La nature de l'être de Cyrlight

- Sören ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna Cynthia en le voyant arriver à la bibliothèque, l'air furieux.
- J'allais partir, parce que j'ai quelque chose d'important à faire, mais j'ai tenu à vous en informer moi-même personnellement, aussi vous ai-je cherchée. Puisque vous semblez beaucoup apprécier Pandore, j'imagine que vous serez heureuse d'apprendre qu'elle a l'intention de vous voler votre petit ami.

La Championne le regarda, interloquée. Elle referma le livre qu'elle avait à la main pour se mettre debout. Le fils de Giovanni n'en fut pas impressionné pour autant, malgré les vingt bons centimètres qu'elle avait de plus que lui.

- Pourquoi viens-tu me dire cela ? demanda-t-elle d'une voix douce, ce qui le désempara.
- Mais... Euh... Parce que... Enfin...
- Tu es jaloux, Sören Rocket. Je le sais bien. Je vois comment ton regard brille pour elle à chaque fois que tu te trouves en sa présence. Mais tu pourras user de toutes les méthodes, si elle ne t'est pas destinée, elle ne t'aimera jamais, quoi que tu fasses.
- Mais elle est quand même amoureuse de Peter ! insista-t-il en croyant la faire réagir.
- J'en arrive donc à conclure qu'elle a du goût. C'est quelqu'un de formidable.

Cynthia allait lui effleurer les cheveux en signe d'au revoir, mais il repoussa son bras et tourna les talons, énervé que son plan pour semer la discorde entre le petit groupe ait si lamentablement échoué. La Championne était-elle à ce point aveugle pour ne pas voir ce que mijotait Pandore, que n'était bonne qu'à briser des coeurs ou des couples ?

[*]

La dresseuse regagna l'hôtel, en compagnie du dracologue. François, qui s'y trouvait déjà, les informa qu'il n'avait trouvé Sören nulle part et qu'il se demandait même s'il n'avait pas quitté le Plateau Indigo, pour quelque obscure raison.

- Il nous aurait abandonnés au moment où nous avions le plus besoin de lui ? s'exclama la jeune femme. Ce n'est pas son style.
- Il est le fils de Giovanni, intervint Peter d'une voix conciliante. La Team Rocket est en quelque sorte sa deuxième famille, il ne tenait peut-être pas à se battre contre eux. En parlant de cela, l'agent Caillou a vaguement évoqué deux sbires que vous auriez permis de capturer au cours de la nuit.
- Oui, et alors ?
- Ils ont passé plusieurs heures en salle d'interrogatoire mais, même s'ils savaient quoi que ce soit des plans futurs de Danny, ils n'ont pas révélé ses intentions. Nous en sommes toujours à la case départ. J'espère simplement que les recherches de Cynthia auront été plus fructueuses que les nôtres.
- N'y compte pas.

La porte s'ouvrit sur la déesse qui haussa les épaules en signe d'échec. Elle avait épluché en vain des dizaines de livres. Elle avait trouvé de nombreux documents attestants qu'il existait des machines susceptibles de rendre la vie à des pokémon fossilisés, mais aucun concernant le clonage.

- Je devrais peut-être aller voir Pierrick, affirma-t-elle en évoquant le Champion de Charbourg qui se passionnait pour les créatures préhistoriques. Je sais que les deux sujets n'ont pas grand-chose en commun, mais c'est pour l'instant ce qui s'en rapproche le plus. Je partirai demain matin. D'ailleurs, cela me fait penser... Sören est venu me voir à la bibliothèque.

Le regard de Cynthia, hésitant, passa rapidement de Peter à Pandore, et inversement. Leur expression respective ne traduisit cependant rien, probablement preuve qu'ils n'avaient rien à se reprocher. Ce n'était néanmoins pas à eux qu'elle en voulait le plus, si toutefois il y avait quelque chose, mais au fils de Giovanni, qui n'hésitait pas à jouer avec ses propres sentiments pour se venger de celle qu'il aimait.

- Je crois qu'il est parti, avoua-t-elle simplement sans donner plus de détail. Il m'a dit qu'il avait une affaire importante à régler.
- Comme cela, sans même nous dire au revoir ? s'étonna François.

A nouveau, la Championne haussa les épaules pour indiquer qu'elle n'en savait rien. Comme la soirée était déjà bien entamée et qu'ils étaient tous épuisés par les évènements successifs qui avaient eu lieu, ils décidèrent de suspendre leurs recherches jusqu'au matin suivant, où Cynthia retournerait à Sinnoh afin d'interroger Pierrick.

Le couple prit congé et ils quittèrent l'hôtel ensemble. Le silence s'installa progressivement entre eux : la déesse ne voulait pas être la première à le briser. Elle observait Peter du coin de l'oeil, qui ne semblait pas le remarquer. Voyant qu'il restait muet, elle se décida malgré tout à prendre la parole :

- Je crois que je serai éternellement reconnaissante à Pandore pour m'avoir sauvée la vie aujourd'hui, quoi qu'elle puisse faire par la suite.
- C'est vrai que c'était courageux de sa part, une chance que cette attaque Abri soit apparue au bon moment pour la protéger à son tour.
- Tu as déjà disputé un match contre elle ?
- Oui, et je l'ai battue de peu. C'est une excellente dresseuse. D'ailleurs, ce jour-là, je lui avais affirmé que toi-même tu te ferais une joie de l'affronter.
- C'est vrai que cela me séduit beaucoup, mais je ne voudrais pas nous mettre en rivalité, affirma Cynthia en observant minutieusement le visage de son compagnon qui ne laissait transparaître aucune expression déchiffrable. Oh, bon sang, tant pis ! Est-ce que tu as des sentiments pour Pandore ?
- Mais enfin, pourquoi me demandes-tu cela, de manière si soudaine, surtout ? Je l'apprécie beaucoup, c'est une excellente amie, mais que veux-tu qu'il y ait de plus ?
- Il y a de fortes chances pour qu'elle soit amoureuse de toi, et je ne voudrais pas savoir que tu lui as brisé le coeur, voilà tout. Après tout ce qu'elle a fait pour moi, je ne supporterais pas qu'elle soit malheureuse.
- J'avoue que j'ai du mal à te suivre, répondit Peter en hochant la tête. Nous avons toujours été honnête l'un envers l'autre, et si un jour je dois avoir une inclination pour quelqu'un d'autre que toi, je préfèrerais encore te le dire de vive voix plutôt que de te mentir. C'est comme cela que marche la confiance, non ?

Le regard de la Championne s'embua. Ces révélations l'avaient chamboulée plus qu'elle ne l'aurait cru. En effet, son compagnon était fidèle, mais pouvait-elle en dire autant ? Pouvait-elle nier que son coeur cessait peu à peu de battre pour le dracologue, alors qu'il se tournait vers quelqu'un d'autre ?

- Je suis vraiment désolée. Je regrette tellement, s'excusa-t-elle avant de se mettre à courir, en pleurs.

[*]

Malgré la fatigue qui l'opprimait, Pandore ne parvint pas à se rendormir après avoir fait un étrange cauchemar au cours duquel elle avait parcouru un univers obscur, poursuivie par une ombre mystérieuse. Elle choisit de mettre cela sur le compte du départ précipité de Sören qui l'avait bouleversée. Comment lui, son meilleur ami, avait-il pu partir de la sorte, sans même un avertissement ou un adieu ? Pourquoi avoir seulement prévenu Cynthia, qu'il connaissait à peine, et pas elle ? Pensait-il que cela adoucirait la séparation ?

Sachant qu'elle ne dormirait pas davantage, la jeune femme se leva sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller son frère, et quitta la chambre en essayant de ne pas faire trop de bruit avec la porte, avant d'emprunter l'ascenseur jusqu'au rez-de-chaussé. A l'exception de l'hôtesse d'accueil, le hall était désert. Elle se dirigea vers un distributeur, où elle acheta une barre chocolatée. Ils n'avaient pas eu l'occasion de dîner et son ventre criait famine.

Tandis qu'elle en déchirait l'emballage, elle regardait d'un oeil la télévision suspendue au mur, sur laquelle défilait des informations, avec le son très bas pour ne pas gêner les clients endormis dans les chambres juste au-dessus. Un flash info spécial était en train d'être diffusé. Piquée par la curiosité, Pandore s'avança pour pouvoir mieux entendre.

- Nous sommes en direct de l'Arène de Jadielle qui vient d'être attaquée par la Team Rocket. Blue et les autres dresseurs qui se trouvaient à l'intérieur s'en sont sortis indemnes, mais il semblerait désormais que l'organisation criminelle ait décidé d'occuper les lieux, sans doute en souvenir de leur chef disparu, Giovanni, l'ancien Champion de la ville.