Bienvenue à Ga... lateia
Le voyage du retour fut sans événement pour Irulean. Elle dormit tout le long du trajet. Elle avait passé toute la nuit à danser pour les morts et à guérir les vivants. Elle n'avait plus de force.
Elle se réveilla dans sa suite, au palais impérial. Quand reverrait-elle donc l'Atanaqui ? Le futur était de plus en plus incertain. Mais pourquoi l'Empereur avait-il ordonné le repli des troupes ? Il est vrai que cela surprendrait les Mages, mais elle ne comprenait pas cette fuite. Elle sortit du lit à baldaquin drapé de longues voiles de soie blanche. Où est Xaphania ? se demanda-t-elle. Et Kilika ? Et Titiel ? Je suis tellement fatiguée...
Et elle se rendormit, perdue dans les brumes d'un destin de plus en plus incertain.
Kilika arpentait les rues de Galateia, troublé. Personne, semblait-il, n'était au courant de la proximité des Mages. Tous croyaient que la bataille avaient été gagnée par l'Empereur et que celui-ci faisait une petite pause avant d'écraser définitivement les Mages au plateau Indigo. Comment le monde a-t-il pu en arriver là ? Il y a quelque temps, tout était simple. Il vivait sa vie, étudiant dur pour devenir un bon roi pour les gens de Flamboyàr, vivant son enfance paisiblement. Mais brutalement, on la lui avait arrachée, cette enfance, et la situation n'avait fait qu'empirer vertigineusement.
L'Aigle de la Confédération avait encore frappé. Au moins, je ne suis pas seul. Irulean, elle, est là. Elle est forte. Et Xaphania et Titiel. Et, bien sûr, toujours présents, ses pokémon, Caninos et Ponyta. Il caressa la fourrure ardente du pokémon-chien. Les gens autour vivaient leur vie, ignorants du danger qui les menaçait. L'ignorance doit être une chose merveilleuse. Il se dirigea avec des pas lents et marqués vers le marché, alors que son Caninos trottait derrière lui, humant les odeurs nouvelles de la ville.
Quand elle se réveilla la deuxième fois, Xaphania était auprès d'elle, avec Titiel.
"Tu vas mieux, ma chérie ?" demanda-t-elle doucement. Elle semblait de très bonne humeur, bizarrement.
"Oui, merci. Je crois qu'il faut que je sorte, j'en ai assez de rester enfermée...
- Euh je crois que ça ne va pas être possible. L'Empereur veux que tu restes ici pour ta sécurité, insuffla Titiel.
- Je m'en fiche complètement, je suis Oracle, non ? J'ai le droit de sortir si je veux ! On y va."
Les portes volèrent en avant alors qu'elle s'avançait et son Kadabra la suivit en lévitant.
"Elle a changé... remarqua Xaphania.
- Elle te ressemble...
- Et c'est pour le meilleur ou pour le pire ?
- Ça se discute..."
Ils éclatèrent de rire et suivirent l'Oracle dans les rues de la capitale.
Laetitia avait été très profondément marquée par la bataille des champs maérauriques, et aurait préféré se reposer et réfléchir, mais l'Empereur lui avait demandé de jouer de la harpe devant la cour. Elle n'avait pas refusé. Maintenant, elle pensait qu'elle aurait dû. Elle devait composer une sérénade pour ce soir et elle n'avait pas la moindre inspiration ! Mais pourquoi l'Empereur voulait-il absolument qu'elle joue ? Il avait mieux à faire ! Il avait peut-être refusé de terminer cette bataille, mais la guerre n'était pas finie pour autant ! Et elle se demanda ce que faisait Irulean... Portée par ses pensées, ses doigts glissèrent lentement sur la harpe, faisant vibrer inintentionellement les cordes. Elle prit une profonde inspiration et se laissa porter par sa musique, tandis que son Leveinard effectuait une petite danse.
Raphaël contempla la ville du Galateia du haut de la terrasse du Palais. Le soleil se couchait. Les toits de sa cité chérie tournaient lentement de l'orange au rouge puis finalement au violet. Il regarda un homme et une femme qui riaient dans la rue en contrebas. Ils avaient si heureux. L'ignorance est décidément un cadeau, se dit l'Empereur. Puis, il rentra à l'intérieur pour écouter le concert de Laetitia.
Irulean, Titiel, Kilika et Xaphania avaient passé la journée dans les rues de Galateia mais ils revinrent au Palais à temps pour le concert de Laetitia. Toute la cour était présente. Les quatre amis s'assirent. Et le rideau blanc semi-transparent coulissa, dévoilant Laetitia. Elle était presque allongée, tenant sa harpe gracieusement. Elle prit une profonde inspiration. Ses doigts glissèrent et la mélodie résonna.
Elle joue merveilleusement bien, se dit Irulean. La mélodie commença joyeusement mais très vite elle s'emballa et partit s'enfoncer dans les graves, entamant une douce descente mélancolique. Kilika jeta un regard par la terrasse et vit un oiseau descendre lentement sur les toits de la ville. La mélodie devenait de plus en plus violente. L'oiseau descendait de plus en plus vite. La musique rappelait maintenant la bataille, chaque note étant un coup. Laetitia racontait la guerre à sa façon. La bataille musicale approchait de son paroxysme. Irulean repoussa ses cheveux en arrière et se concentra sur la musique. Les soldats symphoniques diminuaient, tous mouraient. La danse de la guerre s'accélérait. Les doigts de Laetitia pinçaient de plus en plus vite, ils étaient difficilement visible. Titiel lança un regard à Xaphania et lui prit la main tendrement. La guerre musicale approchait de sa fin. Quand finalement, toute la salle retint son souffle de stupéfaction et de saisissement de la beauté de la musique, Laetitia lâcha la note finale. Elle résonna pure, cristalline dans l'air lourd de chaleur. La salle était comme suspendue d'admiration. La note s'arrêta, rapidement. Soudain, un sortilège explosa à gauche de la loge de l'Empereur, faisant exploser un rang entier de courtiers. La panique saisit la salle. Tout les nobles courraient, apeurés pour échapper aux flammes. Une autre explosion retentit, plus à droite cette fois. Les cris de la foule étaient déchirants. Tout le monde fuyait le théâtre en flammes.
Irulean et Kilika se retrouvèrent poussés par la foule meurtrière. Quand ils purent enfin s'arrêter, Titiel et Xaphania étaient hors de vue. Partout, les gens hurlaient et les flammes dévoraient le palais. L'Oracle et son Guardien parvinrent à s'extraire de la panique et se retrouvèrent dans la rue. De là, il réalisèrent l'ampleur du désastre. L'aile nord du Palais impérial étaient en flammes et l'incendie gagnait le centre du Palais. Les sorciers-pompiers essayaient de calmer la géhenne, mais leur travail semblait inutile. Kilika était perturbé.
"Qui a bien pu faire ça ?
- Hum... Les Mages ?
- Peut-être... Peut-être qu'ils essayaient de tuer l'Empereur !
- Eh bien si c'est le cas, leur attentat a raté ! Mais ils ont détruit au moins un quart du palais..."
Ils contemplèrent le brasier quelques minutes.
"Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda Kilika.
- On devrait retrouver Xapha et Titiel, non ?
- Oui, mais où ?
- Eh bien..."
Irulean réfléchit un peu.
"A la maison des Kushanas ! s'exclama-t-elle.
- Allons-y !"
Ils se frayèrent un passage avec difficulté dans la foule paniquée. Un chariot trônait étrangement dans la populace. Le conducteur leur fit signe de s'approcher.
"Xaphania et Titiel m'ont demandé de venir vous chercher pour vous emmener à la maison des Kushanas" hurla-t-il.
Les deux jeunes acquiescèrent et montèrent dans le chariot. La porte claqua un peu trop brutalement.
Si Kilika et Irulean avaient été un peu plus attentifs et moins sonnés par l'incendie, ils auraient remarqués que la porte du char était ornée d'un aigle rouge sang.
Xaphania et Titiel s'étaient retrouvés au sud du palais, opposés par rapport à Irulean et Kilika. A peine étaient-ils sortis qu'une jeune Kushana leur signala que ils étaient convoqués par l'Octopogone. Ils coururent aussi vite qu'ils purent jusqu'au Temple, où le secrétaire les accueillit glacialement.
"Vous êtes en retard.
- Un incendie a éclaté au Palais.
- C'est sans importance, l'Octopogone est très occupé. Entrez."
Ils passèrent les portes de pierre. Elles se refermèrent lentement derrière eux. Dès qu'elles furent fermées, un halo violet entoura la salle. Il s'intensifia, dévoilant l'Octopogone sur son trône octogonal. Les deux Kushanas s'agenouillèrent.
"Ah vous voilà ! Levez-vous"
Ils obéirent. Les huit yeux les fixaient.
"Les temps sont graves... La guerre empire..."
Le regard insondable des yeux noirs sembla s'aggraver. Puis, il se reconcentra.
"Alors, que s'est-il passé au Palais ?
- Un incendie criminel dans le théâtre. Source magique. Nous supposons les Mages.
- Bien sûr, bien sûr... Et l'Oracle ?
- Nous l'avons égarée..."
Si une araignée était capable d'un soupir, c'est ce que fit l'Octopogone.
"Je sens l'avenir de plus en plus incertain. Le destin est brouillé par la fureur des hommes. Tout est obscur."
Il marqua une longue pause.
"Et ses pouvoirs ?
- Ils s'améliorent de jour en jour. Elle a posé un bouclier très puissant le jour de la bataille.
- Oui, je suis au courant. Hum... Et... Le Pouvoir ?
- Pas encore, mais cela ne saurait tarder."
L'Octopogone remua ses pattes. Il inspira de l'encens pendant un moment et se tut.
"Lune, eau, rêve, noir, songe, nuit, magie, perle , iris."
Il y eut un grand silence. Puis, l'Octopogone reprit la parole.
"Retrouvez l'Oracle, protégez-la et suivez l'Empereur."
Titiel et Xaphanie saluèrent et sortirent.
"Ah, que je souffre !"
Raphaël restait très calme. La panique ne faisait pas partie de ses réactions.
"Je suppose que les Mages sont à l'origine de cet attentat.
- C'est ce que nous pensons, mais pour le moment aucune preuve n'a été trouvée.
- Les dégâts ?
- Toute l'aile nord est détruite, il y a au moins vingt morts et le feu commence à être maîtrisé.
- Soit... soit... Cherchez les survivants.
- Bien, Votre Majesté."
Le capitaine s'éloigna. L'Empereur était las. Las de continuer ainsi. Malheureusement, il n'avait pas le choix. Il observa la ville endormie, les ruelles étroites, les formes indistinctes...
Laetitia vérifia qu'il n'y avait personne dans la rue puis frappa trois coups secs sur la porte. Fermement, sèchement, lourdement. Un petit battant s'ouvrit.
"Oui ?
- Les serres de l'Aigle n'atteignent pas la Souris furtive."
La porte s'ouvrit entièrement. Laetitia entra rapidement et la porte se referma. Elle repoussa sa capuche et observa la salle devant elle. Les murs étaient épais et blancs, selon l'usage de la ville. Une grande table en bois sombre occupait presque tout l'espace. Les nombreuses bougies cireuses n'arrivaient pas à dissiper la pénombre épaisse. Laetitia s'assit autour de la table. Les hommes et les femmes autour d'elle la contemplèrent.
"Mes frères, mes soeurs, il est temps d'agir. L'Empereur est menacé, donc faible.
- Oui, mais que faire ?"
Tous la fixaient.
"Les Mages sont encore loin. Il est encore temps de se préparer. Je propose que nous posions des runes sur les murailles, que nous renforcions notre présence dans le Palais, que nous essayions de glaner le maximum d'informations. Et finalement... que nous cherchions la Crypte."
La remarque finale souleva une vague de désapprobation.
"La Crypte ? C'est ridicule ! On ne sait même pas si elle existe !
- On peut toujours essayer..."
L'assemblée parut réfléchir.
"Soit, mais vous assumerez entièrement la charge de cette opération. Nous nous occuperons également de contacter notre correspondant à l'Atanaqui. Nask, vous vous occuperez des runes, et Sans de la récupération des informations. Ah oui, avons-nous des nouvelles de l'Oracle ?
- Elle semble a priori ne pas poser de menace. Au contraire. Ses pouvoirs sont très puissants mais je ne pense qu'elle en ait pleine conscience...
- Et où est-elle ?
- Sans doute au Palais, dans ses appartements. Quoique ils aient pus être détruit dans l'incendie...
- Soit. Nous nous retrouverons à la prochaine lune. Soyez bénis."
L'assemblée hétéroclite se dispersa. Ils sortirent au compte-goutte, pour éviter d'attirer l'attention. Précaution inutile, toute la ville était endormie et la rue était déserte. Enfin, du moins en apparence...