiné et n'avaient d'autre prédateur que certaines espèces de pokémons sauvages. Ceux qui supportaient de manger des champignons vénéneux... Les bons avaient probablement été mangés depuis belle lurette jusqu'à l'extinction locale. Et qu'est-ce qu'ils puaient ! C'en était écœurant...
Les champignons qui se répandaient comme une immonde moisissure géante et les pokémons sauvages étaient deux autres raisons pour lesquelles les gens du crû ne s'aventuraient pas dans la forêt et contribuait à sa mauvaise réputation.

Ma dresseuse n'était pas du tout rassurée. Elle transpirait et sa respiration n'était pas calme. Elle avait peur de la forêt. Je le sentais, même avec cette affreuse odeur de my...chose suintant dans l'air.
Elle me déclara d'un ton mal assuré, probablement plus pour elle-même que pour moi :
-Allez Onix ! Courage. Ce n'est qu'un tas d'arbres un peu sombre. Pas de quoi s'inquiéter... On peut le faire. Il faut juste aller au centre de la forêt au bord d'un étang pour ramasser une espèce de fleur-champignon... Juste une stupide plante ou deux... Et puis tu es de type feu. Pas de quoi avoir peur des plantes, hein ?
Pas du tout convaincu à cause du risque de provoquer un incendie et réduire en cendre les habitats d'honnêtes pokémons sauvages qui risqueraient alors de se retourner contre la ville la plus proche, je lui répondis néanmoins avec entrain :
-Ouais pas de soucis ! T'es sûre que c'est la bonne saison de ces trucs hein ?
Elle me fit un grand sourire avant de déclarer :
-Merci pour ton soutien, Onix !

Voyant qu'elle hésitait à se frayer un chemin au milieu de cette jungle locale, prenant de grandes goulées d'air pour se donner du courage, je décidai de prendre les devants. Littéralement.
Mais ma dresseuse me retint :
-Attends, Onix ! Il vaut mieux que je passe devant ! Après tout, les autres dresseurs sont toujours devant leurs pokémons alors de quoi j'aurais l'air si les autres se mettaient à penser que c'est toi qui dirige ?
Que répondre à ça ? Voyant qu'elle avait trouvé la motivation nécessaire, je lui emboîtais le pas.
Mais elle avait à peine passé la ceinture de fougère qui bordait la forêt pour arriver à la partie dégagée et champignonneuse qu'elle poussa un cri à assommer un nosferapti.
Prêt à affronter tout énergumène qui la prendrait pour un casse-croûte et à m'engager dans une bataille épique contre de redoutables adversaires, je bondis en avant pour me retrouver face à... rien. Évidemment. Je n'avais rien sentis. Rien que l'odeur lourde des myco-trucs. Je toisais les recoins sombres à la recherche d'un ennemi dont l'odeur se dissimulerait derrière celle des champignons, mais je ne distinguais rien. Il n'y avait rien de plus dramatique et dangereux que le vent dans les arbres...

Je regardai ma dresseuse d'un air hébété, mais celle-ci avait une drôle d'expression.
-Onix... J'ai... marché sur un truc.... Tout mou et tout gros... C'est horrible.
Je regardais son pied. Elle avait en effet aplati une énorme vesse de loup dont les spores retombaient lentement sur sa chaussure. Je soupirai. Cette excursion promettait d'être fatigante.
Attendant que ma dresseuse retrouve ses esprits et le courage de baisser les yeux, -et de les ouvrir déjà- pour se convaincre qu'elle n'avait pas écrasé je ne sais quoi, genre un horrible trompignon dont le chapeau prenait l'apparence d'un innocent noigrume tombé au sol, ou un mignon mystherbe, je décidai de m'asseoir.
Au bout de quelques secondes, ma dresseuse soupira de soulagement.
-Oh ! Ce n'était qu'un champignon normal... Allons-y Onix !

Elle reprit donc la direction des opérations, prenant bien garde à éviter d'écraser les champignons si elle le pouvait, ou en regardant bien ce qu'elle écrasait pour s'assurer que ça n'avait rien de dangereux et qu'elle ne risquait pas de perdre son pied. Petit à petit, nous nous enfonçâmes dans la forêt, jusqu'à ce que...
Un froufroutement dans des feuilles mortes fit bondir autant qu'hurler ma maîtresse.
-Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ?
Je ne voyais rien, pas plus que je ne sentais d'anomalie. Rien que du champignon en masse. Soudain, une nuée de spore s'éleva devant ma dresseuse. Elle eu le bon sens de reculer pour échapper au nuage nocif, manquant de peu de m'écraser ou de trébucher sur moi.
Et soudain, juste devant l'endroit où se trouvait son pied quelques secondes plus tôt, deux champignons, rouges à pois jaunes, bougèrent, le tapis de feuilles mortes et de brindilles se souleva puis un insecte orange en émergea. Un paras.
Et ma dresseuse avait failli marcher dessus... Et je ne l'avais même pas reniflé. Fichue forêt.

L'insecte nous contempla de ses yeux globuleux tout en agitant nerveusement les mandibules blanches de sa bouche. Il semblait prendre une décision. Non, il semblait voir comment nous allions réagir, afin de déterminer si nous étions amis ou ennemis. Nous étions de toute façon beaucoup trop gros et pas assez végétal pour être une proie.
Néanmoins nous avions manqué de l'écraser, nous étions donc une menace potentielle qu'il ne pouvait pas ignorer. Inquiète, probablement parce qu'elle avait manqué de finir empoisonnée, ma dresseuse m'ordonna :
-Onix ! Fais le partir s'il te plaît !
Et encore une fois, c'était à moi de régler les ennuis dans lesquels elle nous avait fourré. Quelle vie de cabot ! Enfin oui, exactement. Ma vie, du cabot que j'étais. Je décidai donc d'opter pour une solution pacifique.
Les arbres étaient denses, empêchant le soleil comme le vent d'entrer dans la forêt, il y régnait donc une humidité constante. Je ne risquais donc pas de provoquer un brasier en attaquant ce pokémon avec sa pire faiblesse, cependant je ne tenais pas, moi, à finir empoisonné. Ni à avoir à m'expliquer avec sa ribambelle de copains s'il en avait une.
-Hé, désolé mon gars. On ne t'avait pas vu. On voulait juste aller ramasser une plante un peu plus loin. On voulait pas te faire de mal, juste traverser ce charmant petit coin tranquillement, trouver notre truc tranquillement et repartir tranquillement sans provoquer de problème ni déranger personne, ok ?
L'autre me jaugea avant de répondre :
-Je suis une fille.
Puis, ne voulant probablement pas non plus se frotter contre un pokémon feu, elle s'écarta de nous et s'en alla disparaître derrière un arbre plus loin.
Problème résolu grâce au formidable Onix !
-Il est vraiment parti ?
Je regardai ma dresseuse et lui répondis distraitement.
-C'était un elle en fait.
Elle inspira avant de lâcher un immense soupir de soulagement.
-Beau boulot Onix. En route. Moins de temps on passera dans cette maudite forêt, mieux ça vaudra !

Et sur ces belles paroles, nous nous remîmes en route, ma dresseuse ouvrant la marche et moi veillant sur ses arrières. Je sentais que la forêt devenait de plus en plus humide, l'air devenait de plus en plus moite, ce qui n'arrangeait rien à sa puanteur.
Et soudain, je vis ma dresseuse descendre de quelques centimètres, accompagné par un cri de surprise.
-Mon pied ! On me dévore le pied, à l'aide Onix ! Aah, mon pied ! Je veux pas d'une jambe de bois !
Je contemplais son pied d'un air sceptique. Il avait en effet disparu. Dans une flaque de boue épaisse comme de la mélasse, dont la profondeur traîtresse était cachée sous la surface marron opaque et les brindilles. Comme toujours, le capitaine Onix de la Garde Willelmina se devait de sauver sa princesse. J'attrapai donc un pan de tissus de la tenue de ma dresseuse et tirai de toutes mes forces. Tombant en arrière, son pied se dégagea de la flaque terreuse mais elle m'écrasa dans sa chute.
-Oh pardon Onix !
-Aie ! Bordel !
-Oh, je suis contente que tu ne m'en veuilles pas ! Désolée. Je suis un peu nerveuse. Cette forêt n'est vraiment pas rassurante hein ?
Pas rassurante ? Puante oui !
-J'espère que je ne t'ai pas fait mal...
-Continue d'espérer, ça ne changera rien au fait que je me suis enfoncée une aiguille entre les griffes ! Ca pique !
-Bien si, tu n'as rien alors on peut y aller... Moins de temps on traînera ici, mieux ça vaudra...


Et j'étais bien d'accord avec elle. Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises. Au bout de nombreuses minutes, peut-être une trentaine après notre entrée dans cette immonde forêt, nous atteignîmes enfin l'étang auprès duquel poussait la plante tant convoitée. Un étang qui ressemblait plus à un petit lac, soit dit en passant. Et la végétation était luxuriante autour, profitant de la proximité de l'eau et de l'invasion de soleil dû à l'absence d'arbre.
Ma dresseuse avançait, écartait des branches et des ronces sur son passage et moi, je me prenais tout sur le museau lorsque ces dernières revenaient à leur place d'origine.
Stupide quête. Stupide forêt. Stupide maîtresse aussi !
Enfin, nous avions enfin atteint la fin de cette stupide traversée. Nous n'avions plus qu'à trouver cette fichue plante et nous en aller d'ici à la vitesse du vent.
Willelmina sorti un bout de papier de ses replis de tissus et me le montra. De toute évidence, c'était le bout de papier qu'elle avait décroché sur le panneau de quête de la guilde. Il y avait des écritures humaines, et un dessin de plante. On aurait dit un gros champignon à pois, avec un long pied, un épais chapeau sur lequel poussait de minuscules fleurs, telles les fleurs sur les cactus. Il manquait juste la couleur. Très sérieusement, mon humaine pointa le dessin du doigt et me dit :
-Regarde bien Onix ! Nous devons trouver cette plante ! Ouvre bien les yeux d'accord ? C'est une plante très rare et il faut qu'on la rapporte en entier, parce qu'ils ont besoin des fleurs qui poussent sur ce champignon.
-Ok !
Que répondre d'autre ? Comme si la traversée de cette masse de végétaux ne suffisait pas, il fallait en plus qu'on trouve une idiotie de champignon... Autant chercher une aiguille dans une botte de foin !

Nous nous mîmes donc à faire le tour de l'étang-lac dans l'espoir de dégoter l'un de ces spécimens tant convoités. C'était sans compter sur le filet...
On contournait l'étendue d'eau depuis quelques minutes quand ma dresseuse disparut soudainement de ma vue. Je craignis l'espace d'un instant qu'elle n'ait été engloutie dans une flaque de boue plus grande et plus profonde que celle qui lui avait dévoré le pied. Mais j'entendais encore ces cris. Qui venaient du ciel...
Je levais le museau et l'aperçus qui se débattait dans un filet de pêche pendu à un arbre à deux mètres du sol.
-Oniiix ! A l'aiiiide ! Fais moi desceeeendre !
Parce qu'elle s'imaginait que la Garde Willelmina était une unité aérienne ? J'attendis quelques minutes quelle se calme, elle finirait bien par trouver le moyen de descendre en utilisant ses mains et en défaisant des nœuds, non ? Elle trouverait bien le moyen de se dépatouiller de ces trucs d'humain. Elle en était une après tout.
Pour ma part, ce flet m'intriguait. Il était fait en corde épaisse, quoique usée. Assez épaisse pour soutenir le poids d'un humain. Un bon filet comme s'en servaient les pêcheurs qui ramenaient des dizaines de kilos de poisson frais au bord des mers. Je me demandais qui était assez stupide pour espérer attraper du poisson au beau milieu des arbres. Et je ne pensais pas qu'un quelconque pêcheur, même aussi cinglé que celui qui avait laissé son filet là, cherche à attraper une humaine qui se faisait traiter de tête de barloche dans son enfance.

Au bout de quelques minutes et après qu'elle se soit calmée, la concernée s'adressa à nouveau à moi. -Onix ! Regarde la corde là bas ! Si tu la brûle ça devrait libérer le filet ! Non, plus à gauche ! L'autre gauche !
Gauche, droite, qu'est-ce que j'en savais ? Je finis par trouver ce dont elle me parlait. Le filet qui la retenait était relié à tout un système de corde et de bâtons qui courait le long de la branche, le long du tronc puis sur le sol...
J'inspirais un coup...
-Non attends !
Et faillis me brûler la langue.
-Si tu brûles la corde je risque de tomber et de me briser un truc !
Elle sembla réfléchir un instant. Je décidai de m'asseoir en attendant qu'elle prenne une décision.
Qui ne se fit presque pas attendre.
-Onix ! Ronge la corde et reste y accroché ! Comme ça tu feras contrepoids et je descendrai sans me faire mal !

Une brillante idée, vraiment. Si seulement je n'avais pas fait 11 kilos tout mouillé et elle 40. Mais il fallait la sortir de là, et si je brûlais la corde, elle serait d'une humeur massacrante. Elle pourrait même oublier de me donner ma pâtée. Par conséquent, je m'exécutai.
Au final, elle tomba aussi brutalement que si j'avais brûlé la corde, et moi je me retrouvais à faire le balancier, accroché à un bout de corde trop loin du sol à mon goût.
-Aie... je crois que j'me suis cassé quelque chose...
Elle passa une main derrière le bas de son dos...
-Oh...
Et en sortit un pied de champignon brisé où pendouillait les restes d'un chapeau rouge complètement écrabouillé. Ne voulant pas subir le même sort, je me mis à gémir pour qu'elle me rattrape.
Péniblement, elle se remit debout, s'épousseta et se remit en route de mauvaise humeur.
-En avant Onix.
Quoi ? Et moi ? Elle voulait vraiment que je me brise une patte ou m'explose les coussinets en chutant ?
-Oh regarde Onix ! Elles sont là !
Et sans m'accorder plus d'intérêt, elle fonça vers ce qui semblait être... vers ce qui était une ronde de champignon. De gros champignons au pied gris, au chapeau verdâtre, avec des excroissances marrons dessus...
La plante que nous cherchions.
Elle comptait vraiment me laisser tomber là... ou plutôt elle comptait vraiment à ce que je me laisse tomber là... Avec un gémissement, c'est ce que je fis.

L'atterrissage fut rude. Je ne me cassais rien, mais le choc fut violent. Assez pour que je mettes plusieurs secondes à me relever, les membres endoloris, puis je rejoignis lentement ma dresseuse. Elle comparait l'une de ces choses végétales avec son dessin.
-C'est bien ça Onix.
-J'ai mal...
Elle en ramassa un, sembla réfléchir une seconde, puis un deuxième.
-On est jamais trop prudent. Mieux vaut en ramener un de secours, hein Onix ?
-J'ai mal bon sang !
Au moins, la bonne nouvelle, c'est que nous étions arrivé au bout de nos peines, métaphoriquement parlant. Le retour fut aussi pénible qu'à l'aller. Ma dresseuse ne tomba pas dans un autre piège idiot de la forêt, mais ma chute m'avait engourdit les membres et je sentais que j'allais avoir des ecchymoses sur tout un côté. Le pire nous attendait cependant en ville.


Le destinataire de la plante était l'apothicaire, dont la boutique se situait sur la Grand-Place de la ville. Par chance, le sac-à-fric et sa kirlia avaient cessé leur numéro et étaient allés voir ailleurs.
Fière de notre réussite, ma dresseuse entra dans la boutique. Le marchand, un homme maigre et anguleux, avec des yeux sombres et de courts cheveux poivre et sel, l'accueillit avec neutralité.
-Oui ? Que puis-je pour vous demoiselle ?
-Je viens pour l'annonce.
Et elle posa son bout de papier sur le comptoir, puis elle déballa notre trouvaille. L'apothicaire, qui semblait s'être déridé l'espace d'un instant, se mit à froncer les sourcils l'espace en voyant notre butin durement acquis.
-C'est une plaisanterie, demoiselle ?
-Non, c'est bien cette plante. Regardez, elle est comme sur le dessin, et on l'a trouvé là où c'était indiqué sur le papier... Donc je viens chercher la récompense.
L'homme s'emporta.
-Elles sont fanées mademoiselle ! Complètement inutiles ! Vous croyez que je vais empoisonner mes patients avec une plante pourrie ?
Je ne pouvais voir l'expression de mon humaine, mais elle lâcha un faible :
-Mais...
-Mais rien du tout ! La récompense était promise pour celui qui me rapporterait une plante correcte et utile !
Tristement et en désespoir de cause ma dresseuse répliqua :
-Mais comment j'aurais pu savoir ?
Ne décolérant pas, l'homme répondit, comme si c'était l'évidence même :
-Parce que les fleurs sont oranges pas marrons !
-Mais on a pris des risques pour la rapporter !
-Et vous croyez que je vais payer pour ne rien avoir au final ? Vous me prenez pour un poichigeon ? L'annonce spécifiait un champignon fleuri ! Il ne l'est pas ! Pas de champignon fleuri, pas de récompense ! Maintenant du balai ! Mon temps est précieux !

Déçue, les les larmes aux yeux, ma dresseuse fit demi-tour et s'enfuit jusqu'à la guilde. Notre mésaventure aurait pu s'arrêter là si elle n'avait croisé l'homme au manteau noir qui l'avait enguirlandé le matin. Voyant l'état de ma dresseuse, il exigea de connaître la raison de son chagrin et surtout si elle avait « au moins » fait quelque chose d'utile dans la journée. Ma dresseuse répondit qu'elle avait accepté une mission. Il nous conduisit dans la pièce lugubre du matin et ordonna d'avoir un compte rendu.
Qui le mit dans une colère folle, et pour la deuxième fois de la journée, ma pauvre humaine s'en prit plein la tête pour pas un écu. L'autre émit des cris comme :
-Et vous vous êtes laissée faire par ce marchand !
-Vous croyez que nos services sont gratuits, qu'on fait la charité ?
-Qu'on peut se permettre de perdre du temps sans être payé ?
-A quoi vous sert votre pokémon, à faire joli ?
Etc etc. Au final il convoqua un autre membre de la guilde, un type entre deux âge avec un scalpion pour aller exiger une récompense de l'apothicaire, car ce n'était pas de la faute de la guilde si ces plantes étaient passées, il aurait dû s'y prendre plus tôt et personne ne faisait perdre son temps ou ne se moquait de la Guilde Ténèbres, personne, c'était bien compris ?

Au final, la journée avait été décevante au possible, nous n'avions rien gagné sinon plus de honte. C'est cependant avec soulagement que nous gagnâmes la cantine de la guilde pour un bon repas, puis un lit bien chaud, ou tout du moins un bon coussin en ce qui me concernait.
Après tout, demain était un autre jour...