Chapitre 12 : Pieds et poings liés
Pandore se redressa, empêtrée dans une longue masse de cheveux blonds. Un visage délicat d'une grande beauté était éclairé par le lampadaire, l'air interloqué. Mal à l'aise, coupable, la jeune femme lâcha sa prise avant de se mettre debout. Elle aida ensuite sa victime à en faire de même.
- Je suis vraiment désolée, Cynthia ! se confondit-elle en excuses. Je vous avais prise... Je ne sais même pas pour qui. Mon frère a disparu et je pensais qu'une personne aux mauvaises intentions rôdait dans le secteur. Comme je vous croyais à l'hôpital, j'étais loin de m'imaginer que...
- Je vais bien, Pandore. Cesse donc de te tracasser. Tu ne m'as fait aucun mal et je comprends parfaitement ton intervention. Je suis certaine qu'à ta place, j'en aurais fait autant. Il fait si noir : comment aurais-tu pu savoir qu'il s'agissait de moi et non d'un suspect potentiel ?
- Mais justement, que faites-vous là ? s'enquit la dresseuse en fronçant les sourcils d'un air soupçonneux. L'infirmière Joëlle ne devait pas vous garder en observation jusqu'à demain matin ?
- Elle a prévenu l'agent Caillou qui s'est aussitôt lancée à la recherche de ton frère. Cela n'a pas été facile, mais j'ai réussi à la convaincre de me laisser sortir pour vous aider à le retrouver également.
- C'est vrai ? Vous feriez cela ?
- Pandore, tes amis et toi m'avez été d'un grand secours. Qui sait dans quel état je serais à l'heure qu'il est si vous n'étiez pas intervenus pour me conduire au Centre Pokémon ? Je vous dois bien cela. D'autant que je suis la Championne de Sinnoh : même si je ne suis pas dans ma région, il est tout de même de mon devoir de faire régner l'ordre, surtout lorsqu'on sait à quel point Peter est pris par la Ligue Indigo. S'il intervenait de lui-même, les gens sauraient qu'il se passe quelque chose, alors que j'ai plus de chance de passer inaperçue. D'une certaine manière, du moins.
"Peter, jamais là quand on a besoin de lui !" enragea mentalement Pandore. Pourtant, il fallait de surcroît que ce soit Cynthia qui lui propose son assistance. Quitte à choisir entre l'un et l'autre, elle aurait presque préféré le prétentieux dracologue, plutôt que la parfaite petite amie de son rival. Cependant, l'important était avant tout de retrouver François. Elle se remettrait à jalouser la déesse après, une fois qu'elle saurait son frère sain et sauf.
- Pandore, regarde ! s'exclama la Championne en lui attrapant le bras d'une main tout en désignant le ciel de l'autre. On dirait qu'il se passe quelque chose.
Des flash étincelants à répétition, qui semblaient provenir d'une attaque de type électrique, illuminaient le ciel sans lune. Il fallut une seconde à la jeune femme pour se souvenir de ce que le fils de Giovanni lui avait dit avant qu'ils ne séparent :
- C'est Sören, il a dû trouver un indice... ou des ennuis ! Dépêchons-nous, Dracaufeu !
Le pokémon, qui avait continué de voler au-dessus de leur tête pendant qu'elles échangeaient leurs explications, perdit un peu d'altitude et sa dresseuse s'appuya sur sa patte arrière pour se propulser sur son dos, sur lequel elle atterrit en souplesse. A côté d'eux, Cynthia prenait place sur un Togekiss fraîchement sorti de sa pokéball, avant de se hâter en direction du signal.
- Que se passe-t-il ? s'écria Pandore tandis qu'elles surgissaient par-dessus le dernier immeuble qui leur obstruait la vue.
Sören se tenait debout sous un lampadaire, Luxray juste à côté de lui. Il tenait un objet entre ses mains, qui avait l'apparence d'un bout de tissu. La dresseuse le reconnut néanmoins aussitôt.
- Mais c'est le bonnet de François !
- Ton frère a dû emprunter ce chemin, nous sommes à une cinq centaines de mètres du Centre Pokémon. Quoi qu'il se soit produit, c'est ici que cela a eu lieu. Au fait, bonsoir Cynthia.
- Tu n'as rien trouvé d'autre ? Pas d'indice, rien qui puisse nous permettre de savoir ce qu'il lui est arrivé, ou l'endroit où il se trouve désormais ?
- Je suis désolé, mais c'est tout ce que j'ai. Pour l'instant, il ne sert encore à rien de paniquer. Cela ne ferait qu'altérer notre sens pratique et nous perdrions tous nos moyens, or nous avons besoin de toute notre concentration pour élucider ce mystère.
- Il a raison, Pandore. L'important, c'est avant tout de garder son calme.
- C'est facile à dire pour vous, s'offusqua la jeune femme, vous n'avez pas de frère ! Vous ne pouvez pas savoir ce que je ressens. Mais imaginez un instant que votre petit ami ait disparu, vous verriez dans quel état vous seriez.
Elle avait sifflé la dernière phrase sur un ton si venimeux qu'il ne passa pas inaperçu. Cynthia lui jeta un regard surpris, les sourcils légèrement arqués, tandis que la bouche de Sören se tordait dans en une grimace interrogative. Dracaufeu leur tourna le dos, depuis lequel Pandore marmonna qu'elle allait chercher de son côté, et qu'ils devraient en faire de même du leur.
[*]
François n'aurait su dire ce qu'il lui était arrivé. Il se souvenait vaguement d'avoir quitté le Centre Pokémon, puis plus rien. Avait-il perdu connaissance ? Il venait juste de se réveiller dans une pièce sombre, inconnue. Quelques secondes supplémentaires lui furent nécessaire pour s'apercevoir qu'il était attaché sur un sol crasseux, et qu'un bâillon l'empêchait d'émettre le moindre son.
- Ravi de voir que mon hôte est enfin réveillé. Comment te sens-tu, morveux ?
- Humph !
- Oh, c'est vrai, tu ne peux pas parler. C'est regrettable, comment vas-tu appeler au secours ? Personne ne va t'entendre. Ce serait tellement mieux si je te l'ôtais, tu ne crois pas ? Je me doute que tu es un garçon ingénieux, tu trouverais toujours un moyen d'avertir ta soeur que tu es en danger pour qu'elle vienne te porter secours. Dans ce cas, sois rassuré : nous voulons tout deux la même chose.
La pièce avait pour unique source de lumière la flamme chancelante d'une lampe à pétrole, mais la pénombre semi-ambiante n'empêcha pas François de distinguer clairement son ravisseur, un homme brun de grand taille qui arborait une blouse blanche et des lunettes. Un médecin ou un chercheur, à première vue, mais comment un homme de science pouvait s'abaisser à commettre quelque chose d'aussi bas qu'un enlèvement, et surtout pour quel motif ?
D'après ce qu'il venait d'assimiler, le hors-la-loi en avait après Pandore, mais pourquoi ? Qui était-il pour lui en vouloir ainsi ? Qu'attendait-il d'elle qui n'avait rien à offrir ? De l'argent ? Leurs parents ne leur en avaient laissé que très peu en héritage, et leur tuteur légal, le professeur Acacia, n'en avait pas davantage.
François tressaillit en voyant la lame d'un canif briller un instant à la lumière de la lampe. Par peur de voir ce que l'homme s'apprêtait à lui faire, il ferma les yeux. Il sentit la froideur de la lame argentée contre sa pommette rendue pâle par l'inquiétude.
- Ouvre les yeux et regarde-moi, morveux ! Je ne te ferais aucun mal... pour l'instant. J'ai besoin de toi vivant si je veux voir ta soeur arriver ici avant le lever du soleil. Comme je suis d'humeur généreuse, je vais enlever ton bâillon. Ensuite, je te conduirais jusqu'au visiophone au rez-de-chaussée. Là, tu pourras l'appeler au secours.
- Je ne ferais rien qui puisse mettre ma soeur en danger ! Comment osez-vous croire un seul instant que je l'entraînerai dans cette histoire ?
- Si cela peut te rassurer, elle ne court aucun risque non plus. Tout comme toi, j'ai besoin d'elle vivant. Elle a un objet qui m'appartient, et j'ai bien l'intention de le récupérer. Si vous coopérez avec moi, il ne vous arrivera rien.
- Et si nous refusons ?
- Vous deux me serez utile dans l'avenir, mais je n'ai jamais prétendu avoir besoin de Sören Rocket. Alors, un conseil, si tu tiens également à sa vie, tâche de te montrer bon comédien lorsque je te donnerai mes instructions.