Epilogue : Désunion
Ils se réunirent tous en silence autour du corps de Pandore, à l'exception de Mewtwo qui resta à l'écart. Il se savait l'unique responsable de ce qui était arrivé à sa chère amie. Par sa faute, elle n'était plus, et il privait également ses proches de présence. S'il n'avait pas été là depuis le départ, Darkrai ne s'en serait jamais pris à elle. Sans doute serait-elle encore vivante à l'heure actuelle.
Il fut cependant étonnée que l'humaine vienne le chercher. Elle ne semblait pas lui en vouloir, contrairement à lui-même qui se méprisait pour ses actes. Elle l'entraîna par le bras pour qu'il se joigne à eux. Si elle n'était pas intervenue, il serait sûrement parti sans avoir revu une dernière fois le visage de celle qu'il aimait.
Personne ne prononça le moindre mot. Un silence de mort planait autour d'eux. Le corps de Pandore avait été déplacé pour qu'il cesse de baigner dans son propre sang. François s'en était chargé avec l'aide de Mew. Ils l'avaient déposé à côté de celui de son Dracaufeu qui, comme il s'y était préparé, n'avait pas survécu à l'assaut. Si les pokémon et leur dresseur se retrouvaient dans ce qu'il y avait après, alors la jeune femme était en compagnie de son plus vieil et fidèle ami.
Quant à Peter, il semblait plongé dans un cauchemar horrible, oeuvre maléfique de Darkrai, qui agitait son corps de tremblements. Désormais, seule une plume de Cresselia pouvait le délivrer de ce mauvais rêve dans lequel l'attaque Trou Noir l'avait emprisonné. Le groupe revint vers lui sitôt qu'ils eurent terminé de se recueillir auprès de la défunte.
Mewtwo fut le premier à les quitter. Il leur souhaita bonne chance pour l'avenir avant de prendre congé, s'envolant dans le ciel qui commençait à s'éclaircir, sans but, sans penser à rien d'autre qu'à la souffrance qu'il éprouvait. Son original ne tarda pas à le suivre, sans doute dans l'espoir de lui apporter le réconfort dont il aurait besoin au cours des mois, voire des années, pour un pokémon, à venir.
Seul Jirachi resta parmi les humains. François fixait le dracologue endormi sans même le voir, le regard aussi vide que l'esprit. Cynthia, elle, lui murmurait des paroles réconfortantes à l'oreille, probablement pour tenter de le ramener à lui, en vain. Finalement, alors qu'une lueur jaillissait dans ses yeux qui s'étaient pourtant ternis, elle se tourna vers le génie des voeux.
- Pourrais-tu exaucer mon souhait, si tu en as la force après un tel affrontement ? demanda-t-elle de sa voix très douce.
- Je crois savoir ce que tu désires, mais formule-le quand même, sans quoi je ne pourrais le réaliser.
- S'il te plaît, Jirachi, je voudrais une plume de Cresselia, afin de sauver Peter.
Le pokémon ferma les yeux un instant, pour s'entourer d'un halo de lumière blanche, comme à chaque fois qu'il utilisait son don. Pendant ce temps, Cynthia en profita pour sortir un objet de sa poche, une sphère métallique ronde, qu'elle alla glisser entre les mains blanches de Pandore. A son tour, François reconnut la pokéball d'Absol qui avait appartenu à Sören. Elle en effleura le contour du bout des doigts, avant de revenir vers le génie des voeux.
- Cresselia est en route. Elle va venir le soigner. Elle vous remercie également d'avoir vaincu Darkrai et est honorée de pouvoir vous rendre ce service.
- Je te remercie. J'en ai également un à te demander, Jirachi. Lorsque Peter se réveillera, explique-lui qu'il comptait énormément pour Pandore, et dis-lui aussi que... je regrette sincèrement.
Elle commença à s'éloigner, mais François, qui n'avait pas saisi le sens de ses paroles, la rattrapa d'un bon, la suppliant presque de rester, afin de ne pas les laisser seuls dans un moment aussi sombre.
- Je suis désolée. Il faut que tu sois fort, assura-t-elle, autant que ta soeur l'était. Je crois que... Nous avons tous perdu un être cher, aujourd'hui, ou une personne qui comptait infiniment à nos yeux. Je sais que le temps ne guérit pas les blessures, mais il apaise au moins la douleur. Nous devrions tous patienter, et attendre des jours meilleurs. Je suis ravie de vous avoir rencontrés, vous marquerez à jamais un pan de ma vie. J'espère de tout coeur te revoir un jour, en de meilleures hospices, lorsque le deuil sera moins présent en chacun de nous.
Elle lui posa la main sur l'épaule en lui adressant un sourire encourageant, avant de tourner les talons. Son dernier regard fut pour l'Arène de Jadielle, quartier général de la Team Rocket, mais aussi l'endroit où Sören avait longtemps vécu, puis elle disparut dans une rue de traverse.
François retourna s'asseoir à côté de sa soeur, seul. Après avoir rangé la pokéball d'Absol dans la poche où elle conservait les siennes, il lui prit la main, lui parla doucement, comme si cela la ramenait un peu à lui. Il était jeune lorsqu'ils avaient perdu leurs parents, et n'avait jamais compris comment, cinq ans après le drame, Pandore avait pu encore souffrir de leur disparition. Maintenant, il savait. Il sentait ce vide qui l'oppressait, ce sentiment d'avoir le sol qui se dérobait sous ses pieds. Il saisissait enfin ce qu'elle avait voulu lui dire pendant toutes ces années à propos de l'absence, qui ne s'étoffait jamais vraiment.
- Jirachi ! appela-t-il et le pokémon se dirigea presque aussitôt vers lui. Moi aussi, j'ai un voeu à te soumettre.
- Quel est-il ?
- Je voudrais rejoindre ma famille, si tu le peux.
La créature resta silencieuse un moment, comme s'il était en train de débattre mentalement pour savoir s'il devait accéder à sa requête ou lui enjoindre de poursuivre sa route en essayant de dépasser la perte et la douleur des évènements récents. Finalement, il acquiesça d'un petit signe de tête.
- Tu n'es pas censé me dire que c'est mal ? Que je ne dois pas faire cela ? Ou que j'ai encore toute la vie devant moi ?
- Si, je devrais... Mais je n'approuvais pas non plus le choix de Mewtwo lorsqu'il a effacé la mémoire de ta soeur. Quant à elle, j'ai refusé de la transformer en pokémon car c'aurait été contraire aux lois de la nature. Mais la nature est bien cruelle, et lorsque le sort décide de s'acharner, nous ne pouvons rien y faire. Lorsque je vois le résultat, où tout cela nous a menés aujourd'hui, je me dis que si j'avais enfreint ce qui pourtant ne doit pas l'être, cela n'aurait pas été pire. D'ailleurs, Pandore n'aurait peut-être jamais rencontré Darkrai. Mais il est trop tard pour regretter les choix passés, aussi ne me permettrai-je pas de critiquer celui que tu fais pour ton avenir.
Et le corps de Jirachi s'entoura d'un halo blanc, encore une autre fois, mais probablement désormais la dernière.